Histoire

1880.
Naissance de mes petits anges. Des faux jumeaux. Mon mari a décidé d’appeler notre fils, Armand. Il sera le digne héritier des Vallès. Et j’ai décidé d’appeler notre petite fille, Madeline. Madeline semble avoir du caractère, elle demande beaucoup d’attention. Bien plus qu’Armand, qui est si calme. Mais ce petit angelot est tellement mignon que je ne peux lui refuser.

Madeline et Armand Vallès sont nés le 12 avril, à quelques heures d’intervalle. Ce fut Madeline qui arriva la première, comme si son frère se montrait déjà galant. La naissance du garçonnet apportait une joie, car il perpétuait la famille Vallès. La jeune fille représentait son miroir, une pièce rapportée. Mais pour ses deux angelots, leurs rôles n’avaient pas de but déterminé et demeuré inséparable. Madame Vallès tenait un atelier de couture. Elle ne confectionnait pas des tenues chics et hors de prix, mais son commerce permettait d’arrondir les fins de mois, en complément du salaire de son mari. Sévère avec sa fille, elle l’obligeait à travailler à ses côtés, répété inlassablement les mêmes actions tout au long de la journée. Elle voyait l’empressement de la demoiselle pour rejoindre son père et son frère. Elle n’aimait pas ce comportement et elle lui imposa chaque jour un peu plus de travail. Madame Vallès ne s’attendait pas à offrir la boutique à sa fille. Elle voyait l’ennui toute la journée durant ses obligations et avait même reçu sa haine pour ce travail. Pourtant, elle continua à lui apprendre les us et coutumes d’une bonne demoiselle. Madeline n’avait que faire de ce travail ennuyeux. Elle voyait son frère briller dans le sport automobile, comme l’aviation, au côté de leur père. Dès qu’elle parvenait à obtenir des quartiers libres, elle s’empressa de les rejoindre et découvrir un monde qui l’intéressait. Son frère avait une  vieille voiture, avec quelque il se permettait des courses sauvages. Avec lui, elle pouvait se trouver sur le siège passager et ressentir les secousses des routes de campagne et le vent violent des lignes droites.

À l’âge de seize ans, elle aimait tellement cette forme de liberté, à l’opposé des manières féministes et cadrées, qu’elle décida de prendre sa vie en main. Les membres de l’église la félicitaient sur son timbre de voix parfaite et ses amies jalousées ses capacités vocales. Alors, elle s’était dit qu’elle pourrait percer dans ce domaine. Madeline annonça à ses parents et son frère qu’elle désirait chanter devant un grand public. Elle avait elle-même réalisé quelques petites chansons durant ses longues nuits blanches. Malheureusement, elle n’était pas née sous la bonne étoile ; ou tout simplement qu’elle n’avait pas de contact dans le domaine. Elle n’avait pas pu se faire un nom ni percer dans ce domaine et le succès ne fut pas au rendez-vous. On aurait pu croire que cet échec la brise, mais ce fut le contraire. Elle se ressaisit rapidement, continua de passer ses journées avec son frère.

-Madie. Ça te dit de conduire la prochaine course ?

C’était ton frère qui venait de lui poser cette question, une lueur malicieuse dans ses yeux. Madeline le regard momentanément avant de soutenir son regard. Un large sourire se dessina rapidement dans ses lèvres.

-Ne pleure pas si ta sœur te dépasse un jour.

D’un rire partagé, elle s’installa pour la première fois au siège de conducteur. Sa première course. Sa première adrénaline. Le temps d’une course, c’était elle qui dirigeait la voiture. Son cœur palpable sous l’excitation, la sueur longeant son échine, elle ne pouvait se contenir. Elle appuyait sur l’accélérateur, comme elle avait vu son frère le faire des tonnes de fois. Elle toisait avec défi son adversaire du jour. Ce n’était qu’une ligne droite, mais c’était elle, la reine du jour. Une fille se plaça entre les bolides rougissants. Elle leva un foulard rouge. Tous les spectateurs attendaient avec impatience que les taureaux soient lâchés. Le foulard tomba et les hurlements des moteurs retendirent. Les bêtes roulaient à la vive allure. Madeline montait plus lentement la vitesse que son opposant. Mais dès qu’elle fut à fond, le sursaut du véhicule l'informa qu’elle était enfin à pleine puissance. Les véhicules étaient côtes à côté, au même niveau. Le vent fort bouchait les oreilles de la magnifique blonde qui fila comme une flèche, droit devant elle. Elle vit à peine le foulard noir, annonciateur du vainqueur flottant devant elle. Un cri de joie résonna derrière elle. Quand enfin, elle s’arrêta, elle resta figée, jusqu’à ce que son frère l'ait rejoint, tapant tout excité à sa porte. Il lui annonça qu’elle avait filé comme le vent, dépassant son adversaire d’une voiture. Elle avait même été plus rapide que lui.

-Tu es faite pour les courses automobiles.

C’étaient les mots de son frère. Ces mots qui lui offrirent rêves et espoirs. Elle se voyait poursuivre dans cette voie, auprès de son frère. Sa mère refusait de voir sa fille dans une voiture, et faisait comme si elle n’existait pas, déçue par son caractère de garçon manqué. Son père croyait avoir un deuxième fils et il l’accepta uniquement après l’avoir vue sur une course. À l’âge de dix-sept ans, elle effectua sa première course d’endurance. Leur équipe gagna la course dans leur catégorie et elle put se tenir fièrement sur le podium avec son frère. Or, sa joie de coureuse fut de courte durée et s’estompa rapidement dès ses dix-huit ans passés. Surtout quand elle apprit que son frère fut choisi pour devenir un pilote international et pas elle. Son père lui avait révélé que les investisseurs ne la désiraient pas dans leur véhicule parce qu’elle était une femme. Une FEMME !

Madeline se plaignit toute la journée et ragea devant qui voulait l’écouter. Le soir, elle se mit à boire jusqu’à perdre toute notion du temps. La tête lui tournait, comme le monde entier. Son haleine empestée l’alcool. Douce victime pour n’importe quel prédateur, elle accepta la requête d’un groupe étrange. Avec eux, ce fut le même manège. Elle se plaignait à nouveau de sa vie merdique, fade et ennuyeuse. Elle voulait quelque chose de nouveau et d'intéressant. Elle désirait se retrouver des années-lumière de ce monde et en répondant à une seule question, elle attira leur attention. Elle ne pensait pas si bien dire quand, des jours plus tard, elle fut emportée jusqu’à Pallatine, en 1994.

En voyant ce Nouveau Monde, elle fut médusée. La blonde ne savait plus où donner sa tête et elle se sentait particulièrement perdue. En dépit de son malaise, elle parvient à s’habituer à sa nouvelle vie. Elle s’adapta même assez rapidement grâce aux nombreux petits boulots qui lui ont permis de rencontrer les habitants de Pallatine. Elle commença par devenir caissière, danseuse dans les boîtes de nuit et même serveuse dans un bar. Elle démontra une adaptation remarquable sur tout ce qu’elle faisait. Ce fut dès l’instant où elle devient la propriétaire d’une boutique de fleurs qu’elle se sentait réellement chez elle. Sa vie comblée, Madeline désirait le partager avec une personne importante dans sa vie, son jumeau et meilleur ami, Armand. Elle demanda son transfert nerveusement, espérant qu’on l’acceptera sa requête. Ce fut accepté un mois plus tard. Armand a ses côtés, elle lui transmettait ses connaissances dans cette ville et ses coutumes. À la demande de Armand, elle finit par accepter de rejoindre les Opportunistes où ils furent acceptés. On peut dire que la jeune femme fut ravie de la tournure de son destin.

Malheureusement, tout bonheur ne venait jamais seul, le malheur arriva. Lentement, son frère montra des signes de faiblesse et de paralysie. Après une visite à l’hôpital, les jumeaux apprirent qu’Armand était infecté par la maladie de Charcot. Madeline fut témoin de cette déchéance et l’aida au mieux. Les frais médicaux pour le maintenir en vie étaient tellement monumentaux que son maigre salaire en tant que fleuriste n’aidait pas. Ce fut à cette époque qu’elle commença à cultiver des Ganjas dans son arrière-boutique. Au début, sa vie de dealeuse n’était pas un long fleuve qui coule. Elle eut quelques soucis, notamment avec les différents Diasporas. Elle finit par obtenir une meilleure situation en limitant ses clients à ceux qu’elle pouvait faire confiance. Et pourtant son frère meurt en 1996, sans qu’elle puisse lui fournir les soins. Cette perte fut un coup dur pour la jeune femme qui se noya sa tristesse dans les bars du coin. Il lui arrivait d’accepter de nombreux coups d’un soir, comme se droguer elle-même. À vrai dire, pour elle, sa vie n’avait plus de sens sans son frère et le souhait de mourir lui traversa la tête à maintes reprises.

En 2000, un homme familier se présenta à elle. Il le voyait fumé comme un pompier et lui avait réprimandé sur sa consommation avec un sourire charmeur. Interdite, Madeline resta médusée et sombra en larmes contre lui. Elle répéta à mainte fois qu’elle était désolée et son soulagement. Autour d’un verre, elle apprit qu’Armand avait été retransféré et ce souvenir resurgit l’instant de sa mort. Elle resta calme quand son frère l’annonça qu’il lui présenterait une femme dont il était amoureux, Monica Ernsting. Face l’une de l’autre, la Vallès maintenait difficilement ses nerfs à vif, elle apprit qu’elle était une scientifique de l’institut. Cette dernière l’informa qu’elle était tombée amoureuse d’Armand et qu’elle voulait sortir avec lui. Voyant son comportement, la haine naît dans la jeune femme. Elle voyait en elle qu’une opportuniste et une folle désirant attirer l’attention de l’homme de sa vie – non, ce n’est pas par amour. Elle refusa ce sentiment entre eux, car elle voyait parfaitement que Monica le manipulait. Elle ne fut pas une belle sœur des plus agréables avec la scientifique, refusant obstinément de la voir. Mais pour le bien de son frère, elle accepta leur situation. Et quelques années plus tard, son frère meurt de nouveau.

Cette terrible nouvelle, cette fois-ci à moitié caché rendu la bonde hors d’elle. Elle brisa ce qui se trouvait dans sa maison avec rage, saignant de ses poings. Elle insista à nouvel enterrement de sa moitié en étant ivre. Elle vit Monica. En la voyant à demi en pleurs, elle l’imaginait refaire un nouveau transfert de son frère, recommencer cette histoire un nombre incalculable de fois. Cette idée la rebuta, elle refusait assistée pour la troisième fois la mort de son frère. Sans que Madeline sache ce qui l’avait poussée, elle rejoignit la « veuve » éplorée avec son calme habituel, le calme avant la tempête. Devant tous, elle lui rua de coup et ce furent les autres invités qui les séparèrent. La sauvage hurla qu’elle la tuerait la prochaine fois qu’elle la reverra et qu’elle devra préparer sa tombe. Brisée une seconde fois, alors qu’elle semblait avoir repris ses esprits, la jeune femme retomba dans l’alcool, la drogue et les coups du soir. Durant ses nuits mouvementées, elle rencontra un homme qui disait être coach de sport de combat. Lui lui annonça qu’elle allait mourir si elle continuait dans cette voie et lui proposa de lui fournir une stabilité. Il lui laissa une carte de visite avant de la laisser dans une chambre qu’il avait payée en sortant.

Les années passent et Madeline se rendit dans une salle de sport. Elle apprit le Kick boxing et se montra douée dans sa discipline. Elle faisait quelques combats, mais jamais de championnat. Et comme lui avait annoncé son amant d’un soir, elle reprit à nouveau goût à une vie stable. Elle se rendit compte également qu’elle se faisait vieille et devait se ranger dans une famille. Comme l’amour représentait pour elle souffrance, elle décida qu’elle se mariera uniquement qu’avec une personne riche, quel que soit le sexe et s’il se trouvait être opportuniste, c’était le pompon. Elle n’entendit plus parler de Monica jusqu’en 2005. Cette femme s’était présentée avec un bébé ressemblant à Armand. Elle lui révéla que c’était leur fils, Alois, et Adeline crut qu’elle avait recommencé. Partager entre la haine pour cette femme, ayant recommencé sa folie, et la joie d’être devenue une tante, elle accepta de s’occuper de l’enfant. Son nouvel objectif était de s’occuper de lui, bien que le début de la « maternité » fut des plus désastreux ; sa première couche à changer possédait le goût amer du dégoût, les crises de pleurs la dépassaient et le nombre de tenues à changer s’entassait. Mais qu’importait pour la jeune femme, elle avait quelqu’un avec qui partageait vie heureuse.

Trois ans plus tard, Monica disparut sans laisser de trace. Cela concerta l’idée qu’avait eue Madeline sur le comportement de Monica. Elle se disait même que si elle avait été enlevée et torturée par un diasporas comme les Gangsters ou Iwasaki, cela lui retirait une bonne épine du pied. Elle adopta Alois comme son propre enfant, l’éduquant comme elle le pouvait. Elle se rendait plus ou moins compte de son manque de fibre maternelle, mais qui importe. Elle n’avait qu’une seule idée en tête : lui rentre une vie meilleure. Et cela passé par les poches bien remplis avec un riche homme Opportuniste.