Seung Joo
Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.Si vous êtes toujours là, alors vous allez découvrir un des plus grands secrets de Seung Joo.
Une nuit, alors que le croupier rejoignait son appartement pour s'accorder quelques heures de sommeil bien mérité, il fit une rencontre tout à fait inattendue. Il fut captivé par la brillance d'une fourrure douce, à moitié masquée sous une couche de poussière des rues, par un regard noir et étincelant, par enfin la vulnérabilité d'une petite masse gisant abdnonnée dans un coupe-gorge, vulnérable face aux malfrats qui y rôdent. Seung Joo n'avait pas pu résisté. Il l'avait pris dans ses bras, l'avait doucement rassurée en la tenant contre son cœur, et l'avait ramené chez lui. Il l'avait soigneusement lavée, avait fondu devant la beauté de ses poils blancs et roses. Et depuis, elle était ce secret qu'il ne s'avouait pas vraiment, mais qu'il adorait conserver pour lui.
Elle avait trouvé la place d'honneur sur son lit, mais quand il était seul, Seung Joo aimait la promener dans toutes les pièces de son appartement.
Il lui parlait en coréen ; il avait décidé qu'elle le comprenait, et de toute façon, le sourire qu'elle lui adressait dès qu'il s'exprimait suffisait à lui réchauffer le cœur.
Aujourd'hui, profitant d'un après-midi libre avant une grosse soirée, et ayant terminé ses derniers tirages de monnaie un peu plus d'une heure auparavant, le croupier s'est posé dans un coin, la tenant délicatement dans ses bras, pour lui lire une histoire. La lecture est une activité à laquelle il s'adonne beaucoup moins, mais qu'il n'abandonne pas tout à fait ; il reste à jamais amoureux des belles lettres et de leurs sens multiples. Plongé dans sa lecture, Seung Joo sursaute en entendant la sonnerie de sa porte. Qui donc peut venir le déranger en cet instant de paradis ? Les seules personnes qui disposent de son adresse sont ceux à qui il doit obéissance, ou celui à qui il offrirait volontiers son temps libre. Il la pose sur le guéridon de l'entrée, se disant que celui-ci se trouvera de toute façon dans l'angle mort pour tout nouvel arrivant, et qu'il ne pourra donc pas poser les yeux sur son précieux trésor. Seung Joo va alors la porte et demande :
« Oui ? »
Son sourire s'efface. C'est Naga qui se tient sur le seuil de sa porte, visiblement prêt à en découdre, pour le plus grand malheur du Coréen. Celui-ci affecte cependant de ne rien savoir et demande en toute innocence :
« Que me veux-tu, Umiaktorvik ? »