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(en attendant godot)

Sam 6 Jan 2018 - 7:41
ждет Годо

Le rire grince contre tes tympans, fait écho dans ton crâne, cogne contre toutes les parois de ta santé mentale en échos discordants que tu serres les dents pour garder à l'intérieur. Tu relâches le doigt de ton frère, le repousse, comme si le contact allait faire s'effacer cette désagréable sensation.
Il ne comprend pas. Décidément, il ne comprend pas, alors que tu t'égorges et te vide de ton sang devant lui, alors que tu tentes désespérément de t'accrocher à tes derniers lambeaux de droiture, il s'acharne (comme toujours, comme toujours) à faire exactement le contraire que ce que tu veux pour lui. D'avoir des réactions que tu ne comprends pas, des pensées impossibles, des idées farfelues, des blessures étranges, et toujours, toujours une lame dans la gorge. Lentement, tendrement, il alimente le bûcher où tu brûles. Tu ne sais trop si tu t'en réjouis, puisque tu dois souffrir, ou si tu lui en veux, puisqu'il serait plus simple, tellement plus simple, que tu souffres seul - que ton bûcher ne brûle que des tes propres erreurs, dévoré par des flammes qui ne s'éteindront jamais, de toute façon. Une à une, il rajoute des bûches dont tu n'as pas besoin pour cautériser ton âme, te purifier avant d'atterrir en enfer, que tu ne souilles pas les autres damnés de ton impardonnable.

Et puis tu enrages. Tu exploses, juste comme ça, silencieusement. Quelque chose en toi se brise. Ta dernière barrière tombe. Tous tes murs s'écrasent et s'écroulent autour de toi, toutes les chaînes que tu as attachées à tes membres pour les retenir se cassent, et tu te fracasses.
Tu lui sautes à la gorge, comme tu ne l'as jamais fais. (Comme tu aurais peut-être dû le faire, il y a si longtemps, pour lui épargner ce que tu lui as ultimement fais subir.) Tu agrippes le col de ton frère, brusquement, le tire vers toi, puis le repousse sans jamais le relâcher. Tes jointures blanchissent, tes souvenirs se fracassent, et tu ne vois plus qu'en teintes de rouge.
ОСТАНОВИТЕСЬ ИЗБЕЖАТЬ ДЛЯ СЕБЯ! (CESSE DE T'APITOYER!)
Avec toutes tes dernières onces de retenues, tous les morceaux brisés de chaînes, tous ce qui fais encore de toi, si faiblement, l'ombre de toi-même, avec une retenue qui fend tes os et lacère tes muscles, tu t'empêches de le jeter à terre. Plutôt, tu resserres ta prise - le tire vers toi, que ton poing ne s'élance pas (tu ne saurais jamais te le pardonner) à travers les éclats de verre dans ta bouche et sous tes côtes
ПОДНЯТЬ ГОЛОВУ; НЕНАВИСТЬ, КОТОРАЯ ДОЛЖНА БЫТЬ ПОЛУЧЕНА - ЧТО ЧТО ВЫ ИМЕЛИСЬ! (LÈVE LA TÊTE; DÉTESTE QUI DOIT ÊTRE DÉTESTÉ - AIE L'HONNEUR QUE L'ON T'A INCULQUÉ!)
tu hurles à t'en casser la voix
ЕСЛИ ВЫ ЗАПРЕЩЕНЫ, МЫ ОТПРАВИЛИ ВСЕМ, ЧТО МЫ МОЖЕМ СДЕЛАТЬ ОТ ВАС! ЕСЛИ ВЫ ВЕРИТЕ КАК СУЩЕСТВУЮЩЕЕ, ЭТО ВЫ ВЕРИТЕ, ЧТО ТАКОЕ МЫ ИМЕЛИ ИЗ ВАС! (SI TU ES SOUILLÉ, C'EST QUE NOUS AVONS ÉCHOUÉ À TOUT CE QUE NOUS DEVIONS FAIRE DE TOI! SI TU CROIS ÊTRE UN SOUS-ÊTRE, C'EST QUE TU CROIS QUE C'EST CE QUE NOUS AVONS FAIS DE TOI!)
comme une bête, comme un monstre, comme un meurtrier, tu hurles et tu rugis et tu te fracasses, encore, encore, encore, mais ici il n'y a pas de vase que tu puisses casser, pas de bibliothèque que tu puisses renverser, pas d'encre que tu puisses répandre - seulement ton frère, comme une poupée de porcelaine que tout ce que tu es refuses à briser (que tout ce qu'il reste de toi sous la rage et la colère, sous le monstre qui a pris tes os)
ВАША ЧЕСТЬ НЕ ТОЛЬКО ВАМ! Я БРОШЮ ВАМ, НО Я НЕ БУДУ БОЛЬШЕ! (TON HONNEUR N'EST PAS QUE TIENS! JE T'AI BRISÉ, MAIS JE NE TE BRISERAI PAS ENCORE!)
tu n'en peux plus. tes os vont exploser, tes muscles se fendre et tes dents se fracasser les unes contre les autres - ta mâchoire s'oblitérer contre elle-même, tes côtes transpercer tes poumons et tout ton sang se répandre devant Димитрий alors que tes veines s'ouvriront en des milliers de kilomètres de routes sanglantes où des millions de petits soldats russes marcherons jusqu'à leur mort et au bout desquelles tu le transperceras de nouveau de ta lame ou de tes ongles
СЛУШАЙТЕ МЕНЯ, ОДИН РАЗ В ВАШЕЙ ЖИЗНИ! (ÉCOUTE-MOI, POUR UNE FOIS DANS TA VIE!)
ВСТАНЬТЕ ПРЯМО! (TIENS-TOI DROIT!)
НЕ ПРИНИМАЙТЕ, ЧТО ВЫ НЕ ДЕЛАЕТЕ! (N'ACCEPTE PAS CE QUE TU NE MÉRITES PAS!)
НЕНАВИЖИТЕ МЕНЯ: Я УБИЛ ВАС! (DÉTESTE-MOI: JE T'AI TUÉ!)
(tu regrettas ce fratricide plus que tu regrettes la lame dans sa gorge)


Spoiler:
Dim 21 Jan 2018 - 9:39
La vie est une malade mortelle.
(on finit toujours par en mourir)
Image du personnage
En attendant Godot
hiver 2016
Place centrale

Dimitri & Ilya Kovalevski

Les vannes rompues déversaient le flot amer de ses pensées. Le rire, de plus en plus en puissant, creusait la distance entre Dimitri et son frère, à tel point qu'il ne le voyait plus vraiment. Son regard tombait, aveugle, sur ces traits si familiaux sans paraître pouvoir s'y fixer, comme si tout d'un coup Ilya avait acquis une sorte de transparence qui le soustrayait à l'œil inquisiteur de son cadet, en raison de l'incompréhension qui s'était dressée entre eux. Un orage s'annonçait, grondant et menaçant, mais Dimitri était incapable d'en déceler les signes avant-coureurs : l'Ilya qu'il ne connaissait plus vraiment lui échappait totalement. Et pourtant, n'était-ce pas prévisible que le voir perdre patience, lui qui avait toujours placé le respect des autres au dessus de toutes les valeurs qu'il avait prétendu lui enseigner ?
Ce geste, violent, par lequel Ilya s'accrochait à son cou, bloqua le rire déchaîné dans sa gorge et le fit suffoquer. Les dernières miettes d'hilarité peinaient à disparaître alors que le choc de leur rapprochement indésiré l'arrachait à son monde éthéré. La voix d'Ilya résonnait à ses oreilles à le privé de son ouïe. L'honneur, la droiture, la culpabilité se fondaient en de cours aphorismes qu'il lui jetait violemment à la figure, propulsés par une colère qui n'était que partiellement dirigée contre Dimitri. Ce dernier s'en rendait donc, derrière ces reproches se cachait la douleur de celui qui vit avec la pensée permanente d'un échec qu'il ne pensait pas pouvoir rattraper - et la conscience de cette réalité expliquait que Dimitri ne sautât pas sur l'occasion pour répliquer à son tour. Pourquoi l'aurait-il fait ? Il avait enfin ce dont il avait toujours rêvé, cette rédemption obtenue comme un coup de grâce avant le retour à la réalité. Il n'en éprouvait pourtant pas la satisfaction qu'il aurait dû ressentir : comme souvent, la réalité s'avérait décevante par rapport à ce qu'on imaginait. Dimitri s'était imaginé en Auguste triomphant de son frère, écoutant les confessions de Marc Antoine vaincu avant d'élever son arc célébrant cette difficile mais si réjouissante victoire. Au lieu de cela, il se découvrait une compassion inattendue pour Ilya et, moins que l'envie de le contredire, celle de tempérer ses propos. Seule la fureur d'Ilya, dont l'ardeur dépassait toutes les attentes de Dimitri, lui coupait complètement la parole, l'empêchait de céder à l'une autre de ces contradictoires tendances qui montaient lentement en lui. Peut-être ressentait-il ce déchaînement jusqu'au plus profond de son être, telle une onde venant choquer ses os jusqu'à l'empêcher de bouger. Ses yeux insipides étaient d'ailleurs ouverts jusqu'à la limite de l'écarquillement, figés sur le rouge visage de son frère tourné vers lui.
Dimitri comprenait ce qui se passait - c'était Ilya qui se trompait, mais à cela rien d'étonnant, Dimitri avait gardé pour lui les clés qui lui auraient permis de découvrir la vérité à son sujet. Alors que son frère lui rappelait le terrible dont il s'était rendu coupable, Dimitri ferma les yeux, revoyant le lac carmin qui s'étendait sous un corps inanimé. Il devrait dire. Il devrait dire, mais il ne le pouvait pas.
Il ne faisait que feindre le calme, il n'était qu'une victime de sentiments qui le paralysaient. Il ne savait pas ce qu'il convenait de dire en premier. Le trouble de ses pensées crispait sa mâchoire ; les dents serrées, aucun son ne voulait sortir de sa gorge. Et finalement, il explosa :

« Tu as raison ! »

Dimitri regretta immédiatement de s'être engouffré dans cette voie, mais il ne pouvait manquer une telle opportunité. Pouvoir renvoyer à Ilya toute la frustration que le traitement qu'il lui avait réservé était un besoin qui lui était essentiel, il s'en rendait compte à présent. Frémissant de cette même colère qui le portait depuis de longues minutes désormais et qui semblait ne jamais pouvoir s'épuiser, Dimitri laissa son cœur parler :

« Oui, c'est ta faute, ta faute pour avoir voulu faire de moi ton petit soldat parfait ! Pourquoi tu m'as pas écouté, pour changer ? Quand je te disais que je ne voulais pas te ressembler ! Plutôt que de me laisser être qui je voulais ! »

Dimitri reprit son souffle, qu'il avait déjà trop consommé. Il savait que ses reproches ne recoupaient pas exactement ceux de son frère, mais il se glissait dans l'ouverture qu'il avait repérée sans la moindre arrière-pensée, trop heureux de se bercer de l'illusion qu'Ilya allait pour une fois accepter ce qu'il lui disait.

« Alors oui, porte cette responsabilité ! Si je dois être un raté, que ce soit de ta faute, pas de la mienne ! Ce n'est que justice, après tout, que tu reconnaisses les crimes pour lesquels tu dois payer ! »

Tu vas trop loin. Mais la petite parcelle de raison qui lui recommandait la prudence avait la force d'une flamme de chandelle soumise au vent : elle vacillait tellement que Dimitri était incapable de l'écouter. Il savait qu'il dépassait les limites qu'il s'était fixées, sans pour autant en ressentir la moindre culpabilité. Et inconscient des dangers qui le menaçaient, ignorants des abysses où il s'enfonçait, il continuait sur sa lancée, sans avoir besoin d'extérioriser par des gestes son agressivité.

« Je sais que tu m'as tué ! Et je l'ai accepté ! Qu'est-ce qu'il te faut de plus ? Que je t'avoue que je t'ai tué en retour ? »

Dimitri se tut brusquement. Il en avait trop dit, ou pas assez. Ilya comprendrait-il ? Dimitri n'avait pas l'élégance de son frère, il n'était pas doué pour les belles formules qui vous coupent le souffle rien qu'à les écouter. Il n'était pas fourbe, mais il préférait les voies détournées. Les aveux arrachés de sa bouche contre son gré étaient les seuls qu'il était vraiment capable de formuler...

Lun 19 Mar 2018 - 8:31
ждет Годо

Mais qu'est-ce qu'il peut bien rester de toi?

Entre deux côtes, des lambeaux de tes entrailles? Une île sur la rivière de sang, coincée entre deux morceaux de calcium, animés de rien d'autre que le rouge qui drape ta vision et qui coulera peut-être bientôt de tes jointures? Que reste-t-il de l'homme que tu as toujours été, de la statue que tu t'es toujours construit, de ta posture au menton droit et aux épaules carrées, de ta colonne là où tu aurais corrigé quelconque morceau crochu d'un coup du marteau de ta propre exigence? Que reste-t-il de ton honneur? De ta droiture? De tes discours et de tes actions, de tout ce que tu as toujours fait et travaillé, de tout ce qui t'as toujours hanté, de tes échecs, de tes erreurs, de tes peurs et de tes triomphes, de tes péchés et de tes miracles, de ta force et de tes os, de la terre de ton pays sous tes pieds, du patriotisme qui toujours a envoyé le sang couler dans tes veines et sur les pierres d'un chemin perdu? Que reste-t-il de ton être aux côtes étriquées, de ton cœur battant la mort de tous ceux que tu as dû protéger, de la lame qui a transpercé ta trachée et qui toujours, toujours, t'égorges?

Que reste-t-il de toi? Entre les rivières, les gangrènes de la rage qui te dévore et te détruis, qui ne laisse rien sur son passage que le vide dans ta cage (thoracique) sans même quelques morceaux brisés ni de ton innocence, ni de ta dignité.  j e  v o u s  a i  t u é  p a r c e  q u e  v o u s  a v e z  o s é  t o u c h e r  à  m a  f i e r t é  
que tu aurais dis en posant une lame sur ta gorge
et pourtant jamais tu n'as porté à ton corps physique la haine et les lésions que tu mérites que tu mériteras toujours, celles que tu infliges toujours volontiers à ta psyché. Tes mains tremblent et tes yeux carmins sautent sans jamais se poser sur un seul trait de Димитрий parce que tu ne saurais décider là où sommeille la chose que tu as toujours le plus regretté de briser. Sont-ce ces yeux qui tu as vu s'éteindre, ces épaules qui n'ont jamais pu soutenir le monde, ce menton toujours baissé, ces bras offrant leur force à ceux qui n'en ont pas besoin, à l'ennemi, cette gorge qui n'a jamais su dire les bons mots jusqu'à ce que tu la lui arraches - ou est-ce, est-ce, ce cœur entre quelques côtes qui bats qui s'effondre qui s'efforce qui saigne et qui explose jusqu'à ce que tu le pourfende pour qu'il s'arrête. ?
queregrettestuleplusd'avoirfracassésansjamaisquetunepuissesluidireялюблютебя

et que jamais ces mots ne finirons par se faire un chemin hors de ta trachée trouée et pourtant tu le sais même s'il n'en reste rien derrière dans ta coquille - tu as brisé quelque chose et tu ne le retrouveras jamais
tu n'as plus la force de te battre
il faudrait tous les dieux pour te reconstruire

mais il n'y a rien au bout de l'univers que





Il ne reste que toi que tes muscles torturés par la rage, il ne reste plus rien derrière et au moins, au moins, dans ton dernier souffle, Димитрий te déteste. Tu as brisé ce que tu ne pourras jamais retrouver (ta dignité toutes les onces de ta droiture qui t'interdisaient de te fracasser devant lui, qui t'intimais de rester ce à quoi il devait aspirer) et que désormais tu as égorgé comme tu as abattu Димитрий Димитрий avec une flaque de sang sur tes mains et un gargouillis que tu ne sauras jamais déchiffrer.
Я никогда не tu croasses comme un corbeau позволю тебе умереть, убивая меня. (Je ne te permettrai jamais de vivre la mort qu'est de m'assassiner.)

jamais tu ne lui infligeras le fratricide et si jamais ne sortirons de ta gorge ces quelques mots я люблю тебя  ils s'épanchent devant lui comme une flaque de ton propre sang comme le contrôle que tu as perdu comme cet échec final et éternel qui se produit présentement devant ses yeux, là où à la fin de l'univers il n'y a plus

rien
et qu'il y a bien longtemps que tu aurais aimé déjà être mort


ok wtf désolée
Mar 17 Avr 2018 - 11:08
La vie est une malade mortelle.
(on finit toujours par en mourir)
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En attendant Godot
hiver 2016
Place centrale

Dimitri & Ilya Kovalevski

Il avait le regard noir de ceux qui, à force de contempler trop longuement les ténèbres, avaient perdu le restant de lumière qui s'y était réfugié. Il n'était pas aveugle, loin de là, mais il aurait pu l'être, parce qu'il ne le voyait pas. La silhouette fantomatique de l'autre Dimitri se surimposait à celle du garçon qui se trouvait face à lui et effaçait les traits coupables de celui qui n'était pas une victime. Dimitri aurait pu lui avancer toutes les preuves de sa propre culpabilité, Ilya se les aurait appropriés comme autant d'accusations lancées contre lui. Comme c'était étrange. Une part de son aîné n'avait pas changé, il faisait toujours aussi peu attention à ce que pensait Dimitri, et de la sorte, ce dernier se croyait revenu dans le palais de leur père, subissant l'examen critique que sa famille avait l'habitude de lui imposer. Mais cette idéalisation de Dimitri, ou plus précisément de son innocence, était un trait de caractère inédit, que l'on retrouvait d'ordinaire plutôt chez le cadet. À croire que lorsqu'il avait tué son véritable frère, cet Ilya avait absorbé une partie de son caractère pour continuer à le faire vivre. Ce faisant, il déniait au Dimitri de Pallatine la possibilité de remplir un rôle qui était fait pour lui, celui d'être l'instrument de sa rédemption - tout comme lui attendait de l'Ilya de Pallatine d'être cet instrument pour lui.
Mais il avait tort. C'était la première fois que Dimitri pouvait reconnaître avec force et certitude qu'Ilya se trompait lourdement. Il n'aurait pas dû sourire, ce n'était pas approprié, mais cette conviction naïve qu'il se sacrifierait plutôt que de laisser Dimitri commettre un crime était ce qu'il entendait de plus amusant depuis le début de leur conversation. Parce qu'il ignorait complètement que Dimitri vivait parmi les vers et ne savait s'élever plus haut qu'eux, parce qu'il sous-estimait la frustration explosive qu'il avait éveillé en lui, parce qu'enfin il avait tiré un trait sur les évidences, qui lui paraissaient trompeuses, et qui ne s'imposaient pas moins comme la plus stricte (et cruelle) vérité. La colère de Dimitri n'avait pas complètement disparu, mais la possibilité de se moquer de son frère lui était offerte et il ne savait pas comment y résister. Ses lèvres se retroussèrent jusqu'à laisser apparaître la blancheur de l'émail qu'elles recouvraient, prédateur amusé qui adoucit ses crocs pour jouer avec sa victime plutôt que de la tuer. Il appréciait cette éphémère sensation de puissance, de supériorité et savourait la certitude d'être plus avancé qu'Ilya pour quelques secondes - car il savait que ce sentiment ne pourrait durer, et qu'il se retrouverait très bientôt à la traîne, comme il en avait l'habitude.

« Eh bien, pour ça, c'est trop tard, dit-il d'un ton lugubre dissimulant mal sa jubilation. Il fallait m'arrêter. »

Cette joie affichée était aussi fausse que le reste - bien sûr qu'il n'était pas heureux d'avoir tué son Ilya, ça l'avait complètement détruit, ces conneries, et il le regretterait toute sa vie. Mais fanfaronner un peu, jouer l'indifférence, c'était pour Dimitri un moyen de se protéger. L'honnêteté était un trait de caractère qui lui manquait, parce que cela aurait signifié dévoilé l'étendue de sa faiblesse, ce à quoi il ne pouvait se résigner. Ce n'était pas judicieux de faire croire à Ilya que ce meurtre ne signifiait rien pour lui et qu'il avait pu s'écarter de son cadavre avec le sourire. Si cela pouvait lui faire mal...
Lui faire comprendre que tuer Dimitri était le moindre des deux crimes.

Ven 4 Mai 2018 - 8:26
ждет Годо

Il y a un morceau de fer dans le verre de ton être. Coincé entre deux jointures transparentes, tu n'as pas de tendons mais que de ce cristal fragile qui constitue ton être et ta colonne crochue, tes muscles qui se pourfendent et ton cœur qui s'éventre tes poumons qui s'empalent. Tu es un homme de verre et il y a un morceau de fer coincé entre deux de tes articulations, comme le bout brisé d'une lame que tu n'as jamais perdue, que tu aurais gardée si jamais tu avais osé toucher le cadavre de Димитрий pour en retirer ton meurtre et le garder pour toujours dans la poche de ta veste. Comme le sang sous tes ongles comme ta vie qui s'étale à tes pieds et comme tes veines ouvertes jusqu'à ce que tu te vides de tout ce qu'il reste de ton être maudit et misérable. Tu es un homme de verre et il y a un morceau de fer coincé entre deux de tes articulations et du bout de ses doigts, Димитрий l'enfonce et te fracasse.
Tu agrippes un morceau de ton tranchant et tu t'égorges. À travers les fragments de ton verre écarlate il doit bien en avoir un assez grand pour t'assassiner. Pour que finalement tu te vides de ton sang à ses pieds pour te faire payer ta traîtrise.
Tu croyais qu'il y avait une chose, une seule, que tu avais pu lui épargner. Que de tes mains tachées tu avais pu au moins le protéger de l'affreux de ton meurtre, que de ta colonne crochue tu avais pu offrir ton dos au Mal et que sa lame émoussée n'avait empalé que tes omoplates et n'avais déchiré que tes nerfs. Sur ton bûcher, en brûlant que l'enfer ne puisse être souillé de ton crime, se consumaient ta chaire et tes os avec l'innée satisfaction que jamais, jamais Димитрий n'aurait à souffrir de vivre ton péché. Qu'il pourrait toujours du haut d'un piédestal trop grand te cracher au visage, sans comprendre, sans savoir, sans jamais ne voir le sang sur ses mains.

Tu te fracasses et tu éclates en morceaux sans que plus rien ne fasse de toi un homme. Tu t'écroules que tes genoux se fracassent contre l'asphalte, que tu t'échoues que tes côtes se fendent et que ta colonne ne soit plus assez pour supporter le poids de Toi - ton front contre l'asphalte et tes poings tes jointures râpée de gravier.
Прости, пожалуйста. (Pardonne-moi.)
Ta voix cassée d'un sanglot - que les larmes s'écrasent sur le sol sous tes yeux comme le sang qui devrait couler de ta gorge. Tu t’éviscère du salé, de l'amer qui torture tes entrailles et du verre brisé qui déchiquète les derniers lambeaux de ce que tu as toujours cru sauvé.
Que reste-t-il de toi?
Il ne reste plus rien.
Ven 11 Mai 2018 - 21:56
La vie est une malade mortelle.
(on finit toujours par en mourir)
Image du personnage
En attendant Godot
hiver 2016
Place centrale

Dimitri & Ilya Kovalevski

Le triomphe tant attendu n'avait pas lieu.
Il aurait aimé laisser monter son rire jusqu'à explosion, retenue un instant par les bras croisés en signe de fierté, jusqu'à ce qu'il les libère, et avec eux, la déflagration. Il aurait été fier de prouver à son frère qu'il avait été instrument de dépravation. Ainsi aurait-il pu remplir cette funeste destinée que son père avait tracé dès la naissance du plus faible des deux, ainsi les reproches auraient-ils été mérités - la boucle bouclée, Dimitri aurait enfin accompli le dernier acte de la grande tragédie de son existence, le plus difficile, et il aurait pu passer à autre chose. Du moins le pensait-il. Reconstruire une nouvelle vie avec Ilya n'aurait pas été facile avec celui qu'il avait tué - mais cet Ilya-là poussait le défi à des sommets inégalés.
Ainsi, pas de colère, mais un pardon, sincère, un sanglot, mal contrôlé, et le voilà qui s'effondre - Ilya au lieu de Dimitri, l'aîné au lieu du cadet, et ce dernier se fige, pris au dépourvu, et sa réaction se passe toute éloquence.

« Hein ? »

Dimitri ne comprenait pas. La bombe s'était tue dans la tranchée. Elle laissait derrière elle un silence soulagé, angoissé pour celui qui avait désiré la mort et qui ne l'avait pas trouvée. Il ne savait plus quoi faire. Il n'était pas préparé à cela. C'était la toute première fois que Dimitri voyait son frère pleurer, et jusqu'alors il avait douté que celui-ci en fût vraiment capable. Et pourtant, cette larme sur sa joue ne laissait place à aucune ambiguïté. Il ne savait pas ce qu'il ressentait. Le pardon tant attendu n'était pas là, mais il n'était pas le seul absent. La satisfaction tardait à se manifester. Ou bien encore la pitié. Et la culpabilité dévorante n'avait que faire de ce spectacle si pathétique. Juste une sévère et envahissante incompréhension, qui s'envola d'un seul coup lorsque Dimitri comprit ce qui lui avait refusé.

« Non non non, t'as rien à te faire pardonner, sur ce coup-là, c'est moi qu'il faut pardonner. »

Il se faisait plus mordant, plus pressé - une brisure dansait sur la ligne de sa voix, et on le sentait près à succomber à la démence d'un instant à l'autre. Pourquoi souriait-il ? La joie avait depuis longtemps disparue, mais ses lèvres refusaient de s'abaisser. Elles ne comprenaient plus les émotions qui agitaient Dimitri et agissaient d'elles-mêmes.

« Tu vas quand même pas me refuser ça, hein ? Salaud, tu vas quand même pas me refuser ça ? »

Il avait presque fini par crier. Détresse poignante. Dimitri aurait saisi Ilya par le collet s'il avait pu. Au lieu de cela, il invectivait un homme à terre, qui ne tenait plus debout. Retenant le coup de pied qui l'aurait poussé à se lever. Flirtant avec le rire démoniaque qui couvait dans sa poitrine et lui répétant des je le savais à n'en plus pouvoir supporter. Tout se passant à l'intérieur, Dimitri, pas si stoïque, la tête baissée vers le sol, retenant le coup de pied.

Lun 21 Mai 2018 - 22:52
ждет Годо

Jamais tes mots ne seront assez. Tu le supplies de te pardonner pas par espoir qu'il pourra te laver de tes péchés, mais parce qu'il ne reste plus rien du barrage que tu as toujours conservé pour y peindre ta dignité. Parce qu'il ne reste plus que quelques miettes de ta psyché écrasée par un tort que tu n'as jamais pu empêcher. Tu ne blâmes pas le destin pour ton incapacité à l'arrêter, mais tu pleures toutes ces années perdues à croire que tu valais de te tenir contre lui. Que tu valais quoi que ce soit de plus que le gravier qui s'enfonce dans tes jointures, que le trottoir sur lequel tu es prostré, écroulé. Il ne reste plus rien de ton édifice. Tu as toujours tout construit de clous crochus et de fondations inadéquates, et désormais tout s'écroule autour de toi. Tu n'as jamais mérité même le souffle qui anime tes poumons. Tu ne mérites pas de souffrir jusqu'à ne pas souiller l'enfer - tu mérites de mourir sans jamais avoir fait de toi-même un martyr et t'être accordé ce respect. Tu ne mérites pas de t'expier dans la souffrance jusqu'à ce que tu pousses ton dernier souffle - tu ne mérites que de mourir ainsi, agenouillé et secoué de sanglots, sans honneur, sans fierté, jusqu'à aller tacher l'enfer de ton indignité que les plus grand démons se refusent même à te toucher.

Tu n'es pas le Илья qui est mort, mais si celui-là se fait appeler Илья alors tu es le récipient de ses péchés. Si tu n'avais pas plongé ta lame dans la trachée de Димитрий, la sienne serait venue se loger dans tes entrailles et de ceci tu as la preuve - l'alternative à ton meurtre demeure toujours bien pire. Tu portes la responsabilité de ce fratricide, peu importe qui l'a accompli. Tu dois mourir plutôt que Димитрий, mais jamais par sa lame ou ses balles. Jamais tu ne devais lui faire subir cet enfer! Jamais tu ne devais le tacher de ce sang! Tu devais être plus fort! Plus grand que ça! Tu devais être plus habile, plus rapide, plus doué que lui pour offrir ton dos à tout ce qui pourrait bien pointer sa lame envers lui! Peu importe le côté duquel il s'est rangé, tu te devais toujours de le protéger! C'était ton devoir le plus crucial! Jamais il ne devait vivre ton martyr, jamais il ne devait brûler sur ce bûcher! De tous tes échecs, c'est celui-ci le plus capital. Comment as-tu pu jamais t'appeler un homme? Comment as-tu pu jamais croire que tu méritais que tes jambes te portent? Que ta colonne te tienne?

Et bien elle ne te tiens plus. Écroulé aux pieds de ton cadet, tu pleures le sang dont il est taché. Celui que tu devais toujours garder à l'intérieur de tes veines, sans jamais à ce qu'il ne vienne le faire couler. Tu te devais de le protéger, peu importe de quel côté de la bouche de ton arme il se rangeait. Jamais ne mourir sous sa lame. Que jamais il ne puisse même imaginer cette torture. Que jamais il ne puisse même songer à cette possibilité. Tu te devais d'être fort. Tu te devais de briser le destin! Mais désormais ton péché est bien plus grand que tu ne l'avais jamais imaginé. Cent mille fois tu te serais taché du fratricide pour l'en protéger. Cent mille fois tu aurais dû te tuer toi-même avant même ce combat. Il est trop tard désormais. Tu relèves la tête aux exclamations de Димитрий. Comment pourrais-tu lui refuser quoi que ce soit désormais.
Вы не отвечаете. Но я больше не могу вас отрицать: вы прощены. (Tu n'es pas responsable. Mais je ne suis plus en mesure de te refuser quoi que ce soit: tu es pardonné.)
Avec tes larmes qui s'écrasent toujours sur le sol. Ta voix sans contenance, tremblante malgré que tu aies essayé de lui donner quelconque dimension de sureté. Mais plus rien dans tes entrailles ne te permet de parler avec quelconque certitude autre que pour te maudire.
Dim 3 Juin 2018 - 11:49
La vie est une malade mortelle.
(on finit toujours par en mourir)
Image du personnage
En attendant Godot
hiver 2016
Place centrale

Dimitri & Ilya Kovalevski

L'instant fatidique se produisit sans que Dimitri en ressentît de soulagement.
À vrai dire, c'était tout le contraire, il sentait le cauchemar dans lequel il vivait se resserrer étroitement autour de lui. Croyait-il qu'il aurait fallu d'un simple mot, prononcé avec l'intention la plus pure du monde, pour se libérer de la culpabilité dévorante qui le détruisait lui aussi ? Quelle naïveté de sa part. Les peurs de Dimitri gloussaient de son optimisme. Il ne suffisait pas d'un pardon honnête pour être libre.
La liberté se gagnait au prix de sacrifices.
Et apparemment, il n'avait pas assez payé.

Dimitri se figeait dans l'attente d'une explosion de violence qui ne se produisait pas. Son pied n'avait pas quitté le sol. Ses traits fondaient doucement en un masque impassible. Ses yeux seuls, protégés par des mèches de cheveux sombres, bouillonnaient d'une colère bien contenue. Dimitri avait le regard dangereux, écarquillé, de ceux qui s'apprêtent à commettre l'irréparable et qui ne s'en souviendront même plus.
Il comprenait que ce n'était pas le pardon dont il avait rêvé parce que son frère ne faisait plus vraiment attention à lui : il s'adressait les pires reproches et il n'y avait à cet instant précis plus aucun vice auquel Dimitri aurait pu s'adonner sans qu'Ilya en portât lourdement le pêché. Au lieu d'en profiter, comme il l'aurait fait plus jeune, Dimitri se sentait gêné. Ce salopard d'Ilya lui avait toujours gâché la vie, et il continuait même à présent qu'il faisait ce que son cadet attendait de lui.
C'était impardonnable.

« Debout. »

Jamais il n'avait eu la voix aussi grave, aussi profonde - ce ton-là, c'était son frère qui l'avait toujours pris avec lui, avec ce qui lui semblait être une nuance de dégoût ou de mépris pour plus faible que lui. Dimitri aurait été fier de sa performance, s'il n'avait senti des vagues de détresse fragiliser les digues de cette dignité. Il ne tenait plus qu'à un fil, il le savait, et il n'avait pas envie de retomber dans le travers qui l'avait poussé à la fuite.

« Regarde-moi quand tu me parles. C'est que tu m'as toujours dit, non ? Alors tu me regardes. Et putain, t'arrêtes ça tout de suite. C'est mon rôle à moi, les brailleries. Toi tu la fermes et tu me fous la torgnole que je mérite. »

Mais je suis fou de lui dire ça, s'il me prend au mot ?!! pensa Dimitri avec un soupçon de panique. Mais la peur de son aîné n'avait jamais été assez forte pour le dissuader de le tacler. S'il se prenait un coup, c'était bien mérité. Ça l'éviterait d'avoir à le frapper s'il continuait ainsi.

Mar 12 Juin 2018 - 4:28
ждет Годо

Tes jambes ne te portent plus. Alors même que l'on t'ordonne de te lever, alors même que tu donnerais tout pour savoir réparer quoi que ce soit, alors que ton cadet ne te demande que ça, longtemps tu questionnes ta capacité à te tenir debout. Non! Ton droit de te tenir debout. Mérites-tu que tes jambes te posent au dessus du sol? Mérites-tu de te tenir plus proche du ciel que les vers qui grouillent dans les entrailles de la terre? Mérites-tu même de te tenir à la hauteur de Димитрий, les yeux dans les yeux, les épaules contre les épaules, alors que tu n'as pu te tenir contre lui sans le tacher si profondément du vermeil fratricide? Tu aurais dû le tuer. Tu aurais dû le jeter sur ta lame alors que tu mourrais, sacrifier ton honneur qu'au moins il n'en souffre pas - que les survivants aient vu vos corps mutilés l'un contre l'autre et aient pu daigner que toi, le soldat, avait été le coupable du meurtre le premier. Que ton cadet ne t'avais tué qu'en légitime défense. Tacher ton honneur pour sauver le sien. Briser ta droiture pour sauver la sienne. Pour sauver son âme - sauver son entendement, pour sauvegarder son être de tes péchés! tu aurais fais n'importe quoi. Tu aurais dû faire n'importe quoi. Briser les lois de la réalité, assassiner les dieux et déchirer toute l'existence - tout, tout! pour le sauver de ça.
Est-il trop tard, maintenant?
Quel est le plus important: la vie, ou l'honneur?
Est-il préférable de vivre avec l'âme damnée, avec le poids du fratricide, de brûler sur le bûcher infini de ses péchés, de perdre toute notion de droiture, tout droit à s'appeler humain, toute dignité, ou de mourir?
Tu ne te poses pas la question. Tu n'es pas ici parce que c'est préférable - tu es ici parce que tu dois souffrir. Tu es ici parce que tu n'as pas le droit de t'en sortir indemne. Parce que tu ne couperas pas court à ton martyre avant que le dernier lambeau de chair n'aie été arraché de tes os.

Alors, lentement, tu te déplies et tu te lèves. Il y a un choix à faire. Tu a déjà pris la décision pour toi-même; il ne te reviens pas de le faire pour Димитрий. Tremblant, tu te tiens devant lui, ton regard dans le sien. Les larmes coulent toujours le long de tes joues, lames tranchantes qui te tachent finalement de ton horreur. De tes échecs. De tout ce que tu aurais dû accomplir, et que jamais tu n'as su faire. Tu aurais dû le protéger. Tu aurais dû lui montrer la voie. Tu n'avais qu'un devoir, et c'était celui-là. Tu n'avais qu'une âme à préserver, qu'un cœur à sauvegarder, qu'un corps à garder au prix du tiens. Tu devais épargner à Димитрий cette souffrance.
Peut-être n'est-il pas trop tard pour une toute dernière chose encore - pour une libération que tu ne t'autoriseras jamais, à laquelle tu ne te permets pas de rêver.
Вы предпочитаете жить с этим ужасом или умереть, чтобы избежать этого? (Préfères-tu vivre avec cette horreur, ou mourir pour l'éviter?)
Ton ton cassé et pourtant solennel. Tu ne sais pas ce qui sauverait Димитрий. Mais si la mort lui serait un quelconque soulagement, tu es près à te tacher de cent autres fratricides pour lui offrir une chance de se laver de tes péchés.


je m'excuse il est tlm hardcore
Sam 23 Juin 2018 - 11:52
La vie est une malade mortelle.
(on finit toujours par en mourir)
Image du personnage
En attendant Godot
hiver 2016
Place centrale

Dimitri & Ilya Kovalevski

C'était un dialogue de sourd, comme bien souvent entre les deux frères, où leurs deux volontés s'affrontaient pour savoir laquelle allait devoir s'asphyxier pour le bien de l'autre. Dimitri pensait que les choses avaient changé. Il escomptait arracher une victoire difficile à son frère et ainsi retrouver le cours difforme de son existence, libéré du poids qui l'handicapait. La victoire paraissait si proche que, malgré les obstacles, il la percevait, et pouvait pratiquement la palper.
Regarder son frère se lever à son ordre était extatique, car jusqu'alors Dimitri seul avait obéi. Sans doute était-on plus digne sur ses deux jambes, mais cette position répondait à son commandement et lui faisait découvrir une autorité que jusque là Dimitri n'avait jamais vraiment supposée. Vainqueurs et tyrans s'abreuvaient à cette source que le jeune homme avait toujours ignorée, aveuglé par ses proches, et voilà que dans son malheur il la découvrait par erreur, offerte comme un plateau de friandises dans une chambre mal éclairée. Il ignorait encore l'usage de cette arme, s'étonnait plutôt de ce tranchant qui lui tirait des perles de sang dans un éclair fugace de douleur, soupçonnait la force qui s'offrait à son regard plutôt qu'à sa personne, rêvait de possibilités grandioses et éclatantes. Dimitri pouvait forcer, et quelque part, quelque chose finirait par céder.
Mais en réalité, cette victoire était éphémère, et ce n'était que la défaite qui familièrement l'attendait.
La capitulation était sienne, il avait été battu.

« Mais tu es fou ?! »

La surprise le fit reculer d'un pas - première concession de Dimitri, qui battait en retraite. Le pardon ne valait pas la peine de perdre la vie. Non. Cela allait plus loin que cela. Le pardon ne valait pas la peine de sombrer dans la folie. Son désir de salvation était si faible en comparaison de celui de son frère. Ilya restait pur jusque dans sa misère, il était prêt à tout pour terminer sa quête et prétendre au statut de héros tragique auquel il avait sans doute dû toujours aspirer. Il avait dû payer le prix de sa raison pour donner un sens à sa douleur. Il n'avait déjà depuis longtemps plus besoin de Dimitri - que son cadet se dressât face à lui dans ce parc était un hasard dont il se serait bien passé, à coup sûr. Le poids de la honte l'avait anéanti et il était prêt à sacrifier le dernier avatar de son pêché pour se complaire dans son malheur - ou trouver la force d'abandonner.
Dimitri, lui, ne voulait pas rejouer cette scène. Apaiser sa confiance supposait quelques coups douloureux, capables d'endormir sa culpabilité, mais cela n'allait guère plus loin. Il se sentait mal, mais le désir de vivre le taraudait, et la seule chose qu'il désirait était un équilibre entre ce à quoi son âme tendait et la punition qu'il méritait. La mort n'entrait plus dans l'équation depuis longtemps.
Il se sentait trahi.
Il n'obtiendrait jamais ce qu'il désirait.

Jeu 5 Juil 2018 - 5:02
ждет Годо

Tu fermes les yeux.
Aurais-tu préféré pouvoir te tâcher de ton péché une nouvelle fois? Aurais-tu préféré pouvoir te briser sans aucune chance de te reconstruire, petits morceaux impossibles à recoller? Aurais-tu préféré replonger ta lame dans la trachée de Димитрий pour pouvoir enfin te dire que tu avais fais quelque chose, quoi que ce soit, de bien? Tu aurais pu enfin te targuer d'avoir sacrifié la dernière parcelle de toi-même pour offrir le salut à ton cadet, ce salut que tu aurais dû lui donner il y a longtemps. Celui que tu aurais dû lui donner sur un plateau d'argent, longtemps avant que vous n'ayez à croiser vos baïonnettes. Désormais, cette possibilité t'es fermée. Plus jamais tu ne te tiendras face à Димитрий avec quelconque soupçon d'honneur. Plus jamais tu ne seras digne de lui refuser quoi que ce soit. Alors, lorsqu'il s'éloigne de toi d'un pas, tu inclines ton visage sans jamais lever la main pour essuyer tes larmes. Elles s'écrasent, sempiternelles, sur l'asphalte.
À sa question, tu ne sais quoi répondre. Ta psyché est certainement fracassée, puisqu'il ne reste rien de toi. Tu choisis de croire que c'est une question rhétorique, alors tu gardes le silence. Que feras-tu maintenant que tu n'as plus le droit de te tenir là, le menton levé, les épaules carrées, face à quiconque? Il n'y a pas de morceaux à ramasser. Tu t'es effacé dans les limbes de l'univers dès que tu as failli à ton plus profond devoir. Les bras ballants, les yeux morts, tu contemples un instant l'abysse dans laquelle tu t'es jeté de n'avoir su retenir ni ta lame, ni la sienne.

Machinalement, tu sors de la poche de ta veste ton carnet de note et ton stylo. Lentement, tu notes ton numéro de téléphone, et ton adresse, puis tu arraches la feuille et la tends à Димитрий.
Если вам что-нибудь нужно. (Si tu as besoin de quoi que ce soit.)
Il n'y a rien que tu te refuseras à lui donner. Qu'il te demande ta vie, tu t'arracherais la gorge devant ses yeux si même il te le demandait. Même si cela voudrait dire tacher l'enfer de tes péchés, même si cela voudrait arracher de tes os les derniers lambeaux de ce que tu as un jour appelé droiture. S'il te l'ordonnait, à cet instant, tu arracherais jusqu'au dernier coin de ta peau du bout de tes ongles.
Tu le supplierais bien de prendre le papier que tu lui tends, que tes efforts ne soient pas vains, mais jamais tu ne le forceras à quoi que ce soit. Tu n'as plus ce droit.


il est en train de nous taper une psychose c'est plus possible
Jeu 19 Juil 2018 - 21:57
La vie est une malade mortelle.
(on finit toujours par en mourir)
Image du personnage
En attendant Godot
hiver 2016
Place centrale

Dimitri & Ilya Kovalevski

Défait, Dimitri ne se laissait plus attendrir par la posture servile qu'Ilya avait adopté par dépit. Il n'était pas nécessaire de se laisser crouler sous le poids de ses pêchés. C'était bien la différence avec lui : Dimitri avait toujours su se regarder dans un miroir, longtemps après que les gens normaux se fussent détournés de lui avec horreur.
Il entrait dans une nouvelle phase de sa vie, et il n'était pas encore certain de ce dans quoi il s'engageait.
Il arracha le papier avec vigueur, mais le cœur n'y était pas. Son visage s'était refermé, pâle tentative de se couper d'Ilya et de ses regrets. Derrière ce léger dégoût qui se lisait sur ses traits, Dimitri cherchait avant tout à se protéger. Était-il si pathétique ? Probablement, si ce n'est plus. Il n'allait pas avouer qu'il avait rêvé de ces informations si facilement offertes. Si facilement... c'était vite dit. Il n'y avait rien de facile, dans ce parcours qu'Ilya et Dimitri venaient de faire, et pourtant, le cadet se disait qu'il avait peut-être réussi à maintenir un lien avec son aîné, ce qui était bon signe pour la suite.
Il n'avait rien gagné, mais n'avait rien perdu.
Un simple regard à l'écriture tourmentée d'Ilya fit comprendre à Dimitri la détresse dans laquelle vivait son frère. Elle n'avait plus cette élégance impersonnelle que leur précepteur lui avait inculqué : elle tremblait du doute et de la souffrance que le pêcheur avait à supporter. Elle s'était rapprochée de l'écriture brouillonne et pointue de Dimitri, qui s'était encore dégradée depuis qu'il avait découvert la joie du tapuscrit, mais aux yeux du cadet, elle restait encore formidablement jolie. Il fourra le papier dans sa poche, comme s'il n'avait rien à en faire, alors qu'il tenait enfin le sésame qui lui permettrait, par la suite, de revoir son frère.
Aucun merci aux lèvres, Dimitri n'avait jamais été vraiment poli, et Ilya n'était plus en mesure de corriger ce travers, il était enfin libre, libre de se goinfrer dans sa déchéance sans que quiconque en eût à faire. Seule sa conscience résistait encore un peu, mais elle ne ferait pas long feu. Il hésitait cependant. Devait-il se rendre lui aussi joignable, alors qu'il se doutait qu'Ilya ne voulait plus avoir affaire à lui ?

« Je t'enverrai un message. »

Et ce fut tout. Il n'était même pas sûr que son écriture fût vraiment lisible, de toute façon.
Ne supportant plus la silhouette prostrée de son frère, Dimitri décida qu'il valait mieux partir. Il ne se dérangea pas à formuler un au revoir qui aurait sans aucun doute dévoilé toute l'émotion qui le prenait à la gorge, bien malgré lui. Il conserva un silence qu'il espérait digne, malgré sa posture un peu tordue.
Ils n'avaient plus rien à se dire.



hrp:

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