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Impression soleil couchant, temps brumeux (Tobias)

Dim 28 Mai 2017 - 18:11

Je pense parfois que le musée est une vaste arnaque ; la culture ne bouleverse vraiment que ceux qui savent s’en saisir. Et tous ces gens qui passent, qui dérangent le silence de l’Art, les délicates ou foudroyantes intentions des peintres, par cette curiosité que ces touristes de la vie portent, et si vide de sens. Je les vois chaque jour s’extasier devant le prestige d’une œuvre qu’ils ne connaissent pas, ou que d’un nom, sans comprendre. Ils impriment l’image, l’oublient à la seconde où ils défilent dans les grandes avenues dallées, jusqu’à l’œuvre suivante. Et ils ne s’attardent jamais, ils ne pensent jamais, ils observent sans ne rien voir. Ils se gavent comme des oies, délaissent ce qu’ils jugent insignifiants. Leurs jambes se baladent et foulent le sol comme elles faucheraient l’herbe d’un jardin. Ils s’émerveillent et je désespère. L’essence même de l’Art se suicide dans leurs regards. Les œuvres se chagrinent devant l’indélicatesse d’un public presque ouvrier, se pressant vers la sortie et emportant enfin dans leurs bagages l’idée effroyable d’une usine culturelle.
Et je reste un instant coite devant ce ridicule, ce jour de trop. Je regrette l'absence d'un verre entre mes mains. J'aurai bu à cette indifférence, à ce cirque. Je ne compte plus les secondes qui me séparent enfin de la foule.
Je finis pourtant par m'éloigner de l'entrée, l'esprit un peu ailleurs, dans cette incompréhension foudroyante. Ils sont partis. Et je me demande encore ce qui m'arrive. C'est peut-être ce vague sentiment de libération qui m'emporte. Le soulagement enfin. Le musée fermera dans une heure, je respire. Le lieu retrouve toute sa sacralité. Je pourrais errer dans ces allées presque vides,
toute la soirée et toute la nuit, sans me lasser vraiment.
Les épaules qui s'affaissent, mes mains se noient entre les pans en mousseline d'une longue jupe pâle et beige. Mes pas ralentissent, s'agrandissent. Je dérive sur une mélodie imaginaire, un air classique. Je pense à cette tranquillité retrouvée.
Je suis chez moi.
Maintenant je connais par coeur ces chemins, ces ailes peuplées par des courants de tous les temps, de tous les horizons, et même par l'Art que je ne connais pas encore, que je n'aurai jamais dû rencontrer peut-être.
Tous me dévisagent.
J'aime croire que nous nous connaissons.
Je les chéris doucement, pour ce qu'ils sont aussi ; mes derniers repères.  

Entouré d'impressions sur toile, il se détache doucement, se rappelle à ma mémoire. Je comprends que je m'attendais à le trouver là. Naturel, étranger et habitude à la fois. Il devient presque lui-même une oeuvre d'art. Peut-être a-t-il toujours été là, bien avant moi. Je ne sais pas. Et j'imagine le connaitre sans jamais pourtant lui avoir adressé un mot. Je sais pourtant tous ces endroits où il ne va jamais. Souvent, quand notre collection accueille une nouvelle impression je pense à lui. C'est furtif. De loin je veille quelques secondes encore sur ce tableau qu'il offre, sur cette scène qu'il est, sur les esquisses qu'il dresse sans jamais oser pourtant l'interrompre dans son Art. Je ne suis qu'une humble figure de l'ombre. Je pourrais m'oublier à le regarder ainsi s'oublier lui-même.
C'est pour les êtres comme lui que la peinture existe.
Comme toujours, je pourrais passer mon chemin et faire semblant de l'ignorer. Pourtant, à une seconde près ce sont toutes mes habitudes millimétrées qui se décalent.
J'ai un souffle nouveau pour se jeter contre sa peau.

« L’artiste est un impressionniste français, il a disparu avant d’être connu. Ses œuvres ont sombré dans l’oubli depuis. Cela faisait trop longtemps que celle-ci prenait la poussière dans la réserve. La plupart des gens passent devant sans la regarder ; les gens ne s’intéressent à tort qu’aux grandes choses. S’ils s’arrêtaient… Alors ils se rendraient compte qu’une toile de petite taille peut être riche en intensité. »

Nos deux corps se retrouvent bientôt sur la même ligne. Il est plus grand ; mon épaule n'arrive pas à la hauteur de la sienne. Les mains croisées, je ne sais pas si je fais irruption dans la scène trop tôt ou trop tard. Peut-être ne suis-je qu'un élément rapporté au tableau. Suis-je apparue trop furtivement ?  

« La brume dissimule les embarcadères, mais les reflets sur l’eau sont particulièrement saisissants. Il a peint cette scène peu après son arrivée à Pallatine. C’est le port de pêche d’Ocane, mais si vous y êtes déjà allé vous l’avez peut-être reconnu. » Une courte pause, le temps de réfléchir. Je revois l'image. « Le port n’a pas beaucoup changé depuis. » Non c'est vrai, comme tout le reste ici. Tout demeure immuable et constant.
Et puis je me souviens, de ce que je viens de faire, de cet écart. Car de l'ombre il me semble passer soudainement à la lumière. Je ne peux pas vraiment m'empêcher de me justifier. Tout ce temps passer à le remarquer, quelques secondes pour exister. « Vous dévisagiez cette peinture avec insistance : j'ai pensé que vous aimeriez savoir où elle avait été peinte. Je ne voulais pas vous déranger bien sûr. »  
  


Jeu 1 Juin 2017 - 21:44
Si le musée de Saint-Juré avait existé sous une incarnation humaine, Tobias l'aurait épousé – qu'il soit homme, femme, ou dénué même de toute identité sexuelle. Ce musée était le cœur de Saint-Juré, ce qui faisait vivre cette parcelle du quartier Sharsfort. Qu'il pleuve, neige ou vente l'Autrichien finissait toujours par s'y retrouver, au moins une fois par jour, tous les deux jours si cela était trop compliqué, pour respirer l'air ambiant. Tel un amoureux des livres inspirant, à grandes goulées, l'odeur du papier et de la poussière. Tobias flânait au sein des couloirs sans prononcer un mot, s'imprégnant de l'ambiance, évitant la foule et les groupes d'excursions. Une fois il fut même tiré de sa léthargie par le gardien tant il était plongé dans une œuvre et avait oublié que le temps filait.

Aujourd'hui il n'avait d'yeux que pour une nouvelle pièce ornant la collection du musée. À première vue il ne payait guère avec sa petite taille, le faisant presque se camoufler derrière les impressionnantes scènes toutes encadrées de dorée, s'étalant sur des mètres et des mètres. Tobias prit place sur une banquette lui faisant face l'admirant comme d'autres observent un paysage par une fenêtre ouverte.

Quelque chose l'attirait dans cette toile, dans ces coups de pinceau, cette peinture qui dévoilait un port se levant aux aurores. La vision d'un matin se levant, saisit à l'instant en quelques traits de gouache. Un instantané qui avait une saveur toute particulière, toute basée sur l'observation, la mémoire de l'homme. Un souvenir qu'une photographie n'aurait pas pu saisir de la même façon.

La voix de la conservatrice le tira de son observation. Tobias cligna des yeux reprenant place dans la réalité, encore déboussolé. Le profil de la femme ne lui était pas inconnue. Il l'avait croisé, plus d'une fois, au détour de ses promenades. Aujourd'hui c'était la première fois qu'elle lui parlait. Il l'écouta religieusement comme un dévot aspirant au prêche de l'homme d’Église.

« Vous ne me dérangez pas. » souffla Tobias, la voix un peu rauque en prenant la parole. « Au contraire. Ce que vous dites m'intéresse beaucoup. Cette toile est sublime. J'ai l'impression d'avoir déjà vu ce style sur... Enfin... Avant de venir à Pallatine. »

L'Autrichien marchait sur des œufs en mentionnant la Vie d'Avant, l'Existence sur Terre. Le sujet était délicat, pas toujours apprécié de ses pairs qui, pour certains, préféraient vivre en ignorant ce fragment de leur vie comme s'il n'y avait eu que Pallatine.

« Je résidais à Ocane auparavant. Si cela se trouve, j'ai rencontré cet artiste au marché sans jamais le savoir ! » s'exclama l'homme avec l'emphase d'un fan se disant qu'il avait pu croiser un de ses modèles, par hasard, au détour du rayon conserves du supermarché. « Pourriez-vous me parler davantage de lui ? S'est-il mis à peindre seulement à Pallatine ? Avez-vous d'autres œuvres de lui ? C'est que, je suis artiste moi aussi, à mes heures perdues. Et j'apprécie beaucoup les sentiments qui se dégagent de cette toile. On dirait du Monet. »

Désolé pour le temps de réponse !
Sam 3 Juin 2017 - 14:12

Elle ne s’était probablement pas attendue à ce qu’il soit si intéressé par ses mots, ses mots qui au fond ne revêtaient pas tant d’importance. Ils n’étaient que notion historique, et on savait qu’à Pallatine, l’histoire se déboussolait sans retrouver sa juste chronologie. « Alors vous devez être un fin connaisseur. » car l’artiste n’avait certes pas marqué l’édifice de l’histoire de l’art, y avait contribué un temps comme tout un chacun bien sûr. L’homme n’existait bien plus qu’au travers d’une signature. « Savez-vous que la plupart des gens vienne se perdre ici pendant des heures en croyant qu’ils s’imprègnent de l’art ? Ils marchent d’un bloc à l’autre à s’en donner mal aux jambes, ne savent même pas qui a peint quoi, et leurs jugements passent d’un extrême à un autre ; j’aime, je n’aime pas. » Et ce disant, puisqu’elle ne le dérangeait pas, les volants de sa jupe oscillèrent doucement : l’instant suivant elle s’asseyait sur le bord de la banquette trop basse tandis qu’elle détaillait déjà les mèches blondes du visiteur.
« La foule me rend égoïste et j’aimerai parfois pouvoir mettre le musée sous clé. Heureusement les gens comme vous me font changer d’avis. Et je me souviens que j'ai trop d'exigences pour cet endroit. »
Et cette vérité là était dite d'un sourire sans charme et sans saveurs, seulement de cette façon très formelle d'exposer les choses. En écoutant sa voix trop fade, en s'attardant sur les traits trop lisses de sa figure, on aurait pu dire que Jade n'avait pas l'âme d'une artiste, qu'elle demeurait trop rigoureuse et trop droite pour les nuances propres de l'Art. Pourtant tout au fond d'elle, elle en mesurait toutes les teintes. Et sans doute prenait-elle cela trop à coeur, les oeuvres avant les gens, avant elle-même aussi peut-être.
Une grimace aigre avait encore parsemé ses lèvres comme elle se rendait compte qu'elle dérivait malgré elle de la conversation. Consciente de cet écart, elle avait maladroitement reporté son attention sur la toile. Et ne pas regarder dans la direction de l'homme lui demandait à dire vrai un effort presque considérable. En repensant à ce qu'elle avait dit, à ses plaintes silencieuses et intimes révélées avant qu'elle n'ait le temps de vraiment y songer, ses joues s'étaient empourprées seules ; voilà que ça devenait une fâcheuse manie de trop en dire lorsqu'on savait plutôt qu'elle avait tendance à ne jamais s'épancher suffisamment.
Et tout en ayant conscience de cela, peut-être troublée, ou fatiguée, ou simplement ailleurs comme cela arrive parfois, le reste était sorti sans même qu'elle s'en aperçoive, d'une insensibilité gauche.
« Cela m'étonnerait beaucoup, après tout il est mort. »
Soudain, elle avait sursauté en entendant la brutalité de ses propres mots. Et se souvenant qu'il existait des manières d'annoncer des décès, sa tête bascula naturellement vers celle de l'inconnu, bouche légèrement entrouverte. Sans son.
Quelques instants seulement bien sûr.
Ses regards affaissés donnaient l'impression qu'elle cherchait comment enchaîner. Les lèvres plissées, elle aurait voulu décrire l'humain le plus justement possible.
« Je suis navrée de vous l'apprendre de cette manière, je ne sais pas si vous l'auriez aimé. Enfin. Je veux dire, ce n'était pas seulement un homme étrange, il était caractériel, il pouvait entrer dans de terribles colères. Il déchirait la plupart de ses toiles dans ces instants là. D'ailleurs je me souviens d'un jour, il a déboulé au musée, à cause de cette toile justement, une allumette en main ; il s'était mis en tête de la brûler. Il était impossible à calmer. Vous imaginez quelqu'un comme moi m'opposer à une montagne ? C'était ridicule. Je crois que je n'ai jamais été aussi énervée de toute ma vie. Je ne sais toujours pas quelle mouche l'a piqué ce jour-là. Je lui ai interdis l'accès au musée pour le punir. Mais il l'avait bien cherché cette fois-là ! Son excentricité le rendait parfois exécrable. En fait, vous l'auriez vu, vous ne lui aurez rien trouvé de sensible, rien de délicat, c'était une vraie brute de la nature. En un sens, cela le rendait unique. Il peignait parce qu'il en avait envie, rien de plus. C'est admirable, vous ne trouvez pas ? Il croyait enfin qu'il n'avait aucun talent ; il est mort sans savoir qu'il était brillant. »
Elle s'arrêta un instant. Il devrait vraiment lui dire qu'elle parlait trop. Néanmoins il lui semblait que le tableau brossé était long mais simple, et représentatif du personnage. Elle n'aurait voulu lui enlever son authenticité pour rien au monde.
« Retournez-vous. Il y a une deuxième toile un peu plus loin. Les couleurs sont criardes. C'est un champ, en été, les altermondialistes cultivent. Cette oeuvre me donne le tournis, c'est beaucoup trop vif à mon goût. »
Sur cette précision, elle avait un instant rompu la distance entre eux, rapprochant son visage de celui de l'homme. Survolant la figure qui lui faisait face, son regard sembla accrocher un point derrière eux.
« Il s'était mis en tête de créer une communauté d'artistes à Pallatine, comme Van Gogh. Mais je vous l'ai dis, c'était un cochon, l'idée était séduisante mais on le trouvait trop pénible. »
Et Jade avait souri, finement, vraiment, comme un début d'éclosion. Faible bourgeon.  
« S'il vous avait connu, il aurait essayé de vous recruter. Bien sûr, pour être sûr d'arriver à ses fins, il vous aurait fait boire. On ne l'aimait pas beaucoup, mais ça ne voulait pas dire que lui-même ne savait pas aimer. Il aurait d'ailleurs aimé savoir quel genre d'artiste vous êtes je crois... Et moi aussi. »

Sam 10 Juin 2017 - 23:52
Tobias avait retenu un rire amusé lorsque la conservatrice lui avoua son envie de garder le musée pour elle seule, le transformer en un refuge où elle seule pourrait y mettre le pied. Un temple fermé aux yeux et mains de ceux qui ne méritaient pas d'y fouler le pavé. Cela aurait été du gâchis d'agir ainsi. Néanmoins Tobias pouvait le comprendre. Lui-même en entendait parfois des belles lorsqu'il se promenait au sein des galeries. Et il se mordit la lèvre en se rappelant ses premières impressions face à l'art contemporain, n'en comprenant pas l'existence. Il avait appris depuis, s'étant fait à la raison qu'il ne comprendrait jamais ces figures là, ces couleurs et traits trop abstraits pour lui. C'était, simplement, une histoire de goût. L'on ne pouvait pas tout aimer.

Le mot mort figea l'esprit de Tobias. L'homme répéta le mot en écho aux propos de la conservatrice. Son regard croisa celui de la jeune femme en une interrogation muette. Il avait envie de savoir comment cette mort était advenu, mais se refusait à poser la question. Il ne voulait pas jouer les vautours, se nourrir de noires confessions qui ne le regardaient pas. Mais il écouta les confessions de la femme, le portrait qu'elle dressait de cet homme – la chair derrière la peinture, l'être derrière l'artiste.

« Vous avez eu du courage de vous imposer à un tel individu ! Il m'aurait brisé à vous entendre. Allez savoir ce qu'il a confié dans cette peinture. Peut-être était-il plongé dans une remise en question et considérait-il cette toile comme une erreur. Leonard de Vinci ne voyait, après tout, rien de particulier dans la Joconde et elle a été encensée à travers les siècles ! Moi-même j'ai parfois jeté des croquis... Pour mieux ensuite fouiller dans les poubelles me rendant compte de ma stupidité. »

Il en riait comme un grand-père se rappelant les bêtises qu'il avait commis enfant. Son regard s'accrocha quelques instants à la toile, cette peinture qui avait manqué de finir dévorée par les flammes, avant de se poser sur la conservatrice.

« Je suis un novice. J'ai fait une école, dessiné, peint, un peu de tout... Mais je n'ai aucune gloire sur Terre. Ni ici. J'ai du exercer mon art sous un régime refusant cette expression, voulant la codifier à sa manière. Tout moyen d'expression ne glorifiant pas le régime en place était un ennemi à abattre. J'ai fuis mon pays pour l'Amérique, une terre libre où chacun amenait ses croyances, ses connaissances, son talent... Vous auriez aimé. C'était un pot-pourri de tout ce que l'imaginaire humain peut concevoir dans ce qu'il a de beau. »

Il y avait des étoiles dans les yeux de Tobias, un souffle de nostalgie qui le prenait, redressait ses épaules, sa colonne vertébrale. Se tenant droit il semblait grandi tandis que ses doigts tissaient des fils invisibles, agités.

« Mais dommage c'est du passé. Tout comme le projet de groupe de Monet. Enfin. » Haussement des épaules, concédant que le temps avait été plus fort que lui. Une de ses mains fouilla dans sa besace pour en extirper le carnet aux pages épuisées, recouvertes de croquis. « Si ça se trouve il n'aurait quand même pas voulu de moi ou aurait été un critique acerbe à la vue de mes gouaches. Vous voulez voir ? »

Il tendit le carnet, laissant loisir à Jade de refuser – ou non. Si elle l'ouvrait elle verrait des fragments de la Terre, des profils, des visages croqués au sein d'une foule, des échos de Pallatine et de ses ruelles.
Sam 24 Juin 2017 - 22:17

Je n’étais pas si courageuse. Le fait qu’on puisse penser le contraire me rendait confuse ; je croyais m’usurper moi-même. Je me disais si fort ne jamais l’avoir été. Et s’il avait fallu donner une définition au terme, je jurerai que ce n’était pas ça, que ce n’était pas moi.

Je sentais alors une caresse douce sur mon visage comme une chaleur tiède. Le courage était un caractère noble après tout. J’aimais peut-être au fond l’idée d’inspirer. Je n’étais pas revêche bien sûr, mon cœur préférait les tendresses tristes. J’avais oublié ma joie.

Et quand je regardais l’être sensible, m’attardant sur les reflets d’innocence dorée, la mélancolie pâle, alors bien sûr il appartenait sûrement à ces catégories d’artistes dont l’âme éméchée menace toujours de se rompre sur le rocher. « Vous briser… Etes-vous fragile ? » Naturellement, une sorte de délicatesse émotive naissait toujours des existences les plus écorchées, les plus douces comme les plus précaires, les hasardeuses aussi. Je ne savais pas que ma question pouvait paraître étrange ou bien inconvenante. Je croyais seulement que tout ce qui pouvait se tordre, se malmener, que tout ce qui était voué à se recroqueviller, à se fermer, que cela oui portait une vulnérabilité pitoyable et remarquable. J’avais du goût pour ce qui pouvait rebuter parfois les gens, les rendre indécis encore. D’un avis tranché, sans que je trouve cela beau, j’étais piquée au vif.  « Les œuvres qui survivent à leurs auteurs sont comme des testaments. Elles trouvent toujours écho dans d’autres. » L’Art n’en devenait-il pas plus remarquable ? « Bien qu’elle soit très austère, je suis sûre qu’à l’époque la Joconde a su ravir son destinataire. Mais je crois qu’on l’aime aujourd’hui surtout pour le mystère qui l’entoure ; certains voient le portrait d’une Mona Lisa là où d’autres voient le portrait d’une mère pour un orphelin d’après les propres souvenirs de jeunesse de Léonard de Vinci. C’est peut-être comme ça que la plupart des œuvres survivent, avec l’impression de n’en avoir jamais dévoilé assez. »

La gloire était si ingrate parfois. Elle n’était pas synonyme de talent ; il ne suffisait pas seulement d’être exposé pour être artiste. Cela devait relever plutôt d’un état. « Un novice, ne dîtes pas cela. Beaucoup d’artistes n’ont connu la renommée que bien après leur mort, les époques sont bien capricieuses et dévalorisent suffisamment leurs artistes sans que vous n‘ayez besoin d’en faire autant. Ne laissez personne vous traiter de novice sous prétexte que votre art ne rentre pas dans une certaine case, dans un certain cadre. Il n’y a nul besoin d’avoir des toiles au mur pour être brillant. » J’aimais les inconnus. J’aimais la fraîcheur qu’ils m’évoquaient, par le jamais vu. J’affectionnais jusqu’à l’intérêt qu’ils me suscitaient, par le renouvellement qu’ils apportaient. Je m’étais mise à détester le XXIème siècle peu de temps après avoir compris que le modernisme poussé avait remplacé nos vieilles écoles. On ne rencontrait plus de peintres impressionnistes au XXIème siècle, ni même de maîtres du surréalisme. Oh bien sûr, nous avions toujours de précieux talents. Mais la société grouillante réclamait toujours plus d’extravagance. On s’arrachait les âmes torturées. On enterrait celles qui ne faisaient pas assez sensation. Et je me dis que l’Art ne tenait parfois qu’à la notoriété d’un nom. Tous les plus grands n’avaient pas réalisé que des chefs d’œuvres.

J’avais encore beaucoup de frustration. J’étais fâchée contre l’époque.

« N’est-ce pas l’Amérique des années 40 ? Vous en semblez si fier. »

Et le mot que je ne disais pas tombait lourdement dans mon esprit. J’écarquillais doucement les yeux comme secouée lentement par la brume du matin. On parlait rarement de l’avant. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’aussi jeune et à la fois d’assez vieux pour avoir connu la seconde guerre mondiale. Quel autre régime aurait-il pu fuir ? Beaucoup en y pensant bien. Mais il fallait avoir connu le nazisme pour fuir vers l’Amérique de ces années-là. Et je n’osais pas vraiment aborder le sujet, je manquais de courage et je préférais me réfugier derrière mon tact, une douce subtilité comme amorce pour mettre les pieds dans le plat.

En même temps, mes doigts s’emparaient du carnet tendu. Je le déposais sur mes genoux avec précaution. Ce genre de propositions ne se refusait décemment pas.

« Cela devait être difficile. De quel pays êtes-vous originaire ? Attendez. Vous êtes vraiment très blond, vous pourriez venir du Nord. Oui, vous pourriez être Norvégien ou Finlandais. Mais de la manière dont vous parlez de cette époque, vous semblez y avoir vécu. D’un pays de l’Est ? Non, d’une Europe centrale et vieille. La Pologne, ou… » J’émis un claquement de langue. La Pologne, ce devait être possible, tout comme l’Allemagne. Ou encore, oui. « L’Autriche peut-être. »

Je ne le regardais plus, en vérité malgré la conversation que je maniais encore bien, je n’avais d’yeux que pour ce que je m’apprêtais à découvrir à l’intérieur de ce carnet. Peut-être le témoignage d’un temps passé, d’un temps présent. Et j’avais l’impression que le peintre me livrait ses secrètes esquisses. Je marquais quelques religieuses et longues secondes. Je savourais le relief de la couverture. J’aimais patienter pour mieux m’impatienter ensuite.

« Sans doute qu’il aurait détesté. Il était difficile. Ou votre coup de crayon l’aurait intimidé. Qui peut savoir ? Je ne peux pas vous dire ce qu’il en aurait réellement pensé. Il était trop imprévisible dans ses goûts. Mais peu importait ce qu’il en aurait pensé. Vous êtes vous, et il était lui. »

Alors avec langueur, je poussais un soupir. Presque extatique. Il était temps. D’une main sûre, je relevais la couverture du carnet. Et le monde d’un inconnu s’offrit à moi de la plus belle des manières qui soit.


ps : navrée pour le temps de réponse

Mer 5 Juil 2017 - 21:17
Coucou, ce n'est rien ! Et à mon tour de m'excuser. Je ne sais pas pourquoi j'ai eu du mal à me remettre dans la peau du personnage.

Elle l'adorait à ce point l'Art pour en parler avec une telle poésie, une telle ferveur, que même Tobias n'aurait jamais su trouver mots et ton plus juste que ceux qu'elle avait employé. Cette conservatrice était remarquable – une artiste à sa façon. Qui sait peut-être déposait-elle des mots pour tisser des récits et/ou des poèmes ? Tobias l'espérait même. Ça aurait été gâchis qu'une telle sensibilité ne trouva pas corps dans une expression artistique, quelle qu'elle soit.

Joignant ses doigts, déposant son menton sur le dos de ses mains, l'Autrichien l'écoutait avec la dévotion d'un élève subjugué par les paroles de son enseignant. Ils étaient plongés dans le silence du musée déserté, livré à eux seuls, et dans cette pénombre crépusculaire accompagnant la fin d'une longue journée, ils devisaient sans se soucier du temps, ni même du monde, leur univers tout entier n'étant plus que le musée. Tobias releva la tête, sourire aux lèvres, lorsque la conservatrice devina ses origines.

« Vous êtes aussi voyante ? » Son sourire révélait ses dents et le rire muet qui faisait étinceler des lueurs dans son regard gris. « Vous avez visé juste. Un bien beau pays... Dommage que la guerre l'est si entaché. Mais l'Amérique... » Un soupir s'échappa d'entre ses lèvres. « … Elle me manque tout autant. Le pays de la liberté ! Vous pouviez marcher sans courber l'échine, passer des heures à la terrasse d'un café à construire des châteaux en Espagne... »

La nostalgie lui étreignait la gorge en se remémorant les multiples anecdotes qui avaient émaillé son séjour au sein des terres américaines. Ses rencontres mémorables se comptaient sur plus d'une main, il n'avait pas même assez de doigts pour les comptabiliser, même en y additionnant ses orteils. Nouveaux visages, nouvelles saveurs, nouvelles visions sur le monde... L'Amérique lui avait apporté le renouveau, un second souffle, que le retour au pays avait manqué de moucher comme la flamme d'une bougie.

Se rapprochant de Jade, Tobias observa le carnet par-dessus l'épaule de la jeune femme. Il se permettait, par à coups, de poser un doigt sur les pages, de raconter une petite histoire liée à un croquis, de ralentir son observation, de répondre à ses questions lorsqu'elle en posait. Les visages se multipliaient, ceux du monde d'avant, ceux de Pallatine, mêlés indistinctement sur les pages comme s'ils provenaient du même univers, qu'ils se coudoyaient dans les ruelles.

« Parfois un visage m'en rappelle un autre, alors je ne peux me retenir de le croquer. Passé et présent qui se mélangent... Si cela se trouve, j'ai vraiment recroisé des connaissances sans le savoir. Oh, j'y pense ! Voulez-vous que je fasse votre portrait ? Rien de déplacé, je vous rassure. Juste... Je me dis que ce serait la moindre des choses pour vous remercier de m'avoir accordé un peu de votre temps hors de votre journée de travail. »

Tobias eut comme un sursaut, un retour à la réalité. L'homme cligna des yeux, observa la galerie où seules leurs voix emplissaient l'espace.

« Mais vous avez sûrement envie de vous reposer après cette journée. Je ne voudrais pas profiter de vos largesses. »
Lun 10 Juil 2017 - 21:47

Ses longs doigts effleuraient à peine les pages, caressant par instant une zone ciblée d’un croquis. Les mains de Jade étaient comme des promeneuses oisives qui s’abandonnaient au grès des chemins dessinés dans la pierre de Pallatine, dans ces petites scènes du quotidien qui ne marquaient jamais le temps, sinon celui de l’artiste, tant l’esquisse leur rendait une humilité, une authenticité émouvante, celle d’une tranche de vie qui épousait les contours des figures. Alors les mains de Jade glissaient avec une lenteur instinctive, se reposaient sur un bord avant de parcourir encore le trait. L’expression des regards surtout lui rendait une tendre émotion, la vieillesse particulièrement qui se creusait dans les ridules autour des paupières. Et devant ces sujets qui lui étaient sensibles, elle s’attardait avec une bienveillance palpable à travers un toucher délicat. Le même que si on lui avait confié un Monet.  

Les avis de Jade pourtant restaient silencieux.

Ce n’était pas tant la conservatrice qui jugeait sinon l’amatrice à travers ses ressentis personnels. Et probablement était-elle charmée, comme elle l’était rarement. Quoiqu’un peu. Il lui prenait des envies de savourer. Car c’était ainsi que l’Art se devait d’être consommé. Peut-être aussi était-elle depuis longtemps intriguée par cet artiste qu’elle avait si souvent remarqué. Et c’était à son tour de l’écouter religieusement ; l’anecdote complétait l’œuvre. Et c’était se sentir privilégiée que de se voir donner les explications manquantes, cachées, par la bouche même du peintre. L’inspiration naissait toujours d’un point d’origine auquel on n’avait rarement accès.  

L’émerveillement de Jade était contenu, secret et s’il perçait à travers elle comme les rayons du crépuscule filtraient doucement sur les vitres avant de venir lécher les larges dalles, ce devait toujours être dans un faisceau étroit, d’une lumière déjà couchée. Solitude. Quand Tobias reprit la parole, l’atmosphère se rompit enfin pour Jade. Jugeant soudain d’une proximité inopportune, elle sursauta avant de se décaler prudemment de quelques centimètres. Elle retenait encore quelques mots, aurait voulu lui dire qu’il ne lui devait rien. Après tout, elle s’était approchée de son propre chef. Le temps avait été accordé avec plaisir et ne saurait être compris comme une dette muette. Alors non, comment cet étranger aurait-il pu se sentir redevable alors qu’il lui semblait n’avoir rien fait pour ?

Il retenait une fois de plus son attention. Et elle avait fini par oublier le précieux carnet, encore ouvert sur ses genoux, arrachée à sa contemplation. Ses mains étaient descendues vers le rebord du banc. Penchant la tête sur le côté, elle leva sur l’homme un regard doux quoique légèrement surpris.

« Profiter de mes largesses ? »

Elle cligna des yeux.

Il se passa quelques instants. Pensive, Jade marqua un temps de latence.

Et puis, vous savez, il y a des moments qui ne s’expliquent simplement pas. Des états qui nous submergent brusquement sans prévenir. Elle n’avait plus l’habitude. Cela faisait longtemps, alors le son de sa voix éclata soudain dans le musée dans un rire un peu fort. Quelques longues secondes seulement. Mais c’était brut et presque délicieux, coupable aussi. C’était la première fois qu’elle riait depuis son arrivée.

Détournant pudiquement le regard, le rire se prolongea encore dans un sourire. Une brèche qui tentait de se colmater. Elle murmura.

« Vous ne devriez pas parler de largesses à une femme du XXIème siècle. On vous giflerait. »

Et cela en effet aurait pu en rester là. Elle se serait très certainement levée, aurait disparu tranquillement au détour d'un couloir. Peut-être avec un autre aurait-elle abandonné l'idée. Mais Jade prenait conscience encore qu'elle n'était pas si pressée. La fatigue piquait ses épaules. Il y avait simplement des endroits où il fallait être, et des moments qu'il fallait vivre. Elle pouvait aisément se convaincre que celui-ci en était un. Et pour une fois, enfin, qu'un homme la faisait rire, même involontairement.

« J'accepte bien sûr. Mais je dois avouer que c'est ma première fois. » Elle fixa un point sur la toile accrochée au mur. Ses traits semblèrent s'adoucir. Jade n'exprimait aucune nervosité, aucune impatience. Mais elle demeurait pensive. « Préférez-vous mon profil, ou voulez-vous que je vous regarde ? »



Jeu 20 Juil 2017 - 20:17
Il fallut que Jade lui souffla une explication pour que Tobias comprenne que son jargon du siècle précédent pouvait prendre une toute autre saveur dans les oreilles d'un être venant d'une ère plus moderne. L'artiste se mordit les lèvres, la gorge emplie d'excuses devant une telle maladresse mais le rire de la conservatrice l'en empêcha, lui faisant comprendre qu'elle ne retenait pas le grief. Que les Muses la bénissent ! Tobias s'en doutait tout autre se serait récrié, et à raison, avant de lui infliger gifle ou retombée corporelle toute aussi cinglante.

Reprenant le croquis des mains de la conservatrice Tobias en tourna les pages jusqu'à en trouver une, vierge de tout croquis.

« Merci d'accepter. » À entendre la voix de l'Autrichien on pourrait croire que Jade venait de lui offrir l'opportunité de sa vie. « Le mieux serait que vous vous placiez plus ici... Pour que la lumière extérieure puisse vous baigner... Merci. Je vais me placer face à vous mais, si ça vous gêne, vous pouvez fixer un point au-dessus de mon épaule. Je sais que c'est parfois déroutant de regarder quelqu'un yeux dans les yeux. »

Tobias extirpa de sa besace gomme et crayon tandis que Jade prenait place, choisissait d'elle-même la position qu'elle préférait. Après un temps de réflexion l'homme finit par déposer à ses côtés la pochette de fusains, hésitant encore à en user. Se penchant sur son cahier, une jambe croisée sur l'autre pour servir de pupitre il noircissait la page de quelques traits fins, les prémices du portrait.

« Surtout dites-moi si vous n'êtes pas à l'aise ou que vous avez besoin de faire une pause. Je devrais pas y mettre des heures mais quand on est pas habitué, on peut rapidement perdre patience ou être engourdi. D'habitude quand je prends un modèle c'est à la terrasse d'un café. Les seuls fois où des gens ont vraiment posés c'était durant mes études dans une école d'art de Vienne. »

Sur le papier, doucement, le visage prenait forme. Des traits esquissés surgissaient un regard, un nez, une chevelure dense et noire que le crayon ombrageait.

« Cela fait longtemps que vous travaillez dans ce musée ? »

Nombre d'artistes n'arrivaient à s'exprimer que dans le silence, tout le contraire de Tobias qui pouvait se concentrer au sein même d'une foule bigarrée, dans une rue marchande surpeuplée.
Sam 5 Aoû 2017 - 15:30

On confondait trop souvent ma réserve avec de la timidité. Bien sûr, les gens m’impressionnaient parfois sans que je ne sache trop pourquoi, quoique je me sentais toujours à la hauteur, ou au moins capable de l’être. Je fixais les yeux qui détaillaient tantôt la page vierge tantôt mon visage, et j’attendais. Qu’espérais-je au juste ? Rien peut-être, comme trop souvent. Je n’avais plus vraiment foi, pas même dans le talent des autres, et surtout lorsqu’il s’agissait de faire quelque chose de moi. Je n’attendais pas d’être surprise, ni d’être flattée. La curiosité peut-être de découvrir une nouvelle façon de me percevoir, à travers les yeux d’un autre.

Et la conversation paraissait vouloir suivre son cours. Mon portraitiste semblait enchaîner ses coups de crayons et l’art de la discussion avec une dextérité presque trop évidente.

« Depuis le tout début. J’ai déjà travaillé dans des musées sur Terre. Je ne connais que ça en fait. Alors quand je suis arrivée ici, cela me semblait évident. Qu’aurai-je pu faire d’autre ? C’était ma place, celle dont j’avais besoin. » Pour l’impression qu’elle me donnait d’appartenir à un ensemble. « Les Opportunistes me l’ont rendu. »

A l’époque, on me disait pourtant que je n’étais pas faîte pour ça. Ils disaient, classique, trop sérieuse, trop peu chevronnée et trop prompt à critiquer. Mais je n’ai jamais pensé méchamment, enfin, pas trop souvent. Et pourquoi ne pourrai-je pas souligner ce qui me fascine tout comme ce qui me déplait ? J’ai toujours pensé que j’avais simplement beaucoup de choses à dire sur le sujet, et qu’une œuvre qui me faisait parler autant, et bien, qu’elle devait me marquer à sa manière. Et que ce n’était donc forcément pas une mauvaise chose. Toute œuvre provient d’un désir de création, et toute création, peu importe  ce qu’elle est, ne mérite-t-elle pas d’être admirée ? « J’admire toutes les créations, même celles que je déteste, et surtout parce que je les déteste. » J’aime l’Art. Mais bien avant d’aimer l’Art, j’aime les artistes ; et l’émotion qui donne naissance à une création, à la souche émettrice. Bien avant de chercher l’émotion qui naît en moi, je veux tout connaître de celle qui se cache derrière la toile. Là tout de suite, aussi. « C’est… Un peu excitant. »

La monotonie qui habitait mon timbre de voix aurait caché encore cette excitation que je soufflais à demi-mot, que j’avouais sans jamais faire taire ce petit côté pudique qui refusait que j’en dise trop. Je ne m'épanchais plus, car je craignais de déranger l'artiste, ou de trop en dire.
J’avais envie de me pencher vers l'homme qui m’immortalisait temporairement dans son carnet, j'aurai voulu lire les pensées qui entraient dans le processus de création, mais les envies misent sur pause, je prenais mon mal en patience, en essayant tout au plus de lire des expressions cachées sur le visage que j'avais en face. Lorsque nos regards se croisaient, je ne détournais jamais les yeux. J'attendais toujours. Enfin, j'avais fini par me sentir bête, comme cela arrive parfois lorsqu'il n'y a rien à faire, lorsque l'immobilisme du corps gagnait tantôt celui de l'esprit. Les jambes croisées, le buste droit, les mains blotties l’une contre l’autre sur mes genoux, j’étais parfaitement immobile, et bien stricte, sans folie. C’était ainsi qu’il fallait me coucher sur le papier, tel que j’étais. Je devais être un modèle ennuyeux et sans saveurs pour l'artiste. Le gris sans doute me correspondait bien.

« Vous sembliez aimer l’endroit où vous viviez. Pardonnez-moi ma curiosité, mais je me demande. Que faîtes-vous ici ? »

Dim 13 Aoû 2017 - 17:43
Amusant, ironique même, était la constatation pour l'Autrichien de remarquer que le domaine de l'art et la diaspora des Opportunistes s'entremêlait par deux fois dans ses relations – Jade et Wilhelm. Êtres aussi sensibles que lui à l'Art et à son expression qui avait fini prisonniers d'une caste dont l'aspect, aux yeux de Tobias, avait toujours été celle de bourgeois nantis achetant des tableaux comme d'autres vont vider les magasins. Un moyen comme un autre de se donner de l'importance, tout en rendant l'Art inaccessible au commun comme s'il fallait de l'argent et une éducation aisée pour pouvoir la comprendre. Et pourtant Jade ne semblait pas répondre à cette image, vibrante de poésie. Son corps avait beau être figé, Tobias décelait une lueur dans son regard – l'émerveillement.

Et il ne pouvait demeurer indifférent à un tel amour pour l'Art. Il leva le nez de son croquis aussi bien pour mieux fixer, du regard et du doigt, un détail sur la physionomie de la conservatrice, que pour lui poser une question.

« Vous avez une affection pour les œuvres que vous n'appréciez pas ? Pourquoi ? C'est assez... inhabituel comme approche. D'habitude les gens vous assènent simplement qu'ils n'aiment pas, sans vraiment formuler de raison. »

Lui-même l'avait fait, et plus d'une fois, auprès des œuvres contemporaines, la démarche lui échappant complètement. Elle lui échappait encore mais l'artiste avait appris à respecter, aussi incongru soit-il, cet art et ses partisans se disant qu'il n'aurait pas apprécié, lui, qu'on critique vertement son propre art simplement par dégoût.

« Vous allez rire mais c'est pour un Opportuniste que je suis venu. » Il avait un sourire au coin des lèvres en confiant cela. Il ne pouvait jamais parler de Wilhelm sans émotions. « Un vieil ami qui avait disparu et que je ne pouvais retrouver qu'en m'ancrant à Pallatine. Je vous avoue que, parfois, je me suis demandé si c'était un bon choix. » Tobias leva les yeux, fixant un point au loin avant de se secouer. « Au final je ne le regrette pas. On ne vit qu'une fois. Je m'en serais voulu d'avoir raté l'occasion de le revoir. »

L'Autrichien reposa ses affaires sur sa sacoche en cuir. Il se leva pour se rapprocher de Jade, le carnet à la main, le lui tendant pour qu'elle puisse le prendre et regarder par elle-même. Se glissant dans le dos de la conservatrice, il observa ses réactions par-dessus son épaule. Le portrait se détachait, tons de gris et de noir, sur le blanc de la feuille offrant le visage de la conservatrice et son regard qui semblait perdu, lointain, observant quelque chose que personne ne voyait.

« Il vous plaît ? » demanda l'artiste avec un rien d'appréhension dans la voix, comme s'il était un étudiant offrant son premier croquis.
Ven 25 Aoû 2017 - 22:20

« Peut-être qu’on aime trop facilement et sans raison, et que détester quelque chose demande un effort supplémentaire. Détester, cela veut dire qu’on rejette, que cela provoque soit un malaise, une gêne, une aversion particulière. L’extase a quelque chose de merveilleux, mais la répulsion est unique aussi. Ce n’est pas seulement dire j’aime ou je n’aime pas, c’est une question d’émotions. » Détester, cela devait être instinctif, exécrer ne demandait aucune réflexion. En cela, et au-delà du simple goût, la répulsion satisfaisait tout autant que l’émerveillement. Le rejet n’était qu’une forme mésestimée d’exaltation. « Faire naître le dégoût, c’est une forme d’art suprême. Si l’on se met à haïr vos œuvres, vous devriez en être flatté. Mieux vaut détester puissamment qu’aimer pauvrement. »

Jade était doucement convaincue. Les pensées s’ordonnaient, presque carrées sur le sujet. L’homme avait peut-être raison, tout cela n’avait rien d’habituel, mais il s’agissait après tout d’une intime conviction. Et peut-être cette discussion lui causait un léger souci, comme son visage semblait vouloir se durcir, sans y parvenir vraiment.

« Mais ce sont peut-être les gens qui ont raison. Pourquoi devrait-on toujours tout justifier ? Peut-être que c’est moi qui suis dans l’erreur. L’art n’appelle peut-être pas de raison, et si l’on trouve une raison à tout, on se transforme en chipoteur. Qu’en pensez-vous ? »

Son regard s’était perdu longuement sur le visage de l’artiste, avait fixé de trop les lèvres, un sourire qu’elle ne connaissait pas. Enfin elle s’était laissé prendre par la dorure des fins cheveux. S’il couchait ses traits dans son carnet, elle déposait les siens dans sa mémoire. Et puis finalement, comme ses commissures appelaient les siennes, elle lui avait à son tour souri, sans prétention. Il ne la faisait pas rire bien sûr, pas comme tout à l’heure du moins, du reste elle ne se serait jamais permise de se moquer des raisons qui l’avait conduit à Palatine. Mieux valait venir de son plein gré épris d’un but comme il l’avait fait plutôt que par erreur, juste parce que c’était simplement arrivé.

Elle médita encore. Comme cela devait être étrange de connaître quelqu’un de l’extérieur, d’avant ou bien d’après. Etait-ce rassurant, ou cela éveillait-il une certaine nostalgie ? Elle songea oui, qu’à sa place et même en ayant envie, elle n’aurait probablement pas fait le déplacement.

« Et cet opportuniste, vous l’avez revu n’est-ce pas ? Vous êtes un ami fidèle. Il devait être heureux de vous revoir. Etes-vous toujours amis ? »

Assise, elle leva naturellement les yeux pour suivre l’Autrichien, zieuta une seconde le portrait tendu avant de s’en emparer d’une main lente mais vibrante. Elle regarda longuement, mais il n’y avait pas de doutes possibles, elle se reconnaissait encore. C’est qu’il avait si bien saisi l’aura que se retrouver face à face la rendait mal à l’aise. Bien sûr, se faire face tous les jours dans une glace, c’était autre chose que de graver l’essence d’un regard, immortalisé dans un nuancé de gris et de noir.

« Je ne sais pas, c’est la première fois que je me regarde comme ça. C’est comme une sorte de miroir, mais en plus étrange. Si je vous disais qu’il me dérange, vous seriez vexé ? Il est juste bien trop fidèle à moi-même pour que je puisse l'aimer. »

Mer 30 Aoû 2017 - 23:05
Hors du temps dans ce musée où le crépuscule jetait ses lueurs, hors du monde dans ce lieu où ne se percevaient que leurs voix, Tobias aurait voulu demeurer à jamais. Il y aurait mené Wilhelm, aurait érigé une vague chambre en se contentant d'un lit de camp dans une remise. Et lorsque les lumières s'éteignaient, que la foule libérait les couloirs, alors ils auraient pris possession du musée, auraient devisé de l'Art, de ses prêtres et de ses rites en compagnie de Jade. Ils auraient refait le monde au sein de ce mausolée culturel. Mais Tobias tut toute suggestion de cette idée se doutant que personne, pas même Jade, n'accepterait une telle idée farfelue.

Dommage. Pallatine manquait d'émerveillement. À moins qu'il ne poussa Wilhelm à racheter le musée à son compte et y dicter de nouvelles règles ? Non, absurde. Tout en calmant ses volontés d'ériger des châteaux en Espagne, Tobias écoutait religieusement la conservatrice et son plaidoyer. Lorsqu'elle avoua avoir des difficultés avec son portrait, et les raisons de son malaise, Tobias fit claquer ses mains l'une contre l'autre.

« Vous ne me vexez pas. On a tous des difficultés à observer son propre reflet dans un miroir, à entendre sa propre voix dans un enregistrement... Et je ne vous parle même pas des photographies. S'il vous trouble c'est que, d'un côté, j'ai réussi à bien vous saisir. C'est parce qu'il est si familier, si ressemblant qu'il dérange. Il aurait le visage d'une étrangère vous seriez étonnée, non ? »

Tobias posa ses doigts sur la page du carnet.

« Vous n'êtes pas obligé de l'accepter. »

Ce croquis devait rester un cadeau et non devenir un fardeau que la femme acceptait pour ne pas en blesser le créateur. Comme pour mieux laisser de la place à Jade, de l'espace pour réfléchir posément, Tobias se leva. Les articulations de ses doigts craquèrent tandis qu'il les faisait bouger, ramenant en eux de la vigueur, ignorant les marques laissés par le crayon, les cals sur la pulpe des doigts.

« Et ne vous inquiétez pas pour mon ami. C'est... compliqué entre nous, mais nous ne sommes pas ennemis. Nous avons juste tant à rattraper, et le temps file. Vous savez ce que c'est. On se projette et, sans qu'on ne le remarque, les jours et les mois ont défilé. »

Du menton, Tobias désigna le carnet que Jade détenait toujours entre ses mains.

« J'ai fais son portrait de mémoire au début du carnet. » Le premier visage qu'il avait dessiné sur Pallatine pour inaugurer son carnet tout juste acheté. « Vous le reconnaîtrez peut-être. »

Là où la modernité s'exposait en selfies, Tobias conservait le charme désuet du dessin, de l'ancêtre du portrait-robot, du croquis où se percevait l'émotion.
Sam 2 Sep 2017 - 21:18

« Je n'ai pas envie de vous le laisser. Je n'aime pas l'idée de vous laisser un portrait si représentatif de qui je suis. » L'objet lui était devenu intime et s'imposait à présent à elle. Elle jugeait inconvenant qu'une telle représentation échappe à sa naturelle obsession du contrôle, du banal, et de son existence morne en général. Elle préférait le garder secret, oui, sur sa table de chevet.

Les pages défilèrent enfin entre ses doigts dans un agréable bruissement, jusqu’à atteindre le tout premier portrait du carnet, qu’elle n’observa somme toute qu’un court instant ; suffisant pour être certaine qu’elle ne connaissait pas l’homme qui y était représenté, quoiqu’il lui disait vaguement quelque chose. Mais cela voulait tout dire et ne rien dire. Comme on s’arrêtait en marchant devant un inconnu pour une bizarre impression de déjà vu. Alors, peut-être l’avait-elle croisé, ou peut-être jamais pour ce que cela lui changeait. Enfin. Jade n’était pas bonne physionomiste. Mais les relations humaines devaient être prédestinées dans ce sens, à s’emmêler comme des cheveux longs, hirsutes ou raides : la vie était un complexe capillaire.  

Mais s’il lui arrivait de se demander ce que ses amis sur Terre devenaient… C’était tout. C'était tout et rien que des pensées volatiles. Des questions sans réponses qu’elle étouffait lentement. Parfois, elle ne se sentait simplement plus concernée par le reste du monde. C’était la faute de la ville, hors du temps. Elle ne savait plus si les gens qu’elle avait connu étaient morts, ou si elle les avait perdu dans une autre dimension. Les deux à la fois peut-être.

« Et bien, nous sommes plutôt nombreux, et c'est une vraie assemblée, je ne fais pas toujours très attention, et je ne connais pas grand monde en vérité. »
 
Non bien sûr, Jade demeurait parmi ces existences discrètes, celles qui prenaient garde à ne jamais s'imposer trop longuement dans l'esprit des autres. Comment disait-on déjà ? Pour vivre mieux, vivons caché. Puis se penchant encore vers l'avant, hésitant seulement quelques instants, elle osa enfin avouer l'inavouable dans un chuchotement, les yeux fuyants, légèrement gênée, sans savoir trop pourquoi elle se justifiait.

« Ne le dîtes à personne mais, parfois, il m'arrive de m'endormir durant les assemblées... »

Et c'était seulement ça oui, mais ayant l'impression de tout juste céder à un caprice passager, une petite folie insignifiante, elle enfouit une partie de sa figure entre ses mains, un sourire amusé jeté négligemment contre ses commissures. Il ne s'agissait pas tant de naïveté, seulement il fallait admettre que la vie de mademoiselle Gregory se révélait être d'un ennui mortel.

La semelle de ses derbies vernies crissa bruyamment contre les dalles. La conservatrice se releva finalement, précipitamment, dans une sorte d'automatisme courtois. La gesticule pressée, Jade donnait soudain l'impression d'être bousculée. Elle le devenait souvent d'ailleurs lorsque son esprit embrumé tentait de mettre le doigt sur quelque chose. C'était un besoin encore parfois de clarifier.

« Mais vous n'êtes pas un Opportuniste, n'est-ce pas ? Je ne me souviens pas vous avoir croisé ailleurs qu'au musée. »

Mer 6 Sep 2017 - 13:10
Elle aussi était-elle étrangère au sein de Pallatine malgré sa place au sein du musée ? Tobias croyait déceler une telle situation, dans ses propos, sa confession faite à voix basse comme si quelqu'un avait pu les entendre. L'Autrichien en rit, partageant l'amusement de la conservatrice. Qu'elles devaient être barbantes ces assemblées où l'on parlait art comme on narrait des chiffres, réunions de banquiers sans saveur où même le café ne devait avoir de la caféine que la couleur et non la saveur. Tobias se serait probablement autant ennuyé que Jade. Il n'était pas homme à accepter la promiscuité des cols blancs et leurs rituels aseptisés – il était trop populaire, trop libre, cheval sauvage préférant les plaines que le confort d'un enclos.

« Je n'ose imaginer l'ennui de ces assemblées... » glissa-t-il tout en s'imaginant très bien exploser ou ignorer délibérément les propos énoncés, le nez penché sur un papier, dessinant sur les marges de l'ordre du jour tel le cancre de Prévert dessinant sur le tableau noir.

La question de Jade le fit hésiter, se tendre comme si un danger se profilait sous ces mots prononcés d'une voix innocente. La conservatrice lui rappelait les règles de Pallatine, les diasporas et les conflits qui les opposaient, lui rappelaient son statut de paria à lui et ses semblables, ceux qui avaient décidé de vivre hors des règles au risque d'être ralliés. Allait-elle le repousser s'il avouait sa filiation oubliant tout, tout ce qu'ils avaient échangés, ne retenant que sa faction ? Néanmoins mentir lui était exclu. Tobias avait vu ce que le mensonge pouvait engendrer et susciter et se refusait à user d'un tel stratagème. Plutôt la franchise, aussi blessante soit-elle, au risque d'être chassé.

Si Jade le repoussait pour si peu, faisant fi de son identité, alors elle ne méritait pas sa présence. C'était aussi simple que cela.

« Non non je ne suis pas Opportuniste. » avoua Tobias en secouant la tête, souriant à lui-même.

Ressemblait-il tant à un bourgeois, en avait-il les manières ? Ou Jade pensait que seuls les membres de cette diaspora savaient apprécier l'Art ? Elle serait si étonnée, alors, de découvrir combien étaient nombreux ceux qui ne l'étaient pas.

« Je suis indépendant. » Il laissa la phrase suspendu dans l'air, laissa Jade digérer l'information.

Rares étaient ceux qui acceptaient une telle information sans sourciller.

« Je ne me serais pas senti à mon aise dans une diaspora. À mes yeux ça aurait été comme enfermer un oiseau dans une cage. Enfin... Disons que je n'ai jamais aimé les cases. Comme les partis politiques. Sans vouloir appeler à l'anarchie, je ne comprends pas l'intérêt de former des groupes si fermés et qui s'entre-déchirent. » avoua-t-il en plissant la bouche, tâchant de marcher sur des œufs, de ne pas vexer son interlocutrice, simplement d'exprimer son incompréhension et son mal-être lui qui venait d'une époque où une faction avait pris le pouvoir et coupé la société en petites cases bien droites. Petits moules dans lesquels, si on ne s'imbriquait pas, vous pressaient jusqu'à vous détruire.
Jeu 7 Sep 2017 - 13:20

Jade aurait-elle dû ressentir de la déception face à cet aveu ? Bien sûr elle ne s’attendait à rien en particulier. Cependant, et même s’il était évident qu’ils n’appartenaient pas à la même faction, rendre ce fait audible marquait soudain très distinctement leur différence. Car c’en était une, notoire. Elle reporta son attention sur le tableau qui les avait fait se rencontrer ce soir et le fixa sans énergie, sans envie, sans gloire, mais l’œil trop fixe qui ne regardait plus aurait malgré tout cherché à s’y ancrer. Elle avait crû que poser la question était une nécessité de l’instant. A présent, la réponse la laissait dans une incertitude vague et timide et à laquelle, en vérité, elle n’avait pas eu le temps de réfléchir. Elle se garda bien pourtant d’avouer le trouble qui se posait maintenant. En massant nonchalamment la paume de sa main, Jade laissa cependant échapper une drôle d’impression :

« Oh. Je vois. »

Et le doux échange qu’ils avaient partagé s’était un peu enfui pour Jade, la rendant à cet état de solitude initiale, avant cet instant. Elle entendait bien le point de vue bien sûr, n’avait jamais espéré que leurs avis puissent se comprendre, mais ils ne s’accordaient simplement pas. Elle le devinait à présent mais ne s’en offusquait pas. Il ne lui venait d’ailleurs pas à l’esprit l’envie de contredire car il n’y avait rien à défendre, rien à attaquer. Les Opportunistes ne brillaient pas. Mais là où Tobias voyait un oiseau enfermé dans une cage, Jade y trouvait un étau serein, un sentiment d’appartenance. Une stabilité qu’on lui avait offert. Dans son for intérieur, Jade savait qu’il s’agissait pour elle d’un besoin, le besoin d’être domestiquée. Car c’était là paradoxalement que se trouvait sa liberté. Mais il ne lui venait pas non plus l’idée d’exprimer, car c’était encore une fois trop personnel, trop intime, trop propre à ce qu’elle était pour être livré ainsi, de peur aussi peut-être d’être malmenée.

Elle l’accepta avec une résignation forcée.

« Ce n’est pas à moi de dire si vous avez tort ou raison. Et malgré que je sois Opportuniste, je ne vous en veux pas de penser ainsi.  » Car opportuniste, indépendantiste, cela ne pouvait suffire à les décrire. Tout n’était encore que prétexte à la division, elle devait en avoir conscience. « Après tout, nous sommes tous les deux arrivés ici avec rien. Vous faîtes ce que vous pensez être le mieux, et je fais de même. Nous avons pris des chemins différents, ce n’est tout de même pas un crime. » Et ce disant, Jade eut comme un sursaut avant de se retourner vers l’artiste. « Peu importe votre appartenance, cet endroit est avant tout un lieu de culture et de partage. » Bien sûr on ne pourrait jamais le défaire de sa valeur monétaire, mais Jade était persuadée que les opportunistes qui l’avaient fondé l’avaient fait pour l’Art, selon leur propre conception certes et qui n’était pas représentative de toutes les pensées. Cependant, l’inspiration était la bonne. « Vous êtes le bienvenu ici. »

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