Ven 26 Aoû 2016 - 2:00
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent
If I ever found a pot of gold
I'd buy bottles untold of the nectar of the vines
'Cause I'm gonna die with a twinkle in my eye
'Cause I sung songs, spun stories, loved, laughed, and drank wine
Les vagues glissaient sur le rivage, allaient et venaient doucement, leur bruissement caractéristique résonnant dans l'air. L'astre solaire avait entamé sa descente. Il s'enfonçait dans la surface aqueuse, la teintant d'une lueur rougeâtre. Un vent léger fit frissonner une mèche de cheveux d'Ysrael. La jeune femme observait ce spectacle en silence, les bras croisés, nonchalamment adossée contre la capsule qui l'avait menée jusqu'ici. Jamais elle n'avait vu de si grande étendue d'eau avant son arrivée à Pallatine. Chicago avait toujours été sa maison ; le lac sa seule mer. Vingt-huit ans durant, elle avait rêvé de voir l'océan. Mais le temps avait fini par lui manquer. Comme elle s'était étonnée en découvrant pour la première fois les flots qui cerclaient l'île de sa nouvelle demeure ! Cette mer gigantesque, elle avait passé de longues heures à la contempler, muette. Elle se voyait encore assise dans le sable, les genoux repliés contre sa poitrine, à fixer l'immensité bleutée, les yeux brillant comme ceux d'un enfant.
Un mouvement à gauche la sortit de sa rêverie. La jeune femme salua poliment l'habitant qui passait à sa hauteur. Le rythme éreintant de la ville n'avait pas ses droits ici. Ocane semblait nichée dans un autre espace-temps. Ysrael jeta un coup d’œil à sa montre. Nombreuses étaient ses connaissances qui appréciaient les garde-temps à affichage digital ou holographique. La brune ne supportait pas ces choses-là. Elle s'était intégrée au mieux au futur dans lequel l'Institut l'avait catapulté, et continuait d'ailleurs toujours à travailler ses lacunes. Pourtant, quelques vieilles habitudes de sa vie sur Terre lui collaient toujours et encore à la peau. Il était des manies et lubies dont elle refusait de se séparer. Le phonographe, les montres mécaniques, …
Elle était arrivée légèrement en avance et avait préféré patienter plutôt que d'importuner son hôte quelques minutes trop tôt. Mais l'aiguille indiquait à présent le chiffre désiré. La jeune femme prit une impulsion, elle secoua son poignet pour ordonner ses bijoux et se mit à remonter la rue. Ses talons aiguilles battaient le macadam, allongeaient sa silhouette, appuyaient sa démarche chaloupée. La trentenaire s'arrêta devant d'immenses grilles en fer forgé. La demeure des Blackwood, plus loin, allongeait une ombre menaçante jusqu'à ces dernières. Blackwood … un nom bien connu à Pallatine. Peut-être trop connu pour inspirer une totale confiance. Ysrael franchit l'entrée. Ses escarpins s'enfonçaient dans la surface gravillonnée de l'allée. Elle avait eu vent de la réputation de l'homme qui l'avait invité. Au travail, on le savait implacable ; en privé, on le disait sulfureux.
Ysrael s'immobilisa devant la porte. Ses prunelles vertes détourèrent l'immense panneau de bois. Elle relâcha ses cheveux et abandonna la pince dans son sac à main en soufflant. Une cascade ondulée tomba sur ses épaules découvertes finement soulignées d'un col bardot. La jeune femme ouvrit plus amplement son sac. Ses doigts passèrent sur une mèche brune qu'elle rabattit derrière son oreille pour dégager son regard discrètement maquillé. Elle ignorait pourquoi elle avait accepté ce rendez-vous. Il n'y avait rien à y gagner, si ce n'était remuer de vieux souvenirs parfois douloureux. Tant de choses pouvaient être dites sur son époque. Tant d'autres devaient être cachées … En cinq ans, c'était bien la première fois qu'on souhaitait la questionner sur cela.
Une bouteille de vin rouge sortie de son sac. Et elle sonna.