eve dulcinée springfield

dans mon âme éperdue;

il y a ce vase qui s'écrase sur le papier peint, se brise presque dans le creux de tes mains. alors on te demande nerveusement si ça va — tant que ça en devient sans fin —, pendant que t'arranges le romarin, l'air malsain, surtout l'air de rien ; il aurait pu encore être épargné jusqu'au matin, s'il avait mieux su préserver les fleurs du jardin. « le soleil est mort. » comment tu pourrais aller bien. « y a un fleuriste pas loin. » ils ne comprennent pas. tu craques : ce n'est pourtant pas toi qui l'ais tué, celui-là.

et le salon quasi vide, tous les visages livides. « putain, mais c'est qu't'es carrément défoncée. » à même le sol « je suis tellement désolée. » à te lamenter sur le cadavre fané d'un pauvre tournesol. « ma vieille, va vraiment falloir s'calmer sur la conso'. » s'ils savaient que dans leur sang, c'est le sien que tu t'efforces désespérément de noyer. « j'espère tous vous crever. » s'ils savaient que par peur de l'y voir, t'as fait retiré tous les miroirs ; que même l'eau de ton bain, tu n'oses plus la regarder. « dulcinée ? » c'est jusque dans ces satanés pétales, que ses traits viennent te narguer. « il est l'heure de fermer. » alors tu t'agites à débarrasser, en tentant de te rappeler qui aujourd'hui doit encore y passer, te retournes mollement au cri d'une chaise chantant sur le parquet.

l'ange monte au ciel, c'est vers l'enfer que tu chancelles.
« c'est tout l'effet qu'ça t'fait ? » rire subtil — certains camés pouffent avec toi, sans savoir de quoi « il m'a suppliée. » avant de mécaniquement traîner le corps quelque part plus en bas. « c'est vraiment tout l'effet qu'ça t'fait ? » le regard sur eux assassin, alors qu'ils sont déjà loin ; la certitude malgré tout de les revoir demain, tu n'aspireras jamais à leur faire penser que tu es une fille bien.

on te pardonnerait pourtant n'importe quoi, dulcinée. toi et ta demie-voix fracassée, ton être plus tout-à-fait entier — qui ne l'a même jamais été ; de ton sourire intense et fébrile, tes paroles confiantes mais malhabiles. jusque dans cette façon que tu as d'étouffer tes sentiments sous un rire, de te contredire ; d'avouer pour désavouer, un peu lâche ; de tout rendre incertain, par un mot, un geste de trop. sans arrêt. t'as pas oublier de souffrir, ni de ressentir, juste l'idée de renoncer à te punir. et tu te dis qu"il y a bien pire ; plutôt que fuir, choisis de te laisser détruire. « j'voudrais juste en finir. » mais déjà quatre étés que ton infamie, un supplice si doux t'envie ; déjà quatre étés, qu'elle te garde à moitié en vie. pendant que les macchabées s'entassent dans la cave, toujours ce même fantôme qui hante ton épave.

alors t'angoisses, te cramponnes à ton crâne.
plus qu'à fleur de peau, dulcinée : la chair à vif, le corps de partout lacéré. incertaine quand tu te donnes l'air hautaine ; la vérité c'est que tu restes là à les admirer, pendant qu'eux passent leur temps à t'abhorrer. et ils te paraissent si beaux, dans leur façon de te détester ; si bons, dans cette manière qu'ils ont de te dénigrer. tu ne peux pas t'empêcher de penser que, quelque part, ton atrocité doit encore un peu plus sublimer leur pureté. car certainement ce qui les rend tous si précieux, c'est que pour toi leur haine jamais n'égalera la tienne. tu ne mérites pas d'être sauvée, fais en sorte qu'ils le comprennent ; refuses l'idée qu'on puisse tenter de te délivrer, te libérer de tes chaînes.

le pardon tu n'y crois plus, ton seul espoir : qu'on ne retrouve jamais ton cadavre perdu. alors ta gorge qui rien qu'à l'idée se réjouit, la voix ivre d'une demie-frénésie mal saisie ; comme cette fleur défraîchie, que tu caresses du bout des doigts, les yeux taris, tu ne pleures plus depuis des mois.