Sara Krizman
her ribcage is filled with flowers
Qu'elle est jolie, Sara, de ses tresses d'Amazones et de son espoir fébrile. Qu'elle est fragile, Sara, du haut de son cou élégant et de ses robes perlées.
Elle a ce regard doux, de ceux qu'on pense accessible -oh, mais vous vous en doutez déjà, ce n'est pas si simple d'atteindre Sara. On le ressent, c'est immédiat ; et elle vous sourit, angélique, alors on oublie tous ses soucis. Elle est de ces choses qu'on veut protéger, Sara, de ces fées qui sortent droit des livres et pour qui on se transforme en héros moderne -peut-être qu'elle ensorcelle. On accourt pour pousser son fauteuil et elle vous remercie en un rire léger ; l'idée qu'elle aurait préféré le faire elle-même ne vous traverse même pas l'esprit.
Après tout, elle est paraplégique, la princesse Améthyste.
Drame moderne ah histoire qui sert d'exemple ; tout le monde la connaît, Sara. La jolie Sara, la poupée de l'Institut -comme une fascination, un trésor à protéger, une vie à améliorer. Tout le monde le dit : elle mériterait mieux, Sara.
Mais elle sait, Sara, qu'il y a surtout de la pitié dans vos yeux délavés. Qu'il y a du soulagement de ne pas être à sa place et oh, nombre sont ceux qui chuchotent mais peu sont ceux qui agissent. Elle ne leur en veut pas, Sara. Elle a le pardon facile et la voix de velours, on l'écoute quand elle parle de ses mots cassés en deux, parce qu'elle ne crie jamais et que sa puissance réside dans sa douceur. Elle fascine, et sa présence est lourde autant qu'elle est légère ; on ne peut l'ignorer mais elle fait fi de sa condition. Oh, que vous êtes maladroit, quand vous en parler -ça la fait rire, ça aussi, à vrai dire.
Elle rit souvent, Sara. D'un son aérien, comme si elle était gênée, comme si elle voulait se cacher ; mais ça aussi, ça l'amuse. Le bonheur semble émaner de sa peau et de ses yeux plissés, elle déborde de joie -elle irradie, même, et parfois on a du mal à le supporter.
Et elle se laisse embarquer dans ce rôle de porte-bonheur oh elle est douce Sara, elle est calme Sara, elle ne s'énerve jamais Sara, c'est un ange sur terre Sara, si lisse et si docile.
On y croit, vraiment, parce que c'est aussi ce qu'elle est, au fond. Mais elle passe sous silence ses ambitions de liberté arrachées et son caractère de fer -elle sait ce qu'elle veut, Sara. Elle n'est pas du genre à trop longtemps pleurer ni même à s'apitoyer ; oh pour sûr qu'elle a cette sensibilité à fleur de peau et cette émotivité, mais qui tend vers la neutralité. Le fait est que Sara n'est pas fondamentalement bonne. C'est si triste de casser le mythe, mais si elle est là, Sara, c'est bien pour elle et son égoïsme sous-jacent -qui peut la blâmer, quand on la plaint autant. Quand ses manières sont parfaites, quand son sourire rappelle au peuple d'être heureux d'avoir mieux.
On peut peut-être la dire hypocrite, Sara, mais elle a appris à apprécier distribuer un peu de chaleur humaine, à s'effacer à s'oublier. Parce qu'elle sait, au fond, Sara, que la récompense viendra -mais pas de suite, pas de suite. Alors elle attend, et autant le faire en se sentant utile -elle sait aussi qu'elle n'est pas seule et oh, elle fera tout pour que l'Institut perdure. Pour que son histoire ne bascule pas dans le désespoir.
Âge: 17 ans
Naissance: 03/05/1855
Arrivée: 10/07/1866
Présence en ville: 6 ans
Nationalité: slovène
Métier: ambassadrice de l'Institut
Statut civil: célibataire
Groupe: Institut Svensson
Section: Arrivées & Éducation
Rang: ambassadrice
Nom de code: Princesse Améthyste
Taille: 1.76 mètre
Corpulence: fine ; jambes squelettiques
Cheveux: bruns, tressés la plupart du temps ; ondulés
Yeux: mystérieux ; oh tantôt de ce violet triste du nom d'améthyste, tantôt bleus sans aspérités -mais ils accrochent, pour sûr, avec toute la douceur du monde
Autres: elle a les jambes paralysées mais oh, loin d'elle l'idée d'avoir l'esprit enchaînée à ses roues chromées
"i know how you feel, atlas.
i carry a whole world inside my mind."
- HEAVINESS; L.T
Elle regardait les roseaux se plisser au-dessus de l'eau quand elle était gamine, Sara. Elle avait les pieds dans la boue -de celle qu'il y a aux bords des rivières, de celle qui frétillait de têtards en temps voulu- et parfois ses ongles devenaient si bleus qu'elle racontait qu'ils allaient se fondre dans la matière.
Elle aimait avoir froid, Sara.
Ça paraît peut-être étrange peut-être un peu mélancolique -mais rien de tout ça. Déjà avant, elle était de ces rires calmes et posés mais pas sans identité ; de ces joyeusetés qu'on aime mystifier.
Alors elle aimait avoir froid, Sara, et elle sortait dans la neige et elle aimait se noyer -elle a toujours eu cette vision des choses un peu décalée. Un peu dévorée. Un peu isolée. C'est peut-être pour ça que son sourire fascine autant.
Elle n'a pas toujours été princesse -oh, elle a été bien éduquée, elle avait ce port de tête royal et ces yeux revolvers, ces yeux de prune aventurine, de vipérines. De vipérines de barbes bleues de campanules de crocus de céanothes de delphiniums -elle essayait de trouver les couleurs dans les fleurs au lieu de les voir dans des mots parce qu'elle est terre-à-terre mais pas trop ; il lui fallait des images, Sara, des odeurs et des lettres sur papier mais pas des mots. Pas des mots.
Elle aimait marcher pieds nus, sentir les herbes et les insectes ; elle aimait se percher au bord d'une fenêtre et avoir le vide au bout des pieds ; elle aimait la caresse de son chat qui se frottait contre ses jambes.
Et un jour, elle est tombée, Sara. A force de trop vouloir savoir, elle est tombée. Elle s'est cassée.
Oh comme une poupée déréglée dans son lit mal plié, comme un jouet cassé qui aurait un peu trop existé.
Elle n'avait plus que les mots, Sara. Elle avait les mots mais plus ce qui allait derrière oh il lui manquait des morceaux de vie de quoi être complètement ici.
Alors elle est partie -là-bas. Elle n'a pas vraiment compris, Sara, elle a juste dit oui.
Et voilà diamantine Pallatine ; de l'attention et des prisons qui n'en sont pas -elle est heureuse ici, Sara. Elle est heureuse ici, parce qu'on lui a appris à comprendre les mots sans les vivre. Parce qu'on lui a appris à exister à travers d'autres à utiliser leurs paroles leurs expressions leurs éclats dans les yeux et oh, à se dépasser soi-même. Elle le sait, Sara -elle n'est plus seulement elle-même ; et elle n'aime toujours pas les mots, mais elle les comprend un peu mieux.
Elle a les yeux améthystes et la beauté de ces Adonis -un air macabre quand on remarque ce qu'il ne va pas, un air de cadavre qui la rend inattaquable. Et elle sourit -avec une douce mélancolie et cette joie de vivre ; elle est heureuse d'être ici. Elle est heureuse d'être ici.
Et quand on lui demande de raconter son histoire, elle n'est plus vraiment triste, Sara -parce qu'elle a espoir.
amour sur vous ♥♥♥