Cela faisait un petit bout de temps que je n'étais pas passée par là. I'M BACK.
Ready Player One, Ernest Cline
J’ai lu à Noël le livre dont l’adaptation en film par Steven Spielberg est sortie l’an dernier. Pour rappel, il s’agit des aventures d’un adolescent, Wade Watts, qui vit aux Etats-Unis, en 2045. Sauf que la vie est devenue un enfer, la pauvreté règne, et du coup, comme l’essentiel de la population de la planète, notre petit Wade passe ses journées dans l’OASIS, un univers de réalité virtuelle. (Dans lequel il y a des écoles. Je précise.) Mais le créateur disparu de l’OASIS, James Halliday (non non pas notre Johnny national) a mis en place une grande chasse, dont le but est le contrôle de l’OASIS.
Bon. J’avais assez bien aimé le film, il restait distrayant, sans clairement être le film de l’année. Aussi, quand j’ai vu que le roman était disponible sur la boutique de ma liseuse, j’ai sauté sur l’occasion pour y jeter un coup d’oeil.Bilan ? Il est pas mal, franchement.Il y a beaucoup de matière, l’univers est bien développé sur le coup, je n’ai jamais eu l’impression qu’il manquait quelque chose au worldbuilding. En revanche, c’est..dense ? J’ai eu l’impression de beaucoup de longueurs, notamment avant que Wade ne trouve la première clé. Sur le coup c’est très différent de l’adaptation, où il la trouve en très peu de temps de film. Là, il y passe des jours et des jours et des jours et.. j’ai trouvé ça très long à lire, la description en détail des états d’âme de Wade m’a un peu agacée. On va dire que c’est l’écriture à la première personne qui veut ça…
Autrement, le personnage de Wade est bien caractérisé et développé; on sent qu’il évolue tout au long du roman, même si parfois il agit comme un parfait crétin. Notamment, comme dans le film, où il tombe amoureux d’Art3mis alors qu’il ne connaît que la version d’elle qu’elle veut bien présenter dans l’OASIS, et déclare ses sentiments comme ça, ce qui la fait couper les ponts - j’avoue que personnellement, j’aurais réagi pareil. J’aime bien Aesh, ceci dit, ça reste une constante dans les deux supports. Autre point positif, le fait qu’on sache que les cinq protagonistes du film vivent tous à des endroits différents, plutôt que la coïncidence “énorme” du film où comme par hasard, ils sont tous américains.
Les défis sont aussi complètement différents. Dans le film, on a une course de voitures, un passage dans l’hôtel de Shining (meilleur passage du film d’ailleurs, c’était génial), et une exploration d’un jeu vidéo ; dans le livre, en plus de ces trois défis, l’on doit aussi trouver les portails menant à la clé suivante, ce qui fait 6 étapes en tout. Un peu longuet, je l’avoue, surtout quand notre petit Wade reste bloqué, et qu’on lit le récit de sa misère psychologique pendant des pages et des pages et des pages. Mention spéciale, néanmoins, au petit bonus dans la scène où Wade joue à Pacman. Autre point notable, le fait que certains trucs que d’autres personnages font dans le film, notamment infiltrer l’entreprise du méchant du film (IOI), qui sont en réalité réalisés par Wade dans le roman. J’imagine que ça permet d’accorder plus de temps de cinéma aux personnages. Certes. Mais du coup,Wade monopolise tout, on a vraiment l’impression que c’est le dieu de l’univers geek avec toutes ses connaissances, que c’est un pro en informatique, que c’est un hacker de première, etc.. Côté Gary-Sue qui m’agace un peu, heureusement qu’on nous dépeint bien que son caractère est lui très loin d’être parfait.
On note quand même une ambiance assez mature. Outre la scène de l’explosion qui est conservée dans les deux supports, l’auteur pousse loin la perversité tordue des gens de l’IOI qui vont jusqu’à assassiner un des protagonistes. L’atmosphère est également beaucoup moins légère que dans le film, j’ai une vraie impression de pesanteur, d’immobilisme.. qui correspond bien à l’univers du coup, tant la Terre semble “perdue”, décadente. Une atmosphère de fin du monde, presque.
Petite critique néanmoins. Le livre est une vraie lettre d’amour à la pop culture des années 70-80.C’est indéniable, on le voit avec un millier de références. C’est peut-être là, le souci. L’auteur prend le temps de présenter, au moins rapidement, l’album, film, ou jeu dont il parle mais..à part Pacman, Donjons et Dragons et Monty Python… la plupart des références me restent obscures. (Après, je n’ai jamais prétendu avoir la science infuse en matière de pop culture, mais avoir à ce point l’impression de passer pour une ignare, c’est désagréable.) J’ai aussi l’impression que du coup, cette culture des années 70-80 est présentée comme l’incarnation de ce qui faisait de mieux..alors que celle, par exemple, des 90 est tout aussi valable ? Où sont les Zelda, Mario, Pokémon et autres Donkey Kong qui ont marqué mon enfance (alors même que trois de ces licences ont débuté dans les 80 ??) ? Le livre est sorti en 2011 pourtant ,il y avait largement de quoi choisir dans l’énorme masse de la pop culture, en général. Sur le coup, il m’a perdue. J’ai eu l’impression d’un délire personnel de l’auteur sur ces années. Beaucoup de nostalgie, sans doute. On comprend du coup, dans le film, la référence à Shining, un caméo de Beetlejuice, ou alors l’avatar de Wade/Parzival qui fait très Final Fantasy.. qui redonnent un côté plus actuel. Néanmoins, bravo à l’auteur d’avoir voulu développer un peu sur l’univers des mechas et autre super héros japonais.
Réflexion personnelle enfin..L’OASIS paraît très idéalisé sur la théorie..mais je n’ose même pas imaginer ce que ça donnerait dans la vraie vie. Comme le disait le JdG dans sa critique du film, un truc pareil serait le siège de toutes les perversions, et on le voit avec certaines histoires sordides que j’ai lues à propos de plateforme de réalité virtuel actuelles. De plus, malheureusement, l’auteur ne parle que très peu des conséquences que ça pourrait avoir sur la santé. Notamment les yeux, ou le cerveau. Au moins, au début du roman, Wade n’est clairement pas présenté comme étant en forme, et Daito est montré comme étant, sur le coup, le stéréotype du no-life dans l’imagerie populaire, un type pâlichon, boutonneux, négligé. Il ne nie pas le côté très addictif de l’OASIS.
Bref, en très résumé, pas un mauvais roman, il est même plutôt sympa, mais je pense que je l’aurais plus apprécié si j’avais quinze/ seize ans et davantage de culture “geek” dans mon bagage.
Call me by your name, André Aciman
(parce que je l’ai lu en anglais,oui oui)
Cette fois encore, c’est la curiosité qui m’a fait lire ce bouquin. J’avais vu un tel battage médiatique autour du film, en entendant que c’est un film qui relate une magnifique histoire d’amour, le truc du siècle quoi, que je me suis dit qu’il fallait que je jette un oeil au matériau de base. Je ne connaissais que les musiques du film, plutôt jolies d’ailleurs, qui correspondent bien à l’ambiance italienne estivale.
On suit ici l’histoire d’Elio, un fils de professeur universitaire, qui fait la rencontre d’Oliver, le thésard venu assister le père d’Elio pendant un été. Si j’ai bien compris, il écrit quelque chose sur Héraclite, donc on va dire qu’il étudie, en gros, les Lettres Classiques.
J’avoue que personnellement, j’ai été un peu tentée de reposer le bouquin à certains moments. J’ai du mal à comprendre pourquoi Elio craque à ce point sur Oliver. Il explique qu’il est beau, cultivé, et tout..mais pour moi, c’est trop léger, c’est plus de l’attirance.(Après ça n’engage que moi). Et de même, je comprends mal pourquoi Oliver s’entiche d’Elio qui apparaît comme un garçon inconstant, instable même, un peu capricieux. Et pour moi, tête à claques.
Mais évidemment, aucun n’essaye d’agir sur la base de ses sentiments avant..Longtemps. Le contact a du mal à se nouer, ils se tournent autour, s’attirent et se rejettent. On a une impression d’immobilisme, là, aussi, assez marqué. Immobilisme des vacances à la mer, où on a l’impression n’avance pas.. Parallèlement, Elio développe une relation avec Marzia, une jeune fille des environs. Au contraire de sa relation avec Oliver, on va dire qu’il s’y met très rapidement, et leur relation devient très vite charnelle. Mais cette relation manque de sincérité, Elio utilise Marzia, notamment pour rendre Oliver jaloux en clamant haut et fort que lui et Marzia l’ont presque fait. Ou alors, quand finalement il consomme sa liaison avec Oliver..pour finalement batifoler avec Marzia plus tard la journée d’après. Etant du coup malhonnête vis-à-vis d’Oliver. Instable le petit Elio, je l’ai dit !
Néanmoins, mention spéciale pour le cadre idyllique de l’Italie en été. C’est beau, c’est accueillant, ça donne envie d’y aller, les descriptions sont magnifiques. Les scènes se passant sur les falaises sont souvent assez jolies. Certains dialogues sont aussi assez profonds, assez sympathiques, donnant à réfléchir. On baigne dans une ambiance très cultivée, avec le personnage du professeur, son assistant Oliver, Elio lui-même qui lit beaucoup, les libraires, les intellectuels qu’ils croisent à la fin du roman.. Ca, ce n’est pas désagréable.
Au final, c’est un roman d’une *certaine* qualité, bien écrit, mais lent et très frustrant en ce qui concerne la relation entre Elio et Oliver. Clairement, ce n’est pas la merveilleuse histoire d’amour dont j’avais entendue parler. Pour moi, un seul mot suffit à définir ce roman.
Surcôté.
Le Meurtre du Commandeur, tome 1 :Une Idée apparaît , Haruki Murakami.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas parlé de littérature japonaise. (Il faut que je me rachète du Mishima c’est urgent.) Donc, j’ai reçu ce roman à Noël. L’histoire est simple. Un peintre récemment séparé de sa femme emménage dans la maison isolée du défunt père d’un de ses amis, artiste de génie. Auparavant portraitiste pour gagner son pain,il a fini par arrêter cette occupation suite à sa séparation. Il accepte néanmoins de donner des cours de peinture au centre culturel local, pour s’occuper, et gagner un peu d’argent. Mais voilà que son voisin d’en face, le mystérieux Wataru Menshiki, lui demande de réaliser son portrait pour une somme faramineuse. Après avoir un peu réfléchi,il finit par accepter. Sauf qu’il a du mal à réaliser ce portrait, quelque chose lui échappe, ce qui le met en difficulté. Parallèlement, une nuit, il découvre une toile inédite de l’artiste dont il occupe l’ancienne maison, intitulée le Meurtre du Commandeur, qui semble être un hommage à la scène de Don Juan / Don Giovanni, mais transposée dans un Japon très ancien. Mais voilà que des choses étranges commencent à arriver..
Encore une fois, je montre à quel point je suis une bouse pour les résumés. Franchement, j’ai beaucoup aimé ce roman, et j’attends impatiemment de pouvoir lire la suite. L’intrigue nous prend tout de suite, avec une scène étrange, de cauchemar. J’ai eu beaucoup de mal à décrocher, par moments. Sauf à un passage qui vise à nous expliquer l’art du nihonga, un type de peintures. C’était un peu technique et abstrait pour moi, mais je m’y connais autant en art qu’en physique quantique, donc forcément, ce moment est un peu dur pour moi. Comme d’habitude (ou presque) pour du Murakami, c’est bien écrit, c’est prenant, c’est agréable à lire. Étonnamment, il faut attendre presque les deux tiers du bouquins pour que des choses étranges arrivent. D’ habitude, avec Murakami, les moments intrigants ou wtf arrivent beaucoup plus tôt, comme dans 1Q84... Ceci dit, le personnage a une dimension un peu étrange, notamment lorsqu’il fait la description physique de sa soeur décédée..ou qu’il discute avec une très jeune fille pour la connaître un peu avant de faire son portrait. C’est un peu...malaisant, pour moi. Mais au moins le narrateur reconnaît qu’il y a quelque chose de bizarre à tenir cette conversation.
Bref, affaire à suivre !
Le Dit de Murasaki, Liza Dalby
J’ai trouvé ce livre un peu par hasard, en fouinant dans les rayons de la librairie.(Les meilleures choses arrivent par hasard). Il raconte l’histoire romancée de Murasaki Shikibu, l’auteur du Dit du Genji, chef d’oeuvre majeure de la littérature japonaise considéré comme le premier roman psychologique, depuis sa naissance jusqu’au moment où elle se retire du monde. Pour placer un peu le décor, le père de Murasaki est un érudit qui connaît très bien ses classiques chinois, et qui contrairement à la tradition, les enseigne à sa fille, là où la convention voudrait que non, et qu’elle s’en tienne à l’alphabet hiragana.
Comment dire. Ce roman est juste magnifique et dépeint un Japon qui envoie du rêve, avec les mentions des beautés des paysages, des kimonos, des événements de la cour impériale. Un Japon romanticisé, pourrait-on dire, dans l’ambiance feutrée des appartements des femmes, loin des hommes auxquelles elles ne parlent, une fois adultes, qu’à travers un écran. Des amitiés parfois très fortes, se nouent. Un Japon poétique, aussi. MAis cruel. Cruel à cause des avanies que se font subir les femmes de la cour entre elles. Cruel aussi, à cause du comportement de certains hommes. Le mariage semble parfois briser des liens d’amitié, notamment entre Murasaki et une de ses amies. Et que dire de ce passage où un lieutenant “rend visite” à une jeune Murasaki ? Même si elle n’en semble pas spécialement choquée et passe l’incident sous silence, cela ne l’empêche pas de se marier, d’avoir des enfants et d’en tirer une certaine satisfaction.
D’un côté, donc, on le récit de cette vie “mondaine” que Murasaki est amenée à vivre. Mais de l’autre, elle nous fait le récit de la genèse de son héros, Genji, de certaines des aventures de Genji (que j’ai en général reconnues, merci un roman policier qui avait Genji comme héros), de son processus d’écriture, de ses doutes et hésitations, des critiques ou conseils qu’elle peut recevoir qui l’aident, de son insatisfaction d’écrivain.. Le tour émaillé de poèmes dont la traduction ne peut pas bien rendre compte du rythme, ou de la sonorité, mais souvent très jolis.
Je signale au passage que l’auteur est une anthropologue spécialiste du Japon, et qui a été acceptée comme apprentie geisha, fait rare et exceptionnel. On sent vraiment le souci du détail, de la recherche..et ça, j’aime.
Bref, un roman ma foi très sympathique, dont j’ai eu beaucoup de mal à décrocher.
(Cette critique est beaucoup trop longue. Pardon.) (Sorry not Sorry)