seungjoo hwang
Caractère
Un masque de monstre et des cheveux blancs ont fait parler d'eux à Pallatine. On racontait qu'ils appartenaient à un homme sans cœur, un homme dont on avait arraché les sentiments et la raison, et qui errait hagard dans les rues poussiéreuses de la cité.L'œil rouge, qui ne roulait jamais dans son orbite, avait éveillé la crainte dans le cœur de ceux qui s'opposaient au clan Iwasaki - clan que, pourtant, il n'appréciait guère lui-même.
Derrière ce maëltstrom de violence, derrière le bleu et le jaune de ses hématomes, l'écarlate de ses coupures et de son œil de verre, il y avait pourtant encore une palpitation qui jamais n'avait cessée.
Seungjoo était fatigué des luttes.
Lui qui n'appréciait rien tant que de s'asseoir dans un fauteuil, un bon livre à la main ; lui qui soupirait dans le calme de son appartement quand il devait le quitter au soleil couchant ; lui qui avait connu l'amour, puis la haine, et qui avait vu l'unique personne à même d'éveiller quelque chose qui ressemblait aux deux dans les tréfonds de son âme ; oui, lui qui n'aspirait qu'à la paix, il n'avait jamais eu le droit qu'aux remous de l'existence.
Ce n'était pas lui, répétait-il à qui le voulait. Mais déjà il était trop tard ; l'ancien jeune homme sage et traditionnel était mort lorsque les fers l'avaient marqué. A Pallatine, il s'était reconstruit autrement, il ne se différenciait plus vraiment des natifs, comme s'il y avait toujours vécu ; tirant une croix sur son passé comme s'il n'était qu'une page vierge, et que tout était à reconstruire. Il y avait parfois de la mélancolie dans son regard, car il savait qu'il avait dû renoncer à quelque chose de précieux pour atteindre cette forme de sérénité.
Il n'avait plus vraiment souvenir de sa famille, de son père qu'il avait vu mourir avant lui ; de sa sœur qui avait disparu un jour, amenée au Japon pour y voir sa dignité dégradée. Ils étaient morts, comme ses propres émotions.
Trauma l'avait aidé.
Trauma n'était pas vraiment une personnalité dédoublée, ou un quelconque trouble psychologique. Trauma était un rôle qu'il jouait, une personne qui le libérait de ses pulsions. Seungjoo, si sage, si retenu, avait appris l'eros et le tanathos, avait goûté au sang et au sexe, avait appris qu'il avait besoin des deux, à doses diverses. Trauma était un exorcisme. Une façon de maintenir sa sanité à un niveau égal, acceptable aux yeux de la société.
Il y a eu Knut, disparu au moment le plus tragique ; il y a eu Naga, l'ami inespéré révélé dans l'adversité.
A présent, Seungjoo ne s'en sort pas trop mal. Il a changé son personnage, l'appelant désormais Géhenne ; se transformant en une forme de cauchemar, non pour se protéger, non pour punir ; il s'y fond par habitude, car il apprécie jouer un rôle, comme un acteur qui a pris goût à la comédie et ne désire plus se passer de théâtre. Géhenne est plus doux, plus contrôlé que ne l'était Trauma, mais plus déterminé également. A terme, peut-être deviendra-t-il dealer. Seungjoo ne le sait guère.
Il sourit, à présent. Il est capable de prouver son affection à ceux qui le méritent, capable de respecter ses preuves. L'espoir, à nouveau, a fleuri dans son esprit. Il serait peut-être un peu fort de dire qu'il est heureux, car le vide que Knut a laissé derrière lui est encore fort ; et la fatigue ne cesse de le gagner.
Mais, somme toute, il est plutôt gagnant.
Qui a dit que seul le désespoir vous attendait à Pallatine ?
Âge: 25 ans
Naissance: 14.09.1934
Arrivée: 06.06.1954
Présence en ville: cinq années
Nationalité: (nord) coréen
Métier: il s'occupe du blanchiment de l'argent issu du trafic de drogues au casino de la diaspora. officiellement croupier.
Statut civil: célibataire, cœur brisé
Groupe: Iwasaki-rengō
Section: aces
Rang occupé: simple membre
Nom de code: anciennement trauma, a changé son nom de code pour géhenne
Taille: 1.66
Corpulence: menu comme un adolescent, tout en muscles
Cheveux: noirs (perruque blanche, ou blanche-noire, à l'occasion)
Yeux: l'œil droit marron, l'œil gauche en verre, rouge et noir (a toujours l'espoir d'une chirurgie)
Autres: ambidextre ; porte souvent un masque lorsqu'il se transforme en géhenne ; porte parfois des lunettes car sa vue n'est pas très bonne
Histoire
Seungjoo était né dans une Corée japonaise - une Corée où l'on n'osait prononcer le moindre mot dans la langue du pays, et très jeune, elle exerça sur Seungjoo une influence démesurée. Elle était langue d'espoir, un secret partagé dans l'intimité d'une maison, unissant les membres de la maisonnée encore plus étroitement que ne le faisaient les liens de sang.
Son père avait été écrivain. Temporairement emprisonné au Japon avant la naissance de son fils, alors que sa fille aînée, Jungran, n'était encore qu'une enfant, il s'était juré, en rentrant au pays, de ne plus publier. Son nationalisme, avait-il décidé, ne devait pas mettre ses enfants en danger.
Seungjoo se faisait remarquer, parce qu'il ne parlait le japonais que lorsqu'il n'avait plus le choix ; et quand il y pense, à présent, il lui arrive de se demander si c'était par conviction réelle, ou bien parce qu'il avait l'âme d'un chamailleur. Il lui semblait parfois que c'était les deux.
Jungran, un jour, disparut.
Les disparitions de jeunes filles n'étaient pas rares. Elles n'étaient pas courantes non plus.
Seungjoo n'avait que huit ans ; trop jeune, donc, pour comprendre pourquoi ses parents ne la cherchaient pas. Il blâma les Japonais, cible logique de ses frustrations. Il blâma un petit Japonais qui allait à l'école avec eux, et qui l'appelait toujours par le prénom japonais qu'on avait attribué à Seungjoo et auquel il refusait de répondre ; un jour il le frappa.
Le plus dur, pour lui, avait été d'oser porter le premier coup ; il était empli de crainte et pensait trop au conséquence. Alors il imagina qu'il était quelqu'un d'autre, et ce quelqu'un d'autre prenait goût à cette violence gratuite. Ce garçon-là ne s'arrêta pas, battit le camarade jusqu'au sang, jusqu'à ce qu'il perdît connaissance, et encore après.
Ce garçon, pourtant, c'était lui-même.
Par miracle, l'incident fut sans suite. Encore aujourd'hui, Seungjoo se demande pourquoi. Mais peut-être avait-on peur de ce petit Coréen qui, derrière ses airs calmes, avait le goût du sang.
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L'indépendance de la Corée aurait dû réjouir Seungjoo.
Au lieu de cela, il maudit le trente-huitième parallèle, affront séparant sa patrie en deux. Victime du chutchae, Seungjoo n'avait que quatorze ans. C'était déjà bien assez pour qu'il pût comprendre ; pour que la haine se loge dans un creux de son cœur.
Son père ne se remit pas à écrire. Au contraire, il décida de s'engager dans le militantisme, rejetant le régime du Grand Dirigeant de toute son âme. Seungjoo le suivit. Cette Corée-là n'était pas celle dont il avait rêvé ; la langue n'était pas celle de l'intimité de leur foyer, en raison de la purification linguistique et de l'utilisation du dialecte de Pyongyang.
La fin était prévisible.
Pourtant elle les étonna.
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En ce matin de 1954, un interrogateur originaire de Pallatine l'approcha.
Seungjoo tenait les doigts près de son orbite vide, sans pour autant oser le toucher.
L'homme demanda à Seungjoo s'il voulait partir.
D'un air absent, Seungjoo accepta. Il ne savait pas ce que cela signifiait, partir - il pensait mourir.
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Seungjoo vécut parmi les Aces pendant cinq ans dans un déséquilibre désagréable. Non qu'il détestait leur présence, d'ailleurs. Il n'était simplement pas tout à fait certain d'appartenir à leur bande.
Pallatine était comme irréelle, tout comme l'était Trauma. Il y vécut sans jamais en saisir les mystères ; désintéressé de tout ce qui pouvait faire ses spécificités, peu ému des disparitions qui la déchiraient, il goûtait juste à l'existence telle qu'elle se proposait à lui.
Knut avait été différent. Il avait éveillé en Seungjoo quelque chose de si fort, de si violent qu'il s'était senti, pour la première fois, psychologiquement à genoux devant une personne. Il n'aurait jamais admis qu'il était tout pour lui, qu'il était une raison de vivre ; raison de se battre, raison de vaincre. Seungjoo espérait tant l'emporter sur lui, il voulait le conquérir, l'enfermer dans une cage, le coucher à ses pieds, peut-être même l'étouffer dans la lourdeur de ses draps. Il ne s'était jamais senti aussi vivant.
Mais Knut avait disparu, lui aussi, et Seungjoo avait à nouveau tout perdu.
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Seungjoo n'était pas parti. C'était son cœur qui était absent.
C'était comme d'avoir une ombre comme collègue. Un peu étrange, au départ ; puis on s'y faisait. Plus personne ne s'en étonnait ; plus personne ne s'en souciait.
Mais le temps passe, et il finit par se sentir mieux. C'était un Seungjoo plus calme, moins vorace que le Trauma dont on avait l'habitude. Et quand il enfila à nouveau le masque, il pria ses collègues de l'appeler Géhenne.
Parce qu'il était un homme différent, en quelque sorte.
slt je suis l'un des fondateurs et je suis pas du tout respectable
j'ai laissé l'ancienne fiche en spoiler si jamais vous êtes curieux de ce que j'avais écrit de base, c'est très proche mais en plus noob et moins fragile. d'ailleurs on m'appelle plus du tout kaër mais sorano. j'écris des fics et je pleure sur mes 2d idols et je sers littéralement à rien comme admin mais c'est gentil de m'accepter quand même. la bise les cocos.
- Spoiler:
Seung Joo Hwang
feat Kaneki Ken | Tokyo GhoulCaractère
Seung Joo, c'est d'abord la douceur et de la délicatesse d'un jeune homme bien élevé - sans doute trop propre sur lui pour appartenir à un gang comme celui des Aces. Poli, raffiné, élégant, il ne semble pas être le genre de personne à poser problème. Il s'accommode de tout, n'exige jamais rien, fait preuve de mesure dans ses désirs. Seung Joo est toujours discret ; il a tendance à se poser dans un coin, et on pourrait oublier son existence tant il est silencieux. Même sa respiration ne fait pas le moindre bruit. Seung Joo s'assimile à l'ombre ; il fait partie du décor. On le voit, mais on ne prête guère attention à sa présence - c'est peut-être sa plus grande force. Seung Joo est un observateur, quelqu'un qui prend le temps de contempler les choses et de retenir les détails importants. Il a une très bonne mémoire, surtout visuelle. Il est plus passif qu'actif ; il n'intervient jamais en cas de conflit, de sorte que son plus grand crime serait très certainement la non-assistance à personne en danger. Car le Coréen en a déjà trop vu, et la douleur des autres lui est devenue coutumière. C'est peut-être ce qui casse un peu l'illusion d'un homme doux ; parfois capable d'empathie, dans la majorité des cas, il se contente de phrases génériques dans le but de consoler la victime, mais ne fait rien pour la réconforter sincèrement. Il a cette froideur que l'on associe volontiers à sa distance. Il a beau sourire, Seung Joo, de ses sourires agréables et gracieux, on sent bien qu'il essaie de conserver cette distance. Cela se voit à ses yeux - ou plutôt, à l'œil encore intact qui se pose sur vous, et dont l'expression est toujours glacée. On le sent blessé, craintif ; tel un animal, il a peur de s'investir dans une relation, et de souffrir encore. Ce n'est là qu'un mécanisme de protection : l'impression de gentillesse qui se dégage de lui est réelle. Mais c'est une gentillesse atténuée par le souffrance. Seung Joo se sent capable de faire confiance à ses collègues ; il se sent incapable de faire confiance à quelqu'un qui lui dire qu'il l'aime.
Et puis, on le voit avec les autres Aces - et on commence à comprendre à quel point l'apparent calme de Seung Joo peut être trompeur. En leur compagnie, il est plus vivant, plus réactif ; il ne les laisse pas dire quelque chose qui lui déplaît, et n'hésite pas à monter au créneau s'il désire défendre ses opinions. On le voit beaucoup rire, et son langage se relâche : lui qui, habituellement, utilise un registre assez soutenu et élégant, se met à employer des expressions plus vulgaires, des mots parfois grossiers. Cette différence d'attitude ne choque personne. Tout le monde se doute que Seung Joo s'adapte simplement à son environnement. Et puis, sans doute que cela fait plaisir de le voir comme ça. Avec les Aces, Seung Joo est aussi plus agressif - et c'est là que l'on mesure l'étau de violence qui l'enserre. Habitué à la lutte depuis des années, le Coréen ne détonne guère parmi les Aces : sa violence est d'abord verbale, et il n'hésite pas à se montrer mauvais avec ceux qui l'insupportent. Elle est aussi physique : le jeune homme n'hésite pas à en venir aux mains si nécessaire. C'est devenu une réaction presque instinctive, chez lui : frapper quand il se sent en danger. Et parfois, cela surprend, car il semble doux comme un mouton, et l'instinct suivant il saute à la gorge de son interlocuteur. Tout cela n'est que le signe d'une vieille peur : la peur de mourir. La douleur physique, Seung Joo sait l'accepter. Mais mourir, pour avoir vu trop de cadavres grotesques, est une des choses qui le paralysent. Il est aisé de le manipuler quand on comprend à quel point il craint le trépas. C'est ce que certains font, quand ils veulent obtenir quelque chose de sa part. C'est peut-être la raison pour laquelle il ne s'en est jamais pris aux membres chinois de sa diaspora, alors même qu'il les hait de tout son cœur. Seung Joo a conscience qu'il y a un ordre et qu'il faut toujours, toujours le respecter. Son respect de la hiérarchie est total. Il faut tout de même noter que Seung Joo ne cède jamais à des pressions sans combattre. Il faut toujours pousser un peu, avec lui. Attendre qu'il ait conscience qu'il n'a plus d'autre choix que la mort. Là seulement, si vous ne lui êtes pas hiérarchiquement supérieur, il vous obéira.
Le problème, c'est que Seung Joo n'est pas toujours lui-même.
Parfois, il se métamorphose. Il enfile un perruque et un masque, laisse son œil de verre libre, et l'innocent jeune homme change totalement d'apparence. Il devient Trauma. Trauma, ce n'est pas seulement un nom de code adopté pour s'accoutumer des mœurs des Aces. C'est aussi comme une seconde identité pour lui. N'y voyez pas là un quelconque dédoublement de la personnalité ; c'est une façon pour lui d'extérioriser ses peurs les plus profondes, en devenant un autre homme. En devenant quelqu'un qui n'a peur de rien, qui est capable de tout. Trauma n'a pas de limites. Trauma peut tout faire sans que cela lui pose problème, Trauma n'est jamais traversé par le moindre regret. C'est quelqu'un de profondément violent - encore plus que peut l'être Seung Joo, car il n'a pas besoin de se sentir en danger pour jouer des poings, c'est là son mode de communication naturelle. La voix rauque, traînante, Trauma est un prédateur. Il est l'incarnation même du tortionnaire, de tout ce que Seung Joo, au plus profond de lui, craint. N'ayant aucune limite, il fait souffrir les autres si tel est son plaisir. Tout sens de la morale lui échappe ; sa seule retenue, c'est encore sa diaspora, car Trauma n'ira jamais contre les intérêts de l'Iwasaki-rengō.
Trauma est une construction. Il n'y a pas de réel Trauma, dans le fond : ce n'est que la personnalité de Seung Joo, mais désinhibée. Trauma est ce que Seung Joo serait si les limites sautaient. Mais pour cela, Seung Joo a besoin de sentir que ces limites tombent ; voilà pourquoi il se déguise. C'est comme un jeu, pour lui, d'être Trauma. C'est une façon de se protéger, d'essayer des choses, de ne pas avoir honte de ses actes. Trauma n'est pas très sain, mais peu importe, car grâce à lui, Seung Joo reste pur. Tel est, dans le fond, le sens de la manœuvre. Faire le mal pour exorciser ses propres souffrances, sans en avoir vraiment la responsabilité.Âge: 23 ans
Naissance: 14/09/1934
Arrivée: 06/06/1954
Pésence en ville: 3 ans
Nationalité: Coréen. Devenu Nord-Coréen à la suite de la partition coréenne.
Métier: Faux-monnayeur œuvrant principalement pour les Aces et croupier
Statut civil: Célibataire
Groupe: Iwasaki-rengō
Section: Aces
Rang: Membre
Nom de code: Trauma
Taille: 1.66
Corpulence: Fin, la stature d'un éternel adolescent
Cheveux: Bruns au naturel, mais il porte une perruque blanche lorsqu'il sort sous l'identité de Trauma
Yeux: Œil droit marron, œil gauche rouge (mais c'est un œil de verre)
Autres: Il est ambidextreHistoire
Rêver de liberté n'est pas un crime.
Rêver d'habiter dans son propre pays, d'avoir le droit d'y parler sa propre langue, de connaître la culture même dont on est issu, ne devrait pas être une utopie.
Quelques mots murmurés en coréen, que l'on prononçait toujours avec du prudence - par peur de ces oreilles traînantes qui pouvaient tout briser, en souvenir d'anciennes répressions auxquelles le père de Seung Joo avait échappé de justesse, qui marquaient le pays sans jamais cesser le pays.
« Laisse-les tenter de faire de nous des Japonais, mon fils, chuchotait le père de Seung Joo lorsqu'il voyait son fils rentrer en pleurs, puni pour n'avoir pas employé la fameuse langue nationale à l'école. Ils n'y arriveront jamais. Nous sommes Coréens, et nous n'avons pas de honte à avoir. Nous ne sommes pas un peuple faible et un jour, nous reprendrons le pouvoir. »
Le coréen était la langue de l'intérieur, celle que l'on n'osait utiliser librement que lorsqu'on se sentait à l'abri derrière les murs de sa demeure, celle que l'on employait pour y abriter ses secrets les plus profonds ; la langue de l'intime, la langue de la vérité. Elle était bannie dès que l'on passait le seuil de la porte d'entrée ; amas de syllabes infamants, qui vous rendait hors-la-loi dès lors que vous l'utilisiez sur l'espace public. Elle était pourtant la langue des rêves ; nul Coréen digne de ce nom n'aurait réussi à s'endormir s'il se découvrait une propension à parler japonais dans leur jardin secret. La langue de tous les espoirs, exprimée sur des feuilles volantes.
Le père de Seung Joo avait été écrivain. Avait été. Devenir père de famille l'avait profondément changé ; il craignait désormais de perdre ses enfants, son cadet doux et rêveur, son aînée Jung Ran plus téméraire et volontaire, aussi avait-il cessé de publier. Seung Joo ne le savait pas, mais plusieurs de ses anciens partenaires d'écriture n'étaient plus là ; lui-même avait temporairement été emprisonné au Japon, lors d'un séjour, avant la naissance de son fils.
Il prônait une résistance passive, secrète, mais réelle.
Malgré tout, Seung Joo était celui qui ne cessait de se faire remarquer à l'école parce qu'il n'aimait guère parler japonais. Cette langue était revêche, froide ; elle n'avait de beauté que lorsqu'elle était hurlée, mais ne convenait guère à une conversation cultivée. Combien de fois se fit-il remarquer, au point que l'on en accrochât à son cou une pancarte infamante, qu'il arbora avec fierté ? Rien ne pouvait entamer son orgueil. Il résistait, à sa façon, n'attendant qu'un regard appréciateur de son père pour renouveler ses ardeurs.
Mais avec le temps, les convictions s'érodent et se perdent dans le néant.
Lorsque Jung Ran disparut, quelque chose se brisa en lui.
Les disparitions de jeunes filles n'étaient pas rares. Elles n'étaient pas courantes non plus. Seung Joo n'avait que huit ans ; il était sans doute trop jeune pour comprendre les tenants et les aboutissants de l'histoire. Simplement, un jour, elle ne fut plus là. Et les larmes brillant dans les yeux de ses parents lui disaient que son départ était définitif. La jeune fille avait embarqué pour l'enfer ; et cela, l'enfant le sentit d'instinct.
Sa haine s'exacerba, et pour la première fois, Seung Joo perdit le contrôle.
Il y avait un petit Japonais qui allait à l'école avec eux, les vaincus. Seung Joo l'avait toujours détesté à cause de sa superbe ; empli des convictions de son père, appartenant aux forces d'occupation japonaises, il mettait un point d'honneur à être toujours premier partout, et s'énervait de ne pouvoir remplir cet objectif. Ce jour-là, alors que le petit Japonais l'appela d'un ton narquois par son prénom - mais pas par son vrai prénom, pas le prénom japonais que l'on lui avait attribué afin de faire plaisir à l'occupant, prénom qui devait sombrer dans l'oubli et qui ne franchira plus jamais le seuil de ses lèvres -, le garçon répondit par la violence.
C'était la première fois qu'il frappait quelqu'un, lui le distrait, le penseur sérieux qui ne sortait jamais de sa bulle.
Et très vite, il comprit qu'il ne pourrait pas s'arrêter. Il y avait quelque chose en lui qui appréciait cette violence gratuite, une partie de lui-même qui n'était pourtant pas un autre de lui-même. Il s'éveillait, tout simplement ; comme s'il s'était enfermé pendant tout ce temps, comme s'il était condamné à n'être qu'un monstre ayant le goût du sang, désireux de plonger ses griffes dans la chair vulnérable de ses victimes et.
Cela lui fit peur. Seung Joo s'arrêta.
Ce fut un miracle que l'incident n'eut pas plus de conséquences. Ses parents luttèrent dur pour limiter les conséquences des actes de leur fils. Seung Joo ne fit plus de vagues. Il était effrayé par cette nouvelle possibilité, celle de devenir plus féroce encore que l'occupant.
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L'indépendance, oui - mais à quel prix ?
Le pays, exsangue ; l'économie ruinée, détruite, le sang coréen coulant à gros flots, et l'avenir qui se décide sans lui.
Seung Joo maudissait ce trente-huitième parallèle qui coupait le pays en deux. Il maudissait encore plus le hasard qui l'avait placé au nord de ce parallèle, le condamnant à devenir une victime supplémentaire du chutchae - la voie coréenne. Sans doute aurait-il pu accepter ce régime, si encore celui-ci regroupait l'intégralité du territoire coréen. Ou si celui-ci avait respecté le peuple, au lieu de se transformer en une autre forme de dictature - mais une dictature à la coréenne.
Seung Joo avait quatorze ans en 1948, et fréquentait toujours l'école. Ce fut pour lui un plaisir de voir que sa langue chérie, cette langue des espoirs, étaient devenus une réalité. Seung Joo croyait en l'avenir. Il pensait que son père, enfin, pourrait se remettre à l'écriture ; qu'il aurait le droit d'affirmer ses aspirations littéraires. Le pays se vidait de l'inluence japonaise ; peut-être cela était-il pour le mieux.
Mais non ; le Grand Dirigeant, Kim Il Sung, avait des vues divergentes.
Sa langue n'était plus la même, pour autant.
Seung Joo n'aurait pas été fondamentalement contre le communisme s'il n'en voyait pas les limites.
Et s'il les voyait, c'était parce que son père les lui montrait.
Lorsque la guerre débuta, l'espoir semblait temporairement revenu. Peut-être la paix, en revenant, apporterait l'unité. Peut-être le gouvernement serait-il chassé. Seung Joo adolescent se plaisait à rêver ; ces utopies l'aidaient à supporter le quotidien, où son père progressivement sombrait dans le désespoir. Il avait besoin de ces instants d'irréel, où tout devenait possible. La voix de son père serait entendue dans le monde entier, criant sa souffrance et son pacifisme. Appelant cependant à la lutte contre ceux qui, au nom du peuple, abusent du peuple. Une voix qui avait réussi à le captiver lui, tous comme ces caractères hangul qui avaient su charmer son âme pendant son enfance.
Mais l'inévitable finit par se produire. Une voix isolée dénonçant les abus de la purification linguistique, de l'utilisation du dialecte de Pyongyang, était faible et vulnérable. Le père Hwang devait l'apprendre à ses dépens. Cependant, comme il le disait lui-même, il n'avait plus grand-chose à perdre. Plus maintenant qu'il avait perdu sa fille.
Et Seung Joo, lui, le suivait sur cette voie dangereuse.
Ce fut par un beau matin de 1954 que le couperet tomba.
Lorsqu'on vint arrêter le père de Seung Joo, le jeune homme était présent ; c'était sa journée de repos, le garçon travaillant chez le boucher du quartier. Il ne dit rien lorsque l'arrestation eut lieu ; ce fut tout juste s'il lui accorda un regard. Il savait que c'était une question de temps avant que ses propres méfaits ne ressortent.
Quelques jours plus tard, ce fut à son tour d'être emmené - toujours dans le même silence pesant, observé par des yeux curieux se détournant dès lors qu'ils avaient conscience d'être repéré. Seung Joo savait qu'il allait vivre l'enfer, désormais. Comme sa sœur avant lui. Comme son père, même s'il ignorait où il se trouvait. Il ne devrait plus jamais le revoir.
Il y avait un agent de l'Institut au sein des rangs des interrogateurs. Un Coréen d'origine, qui parlait parfaitement bien le dialecte du nord, et qui, un soir, alors que Seung Joo refermait les doigts sur l'orbite nouvellement vide de son œil gauche, lui demanda :
« Veux-tu partir ? »
S'enfonçant un peu plus dans la douleur, sur le seuil de la folie, Seung Joo acquiesça.
Tu veux partir. Tu veux t'échapper de cette réalité où même la mort semble refuser de t'embrasser, comme si tu n'étais pas digne d'elle. Tu rêves d'air frais et de soleil ; de draps doux sur ta peau caressant tes blessures et tes brûlures. Tu es Seung Joo ; mais tu ne veux pas l'être, alors que tu décides que tu ne le seras plus. Le mot tremble au fond de toi, il t'appelle - comme s'il voulait enfermer tout ton être dans cette notion de douleur. Tu veux être un autre ; alors tu fais semblant d'être un autre.
Traumatisme.
Seung Joo se réveilla dans des draps qui ne lui étaient pas familiers, en découvrant que ses plaies avaient été partiellement pansées.
L'idée aurait pu lui faire peur, mais en cet instant, tout ce qui lui parut important était de savoir qu'il avait trouvé un moyen d'échapper à l'enfer.
Il crut à une hallucination, à une construction de son esprit pour se protéger.
Et sa première semaine fut synonyme pour lui d'un lent retour à la vie.
--- Rupture ---
Our deepest fear is not that we are inadequate. Our deepest fear is that we are powerful beyond measure. It is our light, not our darkness that most frightens us.
Parfois, les barrières sautent.
Et tu nais de cette inconstance qui se fait jour. Toi qui n'as nulle couleur, plus transparent que l'air que Seung Joo respire. Protecteur, tel un film transparent. Une glace derrière laquelle observer le monde. Tu ne penses pas. Tes pensées sont de l'éther, immuables, évanescentes. Tu n'existes pas, pas vraiment. Tu n'existes qu'à travers lui, il est ta chair et ton sang, tes efforts et tes actualisations. Mais tu es une donnée essentielle de son existence, car tu le réalises pleinement. Tu es son souffle le plus pur - comme la première bouffée d'air avalée par le nourrisson. Tu es sa dépendance, assuétude comme annexe, il ne saurait plus se passer de toi.
Es-tu fier, Trauma ?
Fier de t'être imposé à un être fragile qui avait besoin de se défendre ?
Les limites n'existent plus. C'est dans ce néant que tu te complais. Tu te déploies dans le vie et tu l'emplis de ton être. Imposant tes vues, tes compromis. Ce qu'il y a de bien avec toi, Trauma, c'est que tu n'as peur de rien. Seung Joo est un trouillard, effrayé par son propre ombre. (Il paraît que c'est toi, ce gamin pleurnichard, mais tu es trop libre pour lui coïncider.)
Mais tu as été sa libération, Trauma.
Tu lui as appris à vivre sans craindre le regard des autres ; sans s'effrayer des coups qu'il pouvait recevoir ; sans s'émouvoir de l'animosité ambiante. Tu lui as appris à être lui-même. Maintenant, c'est à lui de comprendre comment être lui, sans devoir en passer par toi.
Ça a commencé peu de temps après son arrivée à Pallatine. Pourquoi avoir mis les pieds dans cette ville ? il ne le sait pas trop lui-même. Sa vengeance ne saura jamais se réaliser s'il n'est pas en Corée. Mais il devenait fou dans son pays natal, il ne pouvait plus supporter la douleur de la perte, la culpabilité du survivant.
Seung Joo le sait, Seung Joo ne saurait ignorer la présence de ces pulsions en lui. Sans qu'il puisse pour autant le contrôler. Ce cauchemar est le sien, tout autant que celui des autres. Un traumatisme qui s'écoule de lui telle une rivière sujette aux crues, et qu'il ne contrôle pas. Qu'il ne désire pas contrôler. Quand il est Trauma, Seung Joo s'oublie. Et l'oubli est sa quête, désormais.PS : maman, si tu lis ces lignes, sache que je t'aime.
On m'appelle Kaër.
J'ai un certain âge, mais il change tous les ans.
Seung Joo est bien sûr mon premier compte. (Mais potentiellement le premier d'une longue lignée, c'est mal.)
Il paraît que j'ai fondé ce forum avec Naga. (C'est une rumeur)
Il paraît aussi que nos délires sont nocifs (et je plaide coupable).
Je passe ma vie à coder. A tel point que le codage du forum n'est absolument plus à jour. Pardon. Ne vous étonnez pas si tout change du jour au lendemain.
/meurt/