Junji Ohno
Caractère
C’est la silhouette immobile d’un homme sur le toit d’un building. Accoudé à la rambarde, il se demande s’il a envie de sauter.
La question revient de temps en temps, juste comme ça. Junji ne s’en inquiète pas, n’en parle pas. Ne parle presque jamais de toute façon. Les mots sont dangereux. Ce sont des lames de rasoirs. Des bombes à retardement. Des poisons plus amers les uns que les autres. Il le sait, il en a fait l’expérience.
Mais les mots sont à double-tranchant. Les mots sont nécessaires. Nécessaires à son ambition, à sa protection. Alors il négocie avec lui-même. Vend un peu de son âme au Diable. Parle.
C’est comme la solitude ça. Longtemps, il a voulu croire qu’il serait mieux seul. La réalité s’est montré autre. Plusieurs fois.
Parlementer. Compromettre.
Ça l’énerve.
Ça l’énerve de de ne rien voir aller comme il le souhaiterait. Plus il tente d’organiser son monde, plus il perd le contrôle. Souvent, il a l’impression que le sol se dérobe sous ses pieds, que son cœur va exploser.
Ça non plus, il n’en parle pas.
Il avale une capsule et tout s’en va, tout prend fin.
Junji Ohno est à nouveau maître de lui-même. Junji Ohno est encore cet étudiant à la recherche de la perfection, qui l’atteint.
C’est la silhouette immobile d’un homme sur le toit d’un building. Accoudé à la rambarde, il se demande s’il a envie de sauter.
Non. Il ne croit pas.
Âge: 32 ans
Naissance: 13/09/1991
Départ: 20/05/2023
Présence en ville: 1 an
Nationalité: Japonais
Métier: Chirurgien
Statut civil: Célibataire
Groupe: Iwasaki-rengō
Section: Clan Iwasaki
Rang: Membre
Nom de code: Le scalpel
Taille: 1.73
Corpulence: Mince, maigre s'il est dans une mauvaise passe. Il n'est pas du tout du type intimidant.
Cheveux: Noirs
Yeux: Noirs
Autres: Pâle, porte parfois des lunettes.
Histoire
Junji n’a jamais eu l’impression de contrôler sa vie.
Il imagine : quand il était encore dans le ventre de sa mère, ses parents ont joué aux démiurges et ont tracé sa destinée.
« Tu vivras en Amérique. Tu recevras l’enseignement le plus prestigieux qui soit dès que babilleras tes premiers mots.
Tu deviendras juge, médecin ou politicien — car tu seras premier, partout.
Tu marieras une femme, gracieuse et discrète, et tu auras un ou deux enfants.
Tu seras respectés, droit, juste et honorable.
Tu ne te rendras jamais compte de la jalousie des autres, trop humble pour réaliser la grandeur de tes accomplissements.
Tu vieilliras et, contemplant ce qu’aura été ta vie, tu souriras. »
Commandements maudits ou rêves étroits. Junji ne parviendra pas à suivre la ligne tracée pour lui.
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Ça commence avec un sentiment d’imposture, la conviction qu’il n’a pas sa place dans ces écoles privées, qu’il n’est pas assez doué pour poursuivre en médecine.
Pourtant il enchaîne d’excellents résultats. Ses professeurs veulent le voir progresser dans cette voie.
Mais il n’est pas le premier de classe comme au high school, alors sûrement il n’est pas adéquat, il n’a pas sa place, parce que s’il n’est pas le meilleur pourquoi perd-il encore son temps—
Et c’est l’angoisse. Comme dans un mauvais rêve, il a beau se débattre, donner tout ce qu’il peut, il ne parvient pas se sortir la tête de l’eau. Il va se noyer, il va en mourir, et il fige. Fige une fois devant une feuille d’examen. Une fois de trop.
Il n’y a jamais eu d’eau, mais la crise de panique, elle, était bien réelle.
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— J’ai eu peur de les décevoir, a-t-il confié à un ami, un soir de fête. Alors je n’ai rien dit à propos de l’incident. Et j’ai décidé de trouver une solution seul.
— Et qu’est-ce que tu as fait ?
Junji a haussé les épaules et a pris une gorgée de bière.
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Comment appuyer sur le frein, quand tout va trop vite et que vous n’êtes pas le conducteur ? Comment naviguer entre la peur du crash et celle de continuer à avancer dans le noir ?
Fermer les yeux. Respirer.
Trouver un dealer sur le campus a été d’une facilité déconcertante.
Méthylphénidate, serpent accroché à la branche de l’arbre, l’a sauvé.
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Il survit au bachelor’s degree avec son nouvel allié. Poursuit sa course, retrouve sa forme, voit plus loin : un programme accéléré spécialisé en chirurgie médicale ouvre. Il applique. Quelques nuits blanches et plusieurs cachets ingérés, il passe l’examen haut la main.
En leur montrant la lettre d’acceptation, Junji a vu les yeux de ses parents briller pour une dernière fois.
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Il y a des évidences qui éclatent au grand jour dans le silence le plus complet.
Une conversation qui semble aller nulle part entre des amis de la famille.
Un compliment sur Junji et son dévouement pour ses études.
Une blague sur son célibat qui dure depuis tellement longtemps — il ne sortirait pas avec une fille en cachette ?
En tout cas, c’est pas comme si un garçon comme lui, parfait en tout point, pouvait être aux hommes.
Et Junji qui mord ses lèvres.
Les rires qui se taisent.
Ils ont compris.
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Ce n’est pas tout à fait une expulsion. Plutôt une « nouvelle étape ». L’impression que, pour le bien de chacun, il vaudrait mieux se séparer.
— Je ne suis pas si différent de mes parents en ce point. Je préfère le silence. On n’oublie pas, mais on fait semblant.
— C’était pas un peu violent quand même de te laisser sans le sou ?
— J’ai l’air malheureux ? Je vis dans un sous-sol, mais au moins j’ai la paix…
Son ami n’a pas osé répondre. Il y a quelque chose dans les yeux de l’étudiant qui l’inquiète depuis un temps. Alors il l’a pris dans ses bras. Et Junji a craqué.
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Ses mains se sont mises à trembler. Comme ça. Side-effect de sa consommation quotidienne de ritalin et parfois d’amphétamine, quand son dealer n’a plus rien. Perturbation infime, délicate, mais assez pour tuer quelqu’un par accident.
Il est à deux doigts d’obtenir son diplôme et la pression est à son plus haut niveau.
Il ne peut pas chuter.
« Écoute, j’ai une proposition à te faire. Je connais un mec qui fait des bêtabloquants artisanaux, pour les musiciens entre autres, exactement ce qu’il te faudrait. Mais le prix qu’il demande est haut et je sais que c’est pas encore l’idéal pour toi… Mais t’es presque déjà un chirurgien. Alors, si tu acceptes de faire quelques interventions sur des gens qui ne veulent pas se faire voir à l’hôpital, on pourrait arranger ça comme un échange de services… »
Et bien sûr, il accepte.
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En un claquement de doigts, sa vie est revenue sur les rails.
L’argent a renfloué les coffres ; assez pour qu’il emménage dans un loft digne de ce nom. Il pratique dans un hôpital reconnu. Ses collègues le respectent. Ça ne va pas plus loin.
En un claquement de doigts, tout pourrait s’effondrer.
Junji a maigri, beaucoup. Il ne dort plus très bien ; quand il n’est pas réveillé à trois heures du matin pour opérer sur un mafieux, ce sont les cauchemars qui l’assaillent. Il sourit, il fait son travail, mais il tremble de peur : un jour, sûrement, on découvrira son imposture, on lui retirera sa licence, ce sera le procès, la honte, la fin…
Chaque jour, il se lève avec l’impression d’être un funambule au-dessus d’un gouffre.
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Un soir, une collègue s’est inquiétée pour lui. Voilà un mois que Junji est en vacances forcées. Son état a inquiété ses collègues puis la direction. L’éloigner a semblé la meilleure chose à faire. Mais depuis, aucunes nouvelles de lui.
Elle s’est rendu chez lui et, n’ayant pas de réponse en sonnant, cognant, appelant, elle a poussé la porte. Juste pour voir. Et elle s’est ouverte.
Sur la table de la cuisine, elle retrouve un déjeuner à peine entamé et deux comprimés d’amphétamine.
Junji, nulle part.
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Il ne comprend pas ce qu’il fait à Pallatine. Pourquoi il est là. Qu’est-ce qu’on lui veut. Pourquoi y’a plein de gens qui l’évaluent, qui le privent de ses calmants, merde ! Eux non plus ne semblent pas savoir ce qu’il fait là.
La phase de sevrage prend fin. Sa retenue aussi. Il est jeté dans la ville comme un chien errant.
L’idée de poursuivre une meilleure vie ne lui a même pas traversé l’esprit. Il lui a suffi de comprendre le fonctionnement de cette ville pour choisir son clan : celui qui offrira le plus de facilité.
L’Iwasaki est une bouée de sauvetage, une manière de reprendre sa vie là où il l’a laissée. Chirurgies et trafic d’organes en échange de sa drogue. Au fond, il reprend sa vie où il l’a laissée. C’est mieux ainsi.
Edit mai 2018 : Toujours sans pseudo. Maintenant 21 ans. Lettres. Je vous <3 fort. Y'a quelques petits détails qui ont changé dans l'histoire de Junji, mais il reste le même.