couteaux dans la plaie
Il y a ces promesses chuchotées du bout des lèvres, ces douceurs murmurées les yeux fermés et ces langueurs muettes qui jamais ne quittent la pensée. La guerre assassine les hommes, et délaisse dans son sillage les cendres de ces corps brûlés et mal-aimés. Les muscles encore tendus, la douceur de ta gestuelle n'est qu'une éternelle maîtrise impartiale de ton propre corps. Tu n'es que trop tendre, trop candide, toi le gamin au corps d'ivoire. C'est au couteau que tu tailles les esquisses épuisées de sourires écorchés, et dans ta longue tâche tes mains tremblent et l'éclat dans tes yeux ternit et trahit tes plaisirs coupables que tu tentes de refréner avec cet air désolé. Tu ne rechignes pas à la violence quand celle-ci se présente, pourtant, tu es un être de clémence, un souffle erratique dans une vie accablante.
Cependant les tempêtes sont terribles et arrachent sans tendresse les passions dévorantes; elles enflent et rongent, gangrènes noirâtres et épaisses qui collent au corps comme les amantes désespérées d'être oubliées. Réminiscences des assauts qui hantent encore tes songes, tu ne te refuse pas à ta propre barbarie, qui déforme dans des sursauts impulsifs les traits de ton corps opalin. Fantôme aux sourires naïfs, misérable diable aux paroles complaisantes. D'aucun ne prêche fourberie et mensonge, car cette douceur est authentique, sincère et incontestable.
Tu n'oublies pourtant pas les sévices de la guerre de laquelle on t'a extirpé ; mais jamais ta langue ne se délit et ton âme ne s’exempte des douleurs d'antan. Les sujets sont écartés avec dextérité, à renfort de rires muets et de sentences bien placées. Tu ne quémandes la pitié de personne, car tu n'accomplis que les tâches que l'on te donne. Alors que les ordres faisaient défaut lors des batailles du second empire, ceux de l'institut ont le mérite d'être clairs et précis.
Tu crains les fièvres houleuses, qui dans des rêves enivrants, font perdre le contrôle des nerfs et exhalent les passions lancinantes. Loin des rires enfantins, loin des regards mutins, ton esprit bouillonne de ne pas posséder l'ascendant sur tes propres faits. Tu consens à demi-mots, délaissant en tremblant les rênes de ton corps à ceux qui pourtant possèdent ta pleine confiance.
Âge: 21 ans
Naissance: 26/01/1851
Arrivée: 18/08/1870
Présence en ville: 2 ans
Nationalité: Française
Métier: ex-fantassin au service du second empire; désormais garde pour l'Institut Svensson
Statut civil: célibataire
Groupe: Institut Svensson
Section: sécurité
Rang: garde
Nom de code: prusse
Taille: 1.74
Corpulence: carcasse athlétique taillée par les efforts et la guerre
Cheveux: raphaélesque amas d'ivoire, jadis aux embrumes châtains
Yeux: orbes pâles dans lesquelles l'azur se mêle aux teintes métalliques
Autres: marqué et saigné par le temps, le corps n'est plus qu'une toile où, déchaînés, se sont jetés les couteaux
il faut fermer les yeux
Chère petite sœur,
Le printemps frappe à nos portes et fait fleurir des roses écarlates sur nos uniformes cobalt. Depuis plusieurs semaines déjà, les oiseaux se sont tus –il n'y a plus que le grondement des canons qui nous berce de l'aube au crépuscule– et le ciel me semble plus terne que jamais. L'année terrible éclot à peine que nous voilà déjà tombés à genoux.
J'imagine que Paris murmure à ce sujet, l'impétuosité cède sa place à l'inquiétude et l'empire frisonne. Nous voilà bien assurés, nous les fidèles du fier empire, fantassins jetés dans la bataille en compagnie de nos cent trente-quatre cartouches. La Prusse est forte et ses soldats pleins d'entrain, mais nous ne céderons pas aisément.
La maladie s'est infiltrée dans nos rangs cette nuit, et il se chuchote parmi le soixante-deuxième régiment que la variole serait fautive. N'ai crainte, je prendrai garde.
Ferme les yeux petite sœur, dans quelques jours nos pieds frôleront l'herbe de Verdun, et l'espoir se verra à nouveau porté. C'est victorieux que nous rejoindrons l'Armée de l'Orient, brandissant avec hardiesse nos sévices. Je crois bien avoir gardé la foi, quand bien même ai-je vu nombre de nos camarades somnolant les pieds dans les glaïeuls, bercés par la nature de nos campagnes.
L'horizon n'est plus qu'un océan d'épaulettes pourpres et de cols jonquille qui s'entassent sur les routes en usant leurs bottes de cuir. Au moins sommes-nous présentables dans nos beaux accoutrements pour dame-la-mort, la fleur au fusil et le sourire aux lèvres.
Souviens-toi petite sœur, de nos jeux heureux, lorsque nous courions de rue Saint-Martin jusqu'au cimetière du Père Lachaise. J'ai l'espoir qu'à mon retour, je puisse à nouveau me faire distancer par tes jambes rapides, et dépenser quelques francs dans ces confiseries que tu aimes tant.
En attendant ces tendres retrouvailles, saches que je t'embrasse petite sœur, et que chaque fleur sur mon chemin me rappelle tes bouquets printaniers ainsi que les senteurs de la belle saison qui berçaient la maison.
Si les foules grondent, petite sœur, prend bien garde à t'éloigner des allées.
Embrasse nos parents.
Émile.
espoir asservit
L'armée du Rhin s'arrête au crépuscule, harassée, échinée. Et alors que la nuit s'abat sur les hommes épuisés, dans les rangs se souffle le nom de Pallatine, murmuré avec le fol espoir du condamné, l'égaré qui ne prie plus que pour voir sa vie sauvée de la barbarie. Les promesses d'une vie nouvelle ne sont que des rêves d'enfants malmenés, buvant sentences et clémences des charlatans aux cœurs de conteurs. L'air est lourd, le ciel bas et menaçant, couvrant le monde de ses épais voiles cendrés. Le voyage qui se voulait victorieux se mue en marche funèbre, les yeux hagards et la gorge serrée.
« Tiens bon, gamin. »
C'est le charlatan aux frasques enjôleuses qui te nargue de ses prunelles d'ébène, la peau pâle et les traits tirés. Le conteur semble croire à son propre mirage, si ce n'est que la fatigue l'ait rendu fou. Tu lui adresses un vague signe de tête, les cheveux collés par la sueur et les lèvres rendues sèches par la chaleur. Toi qui aimais les tendres étés parisiens, te voilà à haïr la fournaise des landes infinies. Les brises sont rares et l'orage qui s'annonce n'apporte qu'une atmosphère étouffante. Les limbes de l'enfer caressent déjà vos peaux usées et meurtries, tandis que la nuit souffle les dernières miettes du soleil couchant.
les pieds dans les glaïeuls
L'angoisse plante ses serres dans ta peau, crève ta chair et lacère tes veines tandis que les hurlements de la guerre brûlent et noient le monde dans un kaléidoscope de cendres et de poussière. La peur se palpe, se respire et se transpire. Saint-Privat n'est plus qu'un amas de ruines où s'entassent les hommes, agonisants, coincés dans leurs carcasses fumantes. Dans la folie hurlante qui emporte la conscience des hommes, tu adresses des prières sanglotées en silence, pleurant ta sœur, ta famille, ta vie qui s'échappe. Vulgaire pantin désarticulé oublié dans la boue, tu halètes bruyamment, la gorge obstruée par le sang sale et noirâtre, qui semble s'étendre même au-delà de ton regard. Si ton esprit espère hurler pour étancher la douleur, ton corps, lui, n'émet que râles et hoquets. L'Empire français, balayé, massacré, piétiné sous l'impétuosité prussienne, voit ses enfants, les soldats de cobalt et de grenat, ravagés par la guerre que le géant voulait tant. Tu en aurais hurlé de rire, si ton corps n'était pas brûlé et ton faciès mutilé. Ils sont loin, les galimatias des supérieurs, qui dans leur arrogance désenchantée galvanisaient les hommes qui tombaient au combat. La fièvre tuait tes pensées peu à peu, brisant les chaînes qui retenaient ta conscience en ce bas-monde. Ton bras n'était plus qu'un amas de chairs brûlées, ton visage et ta poitrine un océan vermeil de plaies béantes.
C'est à ton tour de t'endormir, les pieds dans les glaïeuls et des roses pourpres sur la poitrine. Et alors que tes paupières se ferment sur tes prunelles céruléennes, tu ne penses plus qu'à une seule chose, un vain espoir naïf, une étincelle tremblotante que tu te hâtes de saisir à bras-le-corps. Le charlatan n'est peut-être pas fou, et ses promesses ne sont peut-être pas moins que des contes enfantins. La rédemption et la miséricorde se gagnent-elles dans les bras de Pallatine, tu n'en serais certain, mais la douleur abrège tes tergiversations et te berce dans ses voiles noirâtres.
on se meurt
Le 18 août 1870, l'Armée du Rhin déchue, rendit les armes en conséquence au siège de Metz. Dans la terre et les champs, les carcasses aux fleurs vermeilles n'étaient plus que des corps sans visages, vestiges de la bestialité humaine.
L'on compta le soldat Faurès, fantassin de la soixante-deuxième compagnie de marche de l'Armée du Rhin, parmi les vingt mille victimes de Saint-Privat.
Felice, partisane de musique classique et d'histoire dramatique. Littéraire perdue dans une section scientifique, il paraîtrait que le bac m'attends dans un peu mois d'une centaine de jours (doux jésus).
Adepte de la procrastination, j'attends ma rédemption dans Baudelaire et les fanfictions tout en cultivant une dépendance prononcée pour le thé et le café.
Venue en l'agréable compagnie de Kohe (#william mon amûr)(#team guerre) je vous fait remarquer que vous envoyez du pâté. (et du lourd)
j'ai aussi beaucoup d'amour à revendre (et des gifs de chatons)