Charles Hwang
Caractère
Les mouettes flottent.
Il retire sa cuillère et le café continue de tourner.
Charles était tout plein de résignation, de renonciation. Il se laissait porter par les forces extérieures à lui. Pas des forces bien identifiables ni surtout choisies, mais bien les forces ; il était un corps très peu massif, bringuebalé par tout ce contre quoi il entrait en contact.
Charles avait commencé à fumer quand il était jeune et qu’il possédait encore la vitalité de faire et de commencer. Ce n’était que de manière fortuite que cette habitude l’avait accompagné dans cette ère de renonciation et qu’elle fut ainsi agrégée dans l’étendue difforme des choses qui se continuaient de manière passive, sans le concours d’une quelconque volonté. Par la même renonciation, par exemple, il se laissait pousser les cheveux, et par la même renonciation il faisait partie des indépendants.
Charles était misanthrope. Je le dis sans pour autant m’en justifier ni être capable de l’expliquer, car sa résignation était bien totale mais son mépris était presque aussi réel. Il était même quelque peu fier, mais alors là, puisque ça relève à l’évidence d’une force de caractère, je le dis clairement sans pouvoir en expliquer la logique; peut-être que je nie même, de ce fait, toute logique en son caractère.
Si il avait été thérapisé, un psychanalyste aurait sûrement déterminé que son arrogance venait d’un manque de confiance en soi et d’un manque d’attention quand il était enfant. Charles aurait sûrement répondu que les psychanalystes sont tous des charlatans.
Réflexion faite, Charles n’aurait sûrement rien répondu, il était calme.
Il ressemblait un peu à une femme car il n’avait presque pas de pilosité faciale et que ses cheveux étaient longs. Il avait aussi la peau pure : il ressemblerait presque à un enfant, sans les quelques stigmates du passé; se côtoyaient ainsi en lui à la fois quelque chose de pré-pubère dans l’ingénuité de son physique et d’amorti, de fané, dans ses dispositions morales, versées toutes entières dans l’impavidité de son regard.
Charles était tout plein de résignation et de renonciation, un peu comme les mouettes flottent en l’air. Il était un corps très peu massif et facilement emporté.
Malgré tout, il n’y a pas de démarcation très nette entre le peu et le rien.On peut passer de l’un à l’autre très fortuitement, sans même forcément s’en rendre compte. Et là alors, au lieu d’être charrié par la moindre force, on est rigoureusement immuable ; mais ça, c’est une autre affaire.
Âge: 29 ans
Naissance: 13/07/1995
Arrivée: 2016
Présence en ville: 8 ans
Nationalité: Belge
Métier: Guichetier
Statut civil: Célibataire
Groupe: Indépendants
Nom de code:
Taille: 1.64
Corpulence: Mince
Cheveux: Mi-longs, noirs
Yeux: Marrons
Autres:
Histoire
“Désormais tu n’es plus, ô matière vivante ! qu’un granit entouré d’une vague épouvante”
Baudelaire, Spleen
“Elle n'aura pas lieu, la fusion sublime ; Le but de ma vie est manqué. Il est deux heures de l’après-midi”
Houellebecq, Extension du domaine de la lutte
Il faisait très sombre dans l’appartement jonché d’inquiétantes ombres portées, d’autant plus noires ; apercevant ici et là de dangereux étrangers imaginés dans des silhouettes à peine anthropomorphes, il bondit, courut, s’enfuit, les jambes tremblantes et se dérobant presque à chacun de ses pas : ses pieds qui tambourinaient maladroitement sur le sol donnaient encore plus de matière à sa peur et rythmaient les battements de son coeur. Charles a environ dix ans, c’est un garçon peureux que la nuit effraie excessivement.
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Il décolla le nez de la feuille où il était en train d’écrire, la retira du tableau de bord et l’éloigna d’une longueur de bras pour se relire. Charles avait dix-huit ans et il écrivait un roman dans la voiture de ses parents. Il fit tourner la manivelle actionnant l’ouverture de la fenêtre et jeta la feuille dehors ; il imagina l’encre se diluer, la page se délaver ; il l’imagina quelques secondes, trop las pour bien vérifier. C’était sa première page et sans doute aurait-il été propice d’expliquer que beaucoup d’autres l’avaient suivie mais ce fut sa dernière page. L’inspiration romantique de l’écrivain n’avait pas eu lieu. L’inspiration n’a jamais lieu.
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Il s’extirpa de l’eau, fantomatique, dans une salle de bain grisailleuse et emplie de fumée. Dieu sait combien de temps il était resté dans son bain ; il ressortit apathique; il en ressortait toujours apathique, la tension basse.
Malgré tout, il n’y a pas de démarcation très nette entre le peu et le rien.
Il en ressortit peut-être plus apathique que d’habitude.
Charles fit un infarctus. C’était très rare, à son âge ; c’est ce qu’on lui dit souvent par la suite.
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Elles étaient assises là, sur une table devant la fenêtre, au soleil ; elles avaient toutes les trois environ dix-neuf ans ; des étudiantes comme lui. Elles parlaient entre elles de choses insipides, pire, stupides. Il avait renoncé à les interrompre, à les contredire.
Elles étaient assises là, si jeunes, comme des petites vieilles, et il avait renoncé à les interrompre par manque de vitalité. Il avait senti le magma monter du fond de sa gorge, presque se déverser, pris une grande bouffée d’air et s'était éloigné. Une éruption avortée. Cet épisode -bien que d’une banalité sans nom- fut l’expression bien tangible et observable d’une renonciation profonde et d’ordre général.
On pourra alors comprendre cette renonciation comme la seule réponse possible au vertige tellement absolu, à la peur si totale d’un coeur qui s’arrête à nouveau, très simplement, trop simplement, terriblement simplement, à la peur de la mort.
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Charles avait vingt-neuf ans.
Coucou, you can call me Bill, ceci est mon premier compte