Jun Itô
Caractère
Si Jun n’était né humain, il serait né poème.
Mais homme, il était, oui, un être éphémère incapable pourtant de s’effacer : revenant sans cesse, tel la marée. Il était de ces vagues fébriles venant se briser à vos pieds, n’osant tout à fait les mouiller.
Il était de ceux qui ne se voyaient pas et qui pourtant, dissimulaient un charme serein.
Il était non pas la montagne et ses secrets, non pas la campagne et son soleil brûlant, mais l'air sensible accompagnant l'océan, caressant le sable blanc.
Jun était un pétale.
On abusait de l'amour de Jun, et Jun si gentil mais si souffrant avait décidé de s'amputer et de ne plus aimer.
Des fois dans le noir et à moitié conscient, la sueur perlant sur son front il se mettait à hurler. Ses draps s'emmêlaient autour de ses membres et se secouant dans tous les sens il finissait par se réveiller, trempé.
Jun était gentil mais dans sa gentillesse une douleur subsistait. On avait fracturé sa confiance, et depuis convalescent, il n'avait réussi à guérir de la chute qu'avait été son abandon.
Jun était une pièce et s'il semblait n'avoir qu'une face, sous cette dernière en existait une autre.
Jun amer, Jun colère.
Jun dont l'esprit intelligent l'empêchait d'être innocent.
Jun trop doux, si flou.
Âge: 19 ans
Naissance: 23/06/2000
Départ: 21/06/2018 (dernier jour printemps)
Présence en ville: 2 ans
Nationalité: Japonaise
Métier: Traducteur pour les gangsters (principalement), sinon vendeur (homme à tout faire) au cinéma de Kingslaugh
Statut civil: Célibataire
Groupe: Gangsters
Rang: Simple membre
Taille: 173cm
Corpulence: Mince
Cheveux: Bruns
Yeux: Bruns
Autres: Ambidextre, tatouages à l'intérieur de ses deux poignets
Histoire
Sur ses poignets existait la preuve d’une famille l’empêchant être heureuse : et il aurait aimé prendre des crayons et les lui colorier, lui faire oublier ce qu’elle n’arrivait à outrepasser. Il aurait aimé, oui, la secouer puis la prendre dans ses bras, lui demander de pardonner. Car comment avancer si nos colères nous liaient au passé ? Il l’aimait et son amour était désespéré : il l’aimait et aurait voulu être heureux pour tous les deux.
L’océan la lui rappelait : c’était comme si dans chaque goutte d’eau encore elle persistait.
S’il avait été artiste, Jun aurait peint sa mort un millier de fois, aurait ajouté des fleurs tout autour d’elle et l’aurait rendue si belle que tous auraient pleuré son départ. Elle était un ange retourné au ciel.
Se dire qu’il était le seul à penser à elle, le seul à qui elle manquait terriblement faisait monter en lui une colère sans fond. Il détestait ce présent où on lui avait arraché sa soeur qu’il aimait tant, détestait ce présent injuste où tous étaient si indifférents. Lui avait mal, comme un jour elle avait eu mal, mais la vie, pourtant, continuait d’avancer sans se soucier de leurs états d’âme.
Ils étaient vivants mais être morts n’aurait rien changé. Et c’était peut-être pour ça qu’elle était partie.
Car son départ n’avait créé aucune vague, suscité aucun remous.
Sauf chez lui, sauf pour lui.
Sa famille, aussi, s’était comme réveillée. La torpeur les animant d’ordinaire les avait soudainement quitté, et réalisant l’absence d’une fille qu’ils n’auraient plus jamais, ils s’étaient entredéchirés.
C’est de ta faute, que s’étaient mutuellement accusés ses parents. Mais n’étaient-ils pas tous deux coupables ? Un avait depuis longtemps cessé d’aimer sa femme, l’autre s’était réfugiée dans le travail, créant dans la maison un vide omniprésent. Indifférents, ils avaient tourné le dos à leurs enfants, qui seuls, n’avaient eu d’autre option que de s’occuper l’un de l’autre. Endossant plusieurs rôles à la fois, ils étaient devenus le pilier l’un de l’autre : mais l’un restant trop jeune, il n’avait réalisé à temps que sa soeur s’épuisait et que bientôt elle s'effondrerait.
Et endeuillé, Jun avait repensé au passé.
Né dans le brouhaha d’une ville surpeuplée, il avait appris à marcher dans un vingt mètres carrés. C’était sa soeur, qui de trois ans son ainée, lui avait tenu les mains et l’avait accompagné. Elle aimait lui pincer les joues et riait lorsque ne comprenant pas les règles de bienséance, il lui appuyait sur le nez. Elle avait les cheveux noirs et fasciné de les voir si longs, les lui attrapait parfois, content. Elle était son premier souvenir, et il était le sien.
Nombreux furent les après-midis passés ensemble, encore plus ceux où sortant, sachant que les parents ne seraient pas rentrés avant la nuit, ils prenaient le vélo pour se promener le long de la rivière. Elle s’asseyait sur la selle et lui sur le porte-bagages, les pieds au vent. Ils roulaient jusqu’à voir le coucher de soleil embraser le ciel, aimaient voir ces mille et une couleurs se refléter sur l’eau, qui scintillante les invitait à se rapprocher. Alors, s’arrêtant, ils se laissaient tomber puis rouler dans l’herbe, se chamaillant tout en cherchant un trèfle à quatre feuilles. Ce n’était que quelques heures plus tard qu'ils réalisaient que la nuit déjà était tombée et qu’il allait falloir rentrer.
Et alors qu’elle pédalait à toute vitesse, Jun levait la tête et observait les étoiles, heureux d’être ici, heureux d’être en vie.
Mais à présent à genoux, faisant face au portrait de sa soeur, il se disait qu’il ne l'était plus.
Il n’était plus content, non — n’était plus rien si ce n’était de vagues relents de douleur.
Comment pourrait-il oublier l’image de son corps transi, en chien de fusil sur le carrelage de la salle de bain ? Il se revoyait encore rentrer à l’appartement, signaler sa présence tout en enlevant ses chaussures, ne trouvant anormal qu’elle ne lui réponde pas. Les parents travaillaient et l’imaginant en train d’étudier, il était allé chercher de l’eau dans le frigo. Ce n’était qu’après avoir posé son sac dans sa chambre et se dirigeant vers la salle d’eau pour s’y laver les mains qu’il s’était arrêté. Pourquoi était-elle entrebâillée, alors qu’il pouvait y entendre plus loin le clapotis du bain ? Timide, il s’était avancé, murmurant le prénom de sa soeur tout en ouvrant plus grand la porte.
Il était tombé et le craquement de ses membres contre le sol carrelé ne lui avait arraché aucun cri. Blême, son regard avait fait un aller retour entre le bain rempli à ras bord, coulant au sol, et le corps inanimé à ses pieds. Il avait contemplé sans comprendre le rouge quoique dilué qui progressait sur la mosaïque, traçant une toile d’araignée qui peu à peu venait à lui, cherchant sans doute à l’y piéger.
Et il avait eu beau soudain sursauter, se précipiter à quatre pattes vers elle, la secouer tout en lui demandant de se réveiller, prenant son visage pâle entre ses mains... rien n’y avait fait. Elle était restée là, molle, tout contre lui : belle et immobile, belle mais immobile. Elle n’avait explosé de rire, n’était venue lui pincer le nez en lui disant qu’elle plaisantait, qu’il pouvait arrêter de pleurer. Elle l’avait abandonné et il ne comprenait pas pourquoi elle l’avait fait. Se détestait de ne pas avoir compris, de ne pas être rentré plus tôt, de ne pas lui avoir demandé. Il se détestait et se sentait détesté et ne croyait plus en rien car alors l’amour lui apparaissait comme une vaste plaisanterie. Elle lui avait menti en lui disant qu’elle l’aimait car si elle l’avait vraiment aimé elle ne l'aurait pas laissé ainsi, seul, recroquevillé : elle ne l’aurait pas laissé sans un mot, sans un baiser.
Elle ne l’aurait pas laissé seul mener sa vie.
Elle était partie toute habillée, gisant au sol, comme endormie. Elle était partie les poignets offerts au ciel, ces poignets qu’il aurait voulu embrasser et colorier, qu'il aurait voulu bander pour elle. Elle était partie et il réalisait qu’elle ne reviendrait pas. Il ne pourrait pas lui dire à quel point il l’aimait à quel point il la trouvait belle et à quel point lorsqu’il la regardait tout se calmait. Elle lui évoquait un tableau, mais jamais plus il ne pourrait lui en décrire les couleurs.
Ai avait choisi de partir et il aurait aimé pouvoir la suivre. Il aurait aimé comprendre, aurait aimé endosser sur ses épaules tous ses malheurs pour la porter toute entière vers le bonheur. Mais elle ne l'avait pas attendu et avait décidé de poursuivre sans lui. Tant pis.
Les saisons passaient mais pour Jun elles avaient perdu leurs saveurs. Il n’y avait que le printemps, qui de ses pétales tombant doucement sur la rivière, arrivait à lui arracher un sourire. Sa mère avait divorcé de son père, et le trainant par un bras elle l’avait jeté dans la voiture, l’emmenant bien loin de la ville et des souvenirs de son enfance. Il allait entrer au lycée et derrière lui laissait tout ce qu'il avait jamais aimé. Sur le trajet, il avait regardé la pluie puis les rizières, avait regardé la mer. Et c’était dans cet élément qu’il retrouvait sa soeur, dans ce bleu quelque peu transparent qu’il se revoyait avec elle, à vélo, riant.
Ce n’était que Sora qui un jour venant à lui avait réussi à faire resurgir en lui des émotions qu’il pensait depuis longtemps taries. Il avait de par ses sourires et sa présence continue, réussi à rendre la terre aride qu’était Jun en un milieu un peu plus fertile. Il avait après tout, avec le temps, oublié comment être lui : comment rire et comment comment vivre comme tout jeune garçon de son âge. Il avait, oui, oublié comment courir, les bras ouverts en grand, à hurler dans les champs. Il était une âme creuse dont l’intelligence déchiffrait le visage de ses camarades avant même qu’ils ne s’approchent de lui. Il analysait et perçait leur esprit, cherchant leur motif et la faille. Celle qui lui prouverait, qu’une fois de plus, cette affection n’était que factice : qu’il n’était qu’un trop bon trop con facile à apprécier car il n’avait de mal à rendre les sourires, à prêter son oreille et compatir.
Jun était doux mais dans sa douceur subsistait quelque chose de terriblement froid. Car si l’amour l’avait longtemps défini, une méfiance nouvelle l’animait. Il aimait aimer et aimait donner, mais ne s’attendait plus à ce qu’on lui retourne cet amour. Il se savait trahi d’avance, finissait bel et bien jeté et ne réagissait plus lorsque seul, on se moquait de lui. Lui auparavant si bavard était devenu silencieux et c’était dans ce silence qu’il avait appris à s’épanouir. Il était devenu un reflet de ses parents, un reflet de tout ce qu'il n'avait jamais connu.
Mais Sora n'avait pas abandonné et son amitié peu à peu avait continué à réveiller Jun. Il s'était surpris à penser à lui, à vouloir lui parler. Il s'était surpris, oui, à croire en quelque chose de réciproque et à ne pas chercher à déchiffrer, à comprendre, à découvrir les motifs qui le poussaient à ainsi venir à lui. Et il s'était ouvert, tel un bourgeon après un trop long hiver : lui avait parlé de ses parents, avait cependant négligé sa soeur, cette plaie restant trop vive, trop douloureuse.
Sora avait été une sorte de soleil et pourtant au fond de lui Jun aurait aimé en avoir plus. Il était cette plante qui peu à peu devenait dépendante.
Il aurait aimé tout lui donner en retour, aurait aimé lui offrir les plus beaux cadeaux, lui faire découvrir mille paysages : mais le printemps touchait à sa fin et toujours il ne savait pas.
Il aurait pu rester avec lui, tout simplement.
Mais inconstant, un homme était venu lui parler et il était parti. Le dernier jour du printemps
À quelques jours d'un anniversaire qu'il ne fêtait plus car sa soeur n'était plus là pour le lui souhaiter.
Et c'était arrivé à Pallatine qu'il avait réalisé que, peut-être, il avait commis la plus grande des erreurs.
Sorti de l'institut au bout de six mois, il s'était retrouvé, un soir, coincé dans les embrouilles d'une diaspora dont il ne voulait rien entendre. Et quelle erreur que d'aimer tant les langues, quelle erreur que d'en connaitre tant : quelle erreur d'avoir jeté un oeil vers eux et de s'être retrouvé piégé, coincé.
Quelle erreur qu'avait été ces deux années.
Au final sa vie ne se résumait qu'à ça : des choix, mais beaucoup d'erreurs.
Il aurait aimé revoir sa soeur.
Il aurait aimé revoir Sora.
Aurait aimé être un Jun qu'il n'était pas.
Ji-Young
Toujours aussi timide et awkward (et bavarde). ♥