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mend you ❃ naga

Sam 17 Sep 2016 - 21:40
i feel numb in this kingdom (make me better)
+ naga
C'est une de ces sorties au grand air dont Sara a besoin, ces derniers temps.
Oh, il ne faut pas s'y méprendre -elle adore la ville. Elle en avait peur quand elle est arrivée mais, comme beaucoup d'autres choses, ça s'est transformé en fascination puis en affection. Qu'importe les quartiers, les influences, les différences -Sara était de celles qui se nourrissent des nouvelles choses, de celles qui s'abreuvent des petites rues non pas sombres mais colorées et tellement étroites qu'on ne peut qu'y marcher et ah, elle aimait la ville une fois qu'elle a su la connaître.
Ça ne veut pas dire pour autant que toute peur a disparu.
Alors parfois, elle revient au rivage -comme quand elle le faisait plus petite. Elle ne se rappelle plus la sensation de l'eau au bout de ses pieds mais elle sent parfois encore le froid qui lui paralyse les orteils et on lui a dit que ça s'appelle l'hallucinose et que c'est une douleur qui restera -mais elle, tout ce qui lui fait mal, c'est sa propre imagination, pas celle de son corps.
Alors parfois, elle revient au rivage -les grandes étendues d'eau ont toujours eu de quoi calmer les esprits ardent et de dégivrer ceux de glace ; Sara ne sait pas à quelle catégorie elle appartient. Elle avance sur son fauteuil en silence, des lunettes de soleil qui cachent ses yeux, des cheveux au vent et un de ces gilets en maille suffisamment chaud, dans un camaïeu de bruns. Il y a des bateaux, de la couleur, et de la foule -elle devrait être à son aise, Sara, mais même quand elle avance il y a de nouveau ces sensations fantômes. Elle pourrait s'incliner, toucher le bout de ses pieds, mais elle sait très bien que ça ne changera rien. C'est cruel, parfois. Pas tout le temps.
Elle a des sourires et des yeux qui pétillent derrière les verres de ses lunettes, le vent qui lui égratigne la peau les boucles qui se détendent face aux embruns et des mots qui s'envolent avec tout le reste. Elle ne les connait pas, ces gens, comme elle ne connaît pas ceux de la ville -mais là-bas, il y a une proximité, une habitude à la méchanceté qui transforme toute forme de sourires en déclaration de paix. Pas ici, pas ici, et parfois, elle ne sait pas bien s'y prendre, Sara.
Elle s'approche d'une de ces coques amarrées, au hasard, elle fait face à ce qui la sépare de la mer -un bateau et des hommes. Toujours des hommes. Bonjour. Toujours des hommes, et rarement le césium.

Jeu 22 Sep 2016 - 21:57
Pas de repos pour les braves.
Les poissons pullulaient dans les eaux limpides de Pallatine comme s'ils attendaient d'être pêchés. Peu importe combien ils en prenaient un jour, ils revenaient le lendemain, toujours aussi nombreux. Parfois, lorsque Naga prenait une pause, et qu'il était chanceux, il pouvait apercevoir les bancs disparates frôler leur navire. Quelle aberration de la nature que cette diversité, mais si les hommes, malgré les différences, se mélangeaient en ville, alors pourquoi pas les animaux ? L'explication paraissait simpliste, et c'est pour cette raison précise que Naga l'acceptait. Il avait passé trop d'années, passait encore trop d'années à se poser de grandes questions existentielles et philosophiques qui le coupaient de la vie. Pourquoi était-il là, alors qu'il désirait être ailleurs. Pourquoi jugeait-on les gens à leur travail, leur niveau d'études, et non leur caractère, leurs passions, leur richesse intérieure. Ces questionnements étaient vains : les poser ne permettait pas d'avancer d'un pas. Naga était donc décidé à prendre les choses comme elles venaient, telles qu'elles venaient. Il n'en était pas encore au carpe diem, mais ses efforts étaient touchants. Peut-être, un jour, serait-il récompensé.

« Gamin, tu iras aider les collègues comme tout le monde demain. »

Naga fit la grimace. Il était normalement censé être de congé le lendemain. Mais il était encore en période d'apprentissage, même si celle-ci se concluait pratiquement, ce qui signifiait qu'il ne pouvait pas encore protester. Cela n'aurait de toute façon pas été perçu. Ravalant sa frustration, Naga se contenta d'accepter, comme si cela n'avait aucune importance.
Oh, mais ne croyez pas que Naga n'aimait pas la mer : ce n'était peut-être pas une grande histoire d'amour au départ, mais il avait fini par l'apprécier. Ce métier un peu pénible lui plaisait. N'eut été la solitude qu'il ressentait, et foule de petits détails qui l'embêtaient, Naga se serait encore plus heureux ici maintenant que là-bas auparavant. Certaines choses, comme l'amour maternel ou paternel, ou encore le soleil se reflétant sur la banquise jusqu'à l'aveugler ne se remplaçaient. La mer ne faisait que calmer ces douleurs.
La mer lui aurait manquée s'il en avait été privé. Naga le savait désormais avec certitude. Lorsqu'il partirait, il ne resterait pas loin d'elle bien longtemps. Il ne savait pas s'il rejoindrait l'Atlantique ou le Pacifique, mais cela n'avait pas vraiment d'importance. Pas autant de savoir qu'il n'aurait pu s'en passer.
De même que ses jours de congés, récompense indispensable qui lui permettait enfin de profiter des joies de la ville et de se refaire une belle garde-robe pour la saison à venir.

C'était une petite voix toute douce en comparaison des ordres rauques qui fusaient dans tous les sens, et pourtant, Naga, de même que les autres marins, ne put la manquer. Parce qu'elle était si différente de leur milieu, mais aussi si différente du reste du monde. On l'appelait princesse, cela voulait bien dire quelque chose. Sa différence, c'était plus que son fauteuil : c'était une force unique que la jeune femme portait en elle.
La figure de la princesse Améthyste était plutôt populaire, même parmi ses collègues, mais Naga figurait parmi les admirateurs les plus sincères de Sara Krizman. Lui qui manquait parfois d'empathie envers les malheurs des autres n'avait pu que se sentir touché de voir comment une si jeune personne surmontait le handicap, même si elle était l'ambassadrice d'un groupe rival - non que cela dérangeât le jeune Altermondialiste, en fait. Elle était un peu comme une star locale, que l'on adulait pour tout un tas de raisons.

« Bonjour, princesse. » répondirent le chœur des pêcheurs et Naga.

Quelques uns d'entre eux s'avancèrent pour demander un autographe. Parce qu'il aimait se sentir supérieur aux autres, Naga préféra attendre un peu avant de s'approcher. Il courait le risque de la voir se lasser et partir sans lui parler, mais jamais il ne pourrait se fondre dans la masse de ses collègues lors d'une occasion pareille.
Il voulait briller.

hrp:
Sam 1 Oct 2016 - 12:15
for now i am winter
+ naga
Elle ne connaît pas vraiment le vent, Sara.
Elle sait ses différents noms - embruns alizés khamsin et tant d'autres encore, mais quand ils soufflent elle les entend sans les comprendre.
Il y a du vent, aujourd'hui, comme il y en a toujours sur la jetée ; il accompagne les vagues qui s'écrasent sur les constructions de pierre et de béton, les pousse à ce suicide qui n'en est pas un, les encourage à se désolidariser du reste et Sara aime l'eau, mais elle la préfère calme. Calme et non salée, de celle qui ruisselle sur ses cheveux sans les accrocher sans les dérouler -ses ondulations se portent comme un héritage qu'il ne faudrait étouffer.
Elle sait qu'elle détonne, ici, Sara. C'est un monde bien ancré sur ses jambes qui prend racine dans ces ports et elle -elle, elle roule sur les pavés en se faisant secouer de tous côtés, elle attrape sa couverture pour être sûre qu'elle ne s'envole pas et c'est dans des endroits comme ça qu'elle se rend compte -c'est difficile à dire.
Il y a de la foule, comme il doit toujours en avoir. Ils s'arrêtent, la saluent et lui sourient ; elle essaie de leur répondre comme la marée basse répond à la haute comme l'eau répond à la lune et elle sait que c'est une histoire de champ magnétique mais elle n'a jamais rien trop compris. Elle sort son stylo du bout de ses mitaines de laine mais elle ne veut pas écrire, non, elle veut toujours parler, Sara, parce que c'est plus spontané -pas forcément plus vrai, sûrement pas, mais plus transparent. Elle ne sait pas si les gens réfléchissent tant à ce qu'ils disent, ici.
Elle n'espère pas.
Parfois ce n'est pas assez, d'espérer.
Et elle sourit, elle avance, elle en voit partir à la mer en faisant ces grands signes de main, elle en voit d'autres qui reviennent et d'autres encore qui s'affairent -ils ne s'arrêtent que pour la regarder passer, l'anomalie. Elle sait que ce n'est pas négatif. C'est une vérité qu'elle a depuis longtemps avalé, un état qu'il n'y a pas à tergiverser ; mais il y a ces muscles ces jambes qui s'affairent ces bateaux qui tanguent et qui paraissent bien plus difficile à manœuvrer qu'un pauvre fauteuil non rouillé -dans la mer, ils n'ont pas de jambes non plus.
Il y a toutes sortes d'hommes, par ici. Moins de femmes -elle a un peu de tristesse qui transparaît quand elle s'en rend compte. Ils sont de toutes tailles et de toutes peaux ; certains sont flamboyants tandis que d'autres sont plus discrets et ah, elle ne peut que s'intéresser un peu plus à ces derniers. Elle avance, une conversation toujours sur le bout de ses canines souriantes, et parfois elle s'arrête, regarde, discute. Elle se trouve devant un garçon -elle ne l'aurait pas jugé adulte sans connaître son âge, Oz faisait plus adulte- et elle plante ses améthystes dans ses yeux clairs. Elle ne sait pas d'où il vient, mais sûrement pas de chez elle. Que faîtes-vous ? Il y a de la sympathie dans ses mots et des sourcils qui se lèvent pour mieux faire comprendre sa question -elle veut savoir, mais pas seulement pour maintenant, plutôt pour tout le temps. Qu'est-ce qu'il fait le matin en se levant, qu'est-ce qu'il fait en mer jusqu'à quelle heure, qu'est-ce qu'il fait le soir quand le sol ne tangue plus, qu'est-ce qu'il fait de ses deux jambes et -c'est difficile à dire, mais il y a des moments où elle se sent encore plus différente.

Sam 1 Oct 2016 - 14:19
Le troupeau affamé des admirateurs de la princesse était récompensé par le stylo gracieux qui dessinait les autographes tant désirés. Naga essayait de se convaincre qu'il n'était pas jaloux. Ces petits bouts de papier avaient tant de valeur pour ceux qui y croyaient. Ils disaient qu'ils avaient rencontré la princesse, qu'elle avait posé le regard sur eux et que, pendant un instant, ils étaient heureux. Ils repartaient avec un sourire doux, comme si quelque part, cette jeune fille en fauteuil avait su atténuer leur rudesse par sa présence. Il ne devait pas céder au pincement de son cœur qui voulait, lui aussi, se raccrocher à des morceaux de papier. Il ne devait pas se laisser à de si futiles sentiments. Un papier s'envolait, se déchirait, se brûlait. Ce n'était rien, non, ce n'était rien.
Alors Naga préférait observer. Il le savait, les souvenirs étaient éternels, et il chérissait tout particulièrement les siens, sachant qu'il n'aurait peut-être pas l'occasion de revoir de son vivant ceux qu'il aimait. Il préférait scruter Sara, chaque mèche de ses cheveux que le vent faisait flotter, tous les creux de son visage innocent, qui apportaient une légère ombre à ses traits, cherchant à apercevoir des yeux qui, pour l'instant, ne le voyaient pas. Naga voulait graver son visage dans son esprit, son vrai visage, pas celui que les photographies montraient. Elle paraissait plus petite en vrai, mais peut-être était-ce le fauteuil, qui la plaçait plus bas que les grands gaillards qui l'entouraient. Il ne savait pas vraiment quelle taille elle faisait. Cela faisait partie des mystères qui l'entouraient.
À force de la regarder, Naga en oublia les pêcheurs qui, peu à peu, leur précieux sésame obtenu, s'en allaient. L'espace s'éclaircissait autour de la princesse, ce que Naga ne comprenait pas. Un papier valait-il vraiment plus que la perspective de discuter avec elle ? Le monde bougeait, mais avec elle, il était le seul immobile, toujours attendant, ne sachant pas quoi il attendait d'ailleurs, mais attendant toujours. Il était inévitable, qu'à un moment, elle le remarque.
Et cela ne tarda pas à arriver.
Naga eut enfin l'occasion de regarder ses yeux. Il en connaissait bien la couleur violette depuis longtemps, puisqu'il n'avait pas manqué de regarder ce détail sur son écran. La couleur était peut-être moins prononcée en réalité, sans doute parce qu'aucun photographe n'était là pour la signaler, mais il y avait tant d'autres choses qui habitaient dans ces yeux que Naga ne se sentit pas déçu. Elle l'impressionnait un peu, à le regarder aussi directement, soit parce qu'elle ne savait pas l'effet qu'elle avait sur les gens, soit parce qu'elle s'en fichait et voulait autre chose. Il en fallait beaucoup pour perturber Naga, mais ce regard-là y arrivait parfaitement. Elle était si directe qu'il se demandait comment il était censé répondre à sa question.

« Nous pêchons. »

Sa réponse, simple et concise, lui tira une grimace intérieure qui ne transparut pas sur son visage. Ce que Naga n'aimait pas dans cette réponse, c'est qu'elle exprimait totalement son statut de pêcheur et faisait de lui un homme rude qui n'avait besoin que d'un seul mot pour s'exprimer, puisqu'il ne connaissait pas les autres. Comme si son univers se résumait à une unique activité et qu'il ne voyait pas ce qu'il aurait pu dire d'autre.
Elle aurait une mauvaise image de lui, probablement. Comment ne pourrait-elle pas le juger mal ? Elle, la princesse choyée de l'Institut, qui était habituée à manipuler l'image qu'elle renvoyait d'elle, n'allait-elle pas trouver Naga grossier ? Il avait ses habits de pêche, il sentait le poisson, il était décoiffé, et son propre regard était bien moins perçant que celui de Sara. Il n'avait rien pour lui montrer qui il était vraiment, et cela le dérangeait.
Naga toussa pour cacher son embarras et prépara une réponse un peu plus élaborée.

« C'est compliqué, princesse, comme question. Je pourrais te répondre de façon technique, en t'expliquant comment nous préparons les bateaux, ou comment nous déchargeons les poissons, mais ce serait aussi pénible à expliquer qu'à entendre. Et puis, je ne suis pas sûr de tout comprendre... » avoua-t-il avec une modestie qui ne lui ressemblait pas.

Naga avait envie de s'approcher et de se mettre à la hauteur de Sara, pour éviter de baisser les yeux sur elle. Il regarda rapidement autour de lui, mais comme il s'y attendait, rien ne pouvait lui servir de support solide et confortable. Avec un léger soupir d'exaspération en se résignant à s'asseoir par terre. Le sol n'était pas si froid en cette saison. Il était plus bas que la princesse, désormais, mais cela ne le dérangeait pas. Il avait l'habitude d'être grand.
Le sourire de Naga aussi s'était fait doux : tout ce qu'il pouvait y avoir de moqueur, ironique ou sarcastique en lui avait décidé de refluer comme la marée. Il n'en avait cependant pas besoin pour exprimer toute sa suffisance : même assis par terre, les vêtements sales et l'apparence débraillée, on voyait bien que Naga avait une confiance absolue en lui-même. Si le sourire s'était fait doux, le ton, lui n'avait pas changé.

« J'ai une autre question pour toi. Qu'est-ce qu'une princesse vient faire dans un port ? Si tu veux voir la mer, il y a des plages où on peut être bien plus tranquille qu'ici. J'aimerais comprendre pourquoi tu viens t'embêter avec nous. »

Ce n'était pas méchant, surtout de la part de Naga. Mais il avait l'impression qu'une sirène était apparue parmi les poissons, et que sa place n'était pas ici. Il avait l'impression qu'elle n'aurait pas dû être là, qu'elle méritait. Forcément, il était surpris, Naga. Il essayait de comprendre quelle était cette distorsion de la réalité.
Mar 25 Oct 2016 - 12:57
là où les mers se croisent
+ naga
Elle comprend le pourquoi des papiers, Sara. Elle sait que ce n'est pas grand chose, un carré d'espace blanc barré de lettres d'un noir corbeau, mais pas néfastes -jamais néfastes. C'est le contraste qui se perd au fil du temps. Le papier qui jaunie, l'écriture qui use les yeux ; ça ne paraît plus si net, plus si angélique, et on le regarde comme on glisse les yeux sur le carrelage : sans capter les détails, et pourtant on le garde (au coin d'un meuble, au coin du cœur puis au coin du feu)
La vérité, c'est que les souvenirs ne sont pas éternels.
Elle y a cru aussi, Sara, et elle se disait qu'elle aurait ses expériences passées pour se rappeler mais elle a tout oublié. Elle n'a pas fait assez attention, et même si elle se souvient s'être presque gelé les pieds, elle ne sait plus la sensation de vide différente du membre fantôme, celle de la brûlure par le froid et celle du froid par le chaud. Et quand bien même -elle croit se souvenir d'un insecte qui grimpait sur sa cheville, doucement, puis bondir. Une sauterelle, sûrement.
Peut-être pas.
Et même les cheveux de sa mère -elle sait qu'ils ressemblent aux siens, sans être identiques, et elle ne sait déjà plus leur longueur mais elle continue de penser à peu près comme moi parce qu'elle déforme les choses comme tout le monde le fait.
La vérité, c'est que rien n'est éternel -elle offre des sauts dans le temps, du bout de ses papiers blancs.
Et elle rit doucement -un son aussi cristallin que ses deux yeux clairs, aussi droit que la réponse du garçon de glace. Il n'avait pas tord, et en même temps pas totalement raison : ils pêchaient, sûrement, mais la désillusion dont il faisait foi prouvait qu'il y avait beaucoup plus derrière. C'est une manière de désintéresser les gens, de changer de sujet, de ne pas s'attarder sur ce qui ne fait pas plaisir -elle accepte, Sara.
Mais il se reprend -oui, c'est compliqué, et pourtant il a donné une réponse simplissime, et c'est un autre de ces paradoxes que Sara ne jugera pas. Elle hoche la tête en silence, les lèvres sagement rangée en un sourire, de ceux qui veulent découvrir mais n'osent pas trop en demander. Elle comprend. On lui demande souvent ce qu'elle fait vraiment, Sara, et elle change sa réponse à chaque fois -ce n'est pas si facile, et si elle était poète elle dirait qu'elle écoute les battements de cœur.
Mais elle n'est pas poète, elle n'est qu'une fille en fauteuil.
Et lui, il n'est pas intellectuel, il n'est qu'un pêcheur.
Il le lui dit en s'asseyant, et Sara a le regard qui brille -c'est la lumière qui s'y reflète, c'est le nouvel angle de vue, celui sous lequel seuls les gamins la voient, presque normale.
Après tout, c'est ce qu'elle est. Normale.
Et elle rit à l'entente de son pseudo -elle en est consciente, l'entend à longueur de journée, mais elle a parfois du mal à réaliser que c'est bel et bien elle qu'on appelle princesse. Elle, la petite slovène qui a comme trône un tas de métal et de plastique. Elle hésite parfois entre l'ironie et l'espoir.
Je ne viens pas m'embêter, sûrement pas. Elle remet la couverture sur ses jambes, que le vent marin fait tressauter sans arrêt. Il y a bien plus de vie ici. Le ton est calme, antithèse presque coupante face à celui du jeune homme -elle est confiante, aussi, Sara, mais d'une manière plus douce. Elle ne cherche pas à prouver qu'elle a toujours raison, juste qu'elle n'a parfois pas tord. A moi. Pourquoi dîtes-vous ne pas être sûr de comprendre alors que c'est ce que vous faîtes tous les jours ? Elle veut savoir ce qui manque dans ses rouages.

Mar 1 Nov 2016 - 12:29
Certaines personnes étaient profondément gentilles. Il ne suffisait que de quelques mots de leur part pour le comprendre. Hafiz, le colocataire de Naga, était ainsi. Il faisait tout ce que Naga lui demandait et ne lui demandait pas, sans se plaindre, parce que la servilité était plus qu'une habitude pour lui, elle était profondément inscrite dans ses gênes. Parfois, l'Inuit trouvait cela gênant, surtout que son comportement exemplaire avait tendance à éveiller la culpabilité d'un homme plus jeune et certainement parfait. Mais souvent, Naga s'en réjouissait, car il en profitait largement.
La princesse était elle aussi profondément gentille, mais Naga remarqua rapidement qu'elle ne l'était pas comme Hafiz. Elle ne la laissait pas à la merci des autres, mais lui donnait un semblant d'autorité. Cette gentillesse-là ne pouvait qu'être respectée. Alors que les paroles de Naga auraient pu être narquoises, presque blessantes, celles de la parole calmaient toutes ces émotions négatives. Il en oubliait l'amertume avec laquelle il traitait la vie lorsqu'il ne faisait pas l'effort d'être un Altermondialiste convenable.
Elle était comme un baume venant apaiser des blessures dont il n'avait pas conscience, mais qui l'avaient toujours fait souffrir... Elle ne voyait pas dans le chaos du port quelque chose de désagréable ou de cacophonique. Elle y voyait la vie. Naga n'avait jamais pris la peine de regarder son lieu de travail sous cet angle de vue. Ses collègues étaient des rustres, les bateaux sentaient le poisson, et s'il n'y avait de commerce maritime pour développer les infrastructures portuaires, le port était déjà un monde à part entière. Ce n'était pas qu'un espace délimité par des clôtures pour symboliser l'emprise de sa diaspora sur le territoire : c'était un microcosme dont il faisait partie.

« C'est... une façon de voir les choses. » concéda un Naga enfin calmé.

Il ne pensait pas être capable de porter un tel regard sur le monde, mais le simple fait d'avoir été capable de partager le sien pendant quelques instants l'avait rendu bien plus riche intérieurement que quelques minutes plus tôt. Pouvait-il la remercier de ce cadeau qu'elle lui avait offert involontairement ?
Non, pas vraiment. Naga n'était pas du genre à remercier aussi facilement. Il ne croyait pas à la gratuite du monde.
La question qui vint le prit au dépourvu. Lui qui il y a quelques instants n'avait pas véritablement compris la beauté d'un port devait désormais expliquer pourquoi il ne comprenait pas tout. Une part de Naga avait envie de répliquer qu'il manquait de finesse pour comprendre, mais il était trop honnête pour répondre ainsi. Ce n'était pas vraiment la finesse ou le tact qui faisaient défaut à Naga, c'était l'intérêt qu'il portait aux choses et l'importance qu'il leur accordait. Naga aurait eu beaucoup moins de problème avec les autres s'il faisait véritablement attention à eux.
Mais il commençait à comprendre comment pouvait fonctionner la princesse, et il se rendit compte que ce n'était pas forcément un mal s'il ne connaissait pas tout. Après tout, Naga n'avait-il pas le droit, lui aussi, d'avoir des faiblesses ?
Sa réponse n'était peut-être pas honnête. Mais elle n'était pas trompeuse pour autant. Elle était le résultat d'un processus de découverte enclenché par Naga en réaction aux paroles de Sara. Rien d'étonnant à ce qu'il y ait quelques tâtonnements par-ci par-là. Ce n'était peut-être pas la réponse qu'il considérait comme la plus juste, mais c'était vraiment celle à laquelle il voulait croire.

« Parce qu'un travail, aussi insignifiant soit-il, ne peut être totalement compris par personne. Il y a des tas de détails qui m'échappent dans ce port. Je ne sais pas qui l'entretient. J'ignore tout du travail de logistique qui a derrière. Je ne sais même pas comment un moteur. Je peux parler de ce que je sais, de ce que je fais, car c'est quelque chose que je crois maîtriser, mais je n'en suis pas encore au stade où je connais tout de mon travail. Et je n'y serai peut-être jamais... Parce qu'on n'a peut-être pas besoin de tout connaître, après tout. Il vaut mieux garder une part de mystère ? »

Naga ne le montrait pas, mais le désaccord de la princesse à cet instant précis aurait été un coup dur à assumer. Il était fier de lui, fier du chemin qu'il venait de parcourir, et il aurait difficilement accepté le fait qu'il se trompait une fois de plus. Naga avait l'impression que la vie s'acharnait à lui prouver qu'il avait tort et il aurait aimé, pour une fois, avoir raison.

« Dis-moi, tu aimerais visiter le port ? Nous ne pourrons pas aller partout avec ton fauteuil, mais ce n'est pas grave. Ce sera plus sûr en tout cas que de rester seule au beau milieu des pêcheurs. Les accidents, ça peut arriver. »
Dim 6 Nov 2016 - 14:49
the grass would grow, aiming at the sky
+ naga
C'était une façon de voir les choses, pour sûr, mais c'était aussi tellement plus. C'était une manière de voir tout court, une manière de sourire de doucement s'attendrir de vivre aussi, de continuer surtout, et Sara ne le savait pas -comment aurait-elle pu, alors que tout est si inné chez elle.
Elle sourit, comme à son habitude, mais cette fois peut-être qu'elle a plus l'air d'un enfant qui n'a pas trop compris sa leçon, qui n'a pas assimilé ce qu'on vient de lui dire. Oh, elle sait que tous ne partagent pas sa vision des choses, mais parfois elle a du mal à se dire que certains ne voient pas la vie alors qu'elle fait tant de bruit.
Et elle l'écoute, lui, alors que sa voix ne porte pas tellement, alors que les vibrations ne sont qu'un écho parmi tant d'autres ; il y a les vagues qui reviennent sur les pontons, l'écume le sel et la lune, parfois ça la fait frissonner quand elle voit que tout est si lié, parfois elle se dit que la chance a été épuisée lors de la construction de l'univers et que oh, elle ne peut pas se plaindre d'avoir deux jambes de chiffon parce qu'elle aurait tout aussi bien pu ne jamais exister.
C'est drôle, tout de même. On lui avait dit que l'Humanité s'était construite sur un tas d'erreurs. Que c'est comme ça que tout a pu évoluer -on lui a parlé de mutations, de guerres et de révolutions.
Il n'y a pas besoin de toujours tout savoir. Non -et elle est bien d'accord avec ce que le garçon de la glace lui a dit, avec beaucoup de mots qui s'enchaînaient les uns aux autres ; Sara trouve qu'il manque un peu de légèreté quand il parle de rêveries. Et il n'y avait pas besoin de me parler de ce que vous ne saviez pas. Ça lui paraît logique mais ah, elle comprend, parce qu'elle sait que souvent les questions dérivent et qu'elles vont trop loin ; Sara a appris l'endurance et c'est sûrement une de ces qualités qu'on garde toute sa vie.
Elle se retourne quand elle entend ses paroles, déjà prête à arpenter le pont selon ses désirs, un amusement au bout des cils -ah, elle n'est jamais vraiment seule, Sara, elle a toujours des yeux sur elle et elle sait aussi qu'il y a interdiction de la toucher. Ce n'est pas pour autant qu'elle est rassurée, mais elle se dit que la peur est de ces émotions qui confirment votre humanité.
D'accord, mais vous me poussez, alors. Elle a la tête qui se tourne pour avoir un aperçu de son expression, alors que la sienne est joueuse. Ne parlons pas d'accident, on dit que ça attire le mauvais œil. Et elle a la nuque qui se renverse en un gloussement -elle a l'air si innocente. Personne ne devinerait que c'est un mot qui lui crève le cœur, accident.

Ven 11 Nov 2016 - 21:37
Elle avait été d'accord avec lui.
Quel soulagement.
La tension imperceptible qui serrait le cœur de Naga se dissipa au moment même où il se rendait compte qu'il venait effectivement de comprendre quelque chose par lui-même - même si on l'y avait aidé. Ce n'était pas le début d'un processus de transformation de son mode de vie, non. Le changement ne serait pas aussi brutal à cause ou grâce à une étape aussi douce. Ce n'était qu'une possibilité : la possibilité pour Naga de sortir de son égoïsme et de regarder le monde d'un regard nouveau, comme il l'espérait depuis longtemps. Et, comme toute possibilité, elle pouvait être vaine, ne jamais se réaliser. Cette première étape pouvait ne mener à rien du tout. Ou à une évolution incomplète qui ne ferait que le faire souffrir.
Naga, en cet instant, ne pensait pas à son avenir, ni à la raison pour laquelle il était venu à Pallatine. Par conséquent, il ne se disait pas qu'il pouvait changer de point de vue sur le monde pour trouver le repentir qu'il cherchait tant. Tout ce qui comptait en cet instant était Sara, la frêle Sara, présente devant lui, sensible au vent marin et à la fraîcheur qu'il apportait, deux éléments auxquels il ne portait plus du tout attention.
Elle acceptait sa compagnie, mais lui demandait de pousser son fauteuil sans que cela passe pour une exigence à laquelle Naga ne pouvait se soustraire. Ce n'était rien pour l'Inuit : il avait l'habitude de soulever des charges lourdes, s'offrant une fine musculature plutôt agréable sans avoir à se ruiner dans de coûteuses salles de sport, ce n'était donc pas une jeune fille à pousser qui lui poserait problème. Et puis, l'idée lui plaisait bien : même s'il ne pouvait peut-être pas se tenir à côté d'elle comme cela lui aurait plu, Naga pouvait malgré tout la regarder. Et il y avait comme quelque chose d'intime dans le fait de pousser son fauteuil, une preuve de confiance, peut-être, mais aussi un lien invisible qui se créait entre celui qui poussait et celle qui avançait grâce à lui. Plus qu'un guide, plus qu'un bon samaritain, un... ami. Peut-être. Il aurait bien voulu.

« Avec plaisir, princesse. » déclara-t-il d'un ton chevaleresque en prenant place.

La douleur que pouvait provoquer le mot d'accident chez Sara passa inaperçue. Naga n'était pas encore capable de percevoir ce que les autres s'efforçaient de garder pour eux. Il se fiait aux paroles, aux sourires, parfois au regard, quelques fois à des sous-entendus, mais pour le reste, pour l'empathie, pour l'intuition, Naga était aveugle et insensible. Encore un point qu'il aimerait modifier chez lui. Mais d'après Sara, le mot pouvait attirer le mauvais œil, et pour un marin, les superstitions avaient un sens. Il ferma les yeux en s'excusant :

« Tu as raison, ce n'est pas un mot très prudent. Allons-y. »

Ses mains sur la poignée du fauteuil, Naga commença par rapprocher Sara du bord de mer. Il devait faire attention au matériel qui pouvait entraver la progression et n'avança pas trop rapidement. Mais la vitesse aurait gâché la visite : pour apprécier les choses, il fallait prendre le temps de les regarder.
Naga n'avait rien d'un guide touristique et ne savait pas vraiment où emmener Sara. Lorsqu'il lui avait proposé de lui montrer le port, pas un instant il n'avait envisagé d'itinéraire possible, jusque quelques destinations floues qui n'étaient pas forcément toutes accessibles. Mais il y avait bien un endroit qu'il connaissait bien et qu'il avait envie de faire découvrir à Sara. Il s'arrêta devant le bateau duquel il venait de descendre. Posant la main sur la coque, Naga se sentit étrangement calme, comme si le bateau était, d'une façon ou d'une autre, sa deuxième maison.

« C'est là que je travaille en ce moment, expliqua Naga, apaisé. La Somptueuse. Je ne sais pas trop ce qui leur a pris de nommer un bateau comme ça, surtout qu'il ressemble à tous les autres et qu'il commence à rouiller... »

Sa voix manquait cependant de conviction : critiquer celle qui lui permettait de naviguer était plus difficile que prévu. Peut-être éprouvait-il une forme d'affection pour ce véhicule nautique. Sara avait son fauteuil, Naga avait son bateau. La relation que chacun entretenait avec son objet était bien entendu différente, mais on ne pouvait que chacun des deux objets les caractérisait parfaitement.

« Est-ce que tu as déjà eu l'occasion de monter sur un bateau de pêche ? demanda Naga. Je ne pense pas pouvoir t'emmener dessus, mais si on va plus loin, on peut peut-être voir les ateliers de fabrication, si tu veux. »
Dim 20 Nov 2016 - 9:52
i don't need dollar bills to have fun tonight
+ naga
Elle n'avait pas senti la légère tension dans l'air, elle n'a pu que constater un de ces sourires calmes que l'on fait sans trop s'en rendre compte -jusqu'à ce qu'on le capte, et qu'on l'enfouisse plus profondément ou au contraire, qu'on lui fasse honneur. Sara pensait que ce garçon était de ceux qui enterre tout, persuadé que rien ne peut remonter.
Il accepte dans le plus grand des calmes et ah, elle a presque l'impression de l'avoir dompté sans savoir qu'il était initialement sauvage -c'est une magie qui s'opère à l'insu des intervenants, à nouveau, quelque chose qu'il vaut mieux ne pas savoir. Après tout, elle était princesse dans l'esprit du chevalier. ((et pourtant, comme elle ressemblait à un pourfendeur de dragons))
Et il acquiesce encore, renchérit même ; elle sourit, Sara, même en offrant son dos sa nuque les racines de ses cheveux à son nouveau compagnon, persuadée qu'on sent ces choses-là et ah. Il la fait avancer, doucement.
Elle a toujours cette sensation étrange lorsqu'on la pousse. Cette façon de ne pas être en contrôle, de savoir qu'elle ne peut pas réagir, une confiance donnée de manière un peu précipitée. Parfois elle a l'impression de léviter, d'être au-dessus du sol oh de tout survoler ; elle essaie de capturer cette légèreté mais elle n'a pas d'ailes. ((elle l'a senti quand elle est tombée))
Elle écoute sa voix soudainement chargée d'émotions, elle regarde le bout de ses doigts qui connaissent par coeur les lignages les mouvements du bois les échardes qui ressortent ; ses empreintes ne font sûrement plus qu'un avec la coque, à force d'être effacées.
Ce n'est pas l'apparence qui compte, après tout. C'est presque surnaturel, pour elle de dire ça, emprisonnée dans un fauteuil en acier. Ni même le nom. Oh, elle n'est princesse de rien ; la Somptueuse ne l'est peut-être que pour son propriétaire mais c'est assez.
C'est assez.
Alors elle a les lippes qui se plissent, de l'affection qui rayonnent -parfois, elle ne sait pas trop contrôler ce genre de choses. Jamais, non. Elle a vécu sur une terre entourée de terre, avec une eau qui faisait peur et des marins qui mourraient plus qu'ils ne revenaient -elle est toujours restée loin, quand on la regardait, et quand elle s'échappait, elle ne faisait que tremper ses pieds dans la surface gelée. Vous pourriez me porter. Elle a les yeux fixes et l'attente qui se dessine ; oh, ce n'est pas une obligation, plutôt une proposition, et elle n'a pas envie de s'imposer de
déranger
C'est à votre bon vouloir. Elle se réadosse contre le moelleux de son fauteuil ; elle n'a pas tenté de toucher la coque du bout des doigts. Il y a des choses qui sont trop loin -alors elle imagine, et ah. Ce n'est pas si grave, au final.

Dim 20 Nov 2016 - 14:35
Sara avait raison : ce n'était pas l'apparence qui comptait. La Somptueuse était peut-être un vieux rafiot à l'insupportable odeur de poisson, elle n'en restait pas moins somptueuse aux yeux de Naga. Il en caressait la coque comme l'on caressait la joue d'une femme, avec beaucoup de délicatesse malgré les aspérités qui frottait contre sa paume. Naga n'aimait pas les métaphores comparant un objet aux femmes. Quel manque de respect envers les femmes, et quelle injustice, d'ailleurs. Pourquoi ne faisait-on pas de même avec les hommes ? Pourquoi une femme ne caresserait-elle pas la coque comme elle caressait un homme ? Pourquoi un homme n'en ferait-il pas autant ? C'était rhétorique : Naga n'aimait que les femmes, mais il avait le sentiment d'une profonde injustice dans le choix de ces mots. Comme s'ils n'étaient pas du tout adaptés à toutes les situations.
Il aimait la Somptueuse et serait triste de devoir changer de bateau et d'équipage. Mais si cela devait arriver, Naga serait capable de faire ses adieux au rafiot, puisque ce n'était qu'un objet. Ce ne serait pas le cas d'une femme. La métaphore était vraiment mal trouvée.
Naga pensait qu'ils en avaient fini avec le bateau, mais une proposition de la princesse vint remettre en cause ses projets. Il comprenait pourquoi elle lui demandait de la porter. Elle n'avait jamais eu l'occasion de monter sur un bateau et trouvait là une opportunité qui ne s'était jamais présentée à elle. Le seul problème était que Naga devait la porter, et pour cette raison, elle ne lui imposait rien. Trop polie, peut-être, pour lui exprimer à quel point cette demande lui tenait à cœur.

« Eh bien... »

Il fallait y réfléchir. Est-ce que Naga était capable de porter la princesse ? Sans doute, oui. Peut-être pas sur une longue distance ou pendant longtemps, mais ça devait être faisable. Sara ne semblait pas peser grand chose, et même s'il sous-estimait son poids, elle ne devait pas être trop lourde pour autant. La question était de savoir s'il pouvait monter une passerelle avec elle sans lui faire prendre trop de risques. Et qu'allaient dire ses camarades, d'ailleurs ? Naga était quasiment sûr que le bateau était désert, mais il existait une infime possibilité pour qu'il restât quelqu'un. Prévoir sa réaction serait présomptueux.
Naga était en revanche plus serein quant au danger que devait représenter le pont. Il avait été très certainement rangé, ce qui signifiait qu'il devait y avoir la place d'y mettre un fauteuil. Il n'y aurait de toute façon pas grand chose à voir : les bateaux de pêche étaient loin d'avoir la taille d'un bateau de croisière, et ils 'en auraient très rapidement fait le tour. En effet, pas besoin de longues campagnes de pêche à Pallatine : il était possible de rentrer tous les soirs au port, puisque le poisson se situait non loin des côtes et en abondance.

« Pourquoi pas, céda Naga finalement. Cela me permettra de t'expliquer plus exactement ce qu'est la Somptueuse. Parce qu'il y a d'autres types de bateaux, tu vois, et celui-ci, ben c'en est un parmi d'autres.. »

S'approchant de la princesse, il se plaça de telle sorte qu'il puisse la porter sur le dos.

« Ce sera plus simple ainsi, expliqua-t-il. Et je pourrai monter ton fauteuil une fois que tu seras là-haut. Tu pourras t'asseoir sur une des caisses qui servent à stocker le poisson en attendant. »
Sam 10 Déc 2016 - 19:46
so close to magic, so close to home
+ naga
Ce n'est pas si grave.
(et elle revoit les enfants qu'elle reçoit chaque semaine, leur joie et leur courses qui irradient, et elle revoit les chaises de bureaux, celles avec des roues et celles avec de jolies courbes, et elle revoit les montagnes au loin, leurs pics et leurs pentes, et elle revoit les bars, ceux un peu calmes et ceux beaucoup moins)
Ce n'est pas si grave, au final.
(que si peu ne lui paraît à sa portée)
(ça ne fait que grandir le tigre au fond, celui qui se décharne pour une petite marche à laquelle personne n'a jamais fait attention mais oh qui l'a coupe dans son élan)
Et elle tient sur le bord de ses lèvres, près à prendre son envol.
(ce n'est pas si triste, au final)
(après tout, elle n'a pas d'ailes, alors qu'est-ce que ça change, de les lui couper)
(après tout, elle n'a pas d'ailes, c'est les autres qui les lui fixent avec de la cire encore chaude
brûlante, de celle qui laisse des marques des blessures)
Il accepte en dénigrant la négative -Sara n'aime pas trop ce genre de choix de mots mais oh, elle accepte, du bout de son menton qui fléchit. Ça la fait sourire, la manière dont il se penche oh on dirait presque qu'il accepte le poids de l'univers -un Atlas qui ploie, qui accède à son sort, qui est presque sage.
Elle s'agrippe de ses faibles bras, autour de son cou -elle a l'impression qu'elle va l'étrangler, mais pourtant elle sait qu'il n'en sera rien. Elle sait aussi qu'il faudrait qu'elle lève les jambes, qu'elle les serre autour de sa taille -elle devrait.
Elle ne peut pas.
Je crois que je ne peux pas plus vous aider.
Oh, il y avait peut-être un peu d'embarras dans sa voix, mais ce qu'on ne captait pas, c'était cette colère -blanche, banale, concentrée, acceptée mais pas oubliée.


Spoiler:
Lun 19 Déc 2016 - 16:54
Elle se laissa hisser sur son dos avec la fragilité d'une poupée trop faible pour contrôler ses mouvements. Une larme manqua de décorer la joue de Naga, mais l'Inuit se contint. Il était touché par la faiblesse qui se dégageait de Sara, se rendait compte que la situation dans laquelle elle se trouvait était terrible, mais il n'y pouvait rien, et pleurer n'aurait servi à rien. Ses larmes étaient aussi inutiles que celles qu'il s'était surpris à verser pour sa mère en repensant à ce qu'il lui avait fait - mais celles-là étaient stupides, car jamais elle ne lui avait reproché de bien hâtivement enterrer ses ancêtres. Naga passa un bras dans son dos, dans l'espoir de la plaquer mieux contre celui-ci, mais quelle position inconfortable ! Il l'endurerait avec plaisir.

« Ce n'est pas grave, assura-t-il. J'irai doucement. »

Il avait peur que le mouvement de ses pas ne la déséquilibre, et il agrippa ses mains pour se rassurer. Il ne la laisserait pas tomber. Il le fallait. Ceci dit, marcher ainsi lui demandait un sacré effort. Pas à cause du poids, non, Naga avait l'habitude, mais à cause de la peur de la casser s'il ne faisait pas assez attention. Il s'y prit très doucement, un pied après l'autre, sans jamais oublier la forme fragile qui comptait sur lui pour avancer. Elle ne devait pas être très à l'aise, elle non plus, mais elle supportait tout cela dignement.
Grimper le bateau fut le plus difficile, le passage était prévu pour des hommes en pleine santé et non des fauteuils. Les poissons ne passaient pas par là non plus. Naga se mit à suer très fort, heureusement, il n'avait pas encore pris sa douche, il ne s'esquinterait pas la peau en se lavant une deuxième fois. La pensée lui parut tout à coup très superficielle en comparaison de ce que la petite princesse vivait.
Il soufflait comme un bœuf au moment de poser pied sur le pont et d'installer Sara contre une caisse capable de la soutenir. Pourtant, un sourire radieux éclairait son visage : l'effort valait la peine, et Naga se sentait fier d'avoir réussi à préserver quelque chose. Il écarta doucement une mèche qui tombait devant le visage de celle-ci, geste au combien dérisoire, compte tenu du vent, mais quelque chose qu'il n'avait pas vraiment su réprimer. Elle était plutôt jolie ainsi.

« Je reviens, je vais chercher le fauteuil. » annonça-t-il doucement.

Il se détourna, ragaillardi, prêt à fournir un dernier effort pour rendre Sara parfaitement libre de ses mouvements. Le bateau était joli de là où elle se trouvait, mais elle ne pourrait sans doute pas l'apprécier parfaitement si elle se retrouvait bloquée en un endroit.
Sam 14 Jan 2017 - 22:34
i will be
+ naga
Elle est un corps jeté à la mer, un poids au bout d'une corde qui pend dans le vide ; un pendu qui reste là, qui n'a pas encore de collier mais qui sait qu'il va devoir l'enfiler.
Parfois, il n'y a pas grand chose à faire, à part accepter.
(et arrêter les espoirs qui vont mourir à peine nés et asphyxier les "et si" et mutiler les mots de ceux qui croient comprendre)
La douceur, peut-être que ça fonctionne plutôt bien. Elle ne sait pas trop, Sara -elle a parfois l'impression d'être en titane, comme ces robots qu'elle a déjà vu, qu'elle a déjà lu, qui l'ont déjà trop dépourvue ((parce que face à ça, qu'est-ce qu'on peut bien encore avoir))
(parce que face à ça, qu'est-ce qu'on peut bien encore être)
(et face à lui, qui prend ses mains si forts et si doucement -qu'est-ce qu'elle peut bien lui dire (entre fragilité et assurance), est-ce qu'elle peut lui demander pourquoi c'est si compliqué ?)
Et il l'assoie (comme on prendrait une poupée à qui on veut faire boire le thé), et il sourit (comme un petit garçon à son Noël un peu décalé), et il la touche (comme de la porcelaine comme quelque chose de sacré comme -)
(la vérité, c'est qu'elle fait tout paraître simple, Sara, mais que tout est bien mélangé au milieu de son crâne)
Elle sait, Sara, que ce n'est pas fait exprès, que ce n'est pas conscient, qu'il ne peut pas savoir -alors quand il s'en va, elle va chercher son beau sourire de derrière ses molaires (peut-être dans l’hypothalamus, dans les réflexes de survie)
Et elle regarde l'eau, en attendant. Elle s'imagine ce que ça pourrait donner, en pleine mer, avec les vagues les remous et les tempêtes, les hommes les poissons et les oiseaux -la ligne d'horizon comme seule paysage. Il revient -elle l'entend.
C'est usant, d'être en mer ? Elle le dit sans le regarder. Elle ne veut pas voir son air fermé, ni la réponse qui pend de ses yeux trop lisses -le quotidien, c'est souvent usant. Certains plus que d'autres. Merci pour le transport. Cette fois, elle tourne la tête, les cheveux devant les cils et les lèvres rangées derrière son sourire.

Spoiler:
Dim 12 Fév 2017 - 16:05
Il se dépêcha, Naga, l'idée de la laisser toute seule là-haut lui déplaisait. Il n'était peut-être pas de bonne compagnie, mais il voulait être là pour elle, le temps d'une après-midi. Le fauteuil était assez encombrant, et Naga ne voyait pas comment il pourrait pour lui faire prendre moins de place, aussi eut-il l'idée d'utiliser le monte-charge pour le hisser plus vite. Peut-être aurait-il pu laisser la princesse emprunter ce moyen de transport, mais il n'avait pas pu - il avait bien trop peur de la voir tomber, même si cela était bien sûr impossible. Il avait préféré la tenir sur son dos, bien serré contre lui, et si elle chutait, il chutait aussi. Partager son destin sur l'étroitesse d'une passerelle. Voilà une idée qu'il appréciait beaucoup.
Naga avança le fauteuil vers Sara, qui lui demanda s'il était usant d'être en mer. Voilà une question qu'il ne s'était jamais demandé. Il préféra prendre quelques instants pour la repositionner dans son siège, puis il répondit :

« Pas vraiment. On n'y pense pas vraiment. C'est vrai que c'est physique, mais d'un autre côté, la mer est belle, on ne pense pas à s'en plaindre. »

Il fit glisser le fauteuil jusqu'au bord du bateau, afin qu'elle puisse observer l'étendue bleue salée. Le vent était fort et faisaient voleter ses cheveux ; il ne manquait plus que les mouvements de la coque sur une eau agitée pour se croire en pleine navigation. Naga abandonna sa place derrière le fauteuil et vient se positionner à côté d'elle, en prenant appui sur la coque. Et subitement, les mots s'échappèrent naturellement de sa bouche.

« La Somptueuse est un chalutier. On récupère les poissons grâce à un filet qui suit le bateau. Sur Terre, cette technique n'est pas toujours très écologique, car des espèces protégées peuvent se glisser dans les filets, et les pêcheurs ne prennent pas forcément la peine de les rejeter à la mer comme ils le devraient. Mais ici, on n'a pas vraiment ce problème : la mer est si variable que chaque jour, on rencontre des poissons différents. Je ne sais pas trop pourquoi, et je ne crois pas que quelqu'un sache vraiment. Nous, sur ce bateau, on pêche essentiellement des espaces pélagiques, mais on peut aussi récupérer des poissons qui normalement, vivent plus près des fonds. D'autres navires vont s'occuper des autres espèces, par exemple, et certains d'entre nous pratiquent également la conchyliculture, enfin, ils élèvent des coquillages, quoi. On a tout un arsenal, quoi, donc on peut techniquement tout pêcher - tant que c'est disponible. »

Les leçons qu'il avait reçues sur la mer ressortaient toutes seules. On sentait que cela passionnait Naga. En dehors de son bateau, toutes ces connaissances n'avaient pas forcément d'importance, mais sur son bateau, elles l'étaient. On ne pêchait pas un poisson qu'on ne reconnaissait pas, on le lui avait très souvent rappelé. En cet instant, Naga se rappelait qu'il aimait bien sa vie actuelle, et qu'elle n'avait pas que des mauvais côtés.
Il tourna la tête vers Sara, qui était peut-être dépassée par ces explications en pagaille.

« Ce qui est bien avec la pêche, c'est qu'elle se pratique de toutes les façons, y compris si on ne peut pas marcher. Tu pourrais pratiquer la pêche à la ligne, par exemple : c'est à la portée de tout le monde, et la satisfaction de ramener son propre poisson est vraiment quelque chose d'incomparable. »

Naga l'imaginait, installée sur un quai, en train d'attendre le poisson qui viendrait la trouver. Il trouvait l'image si belle qu'il avait envie d'en pleurer. Mais son visage s'assombrit en songeant que tout le monde n'appréciait pas forcément cette activité.

« Oh, bien sûr, mieux vaut ne pas être dérangé par le fait d'arracher des petits poissons de l'eau. » admit-il, un peu embarrassé.
Dim 12 Fév 2017 - 18:29
sweet sweet sea, violent waves, cursed noises
+ naga
La mer est belle. Et puisqu'elle est belle, on ne lui en veut pas de nous faire souffrir.
Elle sait que ce n'est pas si simple, Sara, elle a aussi ce genre de choses qu'elle ne peut s'empêcher d'aimer, ces relations compliquées à contre-sens qui changent de directions bien trop souvent -mais là, en ce moment exact, elle a l'impression que tout est enfantin. Qu'il n'y a pas besoin d'y penser, que c'est juste comme ça -mais Sara, elle a bien trop souvent besoin de savoir.
Elle ne dit rien, cependant.
Elle sent le plastique contre son dos, elle sait qu'il soutient son corps sans même qu'elle ne puisse décrire la pression de son corps sur la matière -parfois on lui demande ce que ça fait, d'avoir des jambes qui ne répondent pas. Elle, elle dirait que la question devrait plutôt être qu'est-ce que ça fait, d'avoir des choses en plus sans le savoir ? Elle n'a pas vraiment de réponse, Sara, mais si elle devait en donner une, ça serait probablement que les limites, ça n'est qu'un concept.
((elle se sent limitée pourtant, non pas à son buste mais à ses sourires))
Elle ne dit rien, cependant.
Elle l'écoute -il parle d'un ton calme, posé, de ceux qu'on utilise quand on débite des choses communes, normales, rassurantes. Ça fait plisser ses lèvres -les techniques de pêche, sa manière de le dire, mais surtout, que la mer soit si changeant. Littéralement ; et Sara se demande si les espèces de poissons changent en même temps que la température de l'eau, que son pH que sa profondeur, que les conditions abiotiques et ah elle se demande s'il y a des coraux -elle n'en a jamais vu autrement qu'en collier, joliment rose poudré-, s'il y a des poissons argentés des colosses aux dents aiguisées -elle n'y connaît pas grand chose, aux poissons.
Il y a ses derniers mots qui restent suspendus, il fait une pause comme pour les souligner, les vénérer, leur donner leur importance -faire comprendre, au final, enseigner.
Elle voit qu'il cherche son regard -elle ne le lui donne pas. Elle reste virée vers les flots, et elle pense, le vent qui dégage son visage trop blanc, une auréole mouvante de cheveux bruns, trop foncés pour lui donner une allure divine.
Elle ne dit rien.
Elle écoute, elle ne sourit pas. Elle ne veut pas le vexer, Sara, mais elle sait déjà qu'elle ne le comprend pas. Que la sensation ne serait pas la même, que ça lui déchirerait le cœur de voir ces bouches hameçonnées et ces branchies à la recherche d'un oxygène dilué. Les poissons ne sont pas fait pour l'air, et les hommes ne sont pas fait pour la mer -et pourtant.
Il y a des poissons de chez vous, parfois ? C'est une question soudaine. Rien n'y préparait et Sara -elle ne sait pas d'où il vient, elle ne sait pas s'il est né à Pallatine ou non, elle ne sait rien, mais elle demande parce que c'est la meilleure façon d'apprendre. Parce que c'est à travers ses questions que transpirent ses propres incompréhensions.
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