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Le charmeur de serpent | Ezequiel

Ven 26 Aoû 2016 - 2:00
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent


If I ever found a pot of gold
I'd buy bottles untold of the nectar of the vines
'Cause I'm gonna die with a twinkle in my eye
'Cause I sung songs, spun stories, loved, laughed, and drank wine


Les vagues glissaient sur le rivage, allaient et venaient doucement, leur bruissement caractéristique résonnant dans l'air. L'astre solaire avait entamé sa descente. Il s'enfonçait dans la surface aqueuse, la teintant d'une lueur rougeâtre. Un vent léger fit frissonner une mèche de cheveux d'Ysrael. La jeune femme observait ce spectacle en silence, les bras croisés, nonchalamment adossée contre la capsule qui l'avait menée jusqu'ici. Jamais elle n'avait vu de si grande étendue d'eau avant son arrivée à Pallatine. Chicago avait toujours été sa maison ; le lac sa seule mer. Vingt-huit ans durant, elle avait rêvé de voir l'océan. Mais le temps avait fini par lui manquer. Comme elle s'était étonnée en découvrant pour la première fois les flots qui cerclaient l'île de sa nouvelle demeure ! Cette mer gigantesque, elle avait passé de longues heures à la contempler, muette. Elle se voyait encore assise dans le sable, les genoux repliés contre sa poitrine, à fixer l'immensité bleutée, les yeux brillant comme ceux d'un enfant.

Un mouvement à gauche la sortit de sa rêverie. La jeune femme salua poliment l'habitant qui passait à sa hauteur. Le rythme éreintant de la ville n'avait pas ses droits ici. Ocane semblait nichée dans un autre espace-temps. Ysrael jeta un coup d’œil à sa montre. Nombreuses étaient ses connaissances qui appréciaient les garde-temps à affichage digital ou holographique. La brune ne supportait pas ces choses-là. Elle s'était intégrée au mieux au futur dans lequel l'Institut l'avait catapulté, et continuait d'ailleurs toujours à travailler ses lacunes. Pourtant, quelques vieilles habitudes de sa vie sur Terre lui collaient toujours et encore à la peau. Il était des manies et lubies dont elle refusait de se séparer. Le phonographe, les montres mécaniques, …

Elle était arrivée légèrement en avance et avait préféré patienter plutôt que d'importuner son hôte quelques minutes trop tôt. Mais l'aiguille indiquait à présent le chiffre désiré. La jeune femme prit une impulsion, elle secoua son poignet pour ordonner ses bijoux et se mit à remonter la rue. Ses talons aiguilles battaient le macadam, allongeaient sa silhouette, appuyaient sa démarche chaloupée. La trentenaire s'arrêta devant d'immenses grilles en fer forgé. La demeure des Blackwood, plus loin, allongeait une ombre menaçante jusqu'à ces dernières. Blackwood … un nom bien connu à Pallatine. Peut-être trop connu pour inspirer une totale confiance. Ysrael franchit l'entrée. Ses escarpins s'enfonçaient dans la surface gravillonnée de l'allée. Elle avait eu vent de la réputation de l'homme qui l'avait invité. Au travail, on le savait implacable ; en privé, on le disait sulfureux.

Ysrael s'immobilisa devant la porte. Ses prunelles vertes détourèrent l'immense panneau de bois. Elle relâcha ses cheveux et abandonna la pince dans son sac à main en soufflant. Une cascade ondulée tomba sur ses épaules découvertes finement soulignées d'un col bardot. La jeune femme ouvrit plus amplement son sac. Ses doigts passèrent sur une mèche brune qu'elle rabattit derrière son oreille pour dégager son regard discrètement maquillé. Elle ignorait pourquoi elle avait accepté ce rendez-vous. Il n'y avait rien à y gagner, si ce n'était remuer de vieux souvenirs parfois douloureux. Tant de choses pouvaient être dites sur son époque. Tant d'autres devaient être cachées … En cinq ans, c'était bien la première fois qu'on souhaitait la questionner sur cela.

Une bouteille de vin rouge sortie de son sac. Et elle sonna.

Lun 29 Aoû 2016 - 0:07
LE CHARMEUR DE SERPENTUne belle femme et le vin font de doux poisons.

Ezequiel Blackwood

Ysrael
Fitzgerald



Le repas terminait de mijoter, la table était dressée et le maître des lieux s’était mis sur son trente et un. Il avait choisi un costume gris clair et une simple chemise noire, le tout sans cravate. Rien d’extravagant et moins stricte que l’immuable costume noir qu’il arborait dans les couloirs de l’Institut. Après tout, ce n’était pas un rendez-vous de travail, même si ce n’était pas non plus un rendez-vous de plaisir, comme ceux dont Ezequiel était friand. Non, cette fois, il souhaitait simplement en connaître davantage sur une période de l’histoire de Chicago dont la jeune femme était native et qui ne pouvait qu’en savoir d’avantage que tous les ouvrages qu’il trouverait sur le sujet. La prohibition, la mafia, la corruption, tout ce qui faisait le charme des années folles. Toutes ces choses qui lui semblaient magiques tout en étant enrobé d’un certain danger à peine dissimulé. Il avait réellement hâte d’en discuter avec Ysrael. Même si, évidemment, il n’était pas insensible à son charme, il n’avait, cette fois, pas envie de la croiser le temps d’une unique soirée comme les autres de ses conquêtes. Car ça, l’homme s’en était rendu compte : elle n’était pas comme les autres. Quelque chose chez elle avait su percer l’épaisse carapace du Don Juan et attiser son intérêt, alors même que leurs regards ne se croisent. Il avait hésité quelque temps avant d’oser lui proposer ce rendez-vous. D’une part, parce qu’après tout, il n’était pas habitué à ce genre de rencontre et puis son appartenance à la diaspora de voyous n’avait pas aidé Ezequiel à prendre cette décision. Il avait parcouru son dossier encore et encore, puis finalement, c’était lancé, un peu tardivement peut être, ce rendez vous devait probablement paraître insensé, mais qu’importe. Il s’était décidé et verrait bien rapidement maintenant si l’idée était finalement bonne ou mauvaise.

Plus l’heure approchait et plus Ezequiel semblait angoisser. Ce n’était pas chose courante, étant plutôt habitué à toujours être sûr de lui. Pourquoi se mettait-il dans un état pareil ? Même lui l’ignorait. Un regard vers son poignet lui indiquait qu’il ne restait plus que quelques dizaines de minutes avant l’heure fixée. Il retourna en cuisine d’abord, vérifiant que le repas se portait bien. Ce n’était pas lui qui cuisinait d’habitude et cette fois ne faisait pas exception. La domestique lui avait assuré que tout serait parfait pour l’heure du repas, il n’avait qu’à surveiller la cuisson de temps en temps. Il n’avait pas voulu la déranger plus qu’à l’accoutumer en lui demandant de rester uniquement pour cela. Il se débrouillerait bien seul. Il fit un dernier tour de la demeure, essayant de se calmer par la même occasion. En passant dans le petit salon, celui dont la vue donnait directement sur la mer, il perdit son attention en fixant les vagues au loin. Le soleil se couchait lentement à l’horizon et cette simple vision suffit à l’apaiser. Le son de la porte le sortait finalement de ses pensées. Elle était là.

Il se dirigea vers la porte, celle-ci étant juste à côté du salon et, après une dernière grande inspiration, Ezequiel afficha un léger sourire et ouvra enfin.

«Bonsoir mademoiselle Fitzgerald, entrez, je vous en prie.»

Il s’écarta du passage afin de la laisser avancer puis l’invita à lui confier la bouteille de vin.

«Je vais mettre cela en place, prenez place dans le salon juste ici à droite, je vous rejoins dans une minute.» Dit-il en lui indiquant la pièce juste avant de se diriger dans la direction opposée.

Bien. Il ne restait plus qu’à espérer que tout se passerait à merveille.
Mar 30 Aoû 2016 - 17:57
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent

In summer the bush fires rage and rage.
And rage. On such beautiful days.


12 avril 2015

La jeune femme secoua son laisser-passer à l'attention du garde qui déverrouilla la porte vitrée. Elle laissa retomber le badge qui pendait autour de son cou sur sa poitrine. L'homme se leva, jeta un coup d’œil alentours et saisit l'enveloppe immaculée que lui tendait la visiteuse pour le remercier de l'avoir fait entrer sans encombre. Ysrael, le téléphone vissé à l'oreille, lui lança un regard entendu avant de filer.

« Pourquoi ? Mais parce qu'elle n'a aucun intérêt, voilà pourquoi. 
- T'es de mauvaise foi. »

La gangster leva les yeux au ciel. Ce n'était pas de la mauvaise foi que de se rendre compte que la jeune fille qu'on l'avait si gentiment sommé d'approcher n'avait absolument rien à apporter à la diaspora. Elle était effacée, faible. Inutile, en d'autres termes. Mais son interlocuteur à l'autre bout du fil semblait dans l'incapacité de comprendre ce fait. Il entama un sermon long comme la Bible. Ysrael souffla un grand coup pour lui signaler son mécontentement. Mais rien n'y fit. Elle bifurqua, l'esprit ailleurs, refusant de porter un quelconque intérêt aux remontrances qu'on lui faisait. Une figure en costume se profila. Ysrael darda ses orbes émeraudes sur l'homme, lui accorda un léger sourire lorsqu'il passa à sa hauteur. Elle pivota sur elle-même, continuant d'avancer -de reculer en l'occurrence- pour ne pas perdre une miette de cette si intéressante distraction. Ses lèvres s'étirèrent d'autant plus. Elle se retourna.

« Oh ! Tu m'écoutes ? Râla le téléphone.
- Navrée, j'étais perdue dans la contemplation de charmants yeux bleus, répondit-elle d'une voix innocente. »

25 août 2015

Les charmants yeux bleus de l'Institut lui souriaient à présent. Ysrael rit intérieurement de cette sympathique coïncidence. Elle rendit son salut à son hôte et franchit le seuil de la demeure. Une douce odeur qui aurait fait naître la sensation de faim chez n'importe quel être sensé embaumait l'air. Ezequiel Blackwood la débarrassa rapidement de la bouteille et l'invita à patienter dans le salon en l'attendant. La brune s'exécuta sagement.

La jeune femme s'immobilisa au beau milieu de la pièce, n'osant s'aventurer plus loin, encore moins s'asseoir. Le soleil qui finissait de se coucher illuminait l'espace d'une lueur orangée. Son regard se posa sur la décoration, les plafonds et tapisseries de ce manoir gigantesque. Le salon était chaleureusement décoré, le propriétaire avait du goût, c'était indéniable. Elle abandonna son sac à main sur un fauteuil de cuir qui apportait un petit cachet vintage à l'ensemble. Une bibliothèque à sa droite attira son attention. Elle s'approcha précautionneusement, craignant que sa simple présence ne perturbe quelque chose. La vipère enfouit ses mains dans les poches de son pantalon ample. La plupart des ouvrages paraissaient ancien. Leur valeur devait être inestimable. Ils retraçaient l'histoire de différents pays sur Terre. L'Angleterre, la France, les États-Unis. Quelques livres plus neufs portaient le nom de contrées dont elle n'avait jamais entendu parler. Probablement des États nés après son départ.  

Elle se retourna en entendant les pas d'Ezequiel la rejoindre.

« Passionné d'histoire, donc ? Elle saisit le verre de vin qu'il lui tendait. Moi qui pensais que votre unique passion se résumait à terroriser les personnes fraîchement transférées ... »

Elle lui lança un regard mutin. La réputation du fameux responsable des arrivées de l'Institut n'était plus à faire.

Mar 30 Aoû 2016 - 20:11
Ezequiel Blackwood a écrit:
LE CHARMEUR DE SERPENTUne belle femme et le vin font de doux poisons.

Ezequiel Blackwood

Ysrael
Fitzgerald


Il s’éloignait avec la bouteille en mains et déjà l’angoisse commençait à reprendre le dessus. Bon sang, qu’est-ce qu’il lui arrivait ? Il avait l’habitude, pourtant, d’accueillir des jeunes femmes chez lui. Ce n’est pas comme ci tout cela était nouveau pour lui.
Alors qu’il était à la cuisine, il vérifia une nouvelle fois le plat. Le bourguignon continuait à cuir lentement. Il ajouta une petite quantité de vin à la cuisson, comme lui avait conseillé la cuisinière.
«Cela ajoutera du goût au plat»
avait-elle dit juste avant de franchir le seuil de la porte.
Il n’allait pas remettre en cause sa parole, lui qui pouvait voir en un oeuf sur le plat une difficulté monumentale.

Une fois le couvercle replacé sur la marmite, il ouvra la bouteille de son invité et versa deux verres, les emportant avec lui.

Allez, ce n’était pas le moment de perdre la face.

Il arriva dans le dos de la jeune femme, qui ne tarda pas à se tourner vers lui.

«Passionné d'histoire, donc ?» Il lui tenda alors l’un des verres tout en se dirigeant vers ce qui semblait être son fauteuil attitré. «Moi qui pensais que votre unique passion se résumait à terroriser les personnes fraîchement transférées ... »


Il ne pu s’empêcher de rire légèrement.

«Je sais la réputation que je peux avoir à l’Institut, j’aime assez être craint, il faut l’avouer. Mais je ne suis pas le monstre que certain s’imagine. Peut être un tantinet rigide vis à vis des règles, il est vrai.»

Il l’invita d’un geste à s’installer sur le siège proche de lui. Visiblement, il avait préféré ne pas s’installer à ses côté. Peut être ne voulait-il pas lui donner de faux espoir sur ses intentions.

«Je sais que cette invitation peut paraître étrange, mais comme vous l’avez remarqué, j’aime beaucoup l’histoire et j’avoue que votre époque m’intrigue vraiment. Comment se passait votre vie dans le milieu de la mafia ? Vous vous sentiez en danger parfois ?»

Il s’arrêta de lui même, ne voulant pas non plus l'abreuver de question alors même qu’elle venait tout juste d’arriver.

Il prit le temps, alors, de porter son verre de vin à ses lèvres, récupèrant une petite gorgée du nectare qu’elle lui avait apporté. Un bon vin, c’était certain. Il avait eu l’habitude de boire de bonne bouteille depuis tout ce temps. Sa famille était amatrice de ce genre de plaisir, faisait régulièrement importer des bouteilles de la Terre, laissant à leur héritier une cave des plus agréable et fournis.

Pendant qu’il dégustait le vin, son regard s’attarda sur la jeune femme. Il ne pouvait nier la beauté de la gangster qui séjournait dans son salon. Même s’il tentait de ne pas la fixer afin d’éviter tout malaise, il n’arrivait pas à détourner son regard d’elle durant quelques longues secondes, jusqu’à ce qu’elle commence à parler et capta le regarde bleuté de son hôte.



Mer 31 Aoû 2016 - 12:43
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent


The songs that we sung when the dark days come
Are the songs that we sung when we chased them away

L'idée que cette petite boutade puisse être mal interprétée traversa l'esprit de la jeune femme. Mais par chance, son hôte préféra en rire. Toute personne qui s'intéressait un minimum à l'Institut le connaissait. Et pour un gangster, s'intéresser au groupe qui dirigeait la ville était tout aussi important que de surveiller au mieux les affaires des Asiatiques. Autant dire que le responsable des arrivées à Pallatine était une personne que la diaspora aurait aimé compter parmi ses amis. Et pour cause : il était celui qui validait les transferts. Celui qui pouvait faire passer les anciens associés de Capone en ville. Celui qui faisait passer Charon pour une fillette. Ezequiel Blackwood était connu. On l'appréciait ou on le méprisait. L'entre-deux ne semblait pas exister avec lui, du moins pas à la connaissance d'Ysrael. Elle ne doutait pas une seule seconde qu'elle ne l'aurait pas porté dans son cœur s'il l'avait accueilli de son sympathique discours de bienvenue lors de son réveil à Pallatine. La douleur, la haine et la peur l'avaient rongé à son arrivée, au point qu'elle en était devenue particulièrement susceptible. La moindre contrariété la plongeait dans une colère monstre. Elle ne s'était pas attendue à ça en quittant la Terre. Elle ne s'était pas attendue à ce que tout soit si différent, si futuriste, si inaccessible.

Ysrael s'approcha du fauteuil qu'on lui indiquait. Elle en retira son sac et s'y installa le dos droit, les jambes croisées. Sa posture était plus appropriée à un rendez-vous professionnel qu'à une simple soirée en compagnie d'un mordu du passé. Elle but une gorgée du vin qu'elle avait apporté, écoutant avec attention les premières questions que son interlocuteur lui posa. Il ne passait pas par quatre chemins.
Un hochement de tête pensif. La brune reposa le verre sur sa cuisse, prête à répondre. Elle fut troublée l'espace d'un instant par le regard perçant qu'Ezequiel posa sur elle. Ysrael était bien incapable de décrypter ce qu'il signifiait, et cette sensation lui parût bien désagréable. Il y eut un instant de flottement avant qu'elle ne prenne la parole.

« Bien, dans l'ensemble. J'étais … plus ou moins privilégiée du fait de mon rôle. Dans mon gang en tous cas. Si vous vous attendiez à recevoir le récit d'une personne dont les journées étaient rythmées d'échanges de coups de feu et d'insultes en italien, vous n'avez malheureusement pas frappé à la bonne porte. Les miennes consistaient principalement à m'assurer que les finances de ma Famille se portaient bien. »

Elle fit une pause. Ysrael se référait toujours et encore au terme « Famille » lorsqu'elle évoquait les Genna. Les gangsters n'étaient rien comparés à eux, ils ne valaient rien. L'amour qu'elle portait à sa diaspora n'arrivait pas à la cheville de celui qu'elle avait pu porter à son gang, quand elle vivait encore à Chicago. Et quand bien même elle les avait trahit, quand bien même elle avait fui, ils restaient ses frères, ses parents, ses hommes.

« Ma place était contestée par d'autres familles, en revanche. Du fait de mon sexe, la plupart du temps ; et de mes origines américaines, pour les plus conservateurs. Le monde de la mafia était bien plus fermé aux femmes à l'époque qu'il ne l'est maintenant. La réputation des Genna a souffert les premiers mois qui ont suivi mon entrée dans leurs rangs. Par chance, la réputation que j'avais en tant qu'experte-comptable de la famille a rapidement remis les idées des moins convaincus en place. »

Elle avait dû batailler à plusieurs reprises pour être prise au sérieux, pour qu'on la voit comme autre chose qu'un bout de viande dans des vêtements de luxe, que la petite Américaine qui avait réussi à séduire Mike. Oh, elle avait usé et abusé de méthodes plus ou moins douces pour cela. Ses prunelles se perdirent sur la surface lisse du vin rouge.

« Le danger dépendait des situations. J'ai eu la chance de n'être pas trop exposée les premières années. En quatre ans, je me suis rarement sentie menacée. Les choses se sont corsées en dix-neuf cent vingt-quatre, lorsque nous avons assassiné Dean O'Banion, le leader des Irlandais. Elle fronça les sourcils. Je suis désolée, je risque de nommer des personnes ou des événements dont vous n'avez peut-être jamais entendu parler. N'hésitez pas à m'interrompre si le cas devait advenir. Elle reprit. O'Banion, donc. Sa mort a plongé Chicago dans une guerre de gangs comme on en avait rarement vu. Les Irlandais ont contre-attaqué. Ils s'en sont pris à nos hommes de main, puis à ceux de l'Outfit. La situation nous a échappé à tous lorsqu'ils ont tenté de tuer John Torrio, le parrain de l'Outfit de l'époque, et le mentor d'Al Capone qui reprit ses affaires après sa fuite. La police en a profité pour se mêler un peu plus de nos affaires, effectuer des pressions. Je ne compte plus le nombre de fois où ils ont tenté de me faire craquer en usant de menaces plus ou moins voilées. Ses lèvres se courbèrent en une grimace morose. M'enfin, tout cela n'était qu'une vaste blague en comparaison des mois qui ont suivi. En avril dix-neuf cent vingt-cinq, j'ai commencé à rencontrer quelques soucis au sein de la Famille. C'est à ce moment-là que j'ai approché pour la première fois des agents de l'Institut. C'était la fuite, ou la mort. »

Ysrael leva les yeux vers Ezequiel. Savait-il la raison exacte de son transfert ? L'idée qu'il puisse la considérer comme une traîtresse ayant abandonné son gang après en avoir soutiré tout ce qu'elle pouvait lui retourna l'estomac. Elle noya son malaise dans une longue lampée de vin.

« Une tension s'était installée suite à ça. Les quelques jours qui ont suivi le meurtre d'Angelo, le chef de Famille, auront été les pires. Les Frères étaient trop aveuglés par leur deuil et la haine pour se rendre compte de ce qui leur pendait au nez. Et moi je ne l'étais pas assez. Je voyais et savais ce qui allait arriver. J'aurai été hantée par la peur de crever jusqu'à ma dernière minute passée sur Terre. Et même une fois le transfert effectué, j'étais persuadée qu'une épée de Damoclès me pendait toujours au-dessus du crâne. Elle prit une grande inspiration. Par chance, ce sentiment est passé ! »

Jeu 1 Sep 2016 - 2:41
LE CHARMEUR DE SERPENTUne belle femme et le vin font de doux poisons.

Ezequiel Blackwood

Ysrael
Fitzgerald


Alors qu’elle livrait son histoire, il ne la lâchait pas des yeux. Il connaissait une partie déjà de ce qu’elle était en train de lui conter, mais uniquement dans les grandes lignes. Ces lignes que l’histoire a pu garder en mémoire. C’est justement ce qui pouvait s’être passait entre ces grandes lignes qu’Ezequiel préférait dans l’histoire. Ces petits détails, ces petites histoires dans la grande. Même sur Terre, le milieu mafieux avait toujours passionné les foules au fil du temps. Beaucoup admiraient ces hommes et ces quelques femmes qui pouvaient tenir une ville d’une main de fer. Certains ont même tenté après cette période de retenter l’expérience, mais quelque chose manquait à chaque fois et leurs empires souterrains ne finissaient irrémédiablement pas se dérober sous le poids de trafic trop ambitieux...

Il porta une nouvelle fois son verre à ses lèvres alors qu’elle cita une deuxième ou troisième fois le terme de “famille” pour désigner son gang. Peut-être était-ce cela la vraie clef de ce type d’organisation. Réunir une poignée d’individus ne suffit pas à en faire un groupe uni et solidaire. Alors que si vous les réunissez en leur inculquant des valeurs, des devoirs les uns envers les autres, mais aussi un esprit de fraternité, cela les poussera à tout faire pour ceux qui feraient tout pour eux en retour.

Elle cita finalement plusieurs noms, prenant la peine de s’excuser de cela par la suite.

Sans dire un mot, Ezequiel secoua légèrement la tête, l’accompagnant d’un vague haussement d’épaule. Après cela, il déposa son verre sur la table basse et sorti un appareil de sa poche droite. En quelques tapotements rapides sur l’écran, visiblement tactile, il prit note des noms précédemment cités et recommença lorsque son invité nommait de nouvelles personnes. Il rangea finalement l’appareil à sa place et s’accouda au fauteuil, plus concentré que jamais sur Ysrael.

Une fois son récit terminé, il continuait de l’observer. Il avait remarqué l’absence de détails sur les détournements qu’elle avait pu faire au sein de sa “famille” et se demandait alors si c’était par honte de ses agissements ou par volonté d’oublier le passé qu’elle avait occulté le sujet. Par politesse, il préféra ne pas soulever la question frontalement et se contenta de sourire à la gangster.

«Et bien… je ne sais quoi dire, c’est… fascinant !»

Il riait doucement en se levant, récupérant son verre au passage.

«Le milieu de la mafia et en particulier pendant la période que vous avez pu vivre, manque de détails dans les livres que j’ai pu parcourir. Peut-être parce qu’il y avait un certain culte du secret et de la discrétion.»

Tout en parlant, il se dirigeait vers l’une des bibliothèques face à eux.

«Ce qui est amusant… c’est que vous avez débuté votre histoire en précisant ne pas avoir eu de journée rythmée par les coups de feu et vous l'a clôturez en affirmant avoir la plus grande peur de votre vie. Tout cela, juste parce que le chef de gang avait été tué ? C’est assez mince comme raison pour vous en vouloir, vous n'y étiez pas lié pourtant.»

Il se tourna alors vers Ysrael, levant légèrement son verre, s'apprêtant à le porter à ses lèvres, terminant sa phrase juste avant cela.

«Ou peut être que si ?»

Un très léger sourire s’afficha sur son visage juste avant d’être dissimulé par son verre, l'abreuvant maintenant. Il savait qu’elle n’était pas liée à la mort de ce pauvre homme, mais c’était plus fort que lui, il voulait tester son invité, voir comment elle réagirait à ce genre d’insinuation.

Jeu 1 Sep 2016 - 14:02
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent

Songs and melodies change and change
And sway
But they still stay the same ...

9 juin 1925

Les orbes émeraudes d'Ysrael reflétaient la constellation des lumières urbaines. Il lui semblait découvrir la ville pour la première fois, la voir comme personne ne l'avait jamais vue. La jeune femme se demanda un instant si quelqu'un avait déjà apprécié ce spectacle comme elle le faisait à présent. Elle se frotta le bras, absente.

« Tu leur as dit adieu ? »

Elle hocha la tête, préféra se taire. Il n'y avait rien à dire de toute façon. Vinicio avança jusqu'à la baie vitrée pour la rejoindre. Il passa ses bras autour des épaules de son amie et posa un baiser paternel sur le haut de son crâne. Elle semblait ailleurs, retranchée derrière les murs d'une forteresse de songes. Ses yeux étaient vides. L'étincelle qu'il y avait toujours vu n'était plus.

« Ne les laisse pas croire que j'étais en quoi que ce soit coupable dans cette histoire.
- Ne t'en fais pas. »

La porte de la chambre s'ouvrit sur deux hommes vêtus sobrement. Les deux jeunes gens se tournèrent vers les agents de Pallatine.

« Tout est prêt. Nous n'attendons plus que vous Mademoiselle Fitzgerald. »

25 août 1925

L'évocation de simples souvenirs semblant inintéressants pour Ysrael prenait une toute autre proportion dans les yeux d'Ezequiel. Elle eut un léger sourire en entendant dire que son passé pouvait fasciner. Son histoire lui paraissait d'une banalité à mourir.

« Le crime organisé a toujours été un milieu particulièrement discret, en effet. Connaissant les mafiosos de l'époque, je ne doute pas une seule seconde qu'ils auront emporté leurs souvenirs avec eux dans la tombe sans les confier à personne. »

La trentenaire but une gorgée, un léger sourire au coin des lèvres. Elle-même ne souhaitait pas dévoiler au mordu d'histoire tout ce qu'elle avait bien pu voir, faire, ou entendre. La plupart des secrets de son ancienne Famille resteraient bloqués à jamais derrière ses lèvres.

Ezequiel se permit une petite insinuation qui brisa l'ambiance. Un froid passa sur le visage d'Ysrael. Elle eut un rictus.

« Ce n'était pas de ma Famille dont j'avais peur. Plus après la mort d'Angelo en tous cas. C'était des Irlandais que je me méfiais. La mort de notre chef n'était que la première d'une longue série d'assassinats. Je savais très bien que leur vengeance frapperait fort, et qu'ils nous élimineraient un par un, jusqu'à l'extinction du gang. Les mafieux ne touchent généralement pas aux femmes ; nous avons un code d'honneur basé entre autres sur le respect des figures maternelles. La veuve du défunt n'avait rien à craindre, les compagnes des Frères non plus. Moi en revanche, c'était une autre histoire. On ne me voyait depuis longtemps plus comme la petite amie de Mike. J'étais devenue une tête pensante des Terrible Genna. On me savait importante pour eux. J'étais donc à éliminer. »

Elle but une nouvelle gorgée de vin. Son regard se planta dans celui de son interlocuteur, froid et mordant comme une lame.

« Je n'avais rien à voir avec sa mort, si c'est ce que vous insinuez. L'assassinat d'Angelo n'a été que la résultante logique d'un mauvais coup orchestré par l'Outfit et perpétré par les Genna. Je m'inquiétais de la revanche du North Side Gang, pas de ma Famille. Je n'avais rien à me reprocher. »

Elle ponctua sa phrase d'un sourire condescendant. Elle mentait comme elle respirait. Ysrael n'avait pas fui en premier lieu parce qu'elle craignait le retour de flammes des Irlandais. La mort du plus dangereux des Frères n'avait été qu'un malheureux incident qui avait précipité son transfert. L'ancienne experte-comptable avait approché des agents de Pallatine peu après qu'Angelo ait assassiné sous ses yeux ses collègues, persuadé que l'un d'entre eux avait détourné les fonds de la Famille. Elle savait que la supercherie ne tarderait plus à être dévoilée, et que ses petits trafics financiers lui coûteraient la vie.

La brune ignorait que son départ avait levé tout un tas de soupçons à son sujet. L'opinion publique l'avait désigné comme celle qui avait trahit son clan avant de s'enfuir pour profiter de l'argent qu'elle avait pu en retirer sur une plage ensoleillée.

Jeu 1 Sep 2016 - 18:57
LE CHARMEUR DE SERPENTUne belle femme et le vin font de doux poisons.

Ezequiel Blackwood

Ysrael
Fitzgerald


Sa question avait eu l’effet escompté. Le regard que lui lança la jeune américaine ne mentait pas sur ce qu’elle avait pu en penser elle aussi. Il l’avait piqué à vif, mais visiblement pas encore assez pour réussir à lui faire dire la vraie raison de son départ pour Pallatine. Elle avait sans nul doute un caractère bien trempé et Ezequiel appréciait ce genre de qualité chez une femme. Il n’en avait croisé que peu comme elle, la plupart de ses conquêtes étaient souvent superficielles, fades, sans intérêt à part celui pour lequel il les invitait chez lui, évidemment. C’était peut-être aussi ce qui l’avait poussé à convier Ysrael à ce rendez-vous. Cet intérêt qu’elle avait éveillé chez lui était une distraction comme une autre et il comptait bien en profiter autant que possible.

Le sourire que lui offrait son invité à la fin de son explication l’amusait de nouveau.

Il détourna le regard cette fois et approcha de la fenêtre, tournant le dos à Ysrael pour un court instant.
«Je ne voulais pas vous froisser, veuillez m’excuser si tel a été le cas.»

Au contraire, c’était précisément ce qu’il cherchait à faire, à la tester, la pousser à l’énervement peut être même, voir comment elle réagirait. Lui qui était habitué aux faux-semblants de ses collègues et employés ne cherchait cette fois qu’à voir le vrai visage de sa convive.

Il terminait alors son verre et observait ce qui restait de visible du soleil qui ne tarderait pas à disparaître à l’horizon.

«Au moins ici, vous ne risquez pas d’avoir peur des Irlandais. Il vous suffit de recommencer à vivre de la même façon que sur Terre, mais sans avoir d’inquiétude sur cet ennemi. J’imagine que ça doit être un soulagement pour vous.»

L’envie de lui avouer qu’il connaissait son secret lui brûlait les lèvres, mais il s’efforçait de rester vague. Montrer ses cartes trop tôt gâcherait le plaisir qu’il tirait de la situation. Pivotant de nouveau vers elle, il décida finalement de ne pas insister et changea de sujet.

«D’ailleurs, vous vous plaisez à Pallatine depuis le temps ? Cinq années, il me semble, c’est bien ça ? La vie dans la clique d’Al Capone ne doit pas être bien différente de celle que vous avez pu connaître jusque-là.»

Alors qu’il se tournait pour voir de nouveau Ysrael, son regard s’éloigna plus en arrière de la pièce, jusqu’à la quitter à vrai dire. Une dame d’une cinquantaine d’années était dans le couloir face au salon, son manteau encore sur le dos et elle faisait des signes à l’attention d’Ezequiel.

Le regard de l’homme jongla alors en quelques secondes entre les deux femmes puis il s’empressa d’avancer vers la porte.

«Je.. je vous pris de m’excuser, j’en ai pour une petite minute.»

Il traversa la pièce en quelques grandes enjambées, passa la porte et la tira en partie derrière lui, ne la fermant pas entièrement malgré tout.
Avant même qu’il ne dise un seul mot, la nouvelle venue s’expliqua sur sa présence.

«Pardonnez-moi d’être revenu, monsieur Blackwood, mais sur la route du retour, je me suis dit que vous n’alliez peut-être pas savoir comment dresser les assiettes pour ce soir, alors j’ai préféré revenir. Je sais que vous ne vouliez pas me déranger, mais ça ne me dérange pas, je vous assure, ça ne durera pas bien longtemps et après je vous laisse à votre dame.»

Ezequiel semblait à la fois gêné et heureux de la nouvelle. Il tourna un instant la tête vers l'entrebâillement de la porte, afin de vérifier si Ysrael avait pu entendre cela puis remercia la domestique d’une accolade.

«Merci Célia, j’avoue que sans toi, je suis un peu perdu dans la cuisine, mais j’aurai pu m’en sortir, tu sais, je ne suis pas empoté quand même.»

Ils échangèrent un sourire, sachant tous deux qu’il mentait, puis elle s’éloigna après lui avoir tapotait l’épaule, non sans une certaine tendresse, lui indiquant par la même occasion qu’ils allaient pouvoir passer à table.

Il faut dire que Célia n’était pas qu’une simple domestique aux yeux du fils Blackwood. Célia s’occupait de la maison et de la famille depuis aussi longtemps qu’il s’en rappelait. S’il n’avait eu à porter sa confiance sur une seule personne, ça serait sans aucun doute sur Célia que se porterait son choix.

Il poussa finalement la porte, la laissant de nouveau grande ouverte et sourit à Ysrael, l’air de rien.

«Bien, nous allons pouvoir passer à table si cela vous convient.»

Intérieurement, Ezequiel espérait qu’elle n’avait rien entendu de sa discussion, ne voulant pas faire éclater son image et perdre la face alors même que cette soirée semblait aller dans le sens souhaité.




Jeu 1 Sep 2016 - 21:39
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent

So I'll just live on wine and water my vines

Elle suivit des yeux son hôte qui s'excusa sobrement de l'avoir offensé. Les lèvres de la demoiselle articulèrent un « Aucun souci. » muet. Ysrael l'avait mal pris. Elle ne supportait pas que l'on remette en doute sa fidélité auprès des Frères. Elle avait été suffisamment lâche pour les abandonner à leur triste sort ; et elle s'était déjà maintes fois repentie pour cela. Mais croire qu'elle avait été traître au point de leur planter un couteau dans le dos … Cette simple pensée lui retournait l'estomac. Elle les avait aimé comme sa propre famille. Elle avait passé quatre longues années à les conseiller, à les protéger, à les rendre puissants. Et quand bien même elle avait détourné une partie de leurs fonds ; c'était dérisoire face à ce qu'elle avait fait pour eux. Oh, ce qu'ils représentaient pour elle avant que tout ne décline …

« Un opposant en remplace un autre, c'est un cycle perpétuel, philosopha-t-elle. Les Irlandais prennent un nouveau visage, un nouveau nom. Vous n'êtes pas sans savoir que ma diaspora a ses ennemis en ville. Par chance, les gangs adverses sont moins dangereux que les Irlandais ne l'étaient à l'époque. A croire que le crime organisé s'assagit avec le temps. »

Elle eut un léger rire en entendant sa comparaison entre les Gangsters et les Genna. A Chicago, Ysrael était un demi-dieu, tout lui était permis en raison de son affiliation à l'une des Familles les plus craintes et respectées du pays. Les mafieux étaient des divinités dans les années vingt. Mais les temps n'étaient plus les mêmes. Capone ne parviendrait jamais à recréer à Pallatine ce qu'il avait commencé à forger avec l'Outfit, aussi doué soit-il. La mentalité des hommes avait changé, leurs intérêts et leur loyauté également.

Elle n'eut pas le temps de répondre. La brune nota le désarroi de son hôte. Son regard se perdit loin derrière elle. Il s'excusa vaguement et sortit de la pièce comme si elle était en feu. Un coup d’œil vers l'arrière. Les yeux d'Ysrael se heurtèrent à la porte. Elle soupira, prit une impulsion et se leva pour refaire le tour de la pièce en attendant le retour d'Ezequiel. Des bribes de conversations lui parvinrent depuis le couloir. Une voix féminine, mature ; rapidement suivie par celle du propriétaire des lieux. La jeune femme porta son verre à ses lèvres, un petit sourire goguenard pendu à ces dernières. Alors comme ça, monsieur peinait lorsqu'il s'agissait de poêles et casseroles ?
Le responsable des arrivées fit irruption dans le salon. Ysrael gomma au même instant son sourire et fit mine de n'avoir rien entendu. Les hommes n'aimaient pas être rabaissés dans leur virilité, l'Américaine ne ferait pas cet affront au maître de maison. Ou alors pas tout de suite. Elle vida la fin de son verre d'une traite et le fourra dans la main libre d'Ezequiel qu'elle avait rejoint. L'insolence de son geste fut contrebalancé par l'expression de douceur qui flotta sur son visage. Charmante comme une fleur et traître comme le serpent qui se trouvait dessous, c'était bien connu.

« Je vous suis ! Je ne sais pas ce que vous nous réservez, mais l'odeur m'a ouvert l'appétit à l'instant même où je suis entrée. Lança-t-elle, l'air de rien. »

Elle passa une main dans sa crinière ondulée et emboîta le pas de son hôte. La salle-à-manger dans laquelle ils arrivèrent était décorée avec un goût certain qui n'était pas sans rappeler celui du salon. Une immense table pouvant largement accueillir une douzaine de personnes occupait la majeure partie de l'espace. Deux couverts étaient dressés l'un en face de l'autre à l'une des extrémités. La jeune femme contourna le meuble. Elle n'eut pas le temps de toucher sa chaise que déjà Ezequiel la tirait en arrière pour lui permettre de s'installer. Ysrael prit place en le remerciant.

« Merci ! Votre mère vous aura éduqué en parfait gentleman à ce que je vois. C'est une qualité bien appréciable qui se perd de nos jours. »

Jeu 1 Sep 2016 - 22:46
LE CHARMEUR DE SERPENTUne belle femme et le vin font de doux poisons.

Ezequiel Blackwood

Ysrael
Fitzgerald


Ezequiel entra le premier dans la salle à manger et indiqua à Ysrael une place où s’installer. Il écarta alors la chaise d’un geste naturel, comme s’il l’avait fait depuis toujours.

« Merci ! Votre mère vous aura éduqué en parfait gentleman à ce que je vois. C'est une qualité bien appréciable qui se perd de nos jours. »

Il eut un sourire alors qu’il s’écarta un peu de la table. C’est vrai que sa mère lui avait appris de nombreuses choses, mais celle-ci, à vrai dire, il la tenait surtout de son père et du reste des Blackwood. Savoir se tenir en société été vital pour eux, presque autant que l’image que leur nom pouvait véhiculer à l’extérieur des murs de la demeure familiale. Évidemment, le maître de maison n’allait pas s’étendre sur ce détail et se contenta d’acquiescer à la remarque.

«Merci pour elle. Vous avez la même sorte de caractère, je suis certain que vous vous entendriez à merveille toutes les deux. Enfin… à ceci prêt qu’elle est irlandaise.»

Il récupéra finalement les deux verres précédemment utilisés et sortit de la pièce sur cette dernière remarque, heureux, une fois de plus, d’avoir pu déranger la demoiselle.

En approchant de la cuisine toute proche, Ezequiel inspira longuement. Le repas s’avérait être un délice rien qu’à en juger par le fabuleux fumé qui embaumait la pièce.

«Je n’ai pas ajouté trop de vin ? J’ai fait comme tu m’avais dit, mais sait-on jamais.»

Célia sourit et hocha simplement la tête, lui tendant alors deux assiettes parfaitement dressées. Ezequiel les récupéra et lui sourit en la remerciant avant d’aller les déposer à table.

«J’espère que vous apprécierez, c’est l’un de mes plats préférés pour ma part.»

Il posa une première assiette devant Ysrael et la seconde à la place qui serait la sienne. Il ne s’installa pas tout de suite, retournant une dernière fois en cuisine afin de prendre une nouvelle bouteille de vin et de remercier Célia d’être revenu pour lui. Une fois de retour dans la grande salle, il servit un nouveau verre de vin à son invité puis en fit de même pour lui avant d’enfin s’installer.

«Rien de tel qu’un Châteauneuf-du-Pape pour accompagner un plat tel que celui-ci.»

Cette remarque résonna étrangement à l’oreille de l’hôte. Il n’avait pas l’habitude d’étaler ses richesses pour se faire remarquer. L’espace d’une seconde, il se rappela qu’il avait toujours détesté voir ces proches le faire et se contenta alors de souhaiter un bon appétit à l’américaine, espérant sincèrement ne pas avoir été grossier cette fois.

Ven 2 Sep 2016 - 4:55
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent

Oh we'll cry 'pass the wine, pass the wine, pass the wine'

Le contact froid du métal sous ses doigts. Ysrael replaça dans un geste maniaque la fourchette en argent qui n'était pas parfaitement parallèle au couteau et à l'assiette décorative sous ses yeux. Elle tiqua légèrement à la petite pique que lui fit le passionné d'histoire. Sa mère et elle, bien s'entendre?Rien n'était moins sûr. Les mamans n'appréciaient que très rarement que d'autres femmes tournent autour de leur fils. Elles n'aimaient pas la concurrence. Enfin, Ysrael ne comptait pas faire de l'ombre à Mrs Blackwood. Si les yeux bleus de son hôte restaient particulièrement charmants, la jeune femme savait bien qu'il ne l'avait pas invité pour ça. L'heure était au témoignage plus qu'à la séduction.

Ezequiel refit surface, deux assiettes fumantes en main. Le fumet qui s'élevait du plat qu'il déposa devant Ysrael lui mit l'eau à la bouche. Il disparut à nouveau dans les profondeurs de la cuisine. L'Américaine en profita pour détailler avec minutie les morceaux de viande entourés de carottes, champignons et lardons. Le tout était arrosé d'une sauce brune dont émanait un léger parfum de vin. Appétissant. Ysrael ignorait ce qu'était cette recette, mais bon Dieu, qu'elle avait l'air appétissante. Le jeune homme la rejoignit à nouveau.

« Je n'ai absolument aucune idée de ce que c'est, mais ça semble excellent. Merci. »

Elle lui tendit son verre à pied qu'il remplit en énonçant avec un petit accent irrésistible le nom français de la bouteille. Ysrael eut un petit rire. Elle n'avait jamais entendu parler de Châteauneuf-du-Pape, encore moins eu l'occasion d'en goûter. A croire que la soirée serait dédiée aux découvertes culinaires et œnologiques. La jeune femme porta le verre à son nez. Le dernier bon rouge qu'elle avait bu lui semblait affreusement loin. Elle trinqua à la santé des empires mafieux des années vingt et trempa les lèvres dans la boisson. Ses papilles frissonnèrent d'une telle qualité.  

« Bon appétit, lança-t-elle. »

La trentenaire attrapa ses couverts et découpa un morceau de viande si tendre qu'il lui parut fondre en bouche. Ce que son nez avait prédit, sa langue le confirmait. C'était affreusement bon. La cuisinière avait un talent monstre. Ysrael se demanda si son hôte oserait lui révéler qu'il n'était pas le cordon bleu à l'origine de ce plat, ou s'il préférerait garder le secret pour avoir l'air du parfait gentilhomme.

« Et donc, vous êtes Irlandais par votre mère … Elle s'éclaircit la voix. Dois-je en conclure que je vais devoir détester cinquante pour-cent de votre personne ? »

Elle arqua un sourcil interrogateur et darda ses prunelles émeraude dans celles de son hôte. Un petit air de défi illuminait les traits de son visage. Elle n'avait jamais rien eu contre les Irlandais. Elle-même devait bien avoir quelques aïeux venus d'outre-Atlantique pour porter un nom comme celui de Fitzgerald.

« Vous parlez français, monsieur Blackwood ? Ou vous avez juste appris à prononcer Chateauneuve-dou-Pape, tenta-t-elle de son superbe accent américain, pour espérer m'impressionner ? »

Sam 3 Sep 2016 - 3:51
LE CHARMEUR DE SERPENTUne belle femme et le vin font de doux poisons.

Ezequiel Blackwood

Ysrael
Fitzgerald


Une fois à table, Ezequiel présenta le plat, indiquant qu’il s’agissait d’un classique de la gastronomie française. Ajoutant quelques détails historiques, évidemment, il se garda bien, en revanche, de préciser qu’il n’était pas à l’origine du plat de ce soir. Ce n’était pas tant pour garder sa virilité intacte, mais plutôt pour éviter d’apporter sur un plateau d’argent une raison à sa convive de retourner cette information contre lui, d’une quelconque façon que ce soit. Une fois le court laïus terminé, il attrapa les couverts appropriés et entama le repas à la suite de la jeune femme, la laissant apprécier silencieusement ce qu’elle n’avait très certainement jamais dû goûter avant ce soir. C’est elle qui rompit le silence, par une réaction à la remarque qu’il avait lancé juste avant l’arrivée des assiettes. Relevant la tête afin de répondre à la réflexion, son regard azuré croisa celui de son invité. Il perdit pied l’espace d’une seconde, légèrement troublé par cette vision, comme si les orbes verts avaient percé son âme en un battement de cils. Se reprenant finalement, aidé d’un très léger raclement de gorge, il sourit à la jeune femme.

«Que vous me détestiez à hauteur de cinquante pour-cent n’est pas l’important. Ce qui l’est, c’est de savoir de quoi seront composés les cinquante pour-cent restant.»

A peine sa phrase lancée, il ne pouvait s’empêcher de plonger de nouveau dans son regard, comme hypnotisé par celui-ci. Il ne s’en détacha finalement que pour se réfugier un court instant dans le reflet du verre qui lui faisait face. Il l’attrapa et en bu une gorgée. Mais la demoiselle n’en avait pas terminé avec lui visiblement.

Reposant son verre à sa place, il souriait en entendant son accent massacrer le nom du délicieux breuvage.

«Je parle effectivement français, mademoiselle Fitzgerald, ainsi que l’allemand, l’italien, l’espagnol, et quelques notions de russe et de chinois. En tant que responsable des arrivées cela fait partie de mon travail de pouvoir communiquer avec les personnes désirant me poser des questions.»

Ce qu’il n’ajouterait pas alors, c’est qu’il n’avait pas eu le choix. Dès son plus jeune âge, sa famille avait commencé à le former pour cette responsabilité, tout comme son frère d’ailleurs. Cette dernière pensée assombrit un très court instant le visage d’Ezequiel qui ne tarda pas à le balayer d’un sourire ravageur dont il avait le secret.

«Vous aviez eu l’occasion de voyager hors de Chicago déjà ?»

Cette fois, il évita d’observer sa charmante compagnie et repris le cours du repas, comme fuyant le jeu qu’il avait lui-même débuté plus tôt dans la soirée.

«Pallatine est un peu comme un musée qui réunirait chaque période de la Terre, regroupant toutes sortes de nationalité. Je ne peux m’empêcher d’être fasciné par cela, pas vous ?»

Dim 4 Sep 2016 - 19:35
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent


And sleep on the wind with the fires right behind
And sing on the beaches and swim through the night

Ysrael haussa un sourcil, impressionnée. Cultivé, charmant, bien éduqué, intelligent, et doué en langues par-dessus le marché. Voilà qui devenait intéressant. Oh, elle commençait à se faire une idée de ce à quoi pourraient être alloués les cinquante pour-cent restant d'Ezequiel. La jeune femme eut un léger sourire en coin. Elle chassa d'une longue gorgée de vin l'image tendancieuse qui lui traversa l'esprit. Elle reposa le verre et fixa sa concentration sur son interlocuteur.

« Vous prenez votre travail très à cœur à ce que je vois. »

Le visage du jeune homme se ferma l'espace d'un instant. Un délicieux sourire le radoucit presque aussitôt. La brune se sentie gênée, persuadée d'avoir mis le doigt sur une corde sensible. Elle n'avait pas cherché à embarrasser son hôte. Par chance, le malaise qu'elle avait cru ressentir fut rapidement oublié.

« Eh bien, mon travail m'a permis de rencontrer quelques gangs à Detroit, Dallas, Cleveland, Milwaukee, Denver ou encore Saint Louis. Je n'ai jamais eu l'occasion de quitter le pays, en revanche. »

Elle piqua un morceau de viande. Comme toutes les jeunes femmes de son époque, Ysrael avait rêvé de découvrir la France, et plus particulièrement Paris. On disait tant de bien de ses soirées, de Montmartre, de Montparnasse, des Folies Bergères ! L'Américaine avait plus d'une fois fantasmé de s'installer dans un appartement avec vue sur la Tour Eiffel. Les petites économies qu'elle avait mises de côté auraient amplement eu de quoi payer le passage sur l'Atlantique et son installation dans la capitale française. Elle y aurait mené grand train. Peut-être aurait-elle même ouvert un club de jazz. Ou qui sait, un cabaret.
Mais ses rêves s'étaient vus soufflés comme la flamme d'une bougie. Le regret la pinça au cœur.

Ysrael releva les yeux vers le trentenaire, trop occupé à la contemplation de son plat pour lui retourner son regard. Elle haussa les épaules. Un musée … c'était une bien curieuse manière de voir Pallatine. La transférée n'avait jamais vu la ville sous cet angle. A ses yeux, l'île était un rassemblement de gens luttant pour s'intégrer correctement à une époque dont ils ne connaissaient rien, pour la majeure partie d'entre eux. Et nombreux étaient ceux qui peinaient. Elle ne doutait pas en revanche que sa vision des choses était biaisée par sa propre expérience et le temps d'adaptation qu'il lui avait fallu avant de sortir de l'Institut. Encore aujourd'hui, il lui arrivait de bloquer devant un objet ou une situation qui paraissait venir du futur. Cette dernière réflexion l'amusa. Elle oubliait par moment qu'elle vivait bel et bien dans le futur.

« C'est une interprétation comme une autre. Il est vrai que le nombre de transférés permet de constituer de bonnes archives. Un mordu d'histoire comme vous doit se sentir comme un enfant dans un magasin de sucreries. Elle avala une bouchée. Je n'irai pas jusqu'à dire que je trouve cela fascinant. Au final, Pallatine n'est qu'une ville cosmopolite comme on pouvait en trouver sur Terre. Semblable à New-York, par exemple, l'Institut jouant le rôle d'Ellis Island. »

La brune mesura trop tard l'ampleur de ses propos.

« Navrée, je ne voulais pas gâcher votre excitation. J'ai une vision quelque peu tronquée de Pallatine, n'y ayant pas grandi. C'est simplement que, pour avoir vécu ailleurs, à une autre époque, je ne peux que constater la difficulté rencontrée par certains arrivants à se faire une place. La langue, les croyances, la nationalité … ce sont des barrières. Pour une personne travaillant à l'Institut, j'imagine que ce doit être passionnant de rencontrer tant de gens, d'avoir accès à tant de cultures. Vous ne connaissez pas forcément l'envers du décor. »

Elle fit clapper sa langue contre son palais, consciente que ces paroles-là n'avaient pas rattrapées les précédentes. La jeune femme secoua la tête, se moquant de sa connerie. Elle replaça une mèche ondulée derrière son oreille.

« Je crois que je vais me taire, ce sera beaucoup plus simple, plaisanta-t-elle. Vous avez déjà eu l'occasion d'aller sur Terre ? »

Mer 7 Sep 2016 - 6:26
La maladresse dont elle pouvait faire preuve amusait Ezequiel, mais, n’entachait en rien sa passion. Elle pourrait bien lui dire ce qu’elle voudrait, il avait accès à bien assez d’information pour se rendre compte qu’un regroupement pareil n’était possible que sur Pallatine. Même deux personnes venant de la même année pouvaient avoir vécu deux périodes historiques différentes. Mais ce genre de détails ne pouvait pas être trop étalé, déjà, car il était assez complexe de comprendre la totalité de la subtilité des transferts et puis il ne pouvait pas risquer de dévoiler l’élément de trop, celui qui pourrait causer la perte de l’Institut, entre autre chose.

Il se contenta alors de la laisser se rattraper, gardant son attention sur son repas jusqu’à ce qu’elle s’arrête finalement sur une question qui transperça Ezequiel presque plus que ses paroles précédentes. Il releva alors la tête et secoua celle-ci silencieusement.

«Non, seul les transferts de la Terre vers Pallatine sont autorisés. A l’exception de nos agents sur place qui, à l’inverse, reste sur Terre et ne rentre pas sur Pallatine. Aller sur Terre signifierait ne plus revenir ici et il m’est impossible de faire cela.»

Cette fois, la déception était clairement visible sur le visage du maître de maison. Ne pas pouvoir se rendre sur Terre était probablement la plus grande peine d’Ezequiel. Il aurait rêvé pouvoir se rendre en personne sur Terre et observer certains lieux ou quelques événements historiques de ses propres yeux. Sa mère lui avait racontait dans les moindres détails ceux qu’elle avait connus, mais il n’en avait jamais assez.

Il récupéra son verre de vin et le vida avant de tenter une nouvelle fois d’afficher un visage faussement souriant. La déception le submergeait et il avait quelques difficultés à contenir ce sentiment.

« Un autre verre de vin peut-être ? »

Avant même qu’elle ne lui réponde, il s’était déjà levé de lui-même en emportant son verre. Il retourna en cuisine, pestant déjà intérieurement, s’en voulant de réagir de pareille façon. Il ne tarda pas alors, emportant finalement la bouteille à la table. En revenant, il s’exprimait avant même d’avoir entièrement franchi le pas de la porte.

« Veuillez m’excuser à mon tour. Je n’ai pas pour habitude de parler de ma personne et j’avoue avoir été un peu pris au dépourvu avec cette question. »

Il se rendait compte qu’en disant cela, il ouvrait une brèche dans son apparence d’homme sûr de lui, mais il lui importait plus de ne pas paraître impoli. Après tout, elle avait eu raison sur ce point. Sa mère l’avait bien éduqué et il n’avait pas pour habitude de manquer de respect à quiconque. Quitter la table aussi brusquement ne se faisait pas et il s’en voulait d’avoir réagi de la sorte.

« Je ne sais pas si cela vous intéresse, mais j’ai quelques pièces de collection venant de la Terre, ici même. Je pourrais vous en montrer quelques-unes une fois le repas terminé. »
Lun 19 Sep 2016 - 1:51
Ezequiel | Ysrael
Le Charmeur de Serpent

I saw a plane go into a cloud
I'm drunk, I'm singing, I'm happy and loud

A croire qu'elle ne pouvait éviter de mettre les pieds dans le plat ce soir. Ysrael remarqua immédiatement que sa question avait troublé son interlocuteur. Elle se mortifia intérieurement pour avoir été si maladroite. Un sourire chaleureux naquit au coin de ses lèvres. Peut-être rattraperait-il son manque cruel de tact et de politesse. Car il fallait bien l'admettre : elle avait été rude ; et cela ne s'arrangeait visiblement pas ...

La brune écouta poliment son hôte, ne pouvant s'empêcher de déceler une pointe de déception – si ce n'était même de tristesse – dans sa voix.

« Et pourquoi ne pouvez-vous pas laisser Pallatine derrière vous ? »

Elle n'eut pas de réponse. C'était à peine si Ezequiel avait entendu sa question. Le trentenaire était déjà trop occupé à fixer son attention sur autre chose pour tenter de garder un air imperturbable. Mais Ysrael savait parfaitement qu'elle venait de toucher une corde sensible. Elle se promit de ne plus aborder le sujet s'ils se revoyaient à l'avenir. À conditions qu'il ait envie de la revoir ; dans le but unique de lui poser de nouvelles questions, évidemment. La gangster tendit sa main vers son verre de vin. Elle eut à peine le temps de le frôler qu'on lui ôtait déjà des mains. Le responsable des arrivées s'était éclipsé en un coup de vent qui laissa la jeune femme coite. Elle baissa les yeux, se frotta légèrement le biceps gauche de sa dextre. Gênée.
Un instant de flottement qui lui parut affreusement long. Ysrael ne quitta pas de ses prunelles émeraude les quelques morceaux de viande qui restaient encore dans son assiette. Interdite, elle n'osait trop continuer le repas comme si de rien n'était. Il lui sembla reprendre son souffle lorsque le maître de maison la rejoignit. Le jeune homme déposa la bouteille de vin sur la table, s'excusant de sa réaction.

« Aucun souci. Je tâcherai de me souvenir que la curiosité est un bien vilain défaut avec vous. »

L'Américaine ponctua sa phrase d'un rire fluet qui détendit aussitôt l'atmosphère. Elle darda son regard sur son hôte, les yeux pétillants de malice comme de douceur. Ses sourcils s'arquèrent lorsqu'il lui fit part de la collection qu'il possédait. Ysrael se figura difficilement ce qui pouvait bien être collectionné. Elle s'imagina un instant un extraterrestre dressant un inventaire d'objets de curiosité qu'il avait obtenu lors de ses dernières visites sur la planète bleue. Cette petite comparaison lui tira un léger sourire ; mais la jeune femme se garda bien de partager cette comparaison pour le moins improbable avec Ezequiel. Elle avait peur de le vexer, persuadée qu'une nouvelle offense ne serait pas aussi bien accueillie que les précédentes.
En y réfléchissant, les natifs de Pallatine étaient bel et bien des extraterrestres …

« Avec plaisir ! »

Ysrael s'apprêta à reprendre son assiette où elle l'avait laissé lorsqu'une sonnerie retentit contre sa cuisse. La brune sursauta légèrement, ne s'attendant pas à ce que son téléphone se manifeste. Elle l'avait cru sur silencieux. Dans un geste vif, elle sortit le cellulaire de son pantalon pour rejeter l'appel entrant. Ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle aperçu le nom de son voisin de palier s'afficher sur l'écran. Intriguée, elle laissa tout de même retomber le portable au fond de sa poche. Ses yeux retrouvèrent les orbes magnétiques du maître de maison.

« Je pensais l'avoir coupé. S'excusa-t-elle, embêtée par cette marque d'impolitesse. »

Ses doigts saisirent le verre de vin qui trônait devant elle, à moitié vide. Elle y trempa les lèvres, but une gorgée du délicieux nectar et entreprit finalement de terminer son repas.

Une nouvelle sonnerie rompit le silence. Ysrael soupira, recommença sa précédente manœuvre. Elle n'eut pas une minute de repos qu'à nouveau le téléphone s'animait pour annoncer cette fois un message texte. Puis un autre. Et un dernier. La brune s'excusa platement du manque cruel de respect qu'elle s'apprêtait à avoir. Elle saisit le portable. Ce devait être urgent pour qu'on insiste de la sorte.

Elle crut mal lire, s'étouffa à moitié. Ysrael releva précipitamment les yeux vers son hôte.

« Je … J'ai une urgence. Elle indiqua son téléphone de l'index. Je dois y aller. Je suis sincèrement désolée. »

Le plafond de sa salle-de-bains venait visiblement de s'écrouler. Problème de fuite d'eau à l'étage du dessus. Son voisin, alerté par le bruit, était entré dans son appartement grâce au double des clés qu'elle lui avait confié pour constater les dégâts. Nom de Dieu, l'habitant de l'appartement du dessus allait l'entendre.

Ysrael se leva dans un saut.

« Je suppose que la collection devra attendre un autre soir ? Je suis vraiment confuse … »

La comptable n'attendit pas l'autorisation de son hôte pour quitter la pièce et retourner au salon chercher son sac. Son pas était pressé. Elle craignait de découvrir l'état de sa salle d'eau en rentrant. Courant presque, elle retrouva Ezequiel dans le hall d'entrée.  

« Remerciez la cuisinière de ma part. Le repas était excellent ! »

Elle lui lança un regard complice, déposa un léger baiser sur sa joue et fila comme une tornade.

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