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Comment perdre le respect en une seconde. (Naga) [TERMINÉ]

Ven 17 Juin 2016 - 19:30
Le sentiment de victoire ne voulait pas le quitter. Le calme avait envahi Naga, apaisant ses fonctions vitales et son cœur aux battements puissants, faisant taire une angoisse abyssale qui était née lorsque le premier coup était parti avec une violence inouïe. Naga se croyait prêt pour subir de nouvelles vagues de douleur, mais rien ne vint. Le temps fut comme suspendu un instant, alors que Naga attendait un coup qui ne viendrait en fait jamais. Il ne comprenait pas pourquoi. Ses yeux se décrispèrent légèrement. Il n'entendait plus que les battements de son cœur dans sa poitrine, et la respiration troublée du petit Coréen, qui essayait lui aussi de retrouver le contrôle de ses émotions. Si Naga ouvrait les yeux à ce moment-là, percevrait-il une éternité qui s'effacerait dès que l'un ou l'autre aurait repris la parole ?
Ouvre les yeux. Naga n'avait pas l'intention de répondre à cet ordre - sa fierté l'en empêchait - mais le noir de ses paupières devenait insupportable. Il ouvrit les yeux, un peu sans le vouloir, mais il ne remarqua rien de particulier chez le petit Coréen. Il ne le connaissait sans doute pas assez pour percevoir le déchirement de son âme. Celui qui le regardait, c'était bien Seung Joo, Naga n'en doutait pas un instant. Trop de douceur, d'hésitation, de retenue pour être cette autre personnalité que l'Inuit n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer. Mais ce qu'il voyait était déjà différent de ce que Naga connaissait de lui. Nul doute que les véritables explications du comportement de Naga ne lui plairaient pas. Il voulait être pris au sérieux, ce que Naga n'était pas disposé à faire.
Un sourire narquois vint tordre les traits apaisés de Naga :

« On ne tape pas plus petit que soi. C'est ce que ma maman m'a dit. »

Il y avait tant d'autres choses à dire sur le sujet, et ce n'était pas la crainte de coups qui allait empêcher Naga de s'exprimer. Il savait qu'il pouvait ressortir salement amoché de cette histoire, s'il ne faisait pas attention à ce qu'il disait. Dire au petit Coréen qu'il avait du mal à le considérer comme un homme à part entière serait sans doute déplacé. Mais qu'était-ce qu'un homme pour Naga ? Sa définition restait floue. Elle ne s'appliquait pas à Seung Joo, elle ne s'appliquait probablement pas à lui-même. Ce n'était pas tant la recherche de la virilité qui le préoccupait. Plutôt un comportement qu'il avait toujours échoué à adopter.
Cette noblesse de caractère, Naga crut bon d'en faire usage en cet instant en épargnant à son interlocuteur de connaître le fond de sa pensée. Ne le remerciez pas, Naga n'était pas subitement bon d'un coup : il jugeait seulement inutile de dire à haute voix ce que Seung Joo avait probablement deviné. Les paroles devenaient inutiles dans ce genre de situation. Le petit Coréen avait de toute façon probablement déjà compris.
Et comme il en avait l'habitude, Naga lâcha un long soupir ennuyé, qui montrait à quel point l'intérêt qu'il avait pour cette conversation frisait la nullité. Si Seung Joo voulait se plaindre auprès de quelqu'un de sa petite taille et de son charmant petit minois, il devrait se trouver un autre interlocuteur : les plaintes faisaient bâiller Naga aux corneilles. La compassion n'était pas franchement son fort, lorsqu'il n'était pas obligé d'en faire preuve. Lui était bien heureux d'être ce qu'il était, un Inuit aux traits peu prononcés qui savait s'occuper de son corps de façon à l'embellir.

« De toute façon, je n'ai pas besoin de répondre pour que tu te sentes défait, tu sais déjà que tu as perdu et que ça te met en rogne. Il ne me reste plus qu'à attendre que tu admettes ta défaite, ce qui ne saurait tarder. » Un rire moqueur s'échappa de la bouche de Naga. « Tu n'aimes pas ça, la violence, hein, Hwang ? Parfois, ça te plaît de foutre ton poing dans la gueule d'un autre, mais avoue que si tu n'avais pas besoin de ça pour exister, tu te sentirais plus libre. Non ? »

Naga avait l'impression de jouer avec le feu, et il aimait bien cela. Nul doute, Seung Joo adorait la violence. Il la chérissait comme une petite grand-mère ses souvenirs. Ou comme un Seung Joo avec sa peluche. La tendresse qu'il était capable d'éprouver trouvait son penchant dans la violence qu'il utilisait pour s'exprimer en cas de contrariété. Le petit Coréen pouvait s'énerver, s'il le voulait. Il pouvait même le frapper, chercher à le réduire au silence. Naga aurait toujours raison.
Toujours.
Ven 24 Juin 2016 - 15:28

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
La colère et la haine ne sont pas toujours des émotions actives. Parfois, elles se figent en statues de glace ; suspendues dans le temps, elles n'attendent plus qu'une impulsion pour briser leur inertie, pour se perdre à nouveau dans le tourbillon des émotions qui ravagent le cœur de Seung Joo. Bloquant toujours le corps de Naga pour l'empêcher de se relever, se refusant à baisser sa garde dans le cas où l'Inuit aurait l'idée d'en profiter pour enfin passer à l'action. Seung Joo ne se réjouit même pas d'avoir réussi à provoquer la rencontre de son poing avec la joue de Naga, car cette action était trop aisée, en l'absence de toute résistance chez son adversaire ; qui plus est, la rougeur de sa peau forme une tache disgracieuse sur la pâleur laiteuse de son visage, et le Coréen pourrait presque le regretter.
La colère et la haine le torturent toujours. Surtout lorsque tout se rapporte encore et toujours à sa taille. Seung Joo lance un regard noir à Naga, et, pour la peine, lui offre un nouveau coup de poing en supplément, mais pas trop fort. Ce qui est cela dit suffisant pour lui ouvrir la joue, à l'Inuit.
« Je ne suis pas un gosse, Umiaktorvik, et j'en ai démoli des plus grands que toi. »
Et c'est vrai. Sans volonté de vantardise ; ce n'est qu'un constat. Cela lui est arrivé. La taille ne fait pas tout, quand on se bat. A quoi cela sert-il d'avoir un grand corps si on ne sait pas s'en servir ? Seung Joo, lui, maîtrise le sien. Il n'était pas aussi entraîné, quand il est arrivé à Pallatine ; mais il y a eu ce jeune natif qui l'a conquis d'un regard, et qui l'a poussé à s'enfoncer dans les chemins de l'horreur. Et après tout cela, après avoir réussi à se hisser au même niveau que le Norvégien qui n'a jamais vu la Norvège, un Naga ose lui dire qu'il ne le considère pas comme un adulte ? comme indigne d'être son adversaire ?
Seung Joo est dégoûté.
Le Coréen se relève et époussette soigneusement ses vêtements. Il tourne le dos à Naga. En cet instant, si celui-ci l'attaquait traîtreusement, il n'en serait que ravi. Hélas, il sait que ce ne sera pas le cas, et cela le désespère.
« C'est toi qui as perdu. Si tu avais réussi à me vaincre, je t'aurais donné le nounours. Mais je ne le laisserais jamais à un lâche qui refuse l'affrontement. »
Il tait volontairement les dernières questions de Naga, parce qu'il sait qu'il a raison, et il refuse de l'admettre. Naga ne lui fera rien. Dès lors, il ne voit pas pourquoi il lui ferait le plaisir de discuter de ses faiblesses avec lui.
Mar 28 Juin 2016 - 13:12
Nouveau coup de poing dont l'impact vint faire des vagues sur la joue déjà rouge de Naga. De surprise, l'Inuit laissa échapper un léger hoquet, qu'il réprima bien vite par dignité. Il ne pouvait pas dire qu'il n'avait pas prévu que ce coup allait venir : Naga n'avait pas exactement pris en compte ce risque lorsqu'il avait fait référence à la taille de Seung Joo, mais à présent qu'il était devant le fait accompli, Naga devait le reconnaître, cette issue était inévitable. Seung Joo n'aurait pas dû se sentir blessé par la remarque de Naga : il était indéniable qu'il était plus petit que l'Inuit, même une brusque poussée de croissance ne lui permettrait pas de combler l'écart qui existait entre eux. Il se voyait. Le sujet devait cependant être sensible pour que le petit Coréen usasse ainsi de ses points lorsque Naga y faisait référence de façon presque involontaire. Tant pis pour lui. Naga aurait mal à la joue, mais conserverait son ego intact. Quelques jours feraient disparaître totalement ce qui s'était passé dans cette pièce. Seung Joo guérirait sans doute aussi, mais à force de complexer sur ce qu'il était - ou ce qui lui manquait -, il s'infligerait sans cesse de nouvelles blessures qui ne partiraient jamais. Dommage pour lui. Naga avait bien envie de partir d'un rire moqueur, pour le simple plaisir de voir le petit Coréen perdre le contrôle, mais la façon dont il était coincé au sol bloquait ses voies respiratoires et l'empêchait de rire comme il le voulait.
Cette attitude prudente eut raison de l'hostilité de Seung Joo, qui finit par se relever en époussetant une poussière imaginaire - sans doute le dégoût de s'être retrouvé en contact avec un homme qui ne voyait pas le fait de se battre comme une finalité. Enfin libéré, Naga porta machinalement une main à la joue qui le brûlait. Le petit Coréen tapait fort, mais n'avait pas vraiment de dégâts à son visage, perspective plutôt rassurante quand on y réfléchissait. Cela épargnait à Naga bien des ennuis dont il se passait volontiers. Il ferma un instant les yeux, rassuré, puis se releva pour ne pas laisser Seung Joo le dominer de toute sa taille. Têtu, le petit Coréen refusait de reconnaître sa victoire, préférant assurer que Naga avait perdu parce qu'il ne l'avait pas vaincu. Naga fut interloqué de cette réaction tout à fait stupide et injustifiée. Pourquoi Seung Joo le prenait-il pour un lâche, alors qu'il avait eu l'occasion de lui prouver sa force en le plaquant au mur en rentrant, puis en encaissant vaillamment les coups qu'il lui infligeait ? Ne pouvait-il pas reconnaître sa défaite sans avoir à se retrouver à l'hôpital ? Naga avait rarement vu des personnes dotées d'un ego aussi important, et pourtant, le sien n'était pas des plus discrets.

« Non mais je rêve ? » faillit crier Naga, choqué par les propos qu'il venait d'entendre.

Complètement révolté par la façon tout à fait injuste dont le traitait Seung Joo, Naga n'hésita pas un instant à prendre le petit Coréen par les épaules, à le retourner pour qu'il lui fît face, et à le secouer comme un prunier dans l'espoir un peu fou de le faire revenir sur terre. Naga n'aimait pas vraiment faire preuve de violence avec autrui, en particulier si cet autrui était plus petit que lui, mais Seung Joo ne lui laissait pas le choix. Le petit Coréen ne semblait comprendre que la violence : tout autre langage semblait de la faiblesse à ses yeux. La négociation, la discussion, les concessions, tout cela n'existait pas dans son monde, alors qu'il s'agissait de valeurs importantes pour Naga - qui ne voyait pas en quoi il y avait de la faiblesse. Parce qu'il avait l'intelligence d'éviter les coups et qu'il prenait la peine d'arranger tout le monde sans blesser quiconque ? Ce Seung Joo Hwang était un imbécile. Pour la peine, il méritait bien d'être un peu secoué.

« Se battre... pour une peluche ? Je ne sais pas dans quel monde tu vis, Hwang, mais on ne se bat pas pour une peluche, putain. On s'en offre, on s'en échange, on les partage, mais on ne tape pas pour elle. »

Il était rare de voir Naga véritablement en colère, mais Seung Joo était arrivé à faire ressortir cet aspect de sa personnalité sans la moindre difficulté. D'abord une trahison de la pire espèce, puis de la mauvaise foi... Il faisait tout pour se faire détester de l'Inuit, qui ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. La colère. Les limites de Naga étaient en train de se briser les unes après les autres. Arrête de le secouer, tu vas finir par le tuer.

« Ce n'est pas parce que quelqu'un refuse de se battre qu'il est faible. C'est même l'inverse : plus tu es faible, plus tu as envie de prouver à tous que tu es fort. Tu me considère peut-être comme un lâche, mais réfléchis un peu : à quoi ça me servirait de réduire en bouillie ? À avoir une peluche ? Je ne l'aurais pas méritée ainsi. La seule façon de la mériter, c'est d'être doux et plein de pitié. Si tu es incapable de comprendre ça, pauvre cloche, je ferais mieux de te laisser te vautrer dans ta merde, en attendant que tu grandisses un peu. »

Subitement, Naga lâcha Seung Joo - il espérait mesquinement le voir s'écraser au sol, mais sa raison lui soufflait que ça n'aurait pas été une bonne chose. Pauvre nounours. Excuse-moi de ne pas te sauver du tyran qui t’opprime. Je le vois bien, Hwang t'étouffe sous son besoin d'affection, alors que moi, je saurais t'aimer. Pour te sauver, je devrais faire comprendre à ton maître qu'il se trompe.
Et je n'en ai pas envie.

« Tu veux que je te considère comme un homme ? conclut Naga d'un ton narquois. Eh bien, commence par cesser de te comporter comme un enfant. J'aviserai ensuite. »

HRP:
Sam 2 Juil 2016 - 14:35

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Seung Joo est désormais persuadé qu'il a remporté l'affrontement. Après tout, ne vient-il pas de prouver que lui seul mérite le Saint Graal, que la douce peluche qui repose sur son guéridon ne peut être que sienne ? Désormais, cela lui semble être une vérité inaltérable, impossible à réfuter. Sans doute est-ce de sa faute, à trop réfléchir en terme de luttes et de combats, mais il lui semble pourtant montrer du doigt un fait qui se vérifie toujours. Le fort a toujours raison. Dans la vie, la charité n'est qu'une exception ; la plupart du temps, il faut se battre pour obtenir ce que l'on désire. Si Naga désire s'approprier sa peluche, il lui faudra la lui arracher. Jamais Seung Joo ne la lâchera. Ses bras se tiendront toujours serrés contre elle, se souciant bien peu des égratignures qu'il pourrait récolter au passage.
Oui, c'est un peu trop dramatique, probablement.
Mais son cœur a besoin de protéger ce qui est à lui.
L'éclat de colère de Naga lui paraît, dès lors, totalement incompréhensible. L'Inuit semble choqué que l'on puisse se battre pour une peluche. Bah, le Coréen lui-même le comprend. A ses yeux également, cela relève de l'absurde. Ce qui est parfaitement logique, cependant, c'est de défendre ses possessions. Secoué par le pêcheur qui semble avoir perdu le contrôle, une part de Seung Joo se sent satisfait. Il se souvient de ses propres luttes pour garder le contrôle, tant de fois perdues ; le goût de ces défaites l'a toujours taraudé, mais à voir Naga perdu, cela le rassure un peu. Et ce, alors même que ses paroles sont cruelles et font tout pour le détruire.
Oh, mais ce n'est pas ça qui va le briser, Seung Joo.
Il se sent bien trop puissant en ce moment pour perdre.
Il conserve son équilibre lorsque Naga le relâche. Son œil se pose un instant sur la peluche, avant de se reporter à nouveau sur l'Inuit.
« Umiaktorvik. » Se plantant droit devant lui, Seung Joo compense sa petite taille, qui l'oblige à lever la tête, par un air décidé et un sourire tout aussi narquois que le ton de Naga. « C'est toi qui ne comprends pas. Je n'ai aucune intention de te donner ma peluche, qui est légalement mienne. » En fait non, mais qu'importe, tout ceci est rhétorique. « Le seul moyen que tu aurais de me la prendre serait par la force. Si tu ne veux pas en user, ce n'est pas mon problème. Sache simplement que le résultat n'aurait sans doute pas été celui que tu attendais. »
Une lueur mauvaise luit dans l'œil de Seung Joo, qui n'essaie pas de la cacher. Pour une fois, il trouve de l'orgueil à être Trauma. Cette part de lui qui n'est jamais qu'un comportement refoulé de violence, qui n'a jamais le droit de sortir, a peut-être en vérité un avantage : quand il s'agit de se battre, et qu'il ne peut pas reculer, il sait comment se défendre. Naga n'en a probablement pas assez conscience. D'un autre côté, Naga a probablement l'habitude de suivre des règles. Seung Joo, lui, n'en a qu'une seule : tous les coups sont permis.
« Vu que je ne veux ni te l'offrir, ni l'échanger, ni partager, si tu n'as rien d'autre à me dire, je te conseille de partir de chez moi. Je trouverai une indemnité qui saura te satisfaire si tu le désires. Mais tes demandes sont ridicules. A mon avis, c'est plutôt toi, l'enfant, à exiger un doudou en guise de pardon pour t'avoir lésé. »
Seung Joo ne bouge plus, toisant Naga avec détermination. Qu'il essaie seulement de lui faire peur. Seung Joo sera toujours le plus fort.
Mer 6 Juil 2016 - 19:03
Naga avait tout essayé.
L'amadouer par de belles paroles sensées. Forcer son respect par une attitude stoïque et courageuse. Lui faire goûter un peu de sa force pour lui faire comprendre qui était son adversaire. Mais toutes ces tentatives avaient échoué. Si quelqu'un était capable de faire revenir Seung Joo dans le droit chemin, ce ne serait définitivement pas Naga. L'Inuit en avait plus qu'assez de s'acharner en vain sur le Coréen. Il ne pouvait assumer toute la misère du monde - bien que ce fût d'une façon ou d'une autre l'objectif de sa diaspora, notons-le. Il n'allait pas essayer de sauver les imbéciles heureux. Le soupir de Naga, si méprisant que Seung Joo aurait dû se sentir offensé, vint ponctué une réponse qui serait sans doute mal reçue.
Car à quoi servent-ils, les beaux discours, lorsque la personne à qui vous les adressez y est complètement sourde ? Naga avait noté cette faiblesse dans sa diaspora, la croyance stupide que la plupart de ses confrères avait de penser que les paroles pouvaient résoudre tous les problèmes. Quelle supercherie. Il s'était toujours moqué de cette bien touchante naïveté. Cependant, les problèmes logiques et politiques n'étaient pas les seuls qui résistaient aux bonnes intentions. Les cerveaux étriqués également. Naga avait produit son propre discours - et quel discours, quel discours ! - en vain. Il avait pourtant essayé de se mettre à la hauteur de son interlocuteur - ce jeu de mots est involontaire - et de s'adresser à lui en des termes simples appartenant au vocabulaire qu'il comprenait. Quelle futilité. Les paroles ne pouvaient pas atteindre le petit Coréen aux points bagarreurs.
Comme un disque rayé, Seung Joo remit sur le tapis le sujet initial de leur dispute, rappelant à Naga qu'une peluche était en jeu. L'Inuit fut surpris de la ruse dont était capable de le petit Coréen. De la part d'un type qui trempait des affaires criminelles à longueur de journée, parler de légalité s'apparentait à une excellente blague. L'hôpital qui se fout de la charité. Il était hors de question de laisser passer un tel affront :

« De la part d'un criminel de ton espèce, je trouve que ce genre de remarques est plutôt déplacé, fit remarquer Naga en retrouvant un ton posé et condescendant. Il me semble que tu n'as aucun problème à passer outre la légalité lorsque tu me refiles tes faux jetons. Ou que je trempe dans ton trafic. Vraiment, je devrais aller tout dénoncer, et ce dès maintenant. »

Si seulement les choses étaient aussi simples ! Avouer qu'il avait trafiqué dans le casino avec un croupier lui apporterait très certainement autant d'ennuis qu'à Seung Joo. La confédération asiatique n'aurait sans doute aucun scrupule à se débarrasser d'eux en toute discrétion. L'Institut instrumentaliserait peut-être cette affaire. Dans tous les cas, Naga sortait perdant, peut-être pas autant que Seung Joo, mais assez pour que son silence fût garanti.
Il voulait se moquer du petit Coréen qui invoquait des principes qu'aucun d'eux ne respectait, pas même le brave altermondialiste censé défendre la nature et les innocents. Sans doute aucun d'eux ne croyait-il vraiment à l'idée lancée en l'air par Seung Joo.
Redevenu raisonnable, le petit Coréen lui proposa de trouver une autre compensation, en soulignant bien que le fait de réclamer une peluche était puéril. Mais Seung Joo était stupide de ne pas se rendre compte qu'il possédait une pièce de collection. Il était encore plus stupide de se moquer d'une tendance chez Naga qui était encore plus forte chez lui. Mais il était intelligent de vouloir choisir lui-même la compensation qu'il donnerait à l'Inuit. Il serait en mesure de sélectionner un prix qui ne lui coûterait pas grand chose. De cet aspect là, il fallait se méfier, car il pouvait être dangereux.
Vous vous en doutez, Naga, étant d'humeur particulièrement exécrable, ne comptait pas le laisser faire. Il était bien décidé à faire payer d'une façon ou d'une autre son cher "ami", notamment en contrariant ses projets dans la mesure du possible. Puisqu'il n'était pas possible de le forcer à lui donner ce qu'il désirait, Naga s'arrangerait au moins pour décider de ce qu'il prendrait. Et ses idées étaient presque machiavélique.

« Non, ce que l'on va faire, c'est que tu vas me rembourser l'intégralité de l'argent que je t'ai reversé, soit à peu près sept mille dollars. » Naga, bien sûr, exagérait le prix à dessein. « Je suis généreux, je te laisse un peu de temps pour rassembler la somme. Disons, trois mois. Si tu ne l'as pas quand je reviendrai la chercher, attends-toi à quelques représailles, d'accord ? »

Menacer un yakuza n'était pas vraiment l'idée la plus intelligente que Naga ait eue, loin de là. Désormais, il était le plus stupide des deux. Prendre la peluche aurait sans doute été infiniment moins dangereux. Personne n'irait lancer une vendetta pour une peluche. Mais pour sept mille dollars...
Mieux valait ne pas trop penser à ce qu'il venait de faire.
Mer 6 Juil 2016 - 19:26

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Fort de son droit, Seung Joo est persuadé de sa victoire. Il ne voit pas comment Naga pourrait retourner la situation - et certainement pas en le traitant de criminel. Oui, il est un voyou, un brigand, un voleur... et alors ? Ah, se faire dénoncer, voilà qui serait un peu plus compliqué pour lui. Surtout que Seung Joo ne voit pas du tout comment il pourrait marquer la différence entre l'illégalité du vol de peluche et l'illégalité de l'abus de confiance. Du coup, il préfère opter pour un sobre :
« Mais je te l'ai dit, que c'était une erreur. Rien de plus. Tu t'agaces pour rien. »
Ils savent tous deux à quoi s'en tenir, cela dit, parce que Naga est tout aussi coupable que lui. Déjà, refiler des jetons comme ça, ce n'est pas très légal. Et si Seung Joo aurait des ennuis avec ses supérieurs à cause de cela, Naga serait dans le même bâteau que lui. Enfin, le croupier n'arrive juste pas à déterminer avec lequel des deux les membres de l'Iwasaki-rengo se montreraient le plus tendre. Le presque traître, ou celui qui n'appartient pas à leurs rangs ? La question mérite d'être posée.
Heureusement, Naga préfère une autre solution. Seung Joo manque d'éclater de rire.
« Tu n'auras jamais sept mille dollars, Umiaktorvik. Même pas dans tes rêves. Je te payerai ce que je te dois, et pas un centime de plus. »
Et il est sincère, le faux monnayeur. Même en cas de représailles annoncées, il ne va certainement pas se laisser impressionner. Déjà, il n'a pas peur des altermondialistes. Dans sa tête, ce ne sont que des hippies qui vivent avec un ou deux siècles de décalage. Genre, Naga est pêcheur. C'est tellement rétrograde, comme métier, à ses yeux. Il ne voit même pas comment on peut vouloir sortir de Pallatine. La tranquillité ? ce n'est jamais qu'une illusion, ça n'existe pas sur cette île maudite. Ensuite, la non-violence, c'est plutôt pratique pour lui. Naga l'a convaincu qu'il n'est qu'un pacifiste qui ne sait pas attaquer, prétextant que Seung Joo est trop « petit » pour qu'il ose répliquer. Enfin, parce que quelle que soit la force de Naga, le Coréen ne parvient pas à envisager comment on peut être plus fort que lui. Même Knut n'y arrive pas.
« Allez, sors. »
Seung Joo ouvre en grand la porte d'entrée, attendant que l'Inuit daigne partir. La discussion est terminée. La prochaine fois qu'ils se verront, en revanche, cela risque de se terminer de façon moins joyeuse. Ce qui ne fait nullement peur au croupier. Il se prépare à tout.
Jeu 7 Juil 2016 - 17:39
Après avoir tenté d'extorquer une somme exorbitante à Seung Joo, Naga ne donnait plus cher de sa vie. Il s'attendait à une nouvelle explosion de violence, ou à des représailles plus tardives et sanglantes, dans tous les cas, une issue malheureuse pour sa pauvre personne. Seung Joo semblait assez jaloux de ses affaires, l'argent n'aurait pas dû faire exception. Naga, donc, attendait, crispé, de voir la colère tumultueuse du petit Coréen éclater dans l'appartement et s'acharner à le réduire en morceaux.
Au lieu de cela, Naga fut assez surpris de constater que Seung Joo se montrait raisonnable et acceptait de rembourser la somme que l'Inuit lui avait versé. Ce dernier fit de son mieux pour ne pas trahir son étonnement. Cette réponse ne semblait pas franchement appropriée, et il s'interrogeait sur les raisons qui poussaient son interlocuteur à céder plus facilement. Naga ne l'avait pas impressionné par sa bravoure ou sa force, mais peut-être sa manœuvre avait-elle suffisamment embrouillé l'esprit du petit Coréen pour l'amener à accepter un marché à des termes moins avantageux que voulu. À tête reposée, Seung Joo reviendrait peut-être sur sa décision, aidé en cela par la volatilité des paroles. Naga, cependant, était si heureux d'avoir arraché cette promesse qu'il ne songeait pas vraiment à s'en plaindre. Il n'eut aucun mal à ne pas montrer le contentement qu'il ressentait à cet instant précis : son air blasé et habituel était en fait tout à fait adapté.

« Ça me semble raisonnable. » concéda-t-il au moment où Seung Joo l'intimait de sortir.

Haussant les épaules dans un geste d'un dédain absolu, Naga prit le temps de remettre ses vêtements soigneusement en place avant de se diriger vers la sortie. Si Seung Joo tenait parole, il disposerait bientôt d'une petite somme d'argent qu'il avait dépensée au lieu d'épargner ; cela ferait comme un petit héritage d'un lointain oncle qui venait tout juste de décéder. Cette rentrée tomberait sans doute à pic, car Naga avait tendance à vivre au dessus de ses moyens, en contradiction avec les préceptes de sa diaspora. Cette expérience à Osatoka le persuaderait peut-être d'abandonner certaines de ses pratiques. Plus probablement, cela ne changerait pas grand chose à sa vie. Il perdrait simplement une personne à qui faire confiance.
La porte, grande ouverte, lui demandait aimablement de partir. Naga adressa un air narquois à Seung Joo avant de lui souhaiter une bien bonne soirée - en espérant que la provocation aurait quelques effets. Il entendit la porte claquer derrière lui, une réaction tout à fait normale de la part de quelqu'un qui venait le mettre à la porte. À présent qu'il était seul, Naga pouvait se départir de son sourire et grommeler quelque vague insulte à l'encontre de Seung Joo, la pire crapule de l'univers.
Naturellement, il attendait son paiement. Et il l'obtiendrait très certainement, sous peine de recourir à des moyens bien moins avouables pour obtenir compensation. Naga ne doutait pas vraiment. Une question, en revanche, restait en suspens, et risquait de le tracasser jusqu'au moment où il trouverait enfin la réponse.
Comment faire payer Seung Joo Hwang du sale coup qu'il lui avait fait ?
Cela méritait temps et réflexion...

Terminé
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