Ariane Ljungström

Caractère

Elle f’sait la fête à la nuit tombée et prétextait “qu’c’était pour s'enticher d’la vraie vie”.
Talons à la main chancelant dans le vent, elle arpentait les rues sous les sifflements ; les lèvres qui s’étirent en un sourire arrogant, faciès insolent. Ariane, on aimait à la qualifier de sale gosse, de gamine à problèmes, de mauvaise fréquentation. Peut-être parce qu’elle buvait à la lueur du feu dans sa province de pouilleux, peut-être parce qu’il se colportait que la fille Ljungström volait des voitures avec les mecs de terminale, peut être parce qu’les profs disaient qu’elle n’en sortirait jamais vivante.
Ce n’était qu’une gamine insouciante qui passait plus de temps à déambuler dans sa ville que sur les bancs d'une école qui de toute façon lui polluerait l'esprit. Une adolescente volcanique, au tempérament de feu. Aria l’imprévisible, celle que l’inattendue et l’imprévue maintenait en vie, jeune femme insatiable qui n’avait de cesse de vouloir ce auquel elle ne pouvait prétendre.

Elle f’sait toujours la fête à la nuit tombée, dansait au bar du coin, entonnait des noms dans la lumière rose des projecteurs et buvait des schnaps à la cerise dans la nuit de velours. Elle allait en douce à la piscine de l'hôtel avec des copines, nageait, brillante de mille feux et s'enfuyait d’vant les flics dans son bikini noir en hurlant "attrapez-nous tant qu'on est encore chaudes", "on on n'en a rien à fouuuutre!".
Frasques adolescentes ;  seul échappatoire à la routine de son existence.
Femme-enfant ; éternelle idéaliste qui s’prend de plein fouet une risible réalité, une vingtaine d’années qui se résume en l’attente d’un évènement bouleversant qui donnerait un sens à sa vie. Mais sa vie se se résume à la médiocrité ambiante qui flotte au dessus d’sa province miteuse, l’odeur de tabac froid, de bière éventée et des toilettes mal entretenues du bar dans lequel elle travaille.

Elle ne f’sait plus la fête. Aria, avec le temps elle avait compris que le destin, c'est pour les perdants. Qu’c’était juste une excuse stupide pour attendre que les choses bougent d'elles-mêmes au lieu de tout faire pour qu'elles se produisent.
Alors on commence à fréquenter de vrais sales gosses, de réels mauvaises fréquentations et on s’retrouve à faire le sale boulot. Parce que c’est peut-être ici, dans les bas-fonds, dans l’aspect le plus effroyable de l’homme qu’on trouve l’introuvable.