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.Somewhat damaged. [Lorelei]

Jeu 23 Fév 2017 - 7:56
Run

ft. Cameron
Pourquoi insistent-ils toujours à se relever? Pourquoi ne se contentent-ils pas de rester écrasés par terre jusqu'à ce que l'on s'en soit éloigné? Pourquoi les hommes, pourquoi les gens sont-ils pleins d'orgueil? C'est peut-être parce qu'ils sont comme Lorelei. Parce qu'ils refusent de rester par terre, même quand ils devraient. Ou peut-être que ce n'est que parce qu'ils cachent un nouveau tour dans leur sacs. Dans tous les cas, Lorelei ne peut pas - ne doit pas se battre de nouveau. Le désavantage numérique, ça va toujours, la douleur qui résonne en elle, la possibilité de se casser quelques os, pas de problème. Mais don't bring fists to a knife fight, ça elle l'a appris.

Il n'y a pas d'indifférence dans son ton, mais ses paroles n'ont pas de ce plaisir qu'elles avaient pu contenir auparavant. Ce ne sont pas des provocations; ce sont des menaces. Comme les menaces qui pointent au bout de la lame, du tranchant du verre cassé. Et Lorelei n'accepte pas d'être menacée. Et encore moins qu'on menace Smallrelei. Playtime's over motherfuckers. La main suspendue près de sa ceinture, les doigts tendus. « V's'approchez, vous allez l'regretter. » Comme un grognement, un grondement qui vibre au fond de sa gorge. « Dernière chance. J'pense qu'y'a qu'qu'chose qu'vous réalisez pas. » Ils n'ont pas l'air de voir, de faire attention à sa main, ses doigts près à agripper son arme. Mais se révéler, c'est risquer d'être désarmée. D'être mise hors d'état de nuire avant qu'elle ne puisse même dégainer.

Et s'ils posent une seule égratignure sur Smallrelei, ils le payeront cher. Ils n'ont pas l'air intimidés. Pensent qu'elle bluffe, sûrement. Qu'elle dit n'importe quoi, qu'elle se surestime grandement. Et elle n'a pas le temps de répéter la menace - pas le temps, pas l'envie d'user de pitié. Il est temps qu'ils apprennent une leçon, comme elle en a appris à la pelle. Qu'on ne menace pas Lorelei Thompson. Et pire, qu'on ne menace pas ceux qu'elle protège; qu'on ne menace pas la vie de quiconque.

Don't bring a knife to a gunfight.

Le gaillard armé du couteau se jette sur elle - s'approche trop, entre dans sa bulle; le tir part dans un bruit assourdissant, qui couvre son cri de douleur. L'homme s'écroule comme une masse à ses pieds, s'effondre en jubilations douloureuses, mains tendues à son genou. Lorelei sent le sang s'écouler de son bras gauche, de l'entaille profonde qu'on a eu le temps de lui faire en tombant; elle ne le réalise pas réellement et elle rugit. « Y'EN A UN AUTRE QU'VEUT PLUS D'ROTULE? » Oh, cette fois, ils hésitent. Il n'y en a pas un d'armé comme elle l'est: ils n'auraient pas eu besoin de casser des bouteilles sinon. Elle laisse son arme pointée vers le sol, loin de l'homme à ses pieds, son doigt posé sur le côté du glock et non sur la gâchette; elle ne compte pas tirer encore, mais elle n'hésitera pas si elle a à le faire. « QU'EST-CE VOUS FOUTEZ PLANTÉS LÀ? Z'EN AVEZ PAS EU ASSEZ? » Oh, elle est en colère. Ses traits froissés par la rage - brûlante, dont les flammes viennent lui lécher la gorge.

On ne menace pas une vie. Pas si Lorelei peut l'empêcher.
ϟ NANA
Ven 24 Fév 2017 - 13:01
Les tags au stylo fluo dégoulinent sur tes chaussures en flaques d’arc-en-ciel dégueulasses. Le charivari des rues noyées de vapeurs bleues s’amuït jusqu’à disparaître, infime, une rumeur sourde à l’angle de l’immeuble dominant la cour où vous vous étripez, et le temple de nuit tracé au-dessus de vos crânes par la mine usée des toits semble soudain d’une atroce noirceur. Tout scintille abominablement. Tout t’éblouit, tout t’aveugle – la brillance du verre brisé, les lamures chromées des armes, le soufre émaillé des dents –, mais tout n’est rien en comparaison de la réplique de Lorelei à cette étincelante menace – feu d’artifice sous des accents de gravité, plus sévères encore que le sifflement caudal d’un reptile. Plus brut que les avertissements des mâles, sournois presque, vicié. Un quelque chose qui couve, tel un renfort dissuasif, et dont tu devines à peine la teneur, incapable d’imaginer qu’à la ceinture de la combattante pèse l’objet de votre sauvetage. En l’état, tu ne donnes en effet pas cher de votre peau, prompte à se déchirer sous les assauts d’un poignard ; l’entaille blanchie qu’avait dessinée l’artiste sur ta joue cet été se rappelle tout à coup à ton esprit sur le qui-vive tandis qu’une fleur de douleur éclot en guise de réminiscence. Leur tourner le dos pour s’enfuir, c’est l’exposer au sacrifice. Reculer face à eux, c’est leur offrir ta vulnérabilité mise à nue. Et tu ne peux t’y résoudre. Alors quoi ? Te battre ? Lever tes os en barrière face à leurs épieux métalliques ? Autant commander ton cercueil par avance, et creuser ta tombe à même le pavé.
Il y a dans la posture de Lorelei une intransigeance étonnante de sa part au vu de ses récentes altercations. Comme si, soudain, elle n’était plus une sylphe d’écorce et de gueules-de-loup mais plutôt un menhir acéré, un silex humanoïde dardé vers ses adversaires et que la moindre secousse enverrait les transpercer. Tu ne sais guère où te placer, ne sais d’où viendra le coup – des lascars ou bien d’elle-même, dans le cas où tu lui ferais l’affront de trébucher en travers de son chemin ? L’un des hommes tranche pour toi. Taille dans le vif. Et tu sursautes, non face à sa brusquerie, mais en réaction au fracas qui te laboure l’encéphale.

Tu as déjà entendu la détonation d’une arme à feu. Tu en connais l’explosion poudrée, le vacarme âcre ; tes tympans en ont déjà enregistré les brûlantes vibrations. Les cris de souffrance aussi. Ces hurlements bestiaux, éraillés, au fond d’une gueule plus béante qu’un puits sans étoiles. Pourtant tu tressailles de le savoir si proche, et le regard que tu glisses sur ton mentor se garde de ciller, en proie à une sinistre stupéfaction – elle aurait tiré à deux centimètres de ta tempe que tu lui aurais jeté le même, alors qu’elle se met à vociférer à l’adresse des deux autres qui, devant l’imprévisibilité de l’attaque, hésitent à raison. Plus effrayés que surpris, d’ailleurs. S’ils ne bougent pas, ils sont à l’évidence les prochains sur la liste. Or, lorsque tu sens les lacérations glacées qui viennent à l’instant de griffer tes épaules, tu comprends que leur décision est déjà prise – don’t mess with a firegun. Lentement, ceux encore debout exhibent leurs paumes avant de déposer leurs outils sans rompre le contact visuel, à la manière de suspects que la police somme de capituler ; bientôt ils bafouillent quelques requêtes sur l’arrêt des hostilités, promettent de déguerpir sur-le-champ si on les laisse ramasser leur pote et de ne plus vous agresser. Triste que vous deviez en arriver là pour avoir la paix. Mais tu rejettes le dépit d’un geste de la tête – ils l’ont cherché, ils l’ont trouvé.
Une perle rougeâtre a giclé sur le bout de ta godasse.
Vous feriez mieux de partir, vous aussi, puisque le bruit va sans doute rameuter la plèbe fouineuse. Pendant que l’ennemi à terre est redressé par ses comparses, sa jambe branlante maculée d’une poisse brune – réapprendre à marcher, si cela demeure possible, exigera de lui une plus grande douleur encore –, tu inities le mouvement :
« Faut pas rester là ! Si on nous chope, on est d’dans. »
Oh, vous pourrez toujours prétexter la légitime défense auprès des autorités compétentes, user de votre droit en qualité de victimes, jusqu’à ce que la justice pointe son esse sur l’usage d’une arme à feu dans une rixe urbaine, transformant votre bonne foi en culpabilité et votre protection en mauvaises représailles. Les emmerdes, qu’elles soient valables ou non, ne feraient que te poursuivre. Aussi préfères-tu filer à l’anglaise, et tant pis si c’est pris pour de la lâcheté – tu sais bien que ce que les autres considèrent ainsi t’a trop souvent sauvé la mise.
Dim 26 Fév 2017 - 7:25
Run

ft. Cameron
Ils tournent leurs paumes vers elle comme des miroirs. Oh, ils font moins les malins maintenant. Désarmés face à plus fort qu'eux, leurs menaces qui vibrent toujours dans l'esprit de Lorelei. Ils s'excusent, peut-être; promettent de les laisser tranquille. Face au sang qui tache l'asphalte, les os brisés au creux du genou de leur ami. Lorelei ne range pas son arme, pas avant qu'ils soient partis. Laisse le canon pointé vers le sol, ne pose pas son doigt sur la gâchette. Un mouvement de tête, sec, qui les encourage - leur conseille fortement - de partir le plus vite possible.

Elle les observe partir, pose son regard sur la tache rouge, brunâtre sur le sol devant elle. Réactive la safety sur son glock, le repose à sa place. Finally. Laisse échapper, silencieusement, un soupir. Laisse la colère s'échapper de son système, s'étaler à ses pieds comme le sang. L'adrénaline redescend; la blessure à son bras commencer à la lancer. Elle lève la main gauche, pour observe le sang qui a coulé tout du long de son bras pour s'y rendre, s'égoutter sur l'asphalte. Elle tourne le regard vers Smallrelei quand il parle. Il est en sécurité, tant qu'elle est là. « Ouais, t'as raison. T'connais un moyen rapide, un raccourci? J'connais pas trop l'coin: j'te suis. »

Un souvenir l'assaille: tous les muscles de son corps qui se crispent, bondissant jusqu'à un sprint en entendant les sirènes, en voyait dans le coin de son regard les lumières bleues et rouges se refléter sur les murs. Elle est prête, à nouveau, à fuir comme ça. Ce n'est pas de la lâcheté, simplement un instinct de survie. Un réflexe implanté en elle jusqu'au fond de ses os, qu'elle aurait dû combattre à tout instant si elle était restée sur Terre. Mais il n'y a plus ce problème.

Alors ils fuient, comme elle l'a fait tant de fois; comme ces groupes de jeunes, le goulot aux lèvres, qui se dispersent de tous les côtés. Comme ces adultes laissant derrière ceux qui les ont offensés, avec quatre, cinq os de plus dans leur corps - des fragments de calcium qui se perdent dans leur chair. Comme maintenant, exactement comme maintenant, sans remords, avec le désir de protection comme excuse, comme raison. Lorelei ne ressentira jamais de remord, si elle ne tue pas, d'avoir protégé les siens. La souffrance qu'elle peut infliger n'est rien. On ne menace pas les siens.

Ils s'arrêtent, sans doute, loin. Entre le dédales des rues, des ruelles; ils ne peuvent pas courir pour toujours. La douleur palpite à travers Lorelei. 'Might need stitches. Claque la langue contre son palet. Fuck it. Elle se tourne vers Smallrelei dans cette inquiétude agressive, fougue étrange. « T'as rien? S'sont pas rendus à toi. » Elle répète la question, même si elle connaît la réponse. Ils ne se sont pas rendus à lui; ils n'ont rien pu lui faire. « J'sais pas si t'es habitué, mais c'normal s'tes oreilles vrillent. T'vas p't'être avoir du mal à entendre un p'tit moment, mais ça va passer. La ruelle 'tait trop étroite, l'son s'est répercuté. » Elle même est flanquée d'un mal de crâne qui retentit sourdement, d'un acouphène qu'elle sait temporaire. Mais qui n'en est pas moins douloureux.
ϟ NANA
Jeu 2 Mar 2017 - 18:12
Galope, loin du sang et de la crasse, galope hors de portée des serres poisseuses qui t'auraient labouré les os si elle n'avait pas été là, avec le reste du monde perdant toute son importance devant ce mouvement vital, cette impulsion salvatrice, moins que cela au fond, juste une lubie, tes rotules intactes qui te démangent. T'assurer qu'elles fonctionnent encore après la bouillie grumeleuse que la brune vient de cuisiner du bout de son glock, hachoir à poudre dont le pauvre type a fait les frais – et tu ne le plaindras pas au vu de ce qu'il t'aurait infligé. Mais malgré cela, tes tympans vibrent encore de ce fracas de soufre et tu as serré tes phalanges en deux poings pour camoufler le tremblement désagréable qui les agite, cette secousse pigmentée à l'écarlate, veinée d'adrénaline.
Tu es passé devant, t'improvisant guide au travers de la foule de plus en plus raide, à moins qu'il ne s'agisse que d'une impression. Son souffle rôde dans ton dos en une présence rassurante ; tu l'as pourtant vu, son bras comme un long pinceau pourpre et les taches sombres gribouillées à même son vêtement. Un coup de lame – quoi d'autre – et une cicatrice supplémentaire au compteur, dont elle se souviendra plus tard en haussant les épaules. Tu ne sais quelle décision serait la plus judicieuse, entre lui proposer un arrêt pour se soigner ou bien continuer jusqu'à s'abriter, cependant tu te rappelles ses hurlements rageurs et l'enthousiasme effroyable sur son visage quand elle se battait, de sorte que tu comprends qu'elle se fout des pansements et que ta sécurité est ce qui meut ses muscles. Bizarre. Qu'elle s'inquiète ainsi pour toi qu'elle vient à peine de rencontrer. Vraiment bizarre. Peut-être aussi que c'est la première fois qu'un adulte prend ta défense avec une telle véhémence – tu n'es pas habitué. Déconcerté serait le terme, mais tu l'enfermes derrière tes dents closes et ne les rouvres qu'une fois certain que le danger est écarté, sous le préau d'une vieille bâtisse à l'orée du quartier. Il y a moins de monde, les bars s'y font rares. Vous y serez tranquilles.

Tu portes tes paluches par réflexe à tes oreilles quand elle te parle du bruit qui s'y étire depuis le coup de feu, cette note acide que l'exiguïté de la ruelle a décuplée ; elle n'en aurait pas fait mention que tu aurais fini par l'oublier, et cette soirée avec, quoique, il te sera difficile de l'oublier, elle ta partenaire de branlée, et sans doute ne le souhaites-tu pas non plus – elle a ces yeux fauves qui te crochètent l'esprit, ce timbre rauque, brusque, qui te force à acquiescer parce que la mettre en colère est a des années-ténèbres de tes intentions. Du mal à entendre, c'est marrant, t'en connais une comme ça aussi, sauf qu'elle, c'est tout le temps, alors tu te persuades que ce n'est pas grand-chose et que tu y survivras. Tu as toujours survécu. C'est d'ailleurs d'une chiantise.
« Ouais, s'tu l'dis. Mais toi ? Ton bras ? Et... et l'reste ? »
Quand bien même tu n'aurais rien pu y faire, tu sens une aiguille de culpabilité te pénétrer le ventricule. Elle a été blessée à cause de toi, pour te protéger, quand tu ne peux rien lui rendre en retour que ton souci – trop rare souci, maigrelet – dont elle n'a sûrement rien à battre. Elle en a vu d'autres, songes-tu, car à la lumière calme d'un réverbère, les différentes épines tracées sur son épiderme luisent comme autant de trophées. Et en dépit de ton admiration grandissante, quoique toujours farouche, tu la jauges une nouvelle fois, d'un regard dénué de suspicion. Curieux, juste.
« Pourquoi t'fais tout ça ? Tu t'bats, tu t'sers d'un flingue... T'es dans une milice ou un truc du genre ? Quoiqu't'as pas trop la gueule d'être là-d'dans, en fait. Enfin, j'veux dire... » Tu as ces mimiques de voyou indécis, fourrant tes mains dans les poches pour mieux les ressortir, les iris agités afin de ne pas se fixer trop longtemps sur ton vis-à-vis et qui parcourent les environs, en permanence aux aguets, fiévreux. Non, à dire vrai, tu cherches simplement ce mot qui s'arrache à ta conscience à la façon d'un boulet tiré d'un canon rouillé – en éraflant les parois de ton gosier. « …Merci d'm'avoir aidé. »
Puis tu t'empresses de latter cette gentillesse saugrenue en feignant de repartir – décidément, cette nuit promet son lot de miracles –, bien que tu fasses volte-face, et t'agites encore, piétines, embarrassé d'avoir osé remercier une inconnue, même si elle le mérite amplement.
« J'connais un gars dans la maison d'à côté qui pourra t'soigner. S'tu veux... »
Dim 5 Mar 2017 - 5:19
Run

ft. Cameron
Le calme descend sur eux comme celui après la tempête. Alors qu'on observe la destruction laissée derrière par la tornade, les débris éparpillés un peu partout. Que l'on considère, que l'on se prépare mentalement à tout reconstruire. Mais il y manque, probablement, au creux de Lorelei, cette fatalité qu'elle ne ressent pas. Ce n'est pas la première personne qu'elle a tiré, et ce ne sera sans aucun doute pas la dernière.

Elle jette un rapide regard à son bras lorsque Smallrelei le désigne. Et repousse son inquiétude d'un coup d'épaule, tel il l'a fait pour elle, tel ils le feront sans doute toujours. « T'inquiète. Ça va. J'vu pire. » Comme des côtes cassées, bien plus douloureuses que la blessure qui suinte toujours de sang à son bras. Des souffrances aveuglantes, qui avaient pu la laisser incapable de penser, de vivre pour quelques secondes. Mais elle n'a jamais cru en mourir; n'a jamais réellement été consciente de sa mortalité. C'est qu'on ne la lui a jamais fait ressentir.

Elle hausse les épaules lorsqu'on la questionne. « Pas officiell'ment, j'imagine. J'fais plus garde du corps. C'genre de trucs. » C'est un léger sourire qui pointe aux coins de ses lèvres à la vue des mimiques de Smallrelei. Il ne semble pas trop savoir où se mettre. Quelque chose en elle le comprend. « Mais j'avais d'jà l'flingue avant d'arriver ici. M'as t'jours gardé en sécurité: moi et les autres. » Et c'est bien pour ça qu'elle l'a acheté, et qu'elle l'aime. Qu'elle ne s'en sépare jamais; même dans son propre appartement, il est toujours à portée de main. Paranoïa, peut-être; on aurait du mal à l'en convaincre. Et les soirées comme celles-ci ne font que renforcer son besoin de l'avoir toujours là où elle peut l'atteindre.

Un sourire, confiant et rude pour qu'il soit sien, et pourtant étrangement attendri. « De rien. M'fait plaisir. » Et il tourne les talons, s'enfuit, presque. Elle n'essaie pas de l'arrêter; a l'impression, sait qu'il reviendra à elle à un moment ou à un autre. Sinon, c'est elle qui le fera. Elle lui a bien promis de lui apprendre à se battre, non? You're in way over ya head. Mais elle a quand même promis. Et puis soudainement, il s'arrête, se retourne. Piétine, hésite, peut-être.

« 'd take ya up on that offer, yeah. Question d'pas lentement m'vider d'mon sang. » Et de, peut-être, se faire poser des points de suture. Au pire, elle serait allée voir Junji, mais elle aurait eu l'impression de le déranger, bien plus qu'avant. Elle préfère ne pas l'emmerder. Et c'est assez étrange, pour elle, de se sentir comme ça. Enfin, ce n'est pas important; elle se contentera de suivre Smallrelei, pour cette fois.
ϟ NANA
Dim 5 Mar 2017 - 17:19
Il y a un chaton mignon qui ronronne sous les écailles de ta nuque, qui se love en boule de chat au creux de tes clavicules et miaoute miaoute, pelucheux, avec ses toutes petites patounes tapotant ta peau, qui froufroute ou miaule à qui miou miou puis se lèche d'une langue en bonbon sur son pelage de coton. Et d'un grand coup sec, tu shootes dedans. Ce n'est pas toi, ça, certainement pas, et toute l'affection du monde ne saurait te faire éprouver cette sensation au bond inopiné, surgissant soudain par-derrière pour caracoler sur tes cervicales à la manière d'un marshmallow en fourrure – parce que c'est bien cela, ce relent émotionnel, ce sentiment régurgité comme pour te protéger de quelque ingestion fatale à ton équilibre psychique. Tu l'as remerciée, elle a souri, et si la nuit n'avait dissimulé ton visage à la faveur de ses ténèbres, elle aurait pu y lire les couleurs de ta confusion. Qu'est-ce qu'il se passe dans ta tête, Cameron ? Pourquoi tout à coup te montres-tu aussi soucieux, aussi peu toi-même ? D'un rond d'épaules, tu rejettes ces interrogations et termine de noyer la bestiole dans un puits d'indifférence.
Chose promise, chose due : la maison dont tu fis mention est juste là, au coin. Le rez-de-chaussée est un débit de boisson tout ce qu'il y a de plus sommaire, fréquenté par des gens ordinaires et non par la faune irascible et survoltée des bars habituels ; la cohue n'y loge pratiquement jamais. C'est au premier et unique étage qu'habite le gars en question – l'on y grimpe par un escalier de pierre vomi par le mur extérieur puisque les deux strates ne communiquent pas, tandis que le toit, faiblement pentu quoique très saillant sur les bords, donne à l'ensemble une allure de temple shintoïste. Traçant l'itinéraire, tu en montes les marches trois à trois en laissant ta paume courir le long de la rambarde de béton, jusqu'à te poster devant la porte camouflée par un rideau de perles de bois et de breloques en verre avant d'agiter la cloche qui fait office de sonnette. Un coup d'œil à Lorelei pour patienter – est-ce qu'elle était sérieuse lorsqu'elle parlait de se vider de son sang ? –, le temps d'écouter le cliquetis familier d'un verrou que l'on décoche. Or, la silhouette qui se découpe bientôt dans l'embrasure, squelette d'épiderme mat sur fond de lumière jaune et ocre, te jette l'espace d'une seconde un regard méfiant, vous scrute d'un orbite aussi sombre qu'un galet de jaspe. Puis ouvre ses bras aussi brusquement que le battant et s'exclame, d'une voix aux accents îliens :
« Kalev ! C'est bien toi ?! Qu'est-ce que tu fiches ici !? »
Un timbre immaculé de reproche. Tu t'en sors bien. Ou pas, à la vue de sa main brune qui s'élance vers toi et ébouriffe sauvagement ta crinière, précipitant ta rebuffade d'ourson grognon.
« Ness, p'tain, arrête ! »
Elle se contente de s'esclaffer, consciente d'agir comme tu le détestes – amicale, presque maternelle – et hausse les épaules en retirant ses doigts.
« Roh, ça va ! Si t'es pas content, t'as qu'à venir plus souvent, histoire que j'en ai marre de te voir. » Ses prunelles argileuses se posent alors sur ta comparse, étonnées mais bienveillantes. « T'es accompagné ? Qui est-ce ?
Lorelei, répliques-tu en te recoiffant – en te décoiffant encore davantage serait plus juste. Elle s'est battue a'c des mecs t't'à l'heure qui l'ont blessée au bras. Tu peux r'garder ? »
Oh, la froissure entre les sourcils de Ness parle pour elle. La moue crispée de sa bouche, où s'arque un labret, en rehausse la sévérité. Il n'en faudrait pas beaucoup pour qu'elle te juge responsable de cette péripétie, et si tu as par ailleurs tu ton implication, il ne fait aucun doute qu'elle la devine à ton silence. C'est l'évidence. Un instant néanmoins, elle hésite. Jauge la brune face à elle, se retourne vers toi, soupire, agite la tête, les poings crantés sur les hanches.
« On dit quoi ? »
A ton tour de rouler des yeux, d'exaspération cette fois.
« Steu'p'.
Bien. Allez, entrez tous les deux, installez-vous, je vais chercher le nécessaire. »

Tu ne te fais pas prier pour la suivre à l'intérieur, là où l'atmosphère épicée te souffle sa chaleur à la figure. Au premier abord, cette baraque non-conventionnelle ressemble à s'y méprendre à une espèce de fort enfantin construit grâce à des fauteuils et des draps, un genre de cabane gigantesque où la lumière court sur les murs à travers des lampions multicolores, où une kyrielle de tapis persans couvre le parquet et où les coussins bariolés ont élu domicile sur le sol, les assises et jusqu'au bord des fenêtres. Des pots suspendus au plafond dégueulent lierres et fuchsias au gré d'un savant anarchisme, quand deux gros chiens jouent les carpettes  au milieu du passage, obligeant le visiteur à les enjamber pour rejoindre la pièce principale. Il y a peu de cloisons entre les différentes salles ; il suffit d'une marche pour monter de la cuisine au salon, descendre de la chambre à la salle de bain,  et des tentures attachées n'importe où servent de séparations grossières – étrange bazar, quelque part fidèle reproduction de la maîtresse de maison, dont la mosaïque de motifs et de nuances imiterait les souks d'Agrabah. Tu t'en vas t'asseoir en tailleur sur l'accoudoir du divan, la place centrale étant occupée par un furet assoupi, puis survole cet environnement au sien duquel Lorelei ne peut jurer. Puisque ici, tout est tellement dépareillé qu'un décalage supplémentaire passe curieusement inaperçu.
Tu aimes bien cet endroit. Certes, on y étouffe très vite à cause du manque d'ouvertures et les parfums capiteux de Ness s'y entremêlent parfois jusqu'à l'asphyxie, cependant il y règne un désordre confortable, un chaos apaisant qui te met à l'aise dès que tu y pénètres. Une impression à laquelle la propriétaire n'est pas si étrangère. Elle te fait rire, Ness – un exploit chez la gent féminine. Sa façon de moquer tout ce qu'elle trouve gros chez elle, c'est-à-dire à peu près tout, sa passion pour les films de gangsters – dont elle parodie les scènes –, sa manière d'acquiescer, grand sourire, en brandissant le majeur, ses coiffures extravagantes à bases de dreads et de tresses dorées, ses insultes, son absence totale de talent musical qui ne l'empêche pas de danser et de chanter en permanence, ses grimaces, ses gaffes, sa bonne humeur. Et sa salve de jurons quand tu l'entends faire tomber sa trousse à pharmacie sur le pied. N'était-elle pas censée soigner Lorelei et non finir elle-même à l'hôpital ?
Lun 13 Mar 2017 - 4:09
Run

ft. Cameron
Lorelei songe, un instant, que tout ce sang va ruiner sa veste. Well, t'was already pretty fucked when someone put a knife through it. Elle jette un regard vers sa manche, à moitié coupée; il ne lui suffirait que de tirer un bon coup et elle se retrouverait avec ce style asymétrique que les hipsters affectionnent particulièrement. Heureusement qu'elle a décidé de ne pas porter sa veste de cuir préféré ce soir, eh. Ruiner ce vêtement, ça lui aurait fait bien du mal. Il l'a suivi dans bien des aventures, et puis, surtout, il a le style.

Elle suit Smallrelei, grimpe les escaliers deux par deux. Attend patiemment, mains dans les poches, qu'on leur ouvre. La porte dévoile une femme au regard méfiant, qui se fond bientôt en tendresse. Kalev? Surnom, ou nom de code, sûrement. Lorelei affiche un sourire en coin face à leur interaction, aux doigts qui ébouriffent les cheveux de Smallrelei et à sa réaction vaguement explosive. Heh. Elle hoche la tête comme toute forme de salutations lorsqu'on la présente, offrant un sourire.

« Merci. » Qu'elle lance alors qu'ils s'engouffrent dans l'appartement. Elle pénètre dans cette atmosphère étrange avec l'impression d'entrer dans le brouillard. Enfin, c'est peut-être juste la perte de sang et les coups dans la gueule qui font ça. Elle repousse la sensation d'un coup d'épaule, suivant silencieusement Smallrelei, et se pose, debout, à côté de lui. Elle entend les jurons et le tintement de la trousse qu'on échappe, et se dirige vers le lieu du crime en longues enjambées.

Elle se baisse pour ramasser la trousse, la tendant à Ness (si elle se souvient bien; elle n'est pas très douée avec les noms) avec un sourire un brin espiègle. « Faut faire 'ttention, j'vaux pas qu'on s'blesse quand même. » Son sourire s'élargit, ponctué d'un clin d’œil. Lorelei fait un pas en arrière pour laisser passer son hôte en premier dans l'autre pièce, puis la suit, le regard errant. 'Little shameless. Un haussement d'épaule, à elle même, presque imperceptible. Heh.

Elle relève son regard, et attends patiemment des instructions. Sage comme un agneau. C'est qu'il y a certainement un certain malaise à s'imposer comme ça, surtout à une inconnue. L'apparence reste totalement confiante, mais en réalité elle ne sait pas trop où se mettre. Elle jette un regard à Smallrelei.
ϟ NANA


Spoiler:
Ven 17 Mar 2017 - 13:24
Elle est drôle, Lorelei, quand elle ignore où se mettre, quand la réserve – à moins qu'il ne s'agisse d'un soudain respect des convenances qui resurgit des abysses de son éducation – la rend discrète, presque gênée de se trouver là, un peu imposante, un peu ensanglantée aussi, au passage, rien qu'une broutille dans le paysage, cherchant une activité pour s'occuper, n'importe quoi pourvu que cela chasse son embarras. En l'occurrence, ramasser la trousse de Ness dont tu n'as que faire et qu'elle ne t'aurait sans doute pas autorisé à rattraper non plus, par orgueil féminin ou diable sait quoi encore. Tu l’entends rire à la remarque de la combattante et l’imagine secouer la tête, yeux au ciel comme pour signifier qu’elle en a vu d’autres et qu’un orteil amoché n’est pas grand-chose par rapport à un bras amputé.
T’es en train d’essayer de choper le furet endormi depuis ton perchoir, ou tout du moins de lui caresser délicatement le chanfrein, petite boulette pelucheuse, quand une voix familière te lance un « attrape ! » suivi de près par un ballon – non, un sac plastique rondouillard ? – et réveille en sursaut le mammifère à tes côtés, dont le museau curieux pointe aussitôt dans la direction de l’objet volant non-identifié. Passée la surprise, tu poses le regard sur cet étrange colis jeté entre tes doigts, et que pour un peu tu aurais manqué de réceptionner ; ta moue déconcertée doit valoir de l’or.
« Qu’est-ce tu veux qu’j’fasse de c’truc ?! »
À peine secoué par son voyage d’un bout à l’autre de la pièce, t’observe à travers la paroi translucide de son bocal mou un poisson rouge à l’air débile – une imitation presque parfaite de ta grimace –, aussi long que ton auriculaire, aux nageoires diaphanes et à l’œil globuleux. Il n’a pas l’air de se rendre compte du danger qu’il encourt à se trouver là, soutenu par tes seules paumes dont l’unique envie consiste à dribbler avec et à le dunker droit dans la corbeille. Une intention que Ness capte tout de suite ; elle connaît trop bien cette étincelle qui affleure dans ton iris.
« Occupe-t’en pendant que je soigne la d’moiselle. C’est pas un jouet alors t’y fais gaffe !
Mais d’où tu l’sors ?
Un pote est passé me le montrer tout à l’heure sauf qu’il a dû repartir en vitesse et l’a oublié. Et y a Koweït qui lorgne dessus et n’attend que de pouvoir lui filer un coup de griffe dès que je tourne le dos. Donc surveille-le.
Qui : l’furet ou la poiscaille ? »
Ness balance sa main par-dessus son épaule en se retournant, ce qui signifie à l’évidence qu’elle se contrefout de tes tergiversations sémantiques, avant de demander à Lorelei de s’installer sur une chaise afin qu’elle panse sa blessure. Et te voilà abandonné à toi-même, élevé par l’opération du Saint-Esprit au rang de gardien de cyprin, tandis que le Koweït commence à te grimper dessus en vue de renifler la bestiole – et laboure tes cuisses de ses griffes. Bientôt, l’un des chiens assoupis devant la porte d’entrée bâille, agite les oreilles et, pensant qu’il est en train de se produire quelque chose d’intéressant là-bas et que l’on pourrait s’y amuser, vous rejoint d’un pas allègre, la queue agitée d’enthousiasme. En un rien de temps, l’état de siège est proclamé et ton tranquille bastion sur le canapé périclite en une folle ménagerie au sein de laquelle tu batailles pour sauvegarder le Seigneur écaillé – si ce n’est pas un coup monté, alors qu’est-ce que c’est ?

Pendant ce temps, Ness entame la conversation avec Lorelei. Il est probable qu’elle ne t’ait refourgué le paquet que pour te tenir éloigné de la discussion, un prétexte pour détourner ton attention. Ses phalanges plongent dans la pharmacie, manipulent gaze, sérums et ciseaux avec une dextérité d’infirmière, ce qu’elle n’est pourtant pas, quoiqu’elle soit habituée à traiter ce type de plaies. À croire qu’elle côtoie elle aussi son lot d’éclopés.
« Ça saigne beaucoup, mais l’entaille n’est pas très profonde, il n’y aura pas besoin de sutures. Vous avez eu de la chance, Lorelei. ...Je peux vous appeler Lorelei ? »
Des morceaux de coton, de textile poisseux, de bandages s’amoncellent sur la table ou tombent au sol à l’instar de pétales rougeoyants. Le visage penché au-dessus de la blessure qu’elle nettoie avec soin avant de l’enrober, Ness marmonne à moitié.
« J’imagine que ce gamin s’est encore fourré dans le pétrin et que vous avez voulu l’aider. Ce serait pas la première fois. Pas faute de lui avoir rabâché non plus. Je parie qu’il s’est même pas excusé. »
En effet, c’est le cas. Tu l’as remerciée, cela dit ; sur l’échelle de la reconnaissance, c’est un cran au-dessus. Or, elle ignore tes précédentes paroles tout comme tu te défends de répliquer à cette légitime injustice – le poisson darde sur toi ses orbites stupides, témoin muet des scrupules qui sont les tiens. Tu n’aurais peut-être pas dû venir ici, en fin de compte. Ce procès que tu sais justifié te met étrangement mal à l’aise.
Dim 19 Mar 2017 - 3:33
Run

ft. Cameron
Elle observe l'objet non identifié, translucide avec une tache d'orange, qui vole jusqu'aux mains de Smallrelei avec une pointe de surprise. The fuck? On appointe Smallrelei comme garde de poisson; job très prestigieux, une vie remplie d'action et de sensations fortes. Lorelei ricane, intérieurement. Puis, son attention se reporte sur son hôte alors qu'on lui indique de s'asseoir, et elle s'exécute silencieusement, retirant sa veste du même coup. Elle observe avec une certaine attention les gestes de Ness, habitués, qui lui rappelle franchement cette petite infirmière qui l'a recousue tant de fois.

Moment de nostalgie dans laquelle elle se perd un instant. Elle relève la tête, reporte son attention sur son hôte lorsqu'elle lui adresse la parole, s'extirpant de ses pensées et revenant dans le présent. Pour le mieux, sans aucun doute. « Mhmh, of course. » Qu'elle peut l'appeler Lorelei. Elle a l'impression que la soirée lui tombe dessus d'un coup, que toute l'adrénaline redescend finalement, et que l'épuisement pèse ses membres et brouille ses sens.

Sure could go for some addy right now. Elle ne ressent aucune satisfaction face à cet état de fatigue. Juste un désir de le voir s'envoler. Mais déjà étrangement lointains sont les jours où elle avait de l'adderall sous la main à peu près à tout moment. La solution simple à ceci, donc, est hors de sa portée. Not that ya should, even 'f'ya could. Alternatively, pull your shit together. Elle repousse la fatigue d'un coup d'épaule. « C'tait pas sa faute. » Elle n'en veut pas à Smallrelei de s'être mis dans cette situation; ce serait assez hypocrite de sa part de le faire. « Faut blâmer les gars qu'pensent qu'c't'acceptable d's'en prendre à moins fort qu'eux pr'des broutilles. » Elle n'a absolument aucune idée de ce que Smallrelei a bien pu leur faire, mais elle doute fortement que ça aie été grave. Et puis sa colère brûle encore, braises qui grondent au fond de son estomac, tuant tout espoir d'objectivité. Pas qu'elle en aurait eu autrement. « Et, please. J'pas voulu l'aider, j'réussi. » Son sourire vient lui fendre le visage dans cette confiance si caractéristique, que son état ne peut jamais étouffer.

« Ah, faut pas s'en faire. D'toute, on aurait bien beau l'répéter cent fois, ça l'empêch'rait jamais d'faire n'import'quoi. » Une pause, un sourire. « J'le sais, parc'que j'suis pareille. » Des milliers de fois, on lui a dit de se calmer, peut-être. Que ce soit ses parents, avant qu'elle ne quitte le nid familial et leur vie du même coup, ou sa copine, ou Junji, des années plus tard. « M'a r'mercié, though. À mon sens, c'mieux. » Et elle baisse le regard, à nouveau, sur ces mains qui s'occupent de sa blessure, cette pointe de nostalgie s'enfonçant toujours légèrement entre ses côtes. « Et m'a am'né m'faire soigner. Qu'est-ce qu'j'peux d'mander d'plus? » Puis son sourire revient, vantard. « D'toute façon, j'suis définitiv'ment pas celle qu'est r'ssortie d'l'altercation l'plus amochée. » Et ce malgré la coupure à son bras, le goût de sang dans sa bouche, sa pommette et sa mâchoire qui bleuissent déjà et le mal de tête retentissant qui ne cesse de cogner contre les parois de son crâne.
ϟ NANA
Mar 4 Avr 2017 - 22:52
Après moult batailles enfiévrées, maints sanglants duels d'épée et d'innombrables côtes de maille réduites en lambeaux, tu as trouvé la meilleure position – sinon la moins pire – pour protéger le monarque à écailles des attaques ennemies ; le maintenant entre tes jambes pliées en tailleur, légèrement relevées de façon à pouvoir les encercler de tes bras, tu donnes l'image d'une volaille en train de couver un œuf des plus imposants et dont la fine coquille en plastique transparent laisse apercevoir le poussin difforme qui n'en éclora jamais. Au sommet de ton crâne, déçu de n'être point parvenu à infiltrer la forteresse et à croquer le magot, Koweït trône, lové sur ta crinière comme un shah sur un tapis persan, et guette le geste d'exaspération qui lui permettra de se glisser jusqu'à sa proie. Tu pressens ce qu'il attend, néanmoins, de sorte que la victoire sera à celui qui fera montre de la plus grande patience, au premier qui profitera de l'inattention de son adversaire. Le chien, quant à lui, s'est détourné de la joute sitôt qu'il s'est rendu compte qu'il ne recevrait nulle caresse pour son obéissance ; le museau bas et le poil ras, il est parti se coucher sur son camarade.
Bien qu'elles parlent de toi, les deux femmes n'ont pas cessé de t'ignorer. Ness termine de bander le bras de Lorelei tout en hochant la tête, sévère, à ce que cette dernière lui raconte. Son indulgence à l'égard de tes frasques, son sens de la justice urbaine, son éclair de fierté dénuée d'orgueil, c'est peut-être cela qui t'a plu chez elle avant même que tu n'apprennes qu'elle possédait ces qualités : tu les as captées d'instinct, sans doute parce que ses actes exprimaient davantage d'elle-même que ses mots ou parce que tu as ce rapport animal aux êtres humains, ce lien sanguin, cet harpon de chair et d'os en guise premier regard, et que tu sens les esprits plutôt que tu ne les intellectualises. Tu as reniflé son essence et y as découvert la fragrance trop rare de la confiance. Ness, elle, se contente de rire avant de s'étonner.
« Ah ça, c'est bien la première fois que j'entends ça ! Vous avez dû lui taper dans l'œil, c'est pas possible autrement. Il aurait pas fait ça pour tout le monde, je vous assure. »
Elle s'en amuse au fond, feint de s'en offusquer – elle-même n'a jamais reçu de remerciement de ta part, seulement un silence gêné qui voulait tout et rien dire à la fois – et tu ne trouves guère mieux que de ronchonner à l'autre bout de la pièce, te tassant un peu plus sur ton accoudoir pour témoigner de ta contrariété.
« T'arrête de raconter n'importe quoi ?! »
Elle hausse les épaules pour toute réplique, sachant que tes grognements ne la feront pas reculer. Et lisse de son pouce l'extrémité nouée du bandage qu'elle vient d'achever.
« Voilà, c'est terminé. Évitez les mouvements brusques pendant une à deux semaines, le temps que cela cicatrise bien, changez la gaze tous les jours et il n'y aura aucun problème. Et si jamais il y en a un, vous pouvez toujours revenir. Les bobos, ça me connaît. Hein, Kalev ? »
Ta moue remplace ton affirmation. Après tout, c'était pour un motif similaire que tu l'avais rencontrée ; tu venais de te battre non loin de là, t'avais le nez en sang et la paupière gonflée, le poignet bleui de douleur et la gueule détrempée de pluie au-dessus de tes fripes déchirées – un cabot miteux, une vraie horreur –, alors elle t'avait extirpé de sous son porche, t'avait fait rentrer sans te poser de question et t'avait pansé en silence, soigneusement, comme si tu étais une petite chose fragile, une poupée de sucre. Dès qu'elle avait tourné le dos, tu avais déguerpi.
La mansuétude d'autrui t'a toujours été un poids insupportable.

« Si vous avez été repérés dans le coin, ajouta-t-elle tout en rangeant ses ustensiles d'infirmière domestique, mieux vaut ne pas ressortir tout de suite. Il traîne pas mal de jeunes gangsters dans les parages qui aiment bien se défouler sur tout et n'importe quoi. Pour faire leurs preuves auprès de leurs aînés, paraît-il. Alors si vous en avez décalqué un ou deux... » Une ombre d'anxiété frôle l'ambre noir de ses iris. Il est évident que si elle habite dans le quartier, ce n'est pas pour la tendresse de son voisinage ni pour la sécurité des rues exposées au crépuscule. Par ailleurs, elle s'inquiète moins pour Lorelei, qu'elle devine assez coriace pour se dresser contre n'importe quel idiot trop confiant, que pour toi. Et lorsqu'elle serre sa trousse à pharmacie contre son ventre en te jetant un regard soucieux, tu remarques la pliure soulagée au coin de ses lèvres. Rassurée de te voir sain et sauf. D'apprendre que dans cette ville où tu as creusé un sillon à coups de poings et de morsures, il existe encore des gens enclins à veiller sur les têtes brûlées de ton espèce, en dépit du bon sens – pourvu que ce ne soit pas juste pour un soir, songe-t-elle en repartant vers la salle de bain.
« Il y a un lit de libre, au besoin. Et le hamac pour toi, Kalev, si tu veux. »
Et qu'elle te refourgue la poiscaille durant toute la nuit en place d'un oreiller ? Non merci. Alors tu sautes à terre, indifférent au furet que ton mouvement brusque a failli faire dégringoler, et te diriges vers la porte d'entrée.
« Pas la peine, 'faut qu'j'rentre à cause d'Ange. »
C'est faux, mais enfin. Tu ne lui as pas dit qu'il avait disparu depuis quatre mois, continues de lui mentir chaque fois que tu la voies. Elle t'attacherait à la table, sinon. De toute manière, tu as le sentiment que ton rôle est à présent terminé et qu'il convient de te faire oublier.
Sam 8 Avr 2017 - 22:15
Run

ft. Cameron
Une sourire fauve s'étale comme un seau de peinture qu'on échappe sur son visage, et elle ricane à gorge déployée - trop fort, sûrement. « Ah, 'va être déçu! » Oh, pas qu'elle croit réellement avoir tapé dans l’œil de Smallrelei - quelque chose l'en empêche. C'est peut-être cette inconscience totale face aux goûts et aux sentiments de la gente masculine qu'elle a toujours possédé. Cette indifférence magistrale qu'elle ne réalise même pas réellement. Quand Smallrelei se défend, elle se contente de lui jeter un regard et un sourire un peu moqueur, un peu narquois.

Son attention est reportée sur Ness alors qu'elle lui explique la procédure à suivre pour que le tout guérisse bien, sachant pertinemment qu'elle ne suivra ces directives très peu rigoureusement. Enfin, elle ne fera pas non plus exprès, mais ni cette blessure ni toute autre ne l'arrêteront jamais. « Aight. J'gard'rai ça en tête. » Wouldn't be too upset t'come back here. Il y a un étrange mélange de nostalgie et de confort à être soignée par une fille de nouveau. Lorelei se prend à penser qu'elle n'avait pas vraiment réalisé à quel point Taylor avait pu lui manquer. Sachant pourtant très bien que leur séparation était pour le mieux.

Elle reste silencieuse lorsqu'on les mets en garde. Bien sûr qu'elle pourrait s'occuper de quelques punks sans problème. Mais, en effet, ce serait probablement pour Smallrelei qu'il faudrait s'inquiéter. C'est pourquoi Lorelei se lève alors qu'il s'en va, s'étirant un bon coup et s'arrêtant un instant avant de le suivre. « C'pas qu'j'veux t'laisser, » - un sourire confiant ponctuant son air à demi-faussement déçu - « mais j'vais l'raccompagner. » Elle ramasse d'un geste sa veste, l'attachant rapidement autour de sa taille. « Merci pr'l'rafistolage. J'te file mon numéro si jamais j'peux t'r'payer ça d'une façon 'd'une autre? » Cette fois elle prend un air un peu sérieux, parce que bien que la proposition soit définitivement ouverte, son offre est une offre - no strings attached.

Une fois ceci fait, elle rejoint Smallrelei à grandes enjambées. « Aight, less'go bud. »
ϟ NANA
Lun 24 Avr 2017 - 14:50
Tu t'attendais – espérais, presque – repartir seul. Te glisser hors de la baraque à la faveur de l'inattention, redevenir ce chat errant sans maître ni collier, et permettre aux deux femmes de laisser libre cours à leurs affinités naissantes sans se restreindre sous prétexte qu'un avorton de rouquin pionce dans un coin. L'excuse d'Ange avait certes eu l'avantage de t'autoriser à leur fausser compagnie, puisque Ness considérait que rassurer ton colocataire sur tes escapades nocturnes importait plus que de rester dormir chez elle, tu savais que ton hôte aurait pu exiger de toi que tu l'appelles avec son téléphone plutôt que de remettre un pied dehors. Mais sur le coup, elle devait réfléchir à d'autres choses plus essentielles que l'horaire de ton couvre-feu.
« C'est pas la peine pour la dette, c'était trois fois rien. Puis tu sais comment revenir, maintenant. »
Sa figure ronde, enjouée, se décale légèrement pour s'aligner avec la tienne, obscurcie, à l'angle de la porte d'entrée. Ses yeux ont beau s'esclaffer, ses incisives ont beau rire aux éclats, tu captes sans peine l'ordre qui brûle au fond de sa voix :
« Et intacte, la prochaine fois !
Ouais, ouais, on verra... » tu bougonnes, fixant tes chaussures avec l'air de t'en foutre, bien que tes épaules aient accusé une crispation honteuse.
Elle vient ensuite poser sa main sur l'avant-bras de Lorelei, le geste bref et doux, à la limite de la confidence, ourlé d'une sévérité nouvelle :
« Je vous le confie. »
Avant de vous regarder vous éloigner sous l'œil endormi de ses deux chiens – tu réponds d'un signe de tête à ses doigts levés pour ultime salut, et t'engouffres dans les ténèbres suivi par la combattante.

Sitôt dehors que la fraîcheur automnale de la nuit se jette à ton cou et t'arrache un frémissement ; entre le ronronnement chaleureux d'un foyer et les silhouettes glaciales de la Ville, le contraste te saisit sans que tu n'en ressentes une quelconque mélancolie. Cette Cité purulente est la tienne, tu n'en connais pas d'autre, néanmoins entendre le froissement des pas de Lorelei dans ton dos, sa respiration régulière, assurée, entière, te la rend moins répugnante. Même si, quand tu te retournes vers elle une fois parvenu au bas des escaliers, la vision de son bandage brunâtre crispe ta mâchoire. Ta faute. Et dire que, quelques mois en arrière, suite à la disparition d'Ange, tu avais décidé de te montrer plus fiable – serment dépourvu d'obligations. Ta mauvaise foi soutiendrait que tu ne connaissais pas la jeune flingueuse avant ce soir et que tu ne pouvais donc te douter de votre attachement futur, mais ta mauvaise foi tu l'étripes et balances ses entrailles à la mer où elles coulent dans un funeste gargouillis. Ouvrant la marche, tu te retournes vers ta partenaire tout en continuant d'avancer, à reculons.
« T'sens pas forcée, surtout, j'peux rentrer seul. Ness elle s'inquiète toujours tout l'temps, c'est chiant, elle m'prend encore pour un gosse. » Ce que tu es, entre nous. « Ça fait trois ans qu'j'habite dans l'quartier et franch'ment, ya pire. » Peut-être parce que, du côté où se situe ton appartement, le tapage nocturne est une donnée inconnue. Par rapport aux animations de Kolt, c'est le jour et la nuit ; un emplacement que tu n'as pas réellement choisi, puisque l'on te l'a désigné d'office lorsque tu as intégré – un bien grand mot – les rangs des Altermondialistes. Tu te souviendras longtemps de la sensation qui t'avait étreint à la seconde où tu avais passé le seuil de l'entrée et que, face à toi, tu avais aperçu un garçon en train de porter un pot de fleurs comme si tu arrivais pour le lui retirer, un mélange de crainte, d'incrédulité et de dépit peint sur ses iris aux nuances mauve. Il avait senti à des kilomètres la calamité que tu représentais. Et la suite ne lui avait pas donné tort. Tu t'arrêtes soudain en plein milieu de la route, les chevilles engluées dans les souvenirs. Et t'empresses de les chasser en revenant à Lei.
« C'est foiré pour c'soir, mais quand tu s'ras r'mise, on r'prendra où on s'est arrêté, hein ? »
Il y a des choses qui ne changent pas malgré tout : ta volonté en est une.

HRP:
Mer 26 Avr 2017 - 9:09
Run

ft. Cameron
Elle offre à Ness, juste avant que la porte ne se ferme dans son dos, un sourire et un pouce en l'air. « Don'tcha worry your pretty face. » Bien sûr que Smallrelei est en sécurité: elle est là. Et ce face aux thugs, au froid (qui envoie un frisson le long de sa colonne vertébrale), ou à toute autre chose. C'est pourquoi elle le suit, à deux pas de distance, silencieusement, à travers les rues toujours animées de Kolt. 'Wonder who that Ange guy is. Un grand frère? Petit frère? Voire une sœur, elle n'a absolument aucune idée, n'a jamais entendu ce prénom, et au départ n'est pas très douée avec les langues, de toute façon.

Son père avait bien essayé de lui apprendre un peu d'italien - à la demande de sa mère à lui -, sans grand succès. Sans succès du tout, en fait; elle oubliait tout à mesure. Ça entrait par une oreille, et ça sortait par l'autre. Le nombre de fois où elle est partie en claquant la porte, son père frustré parce qu'elle ne comprenait rien, et elle enragée par sa condescendance (et sa propre incompétence) sont innombrables. Never been good with m'brain, 'nyway. C'est sans doute en grande partie pour cela qu'elle a quitté l'école sans jamais terminer ses études obligatoires. Ça, et des milliers d'autre choses. Il faut dire qu'elle n'était pas exactement l'élève préférée des professeurs (pas que, de toute façon, bien des élèves complètent leurs études obligatoires dans son coin de la ville).

Ah, the Bronx; so shit, but fuck if a' miss ya. Elle ne remarque même pas Smallrelei qui se retourne vers elle, et n'est extirpée de ses pensées que lorsqu'il lui adresse la parole. Elle repousse ses mots d'un geste de la main. « Eh, j'viens parc'que j'veux bien v'nir. » Parce qu'elle veut bien lui coller aux baskets pour être sûre qu'il rentre tranquille, oui. De toute manière, c'est son choix, et il ne pourrait pas l'empêcher de l'accompagner même s'il essayait. « C'qui Ange, d'toute façon? Frère, soeur? Some rando? » C'est quelqu'un d'assez important pour qu'on se soucie qu'il sache ce qu'il advient de Smallrelei. Peut-être même un parent, finalement; eh, sans doute la corrigera-t-il si c'est le cas.

Et il revient à la charge. « Ya. 'Course. » Oh, bien sûr qu'elle est honnête. Elle lui a dit qu'elle allait lui apprendre, elle va lui apprendre. En attendant, elle ne sait toujours pas plus quoi conseiller, à part 'learn to use a fuckin' gun', parce que c'est ce qu'elle a fait, et voilà. Sans le glock, de toute manière, ils ne s'en seraient pas sortis indemnes; leurs poings auraient été inutiles face aux lames de leur ennemis. Eh, ce n'est peut-être pas une mauvaise idée, de lui apprendre à se servir d'une arme à feu. Il faudra qu'elle lui propose l'idée, éventuellement. À voir si ça l'intéressera ou pas. Après tout, il a peut-être un pouce de pacifisme dans ses os qui le pousserait à refuser de se défendre à coup de balles.

Finalement arrivés devant - elle assume, vu qu'il s'y est arrêté - l'immeuble de Smallrelei, Lorelei s'arrête un instant. « Aight. Appelle-moi, 'ventuellement, pr'tes "cours". Donne-moi une 'deux s'maines, ça d'vrait aller. » Ya should really get a phone, ya little 'mpossible-to-reach fuck. Mais ça, elle ne le dit pas. Il ne l'écouterait probablement pas de toute façon. 'N keep outta trouble. Les lèvres cousues sur des phrases inutiles.
ϟ NANA
Lun 1 Mai 2017 - 21:57
Quelque chose au fond de toi déplore que vous vous sépariez. Depuis si longtemps que tu traînes ton squelette dans cette Cité, à patauger dans les marécages qui en recouvrent les rues, à draguer tes rotules dans ce bourbier nauséabond, rencontrer une créature de la trempe de Lorelei relève du miracle – elle qui ne sort de nulle part, la justicière du sous-sol juste bonne à frapper d'abord et à réfléchir ensuite, celle qui a dû se récolter durant sa jeunesse toutes les insultes de la Terre et tous les coups pas permis, un rottweiller à poils longs, une garce, un canon contre la tempe et un coude dans le bide, un rire trop franc pour ne pas briser les vitres – oui, tout ce pour quoi les gens doivent la fuir et tout ce pour quoi tu l'aimes, brut, sans arrière-pensée, comme tu aimes Ness parce qu'elle est une cuillerée de salidou sous une coque en chocolat noir, sauf que Lei est un carré de nougatine qui t'explose les canines – et ce n'en est pas moins bon. Alors qu'elle veuille bien te suivre, par devoir plus que par envie probablement, mais qu'importe, cela te touche, un chouïa, ça réchauffe un soupçon l'espace béant où se creuse ta poitrine lorsqu'il n'y a pas le souvenir de ta sœur pour le remplir, et tu te tais jusqu'à ce qu'elle ne balance l'interrogation qui blesse, la petite en forme de hameçon qui se crochète à l'arrière de ton myocarde pour en percer doucement le ventricule, innocente. Un aiguillon, rien de grave, à peine un agacement qui se résorbera de lui-même ; tu hausses les épaules, désireux d'éluder au plus vite le sujet.
« Nah, c'tait mon coloc'. »
L'imparfait en parlera mieux que toi : c'était, il est parti maintenant, tu ne sais toujours pas pourquoi et tu ne veux pas en discuter ; Naga t'a dit qu'il avait eu besoin de faire le vide, de s'isoler, de ne pas te blesser alors qu'il s'entaillait l'esprit en permanence sur des sujets assez tabous pour qu'il n'en fisse jamais mention – si tu te souviens bien de votre conversation – et tu t'es satisfait de cette histoire puisque, même si elle ne te convainc qu'à demi, elle a le mérite d'être plausible et cohérente. Ainsi que de t'éviter d'accroître la culpabilité qui te taraude depuis l'été en imaginant qu'il est là, quelque part tu-ne-sais-où, retenu prisonnier à t'appeler à l'aide sans que tu ne puisses l'entendre. En fin de compte, c'est préférable pour tous les deux qu'il soit seulement parti.

Tu n'es pas dupe de ta propre franchise. Si Lorelei a la mémoire un tant soit peu active, elle aura tout de suite compris que tu as menti à Ness – ou tout du moins omis de lui préciser que l'Ange en question s'était barré par la fenêtre il y a plusieurs mois de cela sans repointer le bout de ses ailes. Or, tu n'as essayé ni de masquer ta précédente tromperie ni de la perpétuer auprès de la combattante, parce que cela ne t'apporterait rien de le lui cacher ou de t'enfoncer dans tes élucubrations. Tu t'en fous, t'efforces de t'en foutre, même si cela t'irrite toujours autant, semblable à la croûte rougeoyante qui durcit au-dessus d'une brûlure – et quand tu grattes, la peau se lamine.
« Ça roule », lâches-tu en réplique à sa demande, gommant à grands coups de pénombre le sourire impatient qui éclaire ta figure à cet instant. Tu as le numéro en tête et la mélodie qui va avec, huit six sept, cinquante-trois zéro neuf, typiquement le truc que tu n'oublieras pas, pis l'envie de garder cette soirée pour toi, par égoïsme, par jalousie aussi, peut-être un peu, surtout parce que tu détestes d'avance l'interrogatoire dont tes amis pourront t'assommer s'ils venaient à découvrir que tu projettes d'apprendre à te battre en compagnie d'une nana. La hâte de mettre ce programme à exécution agite tes veines : deux semaines, ce n'est pas Ocane à boire.
Ton regard s'abaisse finalement en direction de tes godasses – et le silence t'embarrasse soudain, à peine rougissant, tandis que tu hésites sur la marche à suivre pour la saluer. Le bandage qu'elle porte au bras t'invite à lui souhaiter un bon rétablissement, mais quelle bassesse ce serait de te soucier maintenant de ses blessures ! Alors tu biaises, soulagé de n'avoir qu'à pousser une porte pour te retrouver seul, seul, et sain et sauf.
« Et, heu... c'tait sympa d'm'avoir ram'né. Pas qu'c'était nécessaire, hein, mais v'là. Pis fais gaffe toi aussi sur l'retour. »
Il y a dans ton hésitation la colère de ne pas encore être quelqu'un sur qui elle puisse compter, quand depuis la première seconde tu t'appuies sur elle de tout ton maigre poids ; il y a dans ton poing qui se crispe du mépris envers ton impuissance ; il y a dans ton corps qui se détourne, une main sur la porte de l'immeuble, l'autre qui se lève en signe d'adieu, le souffle aride d'un serment que tu te fais d'un jour être capable, non plus d'être raccompagné, mais de le faire pour elle. Quand bien même elle n'aura sans doute jamais besoin qu'on la protège.
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