Dim 5 Juin 2016 - 15:34
Elle enrage, Sidney.
Pour changer.
S'il y a une chose qu'elle déteste dans son statut de « jeune altermondialiste », c'est qu'on ne cesse de lui attribuer diverses missions dans le but de lui faire découvrir les différentes facettes de sa diaspora. Cela fait plusieurs années qu'elle y est, elle pense savoir ce qu'il en est, désormais. C'est sans doute aussi pour cela qu'elle est parfaitement consciente que c'est la partie écoterroriste qui l'intéresse le plus. Celle dont on parle le moins, car ça ferait mauvais genre - mais celle qui, en dernier recours, est toujours la plus utile. Elle a parfaitement conscience du mal que cela cause. Cela dit, l'illégalité n'existe pas à Pallatine. Pour une native comme elle, c'est une notion qu'elle ne connaît pas. Voilà pourquoi elle n'est pas de très bonne humeur.
Rien ne lui déplaît plus que de rester debout dans la rue, à arborer un sourire faux, à demander aux gens s'ils veulent bien lui accorder un peu de leur temps - mais ils n'en ont jamais, curieusement, ils se défilent sans lui donner ve véritables excuses.
Et puis, quelle idée de faire réaliser des interviews à une malentendante ?
Sidney soupire et s'octroie le luxe d'une pause. S'asseyant sur un muret, elle jette un coup d'œil dégoûté aux feuilles qu'on lui a dit de remplir. Un petit questionnaire qui ne comporte pas tant de questions que cela, mais qui n'intéresse personne. Personne ne s'intéresse aux altermondialistes. Sidney, elle trouve cela dommage. Cette diaspora-là a deux mérites. Au moins, elle défend des idées qui, à défaut d'être bonnes, ne sont pas mauvaises - aucun autre ne peut en dire autant. Et surtout, elle sait tendre la main à des enfants perdus. La jeune fille ne l'oubliera jamais. Dans ce monde d'égoïstes, on trouve encore des gens bien. Même si ce n'est pas elle.
Elle finit par se lever, pour reprendre son démarchage. Elle n'a plus vraiment le choix, désormais. Elle est un peu énervée mais elle sait que cela sera utile à son groupe. Alors elle le fait. On lui a toujours dit d'avoir de la reconnaissance. Elle en a. C'est ce qui la pousse à accepter la situation, malgré le fait qu'elle a plus de difficultés que les autres. Elle choisissait jusque là des gens dont la voix portait, qu'elle était sûre de pouvoir entendre. Elle va changer de stratégie, décide-t-elle. Elle repère un jeune homme brun, à l'air plutôt discret, gentil. Bien sûr, ces apparences peuvent être trompeuses, mais qu'importe ; Sidney doit décider, et elle veut essayer de l'interviewer, lui. Elle se porte donc à sa rencontre, accrochant un nouveau sourire à ses lèvres.
« Bonjour, monsieur. Auriez-vous un peu de temps à m'accorder ? Je dois réaliser une interview dans le cadre de ma formation, donc si vous êtes intéressé... »
Elle ne tente pas de paraître plus amène ou plus chaleureuse. Sidney a bien des défauts, mais elle n'est pas une menteuse. On dit souvent qu'elle est trop franche et que sa langue a le tranchant de l'acier. Elle se contente d'énoncer les faits, calmement, mais toujours souriante. En cet instant, on pourrait presque la prendre pour une jeune fille normale, n'ayant pas d'autres rêves que de mener une vie tout ce qu'il y a de plus banale...