asphyxie. (jun ♥)

Dim 24 Sep 2017 - 14:21
Sora sortit de la salle de cours alors que la sonnerie finissait à peine de retentir. Son professeur n'était pas en mesure de le retenir, car l'heure de cours venait de s'achever, mais il lui lança un regard noir que le jeune homme devina, mais dont il ne tint nullement compte. Il était dix heures, horaire auquel il avait habituellement son cours de sport, mais il avait appris la veille que le professeur serait absent, aussi était-il désormais libre. Le professeur était dit malade, mais le Japonais ne s'y trompait guère : à Pallatine, il était fort aisé de trouver d'autres motifs d'absence. Aussi croyait-il volontiers la rumeur disant qu'il s'était retrouvé dans un échange de tirs, et qu'il avait été blessé par une balle perdue. C'était impossible à vérifier, mais l'idée effrayait cela dit Sora. Il ne pouvait s'empêcher de penser à Jun ; où était-il, que faisait-il, allait-il vraiment aussi bien qu'il le prétendait. Le jeune homme répondait toujours à ses messages en laissant planer le doute ; Sora n'était même pas certain qu'il était conscient que ses réponses tournaient autour du pot. Il savait que Jun travaillait au cinéma, et comme le cinéma était sous l'autorité des gangsters de Pallatine - c'était son camarade de chambre qui le lui avait dit -, il s'inquiétait de ses liens avec la diaspora. C'était cependant une question qu'il n'avait pas posée à Jun : il préférait s'en enquérir en face. Poser la question par sms, il trouvait cela lâche.

Alors qu'il se précipitait dans la cour de récréation, où il comptait profiter du soleil de début de printemps qui caressait certains des bancs et des tables (en gardant sa veste, il pourrait rester dehors, les rayons chauds lui permettraient de ne pas frissonner), il sortit son téléphone portable et regarda rapidement son dernier échange, à Jun et lui. C'était la conversation la plus longue qu'il entretenait, mais cela ne voulait rien : il n'utilisait son téléphone presque pour lui. Ses camarades de classe, il pouvait les voir tous les jours. Il réfléchit longuement au message qu'il comptait envoyer ; l'idée lui traversait l'esprit depuis un moment, mais s'il faisait ses devoirs dehors ce matin, alors il avait du temps cet après-midi.
10:07:03
Salut. Si tu es libre, ça te dirait de venir me voir cet aprem ? Ce serait bien, si, cette fois, tu voyais où moi j'habite.
Sora relut une dernière fois son message, le trouva affreusement banal, et l'envoya quand même. Puis, en l'attente d'une réponse, il posa son portable à côté de son cahier, et commença à relire un cours de géographie qu'il devait apprendre pour la semaine suivante.
Mer 3 Jan 2018 - 23:47

Je suis mort.

Je suis un homme mort et assis non loin de la fenêtre, la lumière du matin perçant doucement au travers de mon appartement, je contemple mes poignets. Je contemple ces oiseaux, oui, viens en toucher un de mon doigt et suis les traits d’une ligne imaginaire, passe à l’autre poignet et ne sais plus pourquoi je vis. Je ne sais pas non pourquoi je continue et ne sais rien, mon esprit est vide (pourtant trop plein). Je soupire et j’en ai marre et ai envie de tout arrêter mais à quoi bon : je ne suis ni heureux ni malheureux, suis juste creux. J’aimerais avoir des bras dans lesquels me perdre, aimerais qu’on m’embrasse le front et me dise qu’on m’aime. J’aimerais oui entendre le rire de ma soeur et voir le regard quoique fatigué de ma mère, la voir contempler dehors sans rien voir, l’air absent. Je tiens ça d’elle je le sais, cette capacité à être là sans l’être, à cesser d’exister un instant tout en restant là physiquement, encombrant l’espace (le vide).

Je soupire pour la seconde fois et viens passer mes mains sur mon visage, comme pour y enlever toutes ces pensées, tout ce moi qui en cet instant me trouble, me fatigue. Le printemps arrive, le printemps et ses fleurs de cerisier, et toutes ces choses timides mais belles, ces forces fragiles : quelle belle saison. Quelle belle saison et saison de ma naissance, même si j’en ai a moitié oublié le jour, à présent. Combien d’années qu’on ne me l’a pas souhaité ? Je me souviens de tes longs cheveux bruns Ai, me souviens de ton visage penché, de tes surprises, de tes sourires et de tes paumes glacées écrasant mes joues, de tes bisous et de cet amour maladroit qu’une soeur porte à son frère. Je me souviens de ça mais je ne me souviens plus de moi, comment étais-je, à l’époque ? Etais-je normal ? Mais qu’est-ce, que d’être normal. Normal pour un japonais de mon âge ? Est-ce que je regardais les filles, étais un peu amoureux ? Est-ce que je souriais, me montrais un peu mesquin, ne tenais pas en place ? Je pense oui je pense que j’étais un garçon curieux.

C’est fou, comme les gens changent, tu ne penses pas, Sora ? Et je sens mon téléphone vibrer et n’ai pas besoin de regarder l’écran pour savoir qu’il s’agit de toi. Ça pourrait être quelqu'un de ma diaspora ou Eugénie mais je ne sais pas… Depuis qu’on s’est retrouvé, tout me dit toujours que ça ne peut être que toi. Et je suis désolé de ne pas pouvoir te tendre la main, de ne pas pouvoir t’aimer comme tu m’aimes et de ne pouvoir que te tolérer, juste te tolérer. C’est un peu comme avant mais en différent, un peu comme avant car ce que tu ne sais pas Sora c’est qu’avant même que tu me rencontres pour la première fois j’étais déjà cassé, changé. J’avais déjà perdu les couleurs et voyais déjà tout en gris : il n’y a que la mer, l’océan qui porte encore des couleurs. Il n’y a que l’eau oui et les tempêtes qui éveillent quelque chose en moi (tant bien même arrives-tu, étrangement, à me mettre hors de moi).

Je ne veux pas venir chez toi.
Je lis ton sms et c’est ça qui me vient : je ne veux pas. Je ne veux pas voir ta chambre d’étudiant, ne veux pas retourner à l’institut, ne veux pas être piégé. Je ne veux pas retourner là-bas et ne veux pas m’enfermer dans ton univers avec toi, je ne me sens pas à l’aise (pas en sécurité)(tu pourrais me coincer). Que te répondre, alors ? Pour ne pas te blesser pour ne pas me mettre à faux que répondre hormis : « Tu veux pas plutôt sortir ? Avec les cours tu dois pas en avoir souvent l’occasion. » Je relis dans le silence de mon appartement avant d’envoyer le tout, réfléchissant avant d’ajouter : « Il fait bon, en ce moment. » Je ne veux pas citer la saison, mais veux (peut-être) que tu comprennes l’insinuation. Enfin je me redresse et ne sais pas trop quoi mettre, enfile un blouson et claque la porte derrière moi, mes baskets à peine lacées.

Je n’ai pas attendu ta réponse mais sais déjà ce que tu répondras, sais au fond de moi que tu iras dans mon sens, sais que peut-être j’ai la main forte car je n’ai rien à te donner et toi veux tout m’offrir, tout réparer. Et mon coeur se pince à cette idée car alors que suis-je ? Que suis-je je me le demande et je me demande si je ne ferais pas mieux de me détester (mais peut-être devrais-je déjà commencer par aimer, par m’aimer). La tête enfoncée dans les épaules je tape sur mon écran : « On peut se voir dès maintenant si tu veux, on peut se retrouver en centre ville ou dans un parc… Dans un café comme tu veux, se poser et regarder la vie se faire. » Et si tu ne réponds pas dans la seconde je serai juste un con n’ayant rien à faire, juste à attendre, un con n’aimant pas mais s’étant pourtant, précipité.

Je ne fais aucun sens.
Je ne m’aime pas, Sora.
Ne me suis plus jamais aimé depuis ce jour-là.


Sam 6 Jan 2018 - 20:32
Le cours de géographie de Sora ne le passionnait pas particulièrement, mais cela n'avait rien à voir avec la matière. Il ne cessait de penser à la réponse qu'il attendait, qu'il espérait. Il ne se souvenait plus de la dernière fois où il avait ressenti une telle excitation ; il n'était même pas sûr que cela ne datait pas d'avant Jun. C'était une sensation confuse et faible au niveau de son estomac ; c'était ses yeux qui glissaient du cahier curieusement soigné vers l'écran du portable ; c'était le flot de pensées qui se représentait un visage familier mais changé. Sora n'y pouvait rien : ce n'était pas très sain, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'aimer Jun, à sa manière. Il pensait encore à leur dernière rencontre, à la fragilité de leurs retrouvailles. Peut-être tout se briserait-il définitivement, cette fois-ci ; peut-être ne renouerait-il plus ce lien qu'il avait tant poursuivi. Au fond de lui-même, Sora devait admettre qu'il en serait mieux ainsi. Depuis trop longtemps, il avait vécu dans l'ombre de Jun ; il en avait fait la condition essentielle de sa vie, il avait oublié qu'il avait le droit de vivre pour lui-même. Il avait rejeté sa famille pour un garçon qui ne voulait même pas de lui. Jamais Sora ne pourrait défaire ce qui s'était passé. Jamais il ne l'oublierait non plus.

Mais il avait tant souffert, lors de leurs retrouvailles, qu'à présent il se savait sur la bonne voie. Non pas celle qui le conduirait à reprendre sa place d'ami auprès de Jun ; mais celle qui l'aiderait à se réapproprier sa propre personne. Il n'y avait plus d'obstacle au bonheur de Sora, désormais : l'illusion s'était brisée. Si cette fois, Jun le rejetait, il saurait s'en remettre. Mais il n'en avait pas envie. C'était bien normal : quand il pensait à lui, il avait envie de sourire, et quand il pensait à la détresse qu'il avait pu lire dans ses yeux, à l'amertume de ses propos, il avait envie de pleurer. C'était là une empathie toute naturelle, qui n'avait rien à voir avec la façon dont il aurait réagi autrefois. Avant, il se serait mis en retrait ; il aurait lancé des perches mais ne se serait pas offusqué de les voir tomber dans le vide. Mais Sora changeait. Doucement. La distance qui s'était installée entre eux, la froideur dont Jun faisait preuve à son égard : tout cela l'avait conduit à évoluer. Il n'était déjà plus le même que celui que Jun avait retrouvé ; il ne le savait simplement pas lui-même.

Parce que comme toujours, il travaillait ses cours le samedi. Il avait beau être bien plus libre qu'au Japon, il ne pouvait pas s'empêcher d'étudier avec sérieux : l'habitude était trop profondément ancrée en lui. Il avait déjà bien du mal à admettre qu'il n'aurait aucune démarche à faire s'il voulait poursuivre en fac, simplement un examen qui lui paraissait tellement plus simple que les concours d'entrée à l'université. La vie était bizarre. Sora ne comprenait plus vraiment ce qui se passait, mais il souriait. Il n'avait pas vraiment besoin de plus que cela, pas besoin de plus que ce que Jun voulait bien lui accorder. De toute façon, Jun ne lui avait rien demandé.

Alors qu'il songea à abandonner son attente et à se concentrer pleinement sur son cours, son portable vibra. La réponse de Jun le déconcerta un peu ; elle était moins négative qu'il ne s'y attendait. Et Sora se demanda depuis quand il partait du principe que Jun ne voulait pas de lui. Il secoua la tête : il devait se chasser cette pensée de la tête. A ce stade, il se doutait que Jun ne faisait qu'accepter sa présence à ses côtés ; et il ne le forcerait certainement pas à l'apprécier. Il tapa rapidement sa propre réponse :
10:25:03
Dans une heure, ça te va ?

Puis il ajouta une liste de lieux possibles avant d'envoyer. Quand il reposa son téléphone, il était songeur. Son cœur battait trop vite et il n'avait jamais connu ça, pas même avec Jun. Il porta la main aux lèvres, masquant un sourire naissant derrière ses doigts. Il se trouvait vraiment idiot, Sora, mais en cet instant il n'en avait rien à foutre. Il était parfaitement heureux d'être stupide et simple, merci bien.
Mer 10 Jan 2018 - 22:18

Et si je n’étais pas là.

Et si je n’étais pas là, je me demande distraitement, les mains dans les poches et la tête en direction du sol. J’aimerais qu’il y ait des graviers devant l’entrée de ce café pour leur donner des coups de pied, faire quelque chose au lieu de juste attendre : attendre et ne rien faire. Je suis un peu en avance et je ne sais pas trop si ça nous plaira mais dans tous les cas, ça nous rappellera la maison. J’hésite à sortir mon téléphone pour vérifier l’heure, mais l’ayant sorti il y a moins de trente secondes je fais un effort, restant là, ne sachant trop s’il fait bon ou si j’ai tout de même un peu froid. Quand est-ce que tu arrives ? je pense, espérant sans doute qu’il apparaisse d’un coup et qu’on puisse entrer.

Je ne sais pas quoi lui dire.
Je ne sais jamais quoi dire.

Je ne sais jamais quoi dire hormis quand parfois, d’un coup, ça me prend. Alors je me laisse aller et je raconte tout à des inconnus, à des victimes qui de toute façon ne se rappelleront jamais de moi. En parler à des personnes qui me connaissent, c’est plus compliqué : ça laisse un goût amer, un goût indélébile. Car quelqu'un sera là pour comprendre certaines choses et surtout, il n’oubliera pas. Il n’oubliera pas car il connait mes traits et je déteste ça. Je déteste être enfermé dans un jugement enfermé face à moi. Se retrouver seul face à sa propre personne, face à l’autre et devoir se vivre tout en le vivant je crois que ce n’est plus pour moi.

Alors oui je me demande ce que ça ferait si je n’étais pas là. Je te déteste Ai d’être partie sans moi mais maintenant je crois que je comprends, parfois on se demande quel impact on a sur le monde, sur les autres. Parfois on se demande si ça en vaut la peine, on se le dit distraitement, on se le dit sans y penser mais quand même un peu. Et je me demande oui ce que ça changerait si je n’étais pas là : il n’y aurait sans doute que Sora pour se souvenir de moi. Il irait mal les premiers jours voire les premiers mois puis il serait forcé d’avancer, de reprendre sa vie, de trouver d’autres amis. N’en a-t-il pas déjà plein ?

Il est si différent, nous sommes si différents.
L’homme est ainsi, il se ressemble sans se ressembler. Certaines personnes disent que c’est pour mieux s’assembler, pour mieux s’emboiter mais moi je ne sais pas. Je ne sais pas car penser me fatigue et que j’en ai marre d’être fatigué : je le suis toujours. Je suis morne et je ne sais pas ce dont j’ai besoin ou envie. J’ai juste envie de m’énerver mais là encore, je n’en ai pas la force. Alors je respire et je continue, car ça c’est plus ou moins facile, du moins, naturel.

J’ai envie de pleurer. Et ça m’arrive parfois, ça me prend à la gorge et puis ça passe, s’évapore. Comme ces crises d’angoisse en pleine nuit ou je me réveille en sueur, haletant, sachant que j’ai sans doute hurlé à m’en époumoner. Je ne me souviens que rarement dudit rêve (ou plutôt cauchemar ?), mais étrangement j’ai la sensation de savoir : elle, moi ou l’un des deux. (les deux)

C’est sa vie qui s’est finie et pourtant c’est moi qui ne vis plus. Au final, ce n’est peut-être qu’une excuse, au final, je devrais peut-être aller voir un psy. Mais ai-je envie d’aller mieux ? Rire à gorge déployée a l’air si compliqué. Si je me sens bien ainsi, si je peux continuer ainsi et me voir encore dans dix ans ainsi… Ai-je un problème ? Je ne sais plus ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, et devoir rentrer dans un cadre ne me tente pas non plus. Je sais que je suis en dehors et me demande si je n’ai pas toujours été en dehors.

Je redresse mon visage vers le ciel et soupire, soupire car il n’y a rien d’autre à faire. Car je dois laisser tout ça partir et m’effacer pour mieux me sentir.

À quand me secouera-t-on, à quand me criera-t-on, m’épuisera-t-on. A quand cesserai-je de m’épuiser tout seul.
Je me le demande.


Dim 14 Jan 2018 - 15:37
Sora vérifia le lieu que Jun avait choisi, et il ne put s'empêcher de sourire à nouveau, encore un de ces sourires qui naissaient de rien et qui lui donnait l'air idiot. Il approuvait totalement le choix de Jun, qui avait décidé que le café manga suggéré par Sora était l'endroit le plus propice pour leur rencontre. Peut-être parce qu'il s'agissait d'un espace calme, que l'on ne fréquentait pas juste pour discuter ; et puis, Sora aimait bien le lieu. Le jeune homme avait découvert à Pallatine qu'il aimait bien sortir ; son principal problème était alors l'argent, car il ne recevait que ce que l'institut voulait bien lui donner, et ce n'était pas une fortune. Cela suffisait, cependant, pour fréquenter certains établissements. La liste fournie par Sora ne contenait que des établissements où les prix étaient raisonnables. Jun avait peut-être plus les moyens que lui, mais si ce n'était pas le cas, il apprécierait sans doute l'intention.

Il avait juste le temps de ranger ses affaires, de monter dans sa chambre et de se changer. Il ne faisait pas vraiment attention à la façon dont il s'habillait, choisissait généralement les habits unis que l'on trouve dans les supermarchés et qui ne coûtent pas chers. Mais s'il sortait avec Jun, il voulait bien faire quelques petits efforts. Il sortit de son armoire un jean propre, qui rendait mieux que le survêtement délavé dans lequel il aimait traîner le week-end, et un pull d'un rouge sombre et soutenu. Puis il enfila son manteau, laissa un mot sur son bureau dans le cas où il rentrerait tard, pour que celui-ci ne s'inquiète pas. Puis il quitta sa chambre, vérifia une dernière fois l'heure sur son téléphone, et se dirigea vers la loge afin de prévenir qu'il sortait.

Sora marchait vite. Pour certains, il était aussi rapide qu'une personne qui court. Malgré tout, il arriva après Jun. L'heure de son portable indiquait qu'il s'était écoulé un peu plus de cinquante minutes depuis qu'ils s'étaient accordés sur leur rendez-vous, il n'était pas donc en retard. Il ralentit à son approche, les yeux rivés sur Jun qu'il détaillait avec attention. Il ne l'avait plus revu depuis un moment, et il se découvrait une nouvelle passion : essayer de déterminer ce qui avait changé, ce qui était le même, sur son visage qui était plus âgé. Dire qu'il avait un an de plus, maintenant. Cela faisait presque rire Sora. Chassait presque l'inquiétude qu'il s'efforçait de maintenir au plus bas niveau : il ne voulait pas parler de possibles liens avec les gangsters en de telles circonstances. Jun allait bien, du moins physiquement, et c'était sans doute le plus important. Salut ! murmura-t-il, mais il était persuadé que son excitation se voyait comme le nez au milieu de la figure et que Jun n'allait pas s'y tromper. Bah, ce n'était pas un crime, que d'être content de le voir.

Jun n'avait pas l'air heureux. C'était une certitude qui avait commencé à s'ancrer dans la tête de Sora quand ils s'étaient retrouvés, et des fois Sora se demandait si le voir ne l'enfonçait pas davantage. Il avait l'air d'avoir vécu des années difficiles, et Sora venait lui rappeler un passé qui ne pouvait plus exister. Tout serait différent, désormais. Et il savait qu'il allait souffrir, lui aussi. D'une toute autre façon, et en silence. Mais bon, ça, c'était surtout parce qu'il était un imbécile qui ne pensait pas assez à lui - ça ne le dérangeait même pas tant que cela. Comment ça va ? lui demanda-t-il donc très simplement, une expression sérieuse gagnant progressivement son visage. Il admettait très bien que Jun ne lui réponde pas ; il espérait juste qu'il n'allait pas lui dire oui alors que c'était faux. Si celui-ci agissait ainsi, Sora risquait de s'énerver.
Lun 15 Jan 2018 - 21:46

Sora est là et je sens mes épaules se détendre : je n’ai plus à attendre. « Salut. » je lui réponds, un sourire vague sur le visage, content de ne plus avoir à rester là dans le froid. Je vois qu’il est en pull et me dis que c’est moi l’idiot, à surestimer le soleil encore timide du printemps. Il me demande comment je vais et je me dis que cette question est idiote. On se demande toujours comment ça va, on se le demande et pourtant... on attend aucune réponse : n’obtient souvent qu’un oui sans sens. « Ça va. » Ça va et je le pense, ça va car je respire et car les jours passent et que je ne me sens trop malheureux. J’aime cette sensation de rien qui m’habite, peut-être car après toutes ces années elle a fini par me définir : « Il caille plus que je ne le pensais. » J’avoue cependant, frissonnant (je crois tomber malade).

Et combien de temps depuis ma dernière crève ? Il m’arrive d’avoir de grosses fièvres, et à la limite du conscient je me laisse agoniser (attends que ça passe) dans le lit, un verre d’eau et quelques médicaments à côté, sur la table de chevet. Aussi je n’ai jamais de parapluie, finis souvent trempé lorsque l’orage éclate, une unique capuche en tissu rabattue sur la tête (mais j’aime ça, aime les orages et l’eau coulant le long de mes joues, emportant tout). « On entre ? » Je te souris pour la deuxième fois et réalise que sans doute, je ne fais que renforcer une esquisse qui n’était pas vraiment partie. J’ai froid et ai envie de rentrer mes mains dans les poches, te lance un regard un peu particulier : me dis que ton visage ne m’est plus forcément familier.

C’est fou comme les gens changent. Ai-je changé ? Physiquement, j’entends. Ai-je grandi, minci, grandi ? Est-ce que je suis devenu beau, plus qu’avant ? Plus sombre, plus lumineux ? Parfois j’aimerais qu’on m’embrasse et qu’on me dise à quel point on m’aime, parfois j’aimerais qu’on rende mon corps fiévreux et qu’on me dise à quel point on me désire, à quel point on m’admire et m’aime. Mais c’est normal, non ? Que de vouloir être aimé, reconnu : que de vouloir être important. Au fond peut-être aimerais-je laisser une trace, une cicatrice, une preuve que j’ai bien existé.

« Et toi ? » Je me rattrape, me rendant compte que je n’ai pas rendu la question, poussant déjà la porte d’entrée, faisant retenir un carillon : « Tu sais ce que tu vas lire ? » Je complète, réalisant l’atmosphère ancienne, les montagnes de bouquins et les fauteuils qui nous attendent.


Dim 18 Fév 2018 - 14:40
Sora se faisait parfois des idées. Parfois il avait raison. Parfois il avait tort. Mais il avait au moins un mérite : il reconnaissait ses erreurs, notamment celles de jugement. Il ne demandait jamais à Jun comment ça allait pour s'entendre la sempiternelle réponse ; il espérait que le jeune homme en était conscient. Il est un moment où le bien-être de la personne compte tellement que la question s'emplit de sens : on finit par demeurer suspendu aux lèvres de l'autre, en attente d'une réponse qu'on espère être sincère. Sora savait que Jun pouvait mentir ; il ne comprenait pas vraiment Sora (non que l'intéressé pût prétendre être plus doué à ce jeu-là), et Sora avait du mal à le lire, par moments. Il y avait des instants où tout ce qui concernait Jun était clair ; mais ce n'étaient que des flashs qui disparaissaient bien vite. Et peut-être était-ce dû au fait qu'il avait passé tant de temps à le regarder. Depuis leurs retrouvailles, il n'avait plus du tout de ces flashs. Jun avait trop changé, et Sora devait constamment s'ajuster.

Ce n'était pas un problème. Il aimait malgré tout la situation : être dehors sous le soleil, les yeux rivés sur la personne pour qui il avait tout lâché, et ce ça va qu'il devinait sincère, parce qu'il y avait quelque chose dans les yeux de Jun, ou plutôt une absence, qui traduisait une forme de sérénité. Sora pensait qu'elle naissait du vide. Elle n'avait sans doute rien d'enviable, mais le néant valait mieux que la souffrance. C'était quelque chose qu'il avait fini par comprendre. Le vrai ennemi, c'était le désarroi, le chagrin. Lorsqu'on ne ressentait plus grand-chose, on avait l'esprit clair. Enfin, c'était ainsi que cela marchait, pour Sora.

Et maintenant, il souriait. Il avait l'air si jeune qu'on lui eût donné quinze ans.

Ça t'apprendra à ne pas prêter attention au temps, mais Sora dit cela sans méchanceté. Il se sentait plus à l'aise ; suffisamment, en tout cas, pour sortir ce genre de sentences. Et le sourire, faible mais bien présent, de Jun, sourire qui ne naissait pas de la contrainte, lui serra le cœur. L'espace d'un instant, il voulu s'approcher de lui, et le prendre dans ses bras. Il avait le désir de sentir son cœur battre contre le sien, un rappel qu'ils étaient en vie, tous les deux. Il voulait goûter à sa chaleur, celle d'un être réel, qui n'existait pas que dans son esprit, et glisser ses doigts contre la joue de Jun. Mais il n'en fit rien, car il savait qu'il était le seul à ressentir de telles envies. Et Sora avait bien conscience que l'on ne forçait jamais de telles affections. On les gardait pour soi, on disait tout dans le regard.

Ils entrèrent, et à l'intérieur l'air était plus chaud. Le soleil caressait les vitres et rendait l'endroit particulièrement accueillant. Sora étouffa un bâillement qui n'avait rien à voir avec la fatigue. Non, il ne savait pas du tout ce qu'il comptait lire. Quelque part, il se sentait à la maison. Mais ce n'était peut-être pas le lieu qui lui donnait cette impression, mais le calme qui régnait entre les deux garçons, la douceur de leurs silences. Pas la moindre idée. Je vais voir s'ils ont la suite des séries que j'ai laissées à la maison. Il n'hésitait pas à employer ce terme, à parler de ce foyer commun qu'ils sont peut-être les seuls de ce monde à partager. Sora n'essayait pas de faire quoique ce soit, simplement de parler normalement. Il ne voulait plus prendre de précautions. Il était une épine dans le pied de Jun, et ce dernier ne s'en débarrasserait jamais tout à fait : il devait donc bien admettre que oui, Sora avait fait partie de sa vie. A lui ensuite de décider s'il voulait l'y admettre à nouveau.
Lun 19 Fév 2018 - 0:17

Ici tout est différent ici tout me fait me sentir comme avant. C’est comme si j’étais de retour chez moi, au Japon. Des émotions un peu étranges m’oppressent la poitrine et je ne dis rien, mon sourire laissant place à une moue plus distante, absente. C’est si bizarre d’un coup de replonger là-dedans, de faire un saut en arrière. C’est comme si le temps s’était stoppé, comme si tout avait cessé d’exister. Ce n’est que la dame au comptoir me regardant et Sora tout proche de moi, son épaule non loin de la mienne qui me font réaliser que je suis le seul ayant cessé de respirer.

Alors j’inspire et avance, dis bonjour et hésite, me bloque à nouveau dans un silence maladroit qui fait naitre un sourire mi-timide mi-tordu. Je réalise qu’il m’est difficile de vivre hors de ma zone de confort, qu’il m’est difficile oui de vivre de nouveau normalement. Alors je ne réfléchis pas je regarde les panneaux lis les instructions et demande un chocolat viennois : de ceux qui ont beaucoup de mousse et qui soignent tous les maux. Je me sens fragile et cherche un instant Sora, attendant une réaction de sa part, avant de nouveau tourner la tête vers ce qui nous attend.

Des livres à perte de vue, des mangas à n’en plus finir : toute mon enfance et mon adolescence. Et qu’il est dur de renouer avec tout ce qui m’animait avant, qu’il est dur oui de penser à nouveau à la feuille que nous faisaient passer les professeurs en classe sur laquelle on devait écrire ce qu’on voulait faire dans le futur, les universités qui nous intéressaient et les cours qu’elles proposaient.

Qu’il est dur de me dire qu’à présent je suis là, je suis rien. Qu’il est dur à présent de se dire oui que plus jamais je ne pourrai retourner en arrière. Je me sens fébrile, un peu malade et passe donc une main sur mon visage, rabattant mes cheveux en arrière. Je me concentre sur ma respiration et essaie faire taire tout ça, tout ce que je ressens : essaie d’avoir emprise totale sur mon corps et mon esprit. Un, deux et trois : « Tu en as beaucoup en cours ? »

Se concentrer sur la conversation est plus facile.
Et qu’entend-il par maison ? L’institut ou… ?

Et qui aurait cru que tout ceci me mettrait si mal, qui aurait cru que quelque chose de si banal m’apparaisse comme si brutal. Qui aurait cru qu’un monde sans couleur pourrait d’un coup m’éblouir et me bruler les yeux à m’en faire pleurer. Qui aurait cru oui que le monde serait d’un coup si violent et qui aurait cru toutes ces choses (Sora, ce moment, tout ceci m’arrivant). (J’ai du mal à y croire).

Je m’éloigne de l’entrée et me jette dans les entrailles de la librairie-café, reprenant inconsciemment contact avec tout ce qui avant m’animait et me réconfortait. Je me rends compte qu’ils n’ont pas que des bandes dessinées qui font rire mais aussi de plus vieux ouvrages pas très amusants mais très intéressants. De ces grands bouquins racontant l’histoire du Japon, y rajoutant une princesse désespérée et des prétendants plus que déterminés. Je réalise oui qu’il y a des recueils illustrés et me dis que tout est déjà choisi. Pas que je n’aime pas les mangas de grande consommation : j’en avais beaucoup à la maison. Juste… Juste que je ne sais pas (c’est moi).

J’attrape du bout des doigts un ou deux bouquins et m’étale dans un coin, écrasé dans des poufs bien trop immenses pour mon propre bien (je sais déjà que d'ici une heure j'aurai les yeux qui piquent et une forte envie de me laisser aller et de les fermer).

Je ne sais pas si je me sens extrêmement mal ou bien, ne sais plus rien et ai du mal à réfléchir, mon esprit encombré par des choses sans aucun sens bourdonnant, alors j’attends.

J’attends que Sora reprenne la conversation j’attends que mes mains trouvent la force d’ouvrir la bande dessinée et qu’alors tout cesse d’exister.

Comme avant.


Lun 19 Fév 2018 - 20:58
Sora se méfiait encore. Il faisait preuve d'une prudence feutrée, car conscient des enjeux il ne voulait plus rien perdre. Il voulait abandonner, laisser à Jun ce que le jeune homme lui demanderait. Il ne savait pas exactement ce dont il s'agirait, et peut-être viendrait le moment où il devrait céder ce qu'il voulait conserver sans même le savoir. Il était cependant légitime de se demander ce qu'il avait encore ; plus grand-chose, assurément. Ses biens matériels avaient disparu dans les flots du temps, tout comme ces mangas qu'il évoquait non sans une pointe de nostalgie. Ses autres biens... quelque chose les en avait chassés de son cœur. Et il ne pouvait pas dire que c'était Jun ; il ne pouvait lui imputer une telle responsabilité. Il se savait seul responsable - coupable d'avoir déjà trop offert dans le vide. Il avait jeté et jeté, tout en voyant que le moindre de ses dons finissait avalé par un gouffre ; et il avait continué. Sora s'était placé seul dans une telle situation, et dans le fond, il craignait ce qu'il pouvait faire. Il craignait les douleurs qu'il pouvait infliger, car il lui semblait qu'il ne savait guère aimer.

Il se satisfaisait de peu, Sora. Il se réjouissait des bouffées d'air qu'il inspirait à chaque instant, des souffles d'air contre sa peau découverte. Il n'avait pas besoin que Jun lui renvoie ce qu'il lui donnait. Pas dans l'immédiat. Il était dans ces instants magiques qui débutaient toute relation, lorsque l'on peinait à croire à l'existence de l'autre. Sa présence semblait irréelle, lui faisait la sensation d'un rêve dont il ne voulait pas se réveiller. Mais il ne se pinçait pour s'assurer qu'il était bien éveillé. Le visage de Jun devant ses yeux était un rappel suffisant. Ses traits étaient trop différents de ses souvenirs. Il n'aurait jamais pu inventer ce Jun-là.

Malgré tout, lui aussi se sentait plutôt bien dans le café. C'était une sensation difficile à décrire : elle ne lui évoquait guère le confort familier d'un foyer où l'on se réfugie ; ni d'ailleurs la saveur d'un souvenir d'antan, comme une madeleine à laquelle on goûterait. Le lieu était simplement accueillant ; il semblait l'inviter à se détendre, à évacuer les sources de stress dont il se défaisait à grand-peine. Il avait envie de sourire, encore une fois, peut-être serait-ce sa nouvelle lubie. Peut-être aurait-il toujours le visage clair, désormais.

Sora demanda des noodles. Il sentit les yeux de Jun se poser sur lui, et il ne sut pourquoi, mais un frisson parcourut son corps à cette perspective. Il ne savait pas ce que Jun éveillait en lui ; cela ressemblait fort à de l'embarras, et la satisfaisante impression d'être reconnu. Il est presque midi, précisa-t-il, mais il ne dit rien de plus. Après tout, il ne pouvait plus se permettre, comme il le faisait autrefois, de veiller à ce que Jun s'alimente. Mais il faisait attention à lui, à ce qu'il faisait, à la façon dont ses yeux se détournaient de lui pour glisser sur salle. Il voyait beaucoup, Sora ; Jun était probablement son spectacle préféré.

Puisque lui mangeait, il était hors de question de commencer à lire. C'était un acte inconcevable : il craignait l'erreur qui laisserait une tache indélébile sur le papier. Pourtant, la dernière fois qu'il avait renversé quelque chose remontait à des temps si anciens qu'il ne s'en souvenait même plus. Quand il mangeait, Sora usait de gestes précis. On l'avait éduqué ainsi. Parfois cela paraissait étrange : il dégageait une impression de négligé, tant et si bien que l'on oubliait d'où il venait. Une petite dizaine, peut-être ? Je ne sais plus. Et puis,
j'ai tout oublié.
Les yeux de Sora descendirent jusqu'à la couverture de l'ouvrage que Jun tenait entre ses mains. Il n'arrivait pas à en lire le titre. Et toi, tu lis quoi ? Était-ce trop normal était-ce trop banal. Était-ce une attitude juste, une façon de renouer des liens. Il n'en savait rien, Sora. Mais alors qu'il mangeait, il dévisageait Jun, avachi dans son pouf, et l'ombre de ses cheveux qui caressaient ses paupières manqua de le faire soupirer.
Mar 20 Fév 2018 - 0:39

De ses sourires un peu flous et de ses airs absents Jun avait à peine vingt ans. Il ne le réalisait pas encore, mais la jeunesse n’avait tout à fait décidé de le quitter : dansait encore sur ses joues, le rendant tout aussi doux qu’innocent. Et il avait beau arborer des moues revêches, avait beau penser que tout était fini et que c’était mieux ainsi — il suffisait de le regarder pour voir que ce n’était pas vrai. Que malgré ses angoisses et colères, malgré toutes ces choses le faisant suffoquer il n’était qu’au début. Au début d’une vie étrange, parfois un peu terrible, mais au début.

De sa vie.

Aussi les pieds levés, il avait écouté Sora sans le voir, les yeux rabattus au sol, flottant dans un entre deux dont seul lui percevait les nuances. « Tu me dis dix mais je suis certain que c’est plutôt vingt. » Après tout les bandes dessinées, ça se collectionnait sans même qu’on s’en rende compte : puis d’un coup on réalisait, oui, qu’elles prenaient une étagère entière ! Lui-même si tout s’était passé différemment aurait vécu entouré de livre. Il aurait été de ceux faisant des piles et des piles, créant des tours bancales qu’un inconnu un peu maladroit aurait manqué de faire tomber. Il aurait eu ses lunettes sur le bout du nez et aurait oublié de ses couper les cheveux : si bien qu’ils auraient fini par s’ourler, se boucler sur sa nuque et son nez.

Il aurait vécu dans un appartement brun de bois et de poussière flottante, il aurait vécu les rideaux à moitié tiré, entre le jour et l’obscurité : aurait vécu comme un tableau ne se réalisant tout à fait, aurait vécu au ralenti, oui. Il aurait toujours été à terre, parfois lové sur un fauteuil n’ayant qu’un pied : tournant et tournant alors que sa tête tombée sur son épaule, il se serait endormi. Ah Jun ! Ah Jun que la vie aurait pu être différente ! Qu'il aurait pu sourire, qu’il aurait pu tant de choses.

Hélas.

Ça ne s’était pas passé ainsi et à présent piégé dans le gris, dans le vide et la douleur il ne savait plus. Jun le seul à ne pas réaliser tout à fait qui il était, Jun le seul à ne pas se trouver quoique ce soit, ni beau ni moche : juste lui, juste rien. Jun dont les yeux creux se dévisageaient parfois dans le miroir, ne sachant trop quoi voir. Et son chocolat à côté de lui, n’y ayant toujours pas touché, il avait dévisagé le manga entre ses doigts : « Je ne sais pas. Ça a l’air assez ancien, de ces mangas qui racontent le Japon d’avant. » De ces mangas dont on en apprenait toujours des choses, sur l’histoire et sur la vie : de ces mangas oui dont on marquait quelques phrases. Et il se demandait s’il comprendrait tous les kanjis, s’il ne lui faudrait pas aller chercher un dictionnaire un peu plus tard, car il bloquerait sur une case.

Ah Jun. Ah Jun qui suscitait toujours un soupir. Jun poète tombé à la renverse, corps fragile échoué au bord de mer, se laissant peu à peu enfoncer dans le sable mouillé, ses lèvres asséchées par l’eau salée. Qu’il aurait aimé vivre autrement, qu’il aurait aimé vivre une vie n’étant pas la sienne ! Et c’était peut-être pour ça qu’il ne lisait plus, car tous ces univers n’étaient pas sien, restaient imaginaires : car il ne pourrait s’y réfugier éternellement.

En attendant il avait ouvert la bouche en direction de Sora, lui disant sans un mot sans un regard de lui donner à manger. Car il était ainsi et car même s’il se vivait mieux seul, il ne pouvait vivre qu’avec lui(-même). Un peu plus et il aurait été acerbe, un peu cynique, un peu plus et il lui aurait dit c’est toi qui a dit que c’était midi.

Un peu plus et Jun aurait eu le coeur à la gorge et le pouls fou. Un peu plus et il aurait été comme les autres — mais il ne l’était pas et ne le serait sans doute jamais.

Jun gris dont le corps mince avait cessé de s’agiter.
Il s’était calmé.

Avant même d’apprendre à s’exciter.

Exister.


Mar 20 Fév 2018 - 21:06
Sora n'aurait jamais échangé sa place en cet instant. Bien qu'il se trouvait à distance de Jun, il était absolument conscient de sa présence. Lorsqu'il détournait les yeux, il continuait de le sentir à ses cotés. Sa compagnie lui était naturelle ; et s'il avait oublié un instant la sensation, à présent qu'elle était revenue, il ne parvenait plus à la chasser. Pourtant, un coin de son esprit ne cessait de dire que Jun disparaîtrait à nouveau, qu'il s'effacerait une nouvelle fois, parce que c'était sans sa nature. Parce que Sora n'était pas suffisant. Il l'avait bien compris : Jun lui était plus cher qu'il ne comptait à ses yeux. Il l'acceptait, il n'avait de toute façon pas le choix : il était le perdant. C'était de toute façon une défaite agréable ; jamais il ne s'était senti aussi bien qu'au moment où il avait goûté à la déroute.

C'était là où Sora se distinguait : il ne demandait pas grand-chose. Il s'était toujours contenté de peu. S'était satisfait des instants volatiles où sa famille était au complet et ne se déchirait pas. De ces instants d'été dominés de silence et de chaleur. D'une simple nuit de sommeil qui le laissait frais et dispos au petit matin. D'un vague souris sur un visage aimé. Il n'avait guère besoin de plus. Il n'avait pas besoin de faire attention à son apparence. Pas besoin d'acheter davantage de mangas que ceux qu'il achetait déjà. Pas besoin de mentir quand il pouvait s'adonner à la vérité. Non, vraiment dix. J'aurais pas eu l'argent d'en prendre plus. Et la place, également. L'ancienne chambre de Sora n'était pas si grande que cela, mais du moins avait-il la sienne, il ne s'en plaignait pas vraiment. Parfois, elle lui manquait. L'intimité dans une chambre d'internat n'était guère optimale. Lui et son camarade de chambre s'entendaient plutôt bien, mais ils n'avaient pas les mêmes rythmes. Sora travaillait beaucoup plus, parce qu'il lui paraissait impensable de ne pas étudier. Il avait toujours du mal à concevoir que l'on pouvait s'en sortir en ne faisant quasiment rien.

Il se disait parfois que Jun aurait dû être à sa place. Il savait qu'un avenir brillant aurait pu s'offrir à lui ; il aurait pu faire des études à Pallatine, il en avait largement les capacités. Alors pourquoi y avait-il renoncé ? Comment se faisait-il qu'il traînait dans les rues, qu'il usait sa jeunesse comme s'il y avait déjà renoncé ? Sora ne comprenait pas. Et il n'osait pas poser la question. Il n'était pas certain que Jun était conscient de la raison lui-même. Il avait l'air trop perdu pour garder le contrôle de sa propre existence. J'y crois pas..., soupira-t-il en voyant Jun ouvrir la bouche.

Cela le dérangeait-il ? Il était difficile de savoir ce qu'en pensait Sora. La pensée s'était figée dans son esprit, comme si elle ne voulait pas analyser la situation. A partir du moment où il avait compris ce que Jun attendait de lui, il avait refusé d'approfondir l'idée. Il ne voulait pas savoir quel était son avis. Dans le fond, sans doute ne la détestait-il pas ; il ne l'aimait pas non plus ; elle était dangereuse pour sa personne, mais naturelle. C'était d'ailleurs une raison suffisante pour qu'il se déteste. Attends. Sora se leva pour aller chercher une seconde paire de baguettes ; puis il s'approcha de Jun, avec son bol et ses deux paires, et s'accroupit en face de lui. Son regard frôla celui de son ami - il était doux comme le vent. Il ne voulait pas sourire, et son air était grave. (Peut-être, après tout, était-ce trop sérieux.) Il tendit la nouvelle paire à Jun. Sers-toi tout seul, Jun. (Tu n'es pas un enfant.) Son cœur s'était accéléré. C'était une transgression, et il se sentait un peu mal, mais les yeux de Jun lorsqu'ils se posaient sur lui le faisaient se sentir vivant, il ne pouvait pas dire non.
Mar 20 Fév 2018 - 21:45

Lorsque Sora s’était levé, Jun avait su qu’il n’aurait ce qu’il voulait. Aussi s’était-il un peu refermé, sans doute blessé de ne pas se voir écouté. Qui aurait cru, après tout, qu’il s’ouvrirait, se laisserait être poupée ? La moue un peu froissée, il avait refermé sa bouche, se demandant depuis quand son ami ne partageait pas ses couverts. Depuis le début ? Sans doute. Et c’était si étrange, surtout d’où ils venaient : où le partage était au coeur de tout.

Retenant un bâillement, il avait lutté pour garder la tête haute, pris d’une soudaine envie de se rouler en boule et de se laisser aller au sommeil. Et qu’il aurait été simple qu’il s’endorme et ne se réveille plus pendant des jours ! Qu’il aurait été simple oui de continuer cette vie à ne rien faire, à se laisser porter par les courants, le vent. Pourquoi lui refusait-on la facilité, pourquoi le forçait-on à s’agiter ? Ne réalisaient-ils pas tous à quel point cela le fatiguait ?

Il avait déjà tant de mal à rester dans sa zone de confort, dans son gris.

Enfin. La vérité était que l’esprit de Jun était vide, qu’il ne pensait pas vraiment, ressentait juste des émotions floues dont il ne cherchait pas le sens. Il évoluait au ralenti et l’aurait-on brusqué qu’alors on aurait réalisé sa mauvaise humeur (il n’était pas facile).

Et face à lui Sora s’était accroupi, lui affirmant ce qu’il avait pressenti. Aussi le regardant doucement, il avait répondu d'un battement de paupières un peu lent : « Non. » Non il ne se servirait pas seul non il n’avait pas envie et oui il avait un sale caractère ! Oui il était de ceux dont on devait s’occuper et non il n’était pas de ceux s’occupant, tant bien même nombreux étaient ceux s’y piégeant. Après tout n’avait-il pas passé près d’un an à s’occuper d’Eugénie ? A lui faire à manger, à lui parler et lui tenir compagnie ?

Qui aurait cru, alors, qu’il était de ceux dont on devait prendre soin ! Que tout n’était que façade et qu’au travers se gentillesse première se cachait des tempêtes et des colères. Que des plaies encore non guéries le lancinaient et le rendaient brutal dans sa confiance et son amour (qu’il n’arrivait à s’attacher et n’arrivait à croire). Ah Jun qui était si seul oui si seul et à qui on refusait même une bouchée de nouilles !

Le monde n’avait plus de sens.

Sur ce il se retourna sur son pouf, ventre offert au ciel et tête pendante, regardant le brun à l’envers. Un peu plus et il lui aurait dit qu’il n’était pas gentil.

Qu’il n’était pas grand chose.
(Mais de quel droit ?)
(De quel droit critiquer ce que lui-même ne faisait pas ?)

Et là était bien la différence : Sora ne faisait pas car il n’était pas comme ça, Jun lui ne faisait pas car il l’avait choisi, avait choisi de n’être rien plutôt que d’être lui.

Tempête.


Mar 20 Fév 2018 - 22:45
Ce que pensait Sora et ce que pensait Jun : les deux opinions ne concordaient pas toujours. Et, pour être tout à fait honnête, Sora s'était toujours adapté à Jun ; il avait adouci ses avis pour ne pas contraindre, pour prêter une oreille attentive. Parfois, il n'était pas totalement sincère ; il n'y avait guère que les ombres de ses yeux pour trahir cette impression. Sora était pâle, transparent ; il avait si peu de consistance qu'il oubliait parfois qu'il existait pour lui-même. Avec Jun, c'était systématique ; il ne songeait pas à dire non, il agissait par automatisme. Sora, il avait bon fond, on abusait facilement de lui. Jun n'avait sans doute pas conscience du pouvoir qu'il exerçait sur lui.

C'était une tyrannie, et Sora en eut conscience au moment où le refus de son ami s'opposa à ses attentions. Il resta pendant de longues secondes immobiles, les yeux cillant rapidement, essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Aurait-il dû, pour satisfaire Jun, lui fourrer les nouilles dans la bouille, comme à un bébé que l'on nourrit ? Ridicule. Sora trouvait cela ridicule, et cela le révoltait. Mais il ne dit rien. Son regard sombre s'acharna sur Jun, mais il gardait le silence. Quelque part, il avait mal. De cette même douleur que celle dans laquelle il s'était baigné pendant des mois. Il ne voulait plus la retrouver ; il lui avait dit adieu, pensait-il. Cependant, constata-t-il avec un brin d'amertume, il n'en était peut-être pas débarrassé. Oh, s'enticher de Jun, c'était une mauvaise idée. Il demandait et ne semblait rien vouloir (lui) donner en retour. Sora risquait de se détruire en le poursuivant. Jun semblait savoir comment briser une part de lui, à chaque fois qu'il le boudait.

Il n'aimait guère la façon dont Jun le regardait ; on aurait dit que Sora l'avait offensé. Il reposa soigneusement son bol ; tout à coup, il n'avait plus faim du tout. Jun. On aurait dit que Sora essayait de déterminer si son ami était sérieux ou non - le problème étant qu'il l'était. Il soupira. Je rêve ou tu me fais la gueule parce que tu dois utiliser tes propres baguettes ? Il n'en dit pas plus, mais sa voix était tendue. Il était un peu en colère, en Sora, et il estimait qu'il en avait le droit. S'il ne disait rien, cela revenait à se faire marcher sur les pieds : c'était la porte à tous les caprices de Jun. Et Sora savait qu'il n'était pas prêt à les encaisser.

Jun boudeur avait l'air d'un ange ; et Sora ne pouvait se résoudre à hausser la voix, car il ne voulait pas briser l'illusion. Et pourtant, il se devait de le dire. Je ne suis pas ton esclave, tu sais. Le jeune homme avait une façon de le dire assez risible : il se drapait dans sa dignité bafouée, et s'efforçait de parler avec calme et simplicité. Au final, c'était peut-être lui qui était en train de bouder.
Mer 21 Fév 2018 - 0:16

Sora s’était fâché et Jun inerte l’avait observé avant de tourner la tête. Il ne voulait plus le voir, avait fui son visage et tous les nuages qu’il présageait : avait fui ce qui disait je suis blessé. Car il savait, oui, mais ne voulait pas faire d’efforts. Et là était son plus gros problème, son plus grand défaut : Jun ne voulait pas faire d'efforts. Il se refermait dans sa carapace, s’isolait de tous et de Sora surtout — car s’il ne le faisait pas, qu’arriverait-il ? Il devrait sortir de sa zone de confort, finirait par s’agiter et ressentir.

Car alors tout serait différent et trop fatiguant.

Alors il était là, à savoir son ami proche de lui sans pourtant rien chercher. Il fuyait la confrontation en se montrant blessant, fuyait la confrontation car c’était irritant, crevant. Il était épuisé à l’idée d’ouvrir la bouche, épuisé à l’idée de dire ce qu’il pensait : épuisé à l’idée d’être lui-même.

Et c’était fou, non ? D’être à ce point gris, d’être à ce point piégé dans des blessures et des tourments. Jun gâchait sa vie mais il ne le réalisait pas, car il avait fait de sa prison sa maison et qu’il s’y sentait à présent bien. Car à être ainsi fermé ainsi égoïste il se protégeait de tout et n’avait qu’à attendre demain, en espérant que tout passe vite.

Pourtant…

Pourtant en lui quelque chose remontait, las d’être réprimé las de devoir se taire : son caractère plus fort que lui-même l’imaginait oui commençait à crier et rugir, lui disait de l’écouter, d’agir ! Alors il avait de nouveau basculé vers Sora et en le regardant de dessous car il avait toujours le corps à l'envers il lui avait dit, presque insolent (mais doucement) : « Car pour toi être ami c’est être esclave ? » Car pour toi prendre soin de ceux que tu aimes et essuyer certaines de leurs envies c’est être esclave ? C’est une corvée ?

Mais alors, Sora, sais-tu seulement aimer.

Et il était si amer ! Si amer qu’en lui remontait des choses scellées depuis des années, remontait un Jun enfant mais pourtant grand, ayant déjà vingt ans. Un Jun dont l’intelligence n'avait cessé d'exister et qui l'utilisant se montrait injuste. Car au fond ne savait-il pas qu’en continuant ce combat, qu’en continuant à s’entêter il créerait plus de dégâts ?

« C’est toi qui boude, Sora, c’est toi qui est tout fermé et tout blessé. » Et un sourire avait surgi sur ses lèvres tant bien même ses mots étaient-ils cruels : « Car sinon, comment expliquer ça ? » Et son doigt s’était levé pour venir se poser entre les deux sourcils de son ami, appuyant, lui faisant comprendre qu’il était un peu trop tendu.

Sora tendu face à Jun si calme.
Sora tendu face à une peau lisse et détendue, face à un sourire doux quoiqu’absent, Sora face à une existence ronde qui pourtant le poignardait sans précaution.

Sora face à la douceur infinie de Jun, face à son amour paisible et ses remarques taquines que son ton encore trop plat avait du mal à faire vivre.

Sora face à Jun, et Jun face à Sora.
(doucement)


Mer 21 Fév 2018 - 20:16
Il faut le comprendre, Sora : ce n'était pas facile pour lui. Il avait tout plaqué pour suivre une ombre qui, peut-être, ne voulait pas de lui, qui l'avait presque oublié. Il avait décidé, dès le départ, que Jun était plus important que toute sa famille, et si le choix de partir paraissait irrationnel, pour lui il faisait sens. Sa famille n'avait jamais été un véritable foyer. Ils n'étaient qu'un assemblage d'individus qui tenaient ensemble parce qu'ils avaient besoin d'une protection. Et Sora avait décidé qu'il n'en aurait plus besoin. Le problème, c'est que cela l'avait jeté dans un monde impitoyable, et qu'il n'était pas certain de pouvoir se défendre convenablement. Si encore il avait pu trouver l'apaisement auprès de Jun, la situation aurait été différente pour lui.

Mais il était seul.

Et il s'énervait parce qu'il savait qu'il avait raison, dans le fond. C'était Jun le problème, cette fois : Jun qui ne tolérait pas un seul écart de conduite, Jun qui prenait son attitude pour un rejet, Jun qui croyait que Sora était là pour satisfaire le moindre de ses désirs. Avait-il déjà vu avec qui il était ami ? se demanda Sora avec une pointe d'amertume. Pour sûr, il se souvenait d'instants où son regard s'était illuminé, où il avait posé une question à Sora le concernant, où il avait eu l'air de s'intéresser un minimum à lui. A combien de temps toutes ces marques remontaient-elles ? Non, Jun se trompait : Sora ne considérait pas qu'être un ami était de l'esclavage. Il n'aurait jamais proposé de partager son bol de nouilles avec un ami alors qu'il crevait de faim parce que ses repas n'étaient jamais suffisants, alors qu'il n'avait presque plus d'argent pour finir la fin du mois. Il n'aurait pas accepté de l'inviter chez lui, se serait offusqué de le voir refuser l'invitation. L'amitié, aurait pu dire Sora, se traduisait dans de nombreux détails qui prouvaient que l'on éprouvait de l'affection pour quelqu'un. Ce n'était pas quelque chose que l'on pouvait feindre aisément. Et il aurait pu retourner la question à Jun : se considérait-il comme l'ami de Sora ? Parce qu'il n'avait jamais rien fait pour lui.

Il ne posa cependant pas la question. L'unique raison en était qu'il ne lui avait jamais rien demandé. Qu'il l'avait conforté dans cette situation. Sora savait pertinemment qu'il avait incité Jun à ne rien donner. Parce qu'il lui avait toujours dit que c'était okay, qu'il ne voulait rien en retour, qu'il se satisfaisait de le voir bien. Il se savait un peu coupable, aussi, et quand bien même sa responsabilité n'était pas si grande, elle le submergeait. Il préféra donc dire autre chose : Pour moi, être ami c'est te donner ce que j'ai, pas te traiter comme un bébé. Il tenait bon, Sora. Il voulait que Jun comprenne (et se doutait qu'il échouerait à cette tâche - ce qui ne l'empêchait pas d'essayer malgré tout). Il était prêt à faire tant de concessions, mais si Jun ne voyait même pas tout ce qu'il recevait, comment pouvait-il espérer le toucher ?

Sora se sentait pitoyable. Il avait juste envie de poser son front contre Jun, de se reposer un peu contre lui. Lui aussi, il était fatigué. Lui aussi, il avait besoin de quelqu'un qui lui dirait qu'il l'appréciait (même pas l'aimait, juste une appréciation). Lui aussi, il avait besoin que quelqu'un pense à lui. Il savait qu'il ne trouverait pas tout cela en Jun. Oh, peut-être que Jun ferait quelque chose pour lui, un jour. Leur dynamique, cependant - elle ne changerait sans doute pas. Parfois, cela rendait Sora triste. Mais ça, je l'explique peut-être parce que j'essaye de te faire plaisir et que je n'y arrive pas. Tu sais, ça fait mal. Et il se tut, soudainement effrayé - car il en avait trop dit, oh oui, il aurait dû se taire, ou il aurait dû s'énerver. Mais il n'aurait pas dû accuser Jun sur ce ton si calme, comme s'il en était détaché. Il aurait dû montrer à quel point ça le blessait, à quel point Jun le blessait. Mais il n'avait pas le talent pour cela, il était trop sincère.
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