Corinth Roussel
Caractère
Histoire
Il a grandi comme une mauvaise herbe, entre l’ombre rassurante de deux pavés qui le laissèrent pousser à sa guise, l’esprit libéré du moindre stéréotype ou du plus petit préjugé, mais étranglé parfois par une autre plante présente avant lui.
Plus tard, deux autres touffes de chiendent vinrent s’ajouter au tableau. Williwaw et Cordelia, deux adorables jumelles au-dessus desquelles Corinth se pencha dans une gestuelle protectrice.
La plante qui l’étranglait, s’insinuant dans le moindre recoin, fendillant la pierre autant qu’elle le pouvait, était Anton, d’un an son aîné.
Les pavés étaient ses parents, bien sûr. Des parents si laxistes qu’ils en étaient presque débonnaires. Oh, Susan était une mère attentionnée mais tous les matins, elle embrassait l’herbe et câlinait les arbres en murmurant des secrets à l’écorce sourde. Alfred était un père aimant mais il préférait tailler ses pierres que faire face aux conflits qui finissent immanquablement par surgir au sein d’une famille digne de ce nom.
Anton était celui qui faisait surgir lesdits conflits. Leur mère disait toujours que ce n’était pas de sa faute, qu’il portait en lui les tourments de ’68, l’année de sa naissance, que la violence finirait chez lui aussi par laisser place à la paix, que plier un individu dans le sens contraire à sa pousse naturelle était une aberration, qu’il fallait simplement laisser le temps au temps.
Blablablabla.
Susan était une mère rigolote mais elle disait beaucoup d’âneries. Corinth, quant à lui, était persuadé que son frère avait un mauvais fond sur lequel il était urgent d’intervenir. Au mieux, il était d’un naturel frustré et le leur faisait payer à tous.
Aussi, il avait beau adorer ses parents, adorer les jumelles, c’est chez papi Etienne qu’il se sentait le mieux –heureusement, celui-ci habitait seulement 3 rues plus loin.
Il faisait toujours trop chaud chez lui, même mamie Caroline se plaignait, parfois ; mais elle finissait toujours par laisser passer, avec un sourire attendri pour son mari frileux, son mari qui a vu pire et qui a bien le droit de s’étouffer dans quelques degrés excessifs.
Corinth aussi laissait passer parce que chez papi Etienne il y avait toujours des bonbons pour lui, des « bonbons tombés du bateau » comme Etienne disait avec un sourire aux dents jaunies par la cigarette et un clin d’œil malicieux (il paraît qu’ils ont les mêmes yeux, du même bleu froid et délavé).
Papi Etienne affirmait ne pas avoir de préférence entre ses quatre petits-enfants, mais Corinth était persuadé qu’il mentait, persuadé que c’était lui qu’il préférait.
Après tout, c’est à lui qu’il racontait le plus d’histoires.
Peut-être parce qu’il était le seul à les écouter ; les histoires de papi Etienne étaient affreusement tristes et elles finissaient toutes par se ressembler. La guerre. La jambe qu’il a failli lui laisser, en plus de son frère. La rééducation dont il a cru qu’il ne verrait jamais la fin. Les ruines quand il est revenu. Le bruit des bombes qui continuait de le hanter.
Et puis, dès qu’Etienne pensait que Caroline n’entendait pas, il y avait Marguerite.
Marguerite Marguerite Marguerite Marguerite Marguerite. Le refrain rassurant d’une chanson issue de l’enfance, la sucrerie pour adoucir toutes ces histoires amères, le rayon de soleil qui faisait briller ses yeux un peu froids.
Corinth est persuadé que ce prénom fut le mot auquel Etienne voulut consacrer son dernier souffle.
La médecine de leur époque n’a pas bien compris de quoi il était mort, donc le gamin non plus.
Tout ce qu’il a compris, ce fut l’enterrement et cette photo d’une adolescente qu’il récupéra dans le portefeuille de papi Etienne.
Il n’arrivait pas à faire son deuil, alors il chercha. Même s’il n’avait prévu de ne retrouver qu’une tombe, il chercha. Il chercha parce qu’Etienne n’avait jamais trouvé et que dans sa tristesse, il ne voyait pas d’autre façon de lui rendre hommage.
Il chercha avec la force de l’insatisfaction, l’insatisfaction qui teintait chacune de ses journées dans cette époque qu’il jugeait figée et qui le frustrait, l’insatisfaction qui ternissait chacune de ses interactions avec des gens qu’il aimait mais à qui il demandait trop.
Il y avait Emily, une adorable fille, une de ses rares amis, celle dont il était le plus proche, celle dont le soutien lui était précieux mais aussi celle dont les grands yeux adorateurs réclamaient de lui quelque chose qu’il ne comprit jamais.
Il y avait les jumelles qu’il aimait profondément, pour qui il inventait des histoires et qui avaient des rires presque hystériques dont il se délectait, mais qui étaient trop jeunes pour suivre l’enchaînement frénétique de ses idées.
Il y avait ses parents qui leur offraient une liberté qu’il chérissait par-dessus tout, qui les encourageaient à vivre de leurs passions comme ils le faisaient eux-même, mais en contrepartie il y avait les difficultés financières et cette mollesse globale qui l'irritait tant.
Et surtout, surtout… il y avait la frustration d’Anton.
Anton et la cocaïne sur sa table de chevet, Anton et ces gens louches qui l’attendaient en bas de chez eux au crépuscule, Anton et la façon dont il sectionna les cordes de sa belle contrebasse dans un violent accès de jalousie ; et tout cela fut la rébellion qui mit finalement son sang à ébullition.
Corinth partit pour Pallatine.
Corinth partit pour trouver une Marguerite qu'il a quasiment déifiée en espérant qu’elle ferait briller ses yeux du même éclat que celui qu’elle mettait dans le regard de papi Etienne.
Corinth partit tel un gamin naïf part en colonie de vacances, sans vraiment se rendre compte de ce qu’il laissait derrière lui, sans vraiment envisager qu’il n’y aurait peut-être pas de retour possible ; l’herbe est toujours plus verte ailleurs et c’est pour le moment tout ce qu’il voit.
Bref, Corinth a fait sa crise d’adolescence.
Actuellement, j'utilise Pedestrian Simpleton comme pseudo, mais selon les endroits j'ai aussi adopté Aspartame, Kit Kat Burger et Smirking Muffin • J'suis toute neuve ici • 20 yo • Etudiante en médecine • J'aime Star Wars (bcp bcp), traîner sur tumblr et les tests de personnalité +/- stupides • Si vous me voyez pas souvent sur la CB ou que j'y dis rien c'est parce que je suis une flippée de la vie ♥