Rester calme. Afficher un air détendu ; ça, Wilhelm pouvait le faire. Il en avait l'habitude ; on lui avait inculqué cette manie depuis l'enfance. En toute circonstance, garder un air presque serein ; car après tout, on ne prend pas au sérieux quelqu'un qui commence à s'énerver, éructer, se conduire de manière indigne. Il le savait. Et exprimer une méfiance trop prononcée envers l'inconnu eût été suspect. Bien entendu, on pouvait se méfier d'une personne qu'on ne connaissait pas ; personne ne pouvait le reprocher. Mais il fallait faire attention à ne pas tomber dans la paranoïa, cela ne pourrait que le desservir. Si discussion il devait y avoir - et il y en aurait certainement-, autant que cela se passe dans les meilleures conditions possibles. Il ne pouvait pas non plus se montrer trop hostile. Son collègue opportuniste semblait déjà plus sanguin que lui ; Wilhelm se devait de compenser cet état de fait par une attitude plus amicale, plus ouverte.
Hafiz At-Tabarî, restaurateur... Cela ne lui disait fichtrement rien. Ne pas connaître sa diaspora commençait à.. non pas l'inquièter, mais à lui fournir un motif de préoccupation. Il n'aimait pas cela ; une diaspora donnait au moins l'orientation générale d'une personne. Mais après, le restaurateur aurait pu mentir. En revanche, lui savait à présent que Hooks et lui étaient opportunistes, et cela ne l'enchantait pas. Cette diaspora n'était pas forcément toujours très bien vue ; Wilhelm et ses confrères, en plus d'afficher une image de bourgeois, passaient parfois pour des requins sans scrupule prêts à tous pour atteindre leur but. Diantre, ils n'étaient pas tous comme ça après tout ; chacun était différent. Il était vrai que Wilhelm aimait se saisir des opportunités qui s'offraient à lui pour avancer, comme tout un chacun ; mais toujours avec honneur et morale. C'était son credo. Seul avantage de cette situation : At-Tabarî connaissait leur diaspora mais pas qui ils étaient, il semblait n'avoir jamais entendu parler d'eux. Ma foi, ce n'était pas plus mal. Qu'il eût commencé à jouer sur leur éventuelle réputation aurait pu agacer profondément le germanique...En revanche il semblait que le restaurateur connaissait Odette Valcoeur. Un point pour lui, encore. Mais Wilhelm n'était pas seul dans cette affaire, après tout.
Un regard vers Hooks, pour lui rappeler qu'ils faisaient équipe, qu'ils étaient deux. Ils devaient se faire confiance dans cette affaire.
"Madame Valcoeur, mon collègue me corrigera si je me trompe, mais vous avez attiré l'attention en lançant ces rumeurs. Par conséquent, on ne peut exclure la possibilité, en effet, que le ravisseur veuille vous faire taire. Mais ne vous en faites pas. Nous sommes là pour vous protéger."
Un bref sourire rassurant à destination de madame Valcoeur, avant de se tourner vers le quatrième larron de cette réunion improbable.
"Je comprends vos suspicions monsieur At-Tabarî. Il est vrai que la situation est un peu inhabituelle ". commença-t-il calmement. "Voici ma carte d'identité, si vous souhaitez la vérifier. Même si nous conviendrons tous deux que sa valeur n'est pas forcément extraordinaire, ici à Pallatine."
Tout en parlant, il tendit le dit-document à son interlocuteur, le laissant l'examiner à loisir ; autant qu'il se rassure, s'il le pouvait, cela ne lui coûtait rien et pouvait s'avérer précieux par la suite... Puis il récupéra sa carte et la replaça dans sa poche, tranquillement, avant de reprendre la parole.
"Quant à notre nombre...Les autorités de notre diaspora ont jugé qu'envoyer un représentant de chacun des organismes dirigeants était plus équitable ; ainsi, le BIR et le Conseil d'Administration ont tous les deux une voix au chapitre. Cela évite qu'un des deux organismes ne prenne des décisions arbitraires seul, ce qui serait contraire à l'éthique de coopération maximum de notre diaspora. Rien de plus."
Si cela pouvait dissiper les soupçons qu'il nourrissait à leur égard, il ne demandait pas mieux.