-40%
Le deal à ne pas rater :
-40% sur le Pack Gaming Mario PDP Manette filaire + Casque filaire ...
29.99 € 49.99 €
Voir le deal

Retrouvaille à sens unique - Hart

Dim 1 Avr 2018 - 15:20
Aujourd'hui encore, Pallatine était vivante et une journée ensoleillé dominait les cieux. Même si Stella était toujours de bonne humeur, une belle journée ne pouvait que rendre son humeur encore meilleure. Et comme c'était une journée de congé, elle s'était décidée à visiter Spencer's, le centre commercial de la ville pour faire du lèche vitrine et acheter des choses.
Chaque visite dans ce centre commercial la remplissait d'une nostalgie forte étrange. Auparavant, Stella ne comptait même plus le nombre de fois où elle avait visité des centres commerciaux en ruines qui n'abritaient que des plantes et des vestiges d'un monde passé, vide d'être humain. Mais la voilà aujourd'hui, encore une fois, dans ces mêmes ruines. À la différence qu'elles n'étaient pas en ruines, et que des personnes bien vivantes entraient dans les boutiques, sortaient, parlaient et riaient.
Ce genre d'endroit n'était plus dominé par un silence de plomb seulement rompu par le bruit des souris, et la lumière y brillait intensément. Cette vision allégeait le cœur de la jeune fille.

Toujours avec sa fidèle épée, elle se balada dans la foule, le sourire jusqu'aux lèvres. La quête de sa journée était de trouver un magasin vendant du matériel de camping pour ses escapades dans la montagne. Elle avait encore parfois du mal à se repérer dans cet endroit gigantesque, aussi se laissait-elle simplement guidée par ses pas. Elle tomba sur une pâtisserie, acheta un sac de beignet et en grignota un pendant qu'elle faisait du lèche vitrine. Elle s'attardait parfois devant des boutiques vendant des robes et des jupes, envieuse des femmes pouvant porter ce genre d'attirail. Contrairement à celles qui entraient dans ces magasins et qui respiraient le style, la chevalière ne portait qu'une veste en cuir rouge et un jean court. Bah. Ce n'était vraiment pas pour elle, et ce n'était pas le but de ses recherches. Mais malheureusement pour elle, trouver un magasin qui vendait du matériel de camping n'était pas aussi facile qu'elle ne l'avait pensé. Ce fut donc totalement concentrée sur ses recherches et dégustant son beignet au chocolat qu'elle ne remarqua pas une bande de gamins venir derrière elle en courant, la bousculant au passage. Surprise, elle fit tomber son beignet qui finit écrasé sous les pieds des enfants qui continuèrent à courir sans un pardon, mais riant de leur course.
Choquée par les événements, elle fixa un moment les restes du beignet écrasé. De la nourriture avait été gâchée sous ses yeux. De la bonne nourriture en plus de ça. Si ce n'était que tombé par terre, elle aurait repris le beignet sans ciller pour continuer à le grignoter – on ne faisait pas la difficile quand la nourriture était une denrée rare -. Mais dans l'état….

-BANDE DE MORVEUX! S'exclama Stella en suédois sous la colère. Revenez ici que je vous botte le cul !

Il n'était pas rare pour elle de reparler sa langue natale sous des émotions fortes, par réflexe. Toutefois le calme finit par revenir rapidement, et elle poussa un profond soupir triste.
Elle s'accroupit et commença à ramasser et nettoyer les restes avec un mouchoir. Il aurait été peu honorable de laisser ça en l'état.

-Que ce soit dans mon monde ou ici, les enfants ne changent pas hein…continua-t-elle dans sa langue.
Jeu 5 Avr 2018 - 1:40


Pallatine vit.
Pallatine grouille d’habitants, et ses artères sont chamarrées et bruyantes. Le monde ne s’est jamais arrêté de tourner pour elle, les années ne lui ont rien volé, et elle se fait plus riche et vivante à chaque vol qu’elle fait dans le temps pour ramener des égarés comme lui. La cité est beaucoup trop vivante et peuplée pour un individu qui vient de passer la moitié de la dernière décade en compagnie réduite et inespérée. Depuis son arrivée, tout le déroute, tout est perplexe et le lieu où il a du mettre les pieds par besoin est au dessus-de tout ; bastion des opportunistes parmi ceux qui l’ont ramené, il pénètre dans le lieu comme on mettrait les pieds dans un sanctuaire oublié. Hésitant à l’entrée, peu sûr de sa démarche et de son envie de côtoyer un monde incongru, encore moins de ces traditions bizarres et inconnues. Le seul et unique centre commercial dont il avait pu fouler le sol n’était qu’une ruine vide, un lieu-témoin du faste consumériste des anciennes générations aux devantures abandonnées toutes de couleurs fanées, dans laquelle la Nature et surtout la faune environnante avait repris leurs droits. Un temple barbare des Anciens Temps, dont parlaient les livres. Rien à voir avec le bâtiment ultra-moderne et brillant dont il franchit le fronton avec circonspection, méfiant de tous et sur le qui-vive de se mêler à un trop-plein actif d’individus inconnus et aux motivations incertaines. La paix règne sur Pallatine (plus ou moins, les luttes entre ces diasporas ne sont que broutilles à ses yeux), or impossible de s’y adapter correctement et surtout de comprendre la paresse et l’inconscient collectif peu effrayé de son avenir et encore moins de son prochain pour Hart.

Il remonte les allées, cherchant du coin de l’œil l’enseigne recommandée pour sa pharmacopée, évitant le flot constant et enjoué, et surtout les sirènes de la distraction : autant de vitrines, d’abondance de ces produits oubliés ou tout simplement inexistants à son époque, trop d’informations, de sollicitations. Le bruit. Tout ce qui brille. Tout.Trop. Juste trop. Assez pour lui faire oublier la faim qui lui taraude l’estomac depuis le matin, mais pas encore pour effacer de son esprit le but de sa sortie de son couvert d’ermite. Quelques tours dans les allées en vains, deux étages plus tard et il échoue sur un banc pour profiter du soleil qui filtre à travers la verrière en guise de plafond, perdu dans un ciel criant la belle journée en perspective. Retirant son manteau qu’il pose à côté de lui, et rechignant toujours à demander une quelconque aide par habitude. Il essaye surtout de gratter les tréfonds de sa mémoire pour se souvenir des indications données par son substitut de guide. En anglais. Une imprécation le tire de sa concentration, les sonorités chantantes bien trop connues pour qu’il ne darde pas immédiatement un œil avide sur la source : ce n'est rien qu'une volée de marmots chahuteurs, fuyant au galop la scène, et emportant avec eux la sensation du plus vieux d’avoir fait fausse route. A deux longueurs de bras s’agenouille quelqu’un, bousculé par le groupe, occupée à ramasser les dégâts. Il ressort le papier froissé de son gilet, retournant à sa situation, mais même prononcé à voix basse, l’accent ouï est immanquable. Il répond par automatisme à sa langue, froid.

- Barnen kommer att växa upp.

Ven 13 Avr 2018 - 1:51
Stella leva immédiatement la tête en entendant cette intonation si familière de sa langue natale venant d'une autre personne qu'elle même. Cela ne faisait que quelques mois depuis son arrivée à Pallatine, aussi n'avait elle jamais eu l'occasion de rencontrer une autre personne parlant suédois, ce langage qui semblait perdu et si rare dans ce monde pourtant si varié et vaste. Parler une langue que personne ne comprenait avait ses avantages quand on voulait insulter des gens sans qu'ils ne comprennent, mais malheureusement, les désavantages étaient bien trop nombreux, surtout quand c'était la seule langue que vous maîtrisiez au départ. Aussi, c'était avec une immense joie qu'elle se rappela que le suédois n'était pas mort et qu'elle n'était pas la seule.
Malgré l'incident, elle retrouva immédiatement son grand sourire et après avoir nettoyé le sol proprement, elle se jeta vers la source de la voix qu'elle avait repérée. Un homme aux cheveux blancs assis sur un banc proche. Elle ne se jeta pas littéralement sur lui bien sûr. Elle se plaça devant lui et s'agenouilla pour faire face à l'homme assis et le regarder dans les yeux.

-Suédois ? Tu es suédois? Demanda-t-elle dans sa langue natale avec une joie qu'elle ne cherchait même pas à cacher. Non, que tu le sois ou pas n'est pas important, le plus important c'est que tu parles le suédois. Tu ne peux pas imaginer à quel point je suis heureuse que….

Elle s’arrêta un instant, perdant ses mots. Dans la précipitation, elle n'avait tout d'abord pas cherché à observer l'homme plus en détail. Mais maintenant qu'elle le regardait de plus près, elle y voyait un visage familier. Un visage familier et lointain, qu'elle n'avait plus vu depuis son départ de son village natal. Une foule d'émotions se déversa en elle.

-O...oncle Hart ? Hésita-t-elle. Oncle Hart Rustning ? C'est toi ?

Joie et confusion. Que faisait-il là ? La dernière fois que Stella l'avait vu, elle avait 10 ans et lui 26. Dans le petit village où elle avait vécu, tout le monde se connaissait, formant ainsi une grande famille, et l'oncle Hart qui était docteur avait toujours pris soin de la téméraire Stella qui se blessait souvent lors de ses aventures dans les bois ou dans les bagarres qu'elle lançait avec les garçons. Se souvenir de ce passé et voir une visage connu lui fit monter les larmes aux yeux. Oh, elle était si heureuse ! Si contente de le voir !
Puis, rapidement quelque chose d'autre frappa Stella. Son bras en métal, sa cicatrice sur le visage, et pire, son regard éteint. Le Hart qu'elle avait connu n'avait rien de tout cela. Il était gentil, souriant, respirait, comme Stella, une joie de vivre et un optimisme qui avait inspiré la chevalière. Était-ce vraiment lui ? La première hypothèse de Stella qui brisa son cœur fut que le village avait été attaqué et que Hart avait été transféré suite à ses blessures. Remplacer son bras manquant était faisable à Pallatine. Probablement. La deuxième hypothèse qui était plus supportable était que Hart avait quitté le village, qu'il s'était fait attaquer, puis transféré.
Elle prit les mains d'Hart dans les siennes, l'une était encore chaude et humaine, l'autre terriblement froide et vide de vie, et demanda tristement:

-Que t'est-il arrivé ? Qui t'as fait ça ? Est-ce que le village va bien ?
Mer 18 Avr 2018 - 11:35


Depuis sa brusque arrivée à Pallatine, il n’avait croisé aucun autre individu parlant ou comprenant son dialecte que certains parmi le personnel de l’Institut. Son anglais était déjà approximatif, rouillé et simple car appris en cas d’urgence absolue, quand il savait manier la langue cyrillique pourtant détestée avec beaucoup plus de maestria. Son dialecte scandinave, métissé de plusieurs langages nordiques et agrémenté d’un certain nombre de mots samis avait provoqué l’incompréhension pendant plusieurs semaines autour de lui, et plus encore quand il avait fallu négocier un mode de vie plus « normal » ainsi qu’une ouverture vers ses nouveaux contemporains pour lui permettre de quitter les murs de l’Institut. Relâché dans le nouveau monde, son discours s’était considérablement réduit par faute de maîtrise totale de l’anglais, plus qu’à l’accoutumée pour l’égaré temporel déjà taiseux. Entendre des bribes de sa contrée, comme un air agréable à l’accent juste quoiqu’un peu rustre avait éveillé un espoir minuscule, et surtout provoqué une remarque acerbe mais enfin prononcée dans sa langue maternelle.

Il n’est pas prêt pour le déluge verbal qui s’ensuit, l’énergie et la verve de la jeune fille fixée en face de lui à hauteur de regard qui le laisse de marbre, trop surpris pour réagir. Son intonation svenska parfaitement juste qui ne peut qu’être native, en plus des caractéristiques physiques communes aux contrées froides. Scandinave, donc. Et l’épée tranquillement attachée à sa taille dans un lieu bondé, repérée beaucoup trop vite par habitude des armes. L’armée ? Elle semble aussi jeune que lui quand il a pris les armes. L’apparent ascenseur émotionnel depuis la joie du compatriotisme à une réaction aussi spontanée qu’incompréhensible le tire de sa réflexion et il ouvre la bouche sans piper mot, aussi surpris que la jeune femme et encore plus de cette note d’affection lointaine dans le surnom. « Oncle » ? Comment le connaît-elle ? Une proche de sa sœur ? Une nièce ? Il n’a plus aucun proche, aucune attache, et le dernier contact avec le seul membre restant de sa famille remonte à plus de neuf ans. Trop d’informations et d’hypothèses se bousculent dans sa tête, et il ne réagit pas assez vite quand elle saisit ses mains pour les serrer avec ce qui ressemble à de l’affliction. De la sollicitude. Des réactions presque aussi rares qu’inconnues pour lui. Un silence long pour ingérer autant d’informations, et il se lève promptement pour récupérer ses mains sans geste brusque, presque délicatement pour ne pas la surprendre, mais en s’éloignant d’un pas de la soldate qui semble aussi déboussolée que lui. Sa voix manque cruellement de sûreté quand il finit par lui répondre, même si la barrière de la langue lui permet beaucoup plus de mots et d'émotions.

- Je suis bien Hart Rustning. Comment tu me connais? Qui est cet oncle ? ...Es-tu la fille d’Idja ?

Ses traits ont la même inquiétude que sa sœur de sang, à ce dernier moment où il l’a vue. Son inquiétude teintant de sombre la joie d’enfin se revoir loin du front, puis cette lueur dans son regard d’espoir brisée à la vue de sa mutilation, et transformée en déception avant qu’elle ne se mette à le blâmer de son incompétence pour sa patrie ou pour sa défection forcée. Un souvenir douloureux. Il serre les poings lentement, refermant son visage pour garder sa contenance devenue habituelle envers celle qu’il dépasse de quelques centimètres et qui le détaille d’un air incompréhensible. La surprise, la peine. L'incompréhension. Ce qu’il lui est arrivé ? Elle le connaît, mais lui n’a pas la moindre idée de son identité, encore moins du village qu’elle mentionne. Sa réponse est franche quand il évoque quelque chose d’évident pour lui-même, alors qu’une main de chair vient serrer l’avant bras de métal gravé de runes. Beaucoup de choses sont arrivées avant tout ça.

- La guerre? Ils t’en ont ramenée aussi, non? Je ne sais pas de quel village tu parles. Riksgränsen ? Ce sont les gens de l'Institut qui t'envoient ?

Auraient-ils arraché quelqu’un d’autre de son époque ? De son propre hameau natal, si loin dans sa vie et ses souvenirs auprès des fjords ? Il a mit une distance par sécurité entre eux, mais brûle de la presser d’autres questions, redonnant à sa voix une vigueur loin de ses phrases froides et acerbes habituelles.

Mar 24 Avr 2018 - 16:48
Stella observa Hart se lever et s'éloigner quelque peu d'elle sans comprendre. Elle devinait que la situation devait être aussi confuse pour lui que pour elle. Après tout, qui se serait attendu à recroiser une vieille connaissance du même monde, alors qu'une infinité de monde existait ? La coïncidence était incroyable et bienvenue.
À son tour, la jeune fille se leva, droite et digne, et elle remarqua légèrement amusée qu'elle faisait désormais presque la même taille que lui. Oh qu'il était loin le temps où l'oncle Hart tapotait ou caressait doucement la tête de la petite Stella.
Mais ce sentiment de nostalgie relaissa bien vite place à la confusion et la tristesse. Loin de répondre à ses questions, Hart en posa une multitude d'autres qui laissa la jeune fille sous le choc. Il…ne la reconnaissait pas ? Il ne savait même pas que cet oncle, c'était lui ? Était-ce parce qu'elle avait grandi depuis qu'elle avait quitté le village ? Avait-elle tant changé que ça ? Bien sûr ! Elle avait gagné en stature, en confidence, sa voix avait changé, et elle s'attachait les cheveux. Elle était loin, très loin d'être la jeune fille qu'elle avait était auparavant. Ça devait être ça. C'était sûrement ça. Ça ne pouvait être que ça.
Mais, au final, cela s'avérait bien pire que ça. Il ne voyait même pas de quel village elle parlait, et mentionnait un village totalement inconnu. Riksgränsen? Est-ce que c'était le village dont Hart et Idja étaient originaires ? Elle ne le savait pas. Son village avait recueilli bien des familles après l’apocalypse au fil des décennies et elle n'avait jamais cherché à connaître les origines de chaque habitant. Et une guerre ? Une guerre avait donc eu lien ? Entre qui et qui ? Son village et un autre village ? Cela expliquerait la mine d'Hart, loin d'être l'homme qu'il avait été. Peut-être était-il resté traumatisé, et peut-être était-ce la raison de ces blessures ? Trop d'hypothèses se bousculaient dans la tête de la jeune chevalière.
D'une voix calme mais légèrement tremblotante, elle répondit :

-C'est moi. Stella. Stella Lindberg. Tu ne me reconnais pas ?


Elle avait entendu dire un jour qu'un transfert provoquait parfois de l'amnésie. Ça ne pouvait pas être ça...si ?

-Le village près du lac Stora Lulevatten, tu étais le médecin du village. Je ne suis pas la fille de tante Idja, elle ne m'aurait pas supporté en plus de son enfant, mais on formait tous une grande famille, oncle Hart.


Se remémorant ce passé des plus heureux, elle eut un sourire triste. Elle avait fait son choix quand elle était petite et avait quitté le village. Mais elle aurait aimé avoir des nouvelles et y retourner. Elle n'en avait jamais eu l'occasion. Et maintenant qu'elle était face à Hart, elle brûlait de pouvoir poser plus de questions. Le village avait été attaqué ? Détruit à cause de cette guerre ? Qu'était-il arrivé à tante Idja et son enfant ? À Ingrid la chasseuse ? À Torsten le pécheur ?  Étaient-ils...morts ?
Non. Chaque chose en son temps.

-Tu ne sembles vraiment pas te souvenir de moi.
Conclut-elle. Est-ce que tu es...amnésique ? Un traumatisme ? À cause de cette guerre ? Depuis combien de temps es-tu à Pallatine ?

Des gens qui devenaient fous ou des coquilles vides après une bataille, rongés et hantés par les horreurs et les atrocités dont ils avaient été témoins. Ce n'était pas rare, malheureusement. Elle le savait. Elle ne le savait que trop bien.
Mar 15 Mai 2018 - 23:55


Les questions lui brûlent les lèvres, le flot autrefois tarit se renfloue brusquement quand un morceau de son passé, fictif ou imaginaire se présente sans aucune sommation préalable. Son esprit tourne à plein régime, les méninges auscultent une collection bigarrée et sombre de souvenirs dont le dénominateur commun de champ de bataille et de sang pourrait choquer la jeune fille, l’enfant à peine sortie de l’adolescence qui lui fait face. Quand il recule pour maintenir à l’œil sa silhouette, la replacer, la comprendre et surtout l’empêcher de s’approcher pour toute familiarité supplémentaire, cette dernière ravale la distance à chaque tirade, grignotant son espace vital qu’il barre d’une mail levée et tendue devant lui, rutilante d’acier gravé pour tenter d’apaiser le torrent inquiet et empressé de sa logorrhée aux accents chantants familiers. Aussi loin que sa mémoire catalogue les visages croisés, appréciés ou honnis, rien ne se superpose à ces traits doux qui insistent pour les situer dans le même arbre généalogique ; Lindberg est un nom qui prend un écho ténu à travers un bataillon décimé, sans plus, et elle semble un chouïa âgée pour lui être d’une quelconque filiation par le biais de son aînée. Son visage d’habitude fermé ou neutre comme lac calme se fait pensif, légèrement perturbé par des révélations dont il doute de la véracité tant ils pourraient être plausibles.

- Tous les miens sont morts il y a une décennie, et je ne t’ai jamais vue… Il y avait une Lindberg dans nos rangs, mais elle est partie avec tous les autres.

Sa vie de vagabond, ses expériences cuisantes ou traumatiques ne lui ont pas permis de s’attacher des relations ou de nouer des contacts amicaux, encore moins de se renseigner sur sa propre famille sur laquelle il a fait un trait définitif le jour où Idja, son Idja, la Nuit de son Cœur lui a tourné le dos.

- J’ai quitté l’Empire il y a de cela quatorze années, et je n’ai jamais revu notre village, juste les terres autrefois conquises en royaume russe ! Et Idja… Es-tu de ces villages proches des fronts ? Je n’y ai exercé qu’à mes passages, dans ceux que j’ai traversés quand… quand je ne l’avais plus.

Son œil glisse sur cette prothèse tout de faux et d’acier, gravé de runes protectrices de leurs pays d’origine. Ses années d’errance lui ont fait voir du pays, des visages supportant la guerre sans pouvoir ni vouloir fuir de leurs foyers, qu’il a aidé malgré son handicap contre quelque abri pour la nuit, pitance ou simple contact chaleureux. L’a-t-elle connu en ce temps de croisade errante, amputé, pratiquant sa science pour ne pas sombrer dans la folie ? Jamais, ô jamais il n’a plus rêvé de famille ou de chaleur, de ces temps bienheureux où l’espoir était encore dans son vocabulaire. L’entendre mentionner son seul lien, ouï dans cette langue oubliée de tous en Pallatine lui serre ce cœur qu’il pensait avoir vu arraché pendant sa greffe. Un traumatisme ? Le brasier. Les hurlements des survivants achevés. L’amputation, l’errance, les Loups. L’hybridation, les outrages, les marquages, les meurtres. Autant de raisons, mais aucun oubli. Rien ne peut être oublié, surtout vu dans la glace chaque jour, barrant son visage d’un sillon foncé ou pulsant la nuit le long de ses côtes. Sa vie est un chemin de croix perpétuel depuis une décennie.

- Je n’ai rien oublié. Jamais. Qui es-tu pour ignorer ce pourquoi nous avons dû nous battre ? Ces traîtres m’ont enlevé il a plus de deux ans, je crois.

Il la toise de haut en bas, amer, observant sa bien portance, cette joie primaire et le panel d'émotions si peu compatibles avec ce que ses frères d'armes ont vécu. A l'opposé de l'ombre de vivant qu'il lui sert, elle respire une vie prospère, un passé plus radieux. Une famille, dont elle voudrait qu'il fasse partie.

Dim 20 Mai 2018 - 23:52
Stella sentit sa gorge se serrer et son cœur rater un bond en entendant qu'il ne l'avait jamais vue et que, pire, les siens étaient morts. Perdre des êtres chers, elle l'avait vécu bien trop de fois, et la mort avait fait partie de sa vie quotidienne sur Terre. Sur Pallatine, les choses allaient un peu mieux, mais la mort rodait toujours, n'ayant jamais vraiment quitté les cotés de Stella qui laissa couler quelques larmes l'espace d'un instant. Mais elle les essuya rapidement, se rendant compte que plus le discours d'Hart avançait, plus quelque chose clochait.
L'empire ?  Un royaume russe ? Quel front ? Lorsqu'elle avait quitté son village, rien de cela n'existait. La Russie, elle l'avait visité, et il n'y avait de même que des villages isolés, loin de quelque chose ressemblant à un royaume ou un empire, une chose, un concept dont elle avait pris connaissance que dans des livres ou par la bouche de son mentor. Mais ce qui attira le plus l'attention de la jeune Stella qui n'avait pourtant rien de brillante était le fait que Hart avait quitté cet… « empire » il y'a 14 ans. Hors, Hart ne semblait qu'être dans son début de trentaine, à peine même. Et si on faisait les soustractions, maximum 34 - 14 était égal à...euh…environ 20 donc? Il était parti à environ 20 ans? Même si cela restait une approximation, c'était impossible. Stella l'avait connu depuis si longtemps, de ses 16 ans à ses 26 ans lorsque la chevalière avait quitté son village. Il n'avait pas pu partir.

Elle ne comprit pas pourquoi il semblait soudainement amer envers elle, mais cette dernière ne recula pas, soutenant son regard.
« Des traites ? » Parlait-il de l'institut ? Sans doute. Elle en conclut que l'homme en face d'elle avait été emmené contre son gré, quelque chose qui arrivait et qu'elle ne supportait pas.
« Qui-est tu » avait-il aussi dit. C'était une question qu'elle commençait à se poser elle même au vu de la réaction du Hart qui n'était pas vraiment Hart. Il avait le physique d'Hart, sa voix. Mais il n'avait de toute évidence pas la même histoire, pas les mêmes souvenirs qu'il aurait dû avoir, et pas la même attitude et personnalité. Elle le lisait dans ses yeux. Des yeux qui en avaient trop vu, et ce depuis longtemps. Des yeux qui avaient vu des horreurs, les horreurs du champ de bataille. Avait-elle eu ces mêmes yeux après avoir pris sa première vie à 13 ans ? Après sa première bataille à 15 ans ? Elle préféra ne pas y penser davantage et tenta tant bien que mal de relier les éléments entre eux dans sa tête, mais les éléments étaient trop nombreux et trop confus. C'était bien trop pour une simple jeune fille qui était loin d'être éduquée et intelligente.
Aussi, lourdement, elle décida de s’asseoir sur le banc à coté d'Hart avec un grand soupir.

-J'imagine donc que tu ne te souviens pas du jour où tu m'as donné la fessé pour avoir cassé l'un de tes bocaux de médicament, haha. Rit-elle tristement.

Elle ne disait pas cela dans l'espoir de réveiller des souvenirs chez Hart qu'il n'avait pas, mais par dépit et muée par sa propre nostalgie, celle d'un passé meilleur et heureux qu'elle gardait toujours chaleureusement près d'elle.

- C'est un vrai casse-tête que je ne comprends pas. Je te connais, mais tu ne me connais pas. Notre monde et notre histoire semblent...différents. Dans mon monde, nous avions tous les deux vécu une vie prospère, et lorsque j'ai quitté le village à 10 ans, toi tu en avais 26 et tu étais bien portant. Mais maintenant…

Elle regarda le bras d'Hart, ses cicatrices, puis secoua la tête.

-Tu n'es…pas le même Hart.

Elle avait été heureuse de trouver un suédois avec qui parler sa langue maternelle, heureuse d'avoir retrouver Hart, un membre de son village et de ce qu'elle considérait comme de la famille. Mais il n'était pas lui. Ou il était lui, mais était devenu fou.
Devait-elle penser qu'il existait d'autres Hart? Que faire dans cette situation étrange où l'on rencontrait quelqu'un qui n'était pas celui qu'on avait connu ? Elle ne le savait pas, et était de toute évidence perdue.
Mer 1 Aoû 2018 - 19:32


- Je ne m’en souviens pas, en effet. Il y a des chances que ce ne soit arrivé que dans ta tête, surtout.

Ses mots sont durs, son ton aussi amer que d’habitude. Tous deux viennent du même endroit, et au jugé de leurs âges respectifs, surtout de l’attirail de demoiselle qui le dévisage dans l’espoir de trouver un il-ne-sait-quoi, il n’y aucune possibilité qu’elle ne sache pas ce qui a pu se passer. Toute personne de l’Empire, au dessus de seize années a du faire son service, et s’il a plus que mal tourné dans son cas, soit il se trouve en face d’une déserteuse, soit d’une fieffée menteuse. Sa pointe d’optimisme, cette touche déplacée de joyeuseté l’horripile au plus haut point, plus encore que de la savoir bien portante : pas un instant son esprit adhère ou effleure l’idée de ces dimensions alternatives, ni même celle de voyage dans le temps malgré celui qu’il a passé depuis sa capture. D’un geste, il repousse les cheveux sur son front pour dévoiler l’étoile gravée au fer rouge dans son front, en haut de la balafre. La marque de propriété surmontant l’avertissement.

- J’ai quelque chose comme une trentaine d’années, dont les sept dernières passées comme prisonnier grâce à ça. A moins que le Clan t’aie aussi ramassée, ou que tu aie fait partie d’une autre faction, je ne te connais pas mais je veux savoir comment tu connais Idja.

S’il n’est pas sûr de son âge exact –peu lui importe, en vérité, et beaucoup le prennent pour un vieillard à cause de la couleur de ses cheveux- impossible d’oublier son embrigadement forcé à la solde de Brynstål. Toujours debout, il la regarde s’asseoir près de ses affaires avant de se rapprocher tout en maintenant une distance de sécurité ; suit son regard qui glisse le long de ce qui lui sert de bras gauche depuis trop longtemps, usé et gravé par ses soins de runes dans la langue qu’elle doit connaître. Jusqu’à son visage. Ou, plus plausible, jusqu’à ce qu’il montre sans honte. Il lit dans ses yeux l’incompréhension, mêlée d’un scepticisme fondé. Ou quelque chose s’approchant plutôt de la pitié, ce qui est pire. Comment peut-elle savoir pour son métier, ses capacités, sa sœur ? Son nom, sa langue, et cette foi beaucoup trop plausible qu’elle arrive à exprimer quand elle affirme le connaître ? Sa mémoire ne lui a jamais, jamais fait défaut, et il ne connaît qu’une ou deux personnes, ennemies, qui pourraient avoir communiqué autant de détails ; ce qui renforce d’autant plus la méfiance qu’il lui oppose.

- Je suis Hart Rustning. Et tu ne me connais pas, sauf si tu es l’une des leurs.

Il ignore complètement que sans ses caractéristiques traumatiques, il possède le même accent que son alter-ego stellien, le même physique, les mêmes manières, des gestes parasites aux habitudes, tout pour plus induire en erreur l’adolescente qui lui fait face. Que seule diffère un cœur dur et un syndrôme post-traumatique grave, et cette partie inhumaine et mécanique.



+2
Lun 6 Aoû 2018 - 1:45
L'incompréhension et la confusion habitaient toujours Stella face aux déclarations de Hart. Mais, petit à petit, elle commençait à les accepter comme elles étaient : des choses qu'elle ne connaissait pas, et qu'elle ne connaîtrait jamais. Le clan, une faction, elle ne voyait vraiment pas de quoi il parlait non plus. Tous deux étaient dans une impasse, face à des gens qu'ils ne connaissaient pas, où qu'ils croyaient connaître, et face à des histoires contradictoires.
Et à ces sentiments s'ajouta la colère et la rage en voyant Hart mutilé et blessé ainsi. Cette marque, qui l'avait faite ?

-Comment j'ai connu Idja ? Tout comme je t'ai connu toi, à ma naissance, dans le village.


Plus la discussion avançait, plus les éléments devenaient confus, et plus Stella avait la certitude que l'homme à coté d'elle n'était pas Hart à proprement parler. Qu'il n'était pas le Hart qu'elle avait connu. Ce dernier avait donc raison d'une certaine façon : Elle ne le connaissait pas. Il était Hart Rustning, mais elle ne le connaissait pas. Et, arrivant à cette réponse, elle se renferma dans le silence, observant les passants dans cette ville si immense, dans ce monde si différent. Et puis, quelque chose la frappa. Ces passants aussi avaient leurs propres mondes, leurs propres histoires.
Il existait différents mondes, et parfois, on disait à Stella « pauvre de toi, ton monde est vraiment triste ». Elle ne connaissait pas les détails, et ne les connaîtrait jamais car bien trop complexes, mais l'idée qu'il existait plusieurs Hart, plusieurs Stella peut-être, ne lui avait jamais traversé l'esprit...avant aujourd'hui.
Des histoires différentes, un monde similaire où la mort et le chaos régnaient…
Non. Le monde de Stella était légèrement mieux, si elle croyait le peu d'informations qu'elle avait de l'histoire d'Hart.

-Nous venons d'un monde différent, et à t'entendre, ton monde est pire que le mien.  Conclu-t-elle avec amertume. Je suis...désolée. Je t'ai prise pour une autre personne. Qui te ressemble. Mais de toute évidence, tu n'es pas le même Hart.

La déception de Stella fut immense, à n'en pas douter. Mais, étrangement, elle ressentit aussi du soulagement si elle ne se trompait pas. Son village, l'Hart de son monde qu'elle avait connu, ils étaient en vie et heureux, peut-être.
Stella aurait pu s'excuser puis partir, désormais mal à l'aise. Mais même si elle ne connaissait rien de Hart, il restait l'une des rares personnes à pouvoir parler suédois. Elle avait envie d'en apprendre plus sur lui. De renouer….non, de nouer un lien avec lui. Aux yeux de Stella, il avait l'air d'une personne dans le besoin et qui souffrait grandement, et elle était prête à lui tendre la main.

-Est-ce que tu pourrais me parler un peu plus de ton monde ? Pour être sûre.

Oui. Elle avait envie d'en savoir plus. Sur cet homme qui était Hart mais qui ne l'était pas.

+1
Mar 18 Juin 2019 - 23:50


Toujours campé en face de la jeune femme, tu ne bouges pas d’un muscle sans pour autant arrêter de la toiser. Moins débraillée que toi, ses vêtements ont vu des jours meilleurs que tes oripeaux éliminés, mais son attirail porte autant de marques d’usures que la lame encastrée dans ton coude et trahit un usage régulier et un entretien tout aussi minutieux. Vous portez tous les deux des armes en public, échangeant dans un dialecte que si peu de gens se permettent d’évoquer dans la contrée qui vous a enlevé. Si sa jeunesse et son air débonnaire pourrait porter à confusion sur ses activités, à l’entendre, tu sais reconnaître par expérience une arme polie. Ce même air que tu devais arborer durant ton service, à un âge plus tendre que ses deux décades. L’idée, la pensée que vous venez du même monde, mais de deux réalités alternatives ne t’effleure même pas, quand celle que tu es le double presque parfait de cet Hart au destin moins tragique qu’elle mentionne te ferait sûrement tomber à la renverse. « Je doute qu’il y aie un autre Hart. Un autre moi. Même si tu connais beaucoup de détails spécifiques, rien ne me dit que tu ne travailles pas pour eux, et que tu es en partie responsable de ma présence ici –mais je n’ai jamais parlé d’Idja. Ou de mon ‘métier’.» Sortant les mains de tes poches, tu remets vaguement des cheveux en place sur ton front pour dissimuler la marque honnie de ton esclavage, beaucoup trop voyante en prime de ta prothèse. Tu viens réellement d’un autre monde, plus normal pour toi, mais personne n’est habitué ou n’en a connaissance ici. Encore moins de ses progrès, ou de ses aberrations, et c’est bien cela qui t’horripile et t’étouffe chaque jour en les voyant si heureux. Insouciants. Normaux. Egoïstes.

Dire que tu es bien portant est à demi-vrai ; quelques kilos en plus, quelques contusions et cicatrices en moins, toujours autant de sang passé sur tes mains n’est pas exactement ce que la société entend de valide. Libre, peut-être. La question de Stella te laisse pensif, quand tu aurais déjà du tourner les talons pour l’oublier et retourner à tes errances dans un style d’ermite habituel qui fait jaser le quartier que tu traverses pour rentrer malgré la faune locale et bigarrée. « Mon monde… » Tu t’arrête, peu sûr de savoir comment qualifier un enfer qui t’a tant pris, où une bande te ferait sûrement la peau ou pire sans aucune sommation si tu réapparaissait un jour, alors que tu ne vis que pour y retourner pour une raison qui t’échappe. Les grands yeux qui te fixent en attendant un espoir, ou juste une phrase grandiloquente semblent si peu usés par le temps. Tu ignores ton âge, mais tu en a déjà vu assez. « Mon monde est froid. Gangrené par les choix de nos ancêtres, infecté d’une guerre insensée. Ce qui était mon pays, l’Empire, pensait dominer dans un règne de loups et d’esclavagistes en y envoyant ses enfants ; chacun pensait vivre, mais ce n’était que de la survie par tous les moyens. » Ton ton est monocorde, didactique ; si un jour tu as été enthousiaste, personne n’est là pour en témoigner. Tu la pointes d’une main ferreuse, sans animosité mais avec un peu de fatalisme. « Mon monde m’a tout pris, laissé pour mort, avant que d’autres ne s’occupent de ce qui restait. Le tien a été plus clément. Pour toi, ou ce Hart qui n’est pas moi. Ou Idja. Surtout si tu n'as pas connu la guerre. » Tu t’en mordrais la langue jusqu’au sang plutôt que d’avouer que tu voudrais en savoir plus, que c’était un de tes seuls et uniques regrets. Bon sang, c’est ta sœur.

Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum