Ven 3 Mar 2017 - 4:30
NÉGOCIATIONS
En tant que chirurgien au sein de la diaspora d'Iwasaki, Junji savait très bien qu'un moment comme celui-ci allait arriver. Seulement, il espérait que, par miracle, il n'arrive jamais, qu'on le laisserait tranquille dans cette vie-ci, loin des véritables affaires de gangs et de leur côté le plus sombres (comme si participer au trafic d'organe n'avait pas quelque chose de glauque en soit, mais notre cher médecine s'était forgé une carapace, une insensibilité, une amoralité plus au moins assumée qui lui permettait de se dire « peut-être que ça va sauver quelqu'un d'autre, quelque part... » quand il lui semblait qu'il assistait à une vague de décès « miraculeuse » pour faire des prélèvements). Mais pas de bol, ce qui devait arriver arriva.
Ça, c'était ce à quoi il participerait. On ne lui avait pas donné tous les détails (il n'avait jamais voulu les connaître, s'il pouvait s'empêcher d'être impliqué jusqu'au cou, il le faisait), mais il en savait assez pour comprendre où tout ça les mènerait lui, le groupe, les victimes. Une histoire de mauvais payeurs, de dettes, de chantage. Quelque chose d'assez gros, étant donné qu'on l'avait mobilisé lui et qu'il devait, à son grand dam, jouer un rôle-clé dans cette histoire.
La menace, rien de moindre.
Oh, on ne lui demanderait pas de se servir de ses muscles ou de faire preuve d'agressivité pour intimider l'ennemi. Ça, c'était le travail d'un autre. Lui... et bien il exécutait la menace. Rien de moindre. Parait-il que, dans ce monde de fous, se pointer avec des barres de fer pour casser les jambes d'un importun n'était pas assez drastique. Non, non, si on veut vraiment faire payer l'ennemi, lui faire passer le message, il faut lui enlever quelque chose qu'il ne pourrait jamais récupérer. Un rein, par exemple. Ou pourquoi pas un œil. N'importe quoi sans lequel il pourrait se débrouiller, mais qui serait tout de même utile aux finances d'Iwasaki.
Oui, prélever des organes, c'était beaucoup plus payant que de péter des rotules. C'était presque noble. Presque.
Mais ça ne rendait pas Junji plus à l'aise. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il faisait ce genre de chose, non. Une fois, dans son ancienne vie, on a eu besoin de lui, pour quelque chose de semblable... Mais auparavant, on avait kidnappé la victime, on l'avait endormie. Junji avait son boulot, sans problème et le généreux donateur fut relâché, avec un organe en moins, à son insu. Il n'avait jamais croisé son regard. Et tout s'était fait proprement.
Il n'était pas certain d'avoir droit à ces conditions « idéales » cette fois-ci.
Ce n'est pas qu'il n'accordait pas sa confiance aux membres de son clan, cependant, il travaillait avec des membres des Aces et il savait, de réputation, ce dont sont capables ces gens-là...
D'accord, il était particulièrement inquiet. Mais ça ne l'empêcherait pas de faire son travail. Enfin, il ne pensait pas. Ses doigts gantés pianotaient nerveusement contre la sommaire table d'opération qu'on lui avait au moins fournie. Son matériel, sommaire, était à proximité. Respire Junji, tout va bien aller, qu'est-ce qui pourrait être catastro-
Il entendit un bruit qui lui déplut de l'autre côté de la porte. Il ferma les yeux, pinça les lèvres. C'était mauvais, c'était mauvais, très mauvais. Il ne voyait pas la scène, mais il imaginait bien ce qui pouvait se passer.
La tension montait. Visiblement, les négociations (ou peu importe ce que c'était en fait) se passaient mal. Le chirurgien soupira, passa sa main par-dessus le scalpel bien aligné avec le reste de ses instruments.
Il ne lui restait plus qu'à attendre, que cette porte s'ouvre dans un fracas et qu'on lui amène son patient.
Dans le meilleur état possible, il espérait.