Amaryllis Campbell
Caractère
Histoire
15 octobre, il y a 27 ans
Pleine lune. Nuit noire. Un vent frais agite les plantes et les arbres de la cour. La ville semble silencieuse, endormie. Il ne fait ni trop chaud ni trop froid, une sorte de température idéale pour la saison. Dans les chaumières, les lumières sont éteintes. Une aura paisible vogue aux travers des rues, comme pour bénir le sommeil de ses habitants. Pourtant, cette nuit-là, une poignée d'êtres humains ne pourra pas profiter de la douce atmosphère du sommeil. Non, cette nuit-là, il fallait accueillir au sein de mur de la ville une nouvelle âme.
L'enfant est là. Il arrive. Plutôt que prévu mais il faut agir vite. On a pas le temps. On a pas les moyens, mais il faut faire quelque chose. On ne peut pas le laisser mourir comme ça, tout comme on ne peut pas se permettre de laisser la mère périr de cette épreuve. Les première contractions s'était déclenchée vingt-trois heure plus tôt. La mère était déjà faible et pitoyable de par sa fragile santé, et cet enfant qu'elle attendait n'avait fait qu'empirer son malheur. Mais c'était l'enfant de l'homme qu'elle aimait, alors elle avait été prête à subir toutes les souffrances du monde pour lui. Mais tout ira bien. On la protégera. Quelque chose. Quelqu'un. Comme la première fois. Et comme toutes les probables prochaines fois. Le père n'était pas encore là. Il était encore au travail. Elle espérait que le bébé serait né d'ici là. Pour lui faire la surprise. Pour le voir sourire. Pour qu'il la serre dans ses bras en lui disant à quel point il l'aimait.
Mais il fallait se dépêcher. Les cris et râles de souffrance s'étalent dans un écho malsain. On presse une bassine d'eau chaude et des serviettes propres. Le médecin de la ville est au chevet de la femme depuis quatre heure déjà, et l'enfant semble enfin se décider à sortir. Elle puise dans toutes ses dernières forces, dans toute sa foi, dans toute son âme. Son deuxième enfant sera aussi en bonne santé. Il sera fort, robuste, gentil, amant et attentionné. Il marchera sur les pas de sa sœur et de son père. Il sera guidé par leur amour et protégé de tous les maux. Elle prie tandis que la douleur des contractions déchiraient son visage. Des mèches rousses se collent à son front et ses joues. Elle est essoufflée, pantelante, tremblante, trempée de sueur. Faible. Si faible.
Enfin, son malheur finit par s'arrêter. Les premiers pleurs du bébé vienne couvrir le souffle bruyant de la mère. Elle attend, elle patiente. Qu'on lui apporte son enfant. Elle veut le voir, le toucher, le sentir. Qu'il vive, qu'il respire, qu'il soit beau. On finit par lui poser sur la poitrine. Elle est heureuse, tellement heureuse. Elle en pleurait si elle en avait encore la force. Elle palpe doucement le bébé, elle l'étudie ; cinq doigts à chaque main, des tout petits pieds, un cœur qui bat doucement, de grands yeux gris, une légère touffe de cheveux sur le haut du crâne. Il a hérité de ceux de sa mère, contrairement à sa sœur qui a la chevelure noire de son père.
« C'est une petite fille. Félicitation, madame Campbell. Vous avez été très courageuse. », annonce le médecin.
L'homme ne traîne pas plus longtemps dans la chambre, laissant tout le soin aux infirmières qui se pressent de s'occuper du bébé et de la mère. L'une d'elle s'approche et vient essuyer son front humide. Elle prend sa tension et vérifie qu'elle se remettra bien de cette rude épreuve.
« Vous avez une idée de prénom ? », demande t-elle
« Pas encore. »
Un sourire se peint sur ton visage pâle. Elle voulait attendre son mari pour décider de ça. Ne sachant pas si elle attendait un garçon ou une fille, ils ont préférés ne pas se presser à choisir un prénom.Ils n'étaient de toute façon pas sûr que l'enfant survive à l'accouchement, ou même la mère. La porte s'ouvre doucement. Une enfante aux courts cheveux noirs entre, s'approchant lentement du lit. Elle observe d'abord sa mère, et semble rassurée que celle ci soit toujours de ce monde. Elle lui présente alors sa petite sœur. Elle n'est pas très belle ; elle est toute fripée et ressemble plus à un singe qu'à un humain. Elle est si petite qu'elle pourrait se casser si on la serre trop fort. Elle a le regard vide, elle ne comprend rien de ce qu'elle voit, de ce qu'elle entend. Et pourtant, cette enfant qui n'a pas encore de prénom partage le même sang qu'elle. Ils ont un lien, un lien puissant. Elle devra toujours être là pour elle, parce que c'est son rôle d'aînée. Elle tend la main vers elle. Le bébé agrippe fermement le doigt de la fillette, comme une promesse qui les lierait l'un à l'autre.
Et comme pour bénir la naissance de ce nouvel arrivant, les premiers rayons d'un soleil timide viennent percer à travers les rideaux de la chambre, illuminant doucement le berceau où s'était endormie cette toute jeune vie.
10 mars, il y a 20 ans
Dans la maison résonne l'éclat de pas légers et pressés. Sur le carrelage du hall, les petites talonnettes de ses chaussures cliquettent et attirent l'attention des adultes. « Ne cours pas, tu vas glisser et te faire mal. » « Tu risques de tomber. » « Calme toi un peu enfin. ». Mais l'enfant n'écoute guère les indications des gens qui l'entourent. Une boîte en bois entre les bras, elle se hâte un peu plus lorsqu'elle arrive près de l'escalier menant à l'aile ouest du manoir, sa rousse chevelure sautant et se mouvant au rythme de sa course. Et, comme on n'avait cessé de la prévenir depuis le début, elle finit par glisser sur le carrelage tout juste lavé.
S'étalant de tout son long, elle lâche la boîte qu'elle tenait jusque là qui vient verser son contenu sur le sol. Tout autour d'elle, les trente-deux pièces de son jeu d'échec s'en vont rouler ailleurs. On entend le soupir mêlé des adultes et le couinement digne de la petite fille. Elle se redresse, honteuse, et dépoussière mollement les pans de sa robe pâle.
« Bah alors la rouquine ? On tient plus sur ses jambes ? »
Elle ignore cordialement la voix qui s'adresse à elle et vient ramasser une à une les pièces de son jeu, retenant à grand peine des larmes qui grandissaient déjà au coin de ses yeux. Alors qu'elle s'apprêtait à ramasser le roi noir, une main vient la lui voler, et une crinière de feu apparaît devant elle. Jouant sous son nez avec la pièce, le jeune garçon la fixe de son grand regard noisette. Un air supérieur et narquois peint sur le visage, il fait rouler le roi entre ses doigts.
« Eh bien. On t'a pas apprit à respecter tes aînés, Campbell ? »
« On m'a surtout apprit à respecter ceux qui le mérite, Walker. »
D'un geste vif, elle lance sa petite main en direction de la pièce pour la récupérer. Mais le garçon s'étant déjà préparé à l'attaque n'a qu'à lever le bras pour mettre l'objet en sécurité. Rapidement, les cris et gémissements viennent recouvrir les discussions des servants. Déjà bien habitué aux crises des deux enfants, c'est d'un pas mou et peu convaincu que l'un d'eux décide finalement d'aller les séparer. Mais avant d'avoir eu même le temps d'arriver à leur niveau, il voit en haut de l'escalier une jeune femme aux cheveux noirs de jais qui les toise. Le servant s'arrête presque aussitôt, et décide de tourner les talons lorsque la jeune femme commence à descendre vers eux.
Il valait mieux pour lui de pas être là pour subir les colères de la jeune maîtresse.
Trop occupé à se taper dessus et à tirer les vêtements de l'autre, aucun des deux n'avaient alors remarquer la présence de leur aînée. Ce n'est qu'au moment où elle se trouve juste derrière eux qu'ils finissent par relever le nez vers elle. Leur dispute se stoppant net et leurs visages prenant soudainement une teinte blanchâtre, ils n'ont pas le temps de courir pour fuir qu'ils sont déjà attrapé par le col. Tremblant de peur tous les deux, ils n'ont qu'un instant pour percevoir un souffle meurtrier sur leur nuque avant que leur deux crânes ne viennent s'entre-choquer. Tous les deux assommés à terre, la jeune femme les regarde, agacée.
« Vous allez nous faire le coup à chaque fois ? Vous dérangez tout le monde avec vos grognements porcins. »
Une main sur la hanche, elle semble se délecter de voir ainsi traîner à terre ces deux imbéciles qui l'ont empêcher de travailler. Tenant sa tête entre ses mains, la petite fille chouine entre ses dents.
« Je sens mes points de Q.I. qui s'échappent... »
« Parle pour toi, rouquine... T'avais plus rien à perdre contrairement à moi... »
« C'est toi le rouquin d'abord... Rouquin ! »
Il ne leur en faut pas plus pour de nouveau se jeter l'un sur l'autre, et il n'en faut pas plus à la jeune femme pour percuter à nouveau leur tête. S'étant assurée cette fois qu'ils ne se relèveraient plus, elle remonte l'escalier pour aller s'enfermer dans sa chambre. Ils attendent d'entendre un bruyant claquement de porte avant de rouvrir les yeux.
« Tout ça c'est ta faute, Walker. », chuchote-t-elle.
« La ferme Campbell. Fallait pas me manquer de respect. »
Se jugeant mutuellement du regard, ils finissent tous les deux par ricaner ensemble. Il y avait bien longtemps qu'ils n'avaient plus peur de se faire taper par Dahlia.
C'était le genre de relation qui liait les trois enfants. Bien qu'ayant des âges et des personnalités parfaitement différentes, ils arrivaient malgré tout à être amis. Cinq ans séparaient Amaryllis de Élias, et sept ans la séparaient de sa grande sœur. Les cadets passaient leur temps à se disputer pour un oui ou pour un non, tandis que l'aînée passait son temps à les assommer pour qu'ils s'arrêtent. Dahlia était sa sœur, mais elle ne partageait rien d'autre avec Élias qu'une enfance commune au sein du grand Institut qui régissait Pallatine.
Elle serrait incapable de dire quand elle l'a rencontré pour la première fois, ni quand ils sont passés du rang d'ennemis au rang d'amis. Elle ne se souvient plus de quand il a commencé à venir les week-end à la maison ni quand elle a commencée à le considérer comme son propre frère. Elle a oublié quand Dahlia a décidé de sortir parfois de sa chambre pour venir passer du temps avec eux et quand ses coups n'ont plus eu aucun effet sur elle. C'est un peu comme si cette situation avait toujours existé et qu'elle était vouée à exister pour toujours. Et pour ne rien cacher, c'était dans ce monde là qu'Amaryllis se sentait le mieux.
Ses parents travaillant énormément, sa sœur peut-être plus encore, elle vivait dans une famille stable et aimante, mais dans une famille vide. Elle avait tout. La richesse. La lignée. L'avenir. Et elle n'avait rien. C'est sa rencontre avec Élias lui a apporté ce qui lui manquait pour pouvoir profiter pleinement de ces dons que le ciel lui avait offert : un frère et un rival.
Tous les deux sont encore à plat ventre sur le carrelage, vidé de leur énergie et de leur agressivité animale. Sans vraiment s'en rendre compte, la petite fixe la pièce d'échec qui repose encore calmement entre les mains du garçon. Il finit par le remarquer et sourit doucement. Il la fait rouler vers la rousse qui met du temps avant de la récupérer.
« Une p'tite partie ? »
Elle rigole gentiment. C'était contre Dahlia qu'elle voulait se battre à l'origine, n'étant même pas au courant qu'il était de visite à la maison aujourd'hui. Mais que ce soit l'un ou l'autre, elle savait de toute façon qu'elle ne pourrait pas gagner. Les échecs, c'est un jeu qu'elle a découvert il y a quelques jours avec sa mère. Elle le trouve parfaitement passionnant et agréablement complexe. Il ne lui aura fallu que quelques minutes pour convaincre ses parents de lui acheter un échiquier, et elle se balade maintenant avec lui partout dans la maison à la recherche d'un adversaire à sa taille. Il n'est pas très intéressant pour elle de jouer contre les servants qui ne savent parfois même pas comment déplacer la tour. Les seuls qui savent lui donner un tant soit peu de challenge (et de leur temps) sont Dahlia et Élias.
Ça lui suffit. Elle est contente qu'il lui propose. Elle ne se voyait pas aller frapper à la porte de sa sœur après sa crise. A même le sol, ils ramassent les dernières pièces et installent le jeu. Bien que trop rapidement finie, cette partie là lui laissa un arrière goût de satisfaction intense. Ravie, elle tire un trait sur le bout de papier qui traînait dans sa poche.
Résultat de la compétition : Élias 19 – 01 Amaryllis.
C'était la première fois dans leur concours qu'elle arrivait à le battre. Le premier à vingts victoires est censé gagner. Dix-neufs parties ont succédé à celle-ci sur le mois qui a suivi.
Résultat final de la compétition : Élias 19 – 20 Amaryllis.
06 janvier, il y a 16 ans
Le ciel était aussi gris que la neige pouvait être blanche. L'hiver n'avait jamais était aussi rude. Les rues étaient désertes, les arbres avaient perdus leur splendeur, les animaux avaient fuis le jardin. Tout était blanc et calme. Tout était si beau. Elle était là, toute seule, dans ce paradis blanc qu'elle seule semblait apprécier à sa juste valeur. Elle tend les mains vers ce ciel triste qui déverse toujours plus de neige, laissant les flocons fondre au contact de sa peau, sentant toujours plus de frisson déformer son corps. Elle n'a pas de gants, pas de chaussures, pas même d'écharpe ni de manche pour recouvrir ses bras alors que le monde entier s'emmitoufle dans de grosses couverture,
La robe blanche qui l'habille est bien trop courte pour la saison, laissant apparaître ses fines jambes opalines recouvertes d'une chair de poule douloureuse. Elle ne devrait pas être là, elle le sait bien, mais il fallait qu'elle prenne l'air, qu'elle s'aère l'esprit, qu'elle finisse d'analyser toutes les informations qu'elle avait du ingurgiter ce soir. Elle tremble. Pas de froid, mais de rage. La panique l'avait conquise et il lui était devenu impossible de réfléchir correctement. Son sang bouillonne dans ses veines, sa respiration saccadée expulse une buée pâle d'entre ses lèvres, et son regard terne reflète les méandres de ses pensées les plus sombres.
Peut-être était-ce la première fois que quelque chose la décevait à ce point. La première fois qu'elle se sentait trahi par quelqu'un a qui elle avait donné tout sa confiance et toute son admiration. Son modèle qu'elle vénérait. Son modèle qui l'avait abandonné. Elle voudrait pleurer, mais tous les sentiments qui l'assaillent à ce moment étaient si puissants et tellement opposés qu'elle n'y arrive même pas. Elle aimerait qu'on vienne la chercher, qu'on la serre dans ses bras et qu'on lui dise que tout ça n'était qu'un mauvais rêve, qu'elle allait se réveiller et que tout ce qu'elle avait pu entendre n'était que le fruit de son imagination enfantine.
Mais elle savait bien que cela n'arriverait pas. Elle savait que tout n'était que pure vérité. Et elle savait aussi maintenant qu'elle venait de perdre l'être qu'elle respectait le plus en ce monde. Comment avait-elle pu en arriver à de telles extrémités ?
Il y a presque un an, un nouveau Directeur est arrivé à la tête de l'Institut. C'est à peu près au même moment que la famille Campbell a commencé à prendre des postes plus importants. Son grand-père maternel était passé Vice-Directeur et son père était maintenant à la tête d'une équipe au sein de la section de recherche et développement. C'est aussi à peu près à ce moment là que des tensions plus palpables encore sont nées entre les Campbell et les Walker. Silver Walker et Réséda Campbell se battaient tous deux pour la place de directeur de l'école de la section d'arrivées et d'éducation, et beaucoup d'espoirs étaient portés sur la nouvelle génération de ces deux respectables familles.
Oh. En y réfléchissant, c'était peut-être tout cette pression qui l'avait fait craqué. Pourtant, elle l'avait toujours connu prête à surmonter n'importe quel obstacle. Elle l'avait connu forte, sérieuse, avec la volonté d'aller toujours plus haut. Toujours plus haut... Trop haut peut-être. Elle ne l'avait pas entendu de sa bouche. On n'avait fait que lui rapporter ses dernières paroles. « Je ne veux pas faire partie d'un groupe avec si peu de notoriété. ». Elle avait claqué la porte après ça.
Il y a presque un an, un nouveau Directeur est arrivé à la tête de l'Institut. C'est à peu près au même moment que son importance à commencé à déclinée. Il existait déjà en cette ville trois diasporas qui visait plus ou moins la place de l'Institut. Chacune avait son caractère et son influence, mais jamais elles n'avaient réussi à faire chuter celle de la famille Svensson. Elle ne saurait dire si la présence de ce Directeur est une bonne ou une mauvaise chose, mais toujours est-il que ce sont ses réformes qui ont aujourd'hui fait disparaître Dahlia de sa vie. Personne ne sait où elle est partie, ni qui elle va rejoindre. Tout ce qu'on sait, c'est que jamais elle ne remettra les pieds dans ce manoir, et qu'elle a rayé à jamais le nom Campbell de sa vie.
La nouvelle fit rapidement le tour des membres de l'Institut. Généralement choqué ou surpris, ils ne comprenaient pas comme l'un des génie de la famille Campbell avait pu ainsi abandonné tout ce qu'elle avait construit jusque là. A 18 ans tout juste, une place lui était déjà promise au sein de la section de recherche et développement. Les deux filles Campbell étaient toutes les deux dotées d'une intelligence supérieure, à l'instar de leurs parents, et nul n'avait de doute quand a leur envie et leur capacité à grimper rapidement les échelons dans l'Institut. C'était un avenir tout tracé que l'aîné abandonnait là.
« Franchement, tu aurais au moins pu la retenir. »
C'était la première chose que lui a dite Élias lorsqu'il l'a revu suite à cet événement. Bien qu'à ce moment là dans les couloirs de l'Institut, elle n'a aucunement hésité à lui sauter dessus pour le frapper. C'est un geste qu'elle n'a pu retenir. Une sorte de pulsion. Un besoin d'extérioriser cette souffrance qui la tiraillait jusque là. Elle savait que la seule personne qui pouvait recevoir sa tristesse, c'était lui. Griffant, mordant, tapant, des traits de sang commencent à habiller leurs joues et leurs bras. Deux adultes ont du venir les séparer.
Cet acte, bien que fortement réprimandé par leur famille, était quelque part un moyen pour elle d'être sûre. Ils s'étaient battus plus violemment que jamais. Et Dahlia n'était pas venu pour les arrêter. Elle n'était plus là. En se disputant, elle a aussi découvert au travers de son regard qu'elle n'était pas la seule à être touché par le départ de sa sœur ; les yeux clairs d’Élias ne pétillaient pas comme à leur habitude. Ils avaient passés tous les trois leur enfance ensemble, c'était pour lui aussi un membre de sa famille qui s'échappait. Un membre de sa famille qui venait de mourir. Maintenant, ils ne restaient plus qu'eux deux.
Sortant de l'infirmerie plein de pansement, ils se regardent un instant. Ils sourient tristement mais ne veulent pas rire. Ils baissent la tête. Ils sont gênés et en deuil, ne sachant réellement quoi dire à l'autre pour lui remonter le moral. Au bout d'un long silence qu'elle ne peut plus supporter, elle se décide à partir.
« C'est drôle.. »
Elle n'a pas le temps de faire un pas, comme s'il avait chronométré le moment où elle finirait pas bouger. A force, peut-être ont-il finit par se connaître un peu trop bien.
« On m'a toujours dit que je passerai ma vie à être en compétition avec Dahlia. Sûrement parce qu'on a que deux ans d'écart. »
La rousse tourne la tête vers lui.
« Pourtant, j'ai vraiment l'impression que c'est contre toi que je passe mon temps à me battre. »
Elle soupire en pouffant. Elle savait que la personne qu'il cherchait toujours à battre, ce n'était pas elle mais Dahlia, puisqu'ils étaient tous les deux pareils sur ce point. Pour l'un comme pour l'autre, c'était à la fois leur modèle et leur but. La personne qu'ils admiraient et la personne qu'ils voulaient surpasser. Mais tous les deux venaient de perdre ce qui donnait un sens à leur action et à leur volonté. Que voulaient-ils atteindre maintenant qu'elle n'était plus là ? Elle ne veut pas y réfléchir. Le simple fait de savoir qu'elle n'est pas la seule à souffrir autant suffit à lui redonner le sourire. De sa sacoche en cuir, elle sort une boîte en bois.
« Une p'tite partie ? »
19 mai, il y a 12 ans
« Mais qui voilà ? C'est la petite Amaryllis ! Alors, comment va, gamine ? Ta mère est pas encore là ? »
Une large main vient s'étaler sur le haut de son crâne et mélanger avec vigueur ses pauvres cheveux.
« Monsieur Ilyes, arrêtez ça s'il vous plaît », gémit-elle en essayant de retirer la main de sa tête.
« T'es mignonne quand tu fais genre que t'aimes pas ça. »
« Ça vire à l'agression sexuelle... »
« A l'agres... quoi ? Tu es tellement méchante avec moi ma petite Gloutonne ! »
« Arrêtez de m’appeler comme ça ! »
Face à son visage rougit de honte, l'homme éclate de rire. Cette moue boudeuse qu'elle pouvait afficher lorsqu'il l'appelait comme ça n'avait pas de prix. A nouveau, il vient mélanger la crinière rousse de la jeune fille.
« Arrête de me vouvoyer un coup, ça me vieillit. J'ai même pas 30 ans je te signale. »
« Ilyes, cesse un peu d'importuner ma fille. »
Détendu jusque là, le dénommé Ilyes se crispe d'un coup, reculant d'un bond. Droit comme un i, il semble à présent aussi gêné que la jeune Amaryllis.
« Ne reproche pas à cette petite de respecter la hiérarchie, d'accord. Elle qui est si bien éduquée sur ce point. »
« Je n'oserai jamais, madame Campbell. », répond-il en souriant.
Douce et maternelle, Réséda Campbell vient lui tapoter l'épaule en guise de salut, avant d'emmener sa fille avec elle. Venue spécialement pendant une semaine, Amaryllis est là pour en apprendre un peu plus sur le métier de sa mère. Elle a passé la semaine précédente avec son père, où elle y a fait la rencontre d'Ilyes, l'un de ses proches collège, également chef d'équipe. Ce dernier semble avoir beaucoup de temps à perdre pour attendre l'arrivée de la jeune femme chaque matin.
Elle... ne le déteste pas. Il est gentil, dynamique, et bien que bruyant, d'une agréable compagnie. Mais il est celui qui n'a trouvé d'autre idée que de l'affubler de ce surnom de Gloutonne. Il faut dire qu'après le départ de Dahlia, elle n'a trouvé de refuge que dans les études et la nourriture. Bien que certes un peu rondouillarde et dotée de joues dodues, elle avait pourtant toujours prit grand soin à ne s'afficher devant personne entrain de manger. Mais Ilyes était fourbe et avait l’œil vif. Il l'avait surprise entrain de dévorer un paquet de biscuit en solitaire dans la salle de pause.
Elle soupire. Elle n'était même pas encore membre officiel de l'Institut qu'elle était déjà fiché comme une grosse mangeuse constamment affamée. C'est ce qu'elle était, en même temps, mais dans l'idéal, elle aurait préféré que personne d'autre que ses parents ne le sache. Cela fait trois jour déjà qu'elle est au côté de sa mère, et il semblerait qu'aujourd'hui elle pourra participer à l'arrivée d'un nouvel habitant. Elle est très excitée à cette idée. Suivant silencieusement sa mère à travers les nombreux couloirs de l'étage appartenant sa section, elle finit par atterrir dans une pièce où elle n'avait pas encore eu l'occasion de mettre les pieds.
Un brin plus sombre que le reste du bâtiment, il faut quelques secondes à ses yeux pour s'y habituer et finalement y distinguer une petite silhouette assise sur une chaise. Il lui faut encore quelques autres secondes pour faire le point et donner un visage à la silhouette. Elle s'arrête alors d'avancer. Sa mère le remarque mais ni fait pas plus attention que ça. Si elle a l'habitude maintenant, il est normal que sa fille soit, si pas choquée, au moins surprise. Elle discute un moment avec l'un de ses subordonné déjà présent avant de se retourner vers Amaryllis qui était toujours à l'entrée.
« Elle arrive tout juste. Elle s'appelle Adelana. Elle vient du Canada du Nord. »
Elle fronce doucement les sourcils avant de s'avancer au niveau de sa mère.
« Du Nord ? »
« Un Canada annexé par les chinois après la quatrième grande guerre. On l'a trouvée 2157. »
« Et... Elle a... ? »
« On a pas de date précise pour l'instant, mais il semblait qu'elle ait environ 8 ans. »
8 ans. Elle savait qu'à aujourd'hui encore, Pallatine était peuplé de personnes qui voulaient fuir leur Terre où ils n'avaient plus aucun avenir ni but. Ils cherchaient un lieu de renouveau, un lieu où leur vie aurait un sens. Qu'est ce qui pourrait bien pousser une jeune enfant de 8 ans a vouloir ainsi changer de vie ? Qu'est ce qui a bien pu lui arriver pour qu'elle en vienne à fuir jusque Pallatine ? De ce qu'elle en voyait, elle ne semblait pas battue ou maltraitée physiquement. Bien qu'un peu inquiète, elle souriait timidement et regardait avec attention tout ce qu'il se passait autour d'elle. Elle discutait vivement avec le subordonné de sa mère et semblait très intéressée par ce qu'on pouvait lui offrir ici.
8 ans... Même l'événement le plus dramatique de sa vie n'était arrivé qu'à ses 11 ans. Un événement si marquant qu'elle aussi aurait pu, dans le même cas, vouloir quitter tout ce qu'elle connaissait. Elle regardait cette petite brunette aux grands yeux verts et se demandait ce qui avait bien pu lui donner envie de venir ici. Elle aurait voulu pouvoir discuter avec elle, mais la barrière de la langue lui poserait pour l'instant problème. Le Canada de son époque était partagé entre le Mexique (qui avait également annexé la quasi-totalité des Etats-Unis) et la Chine. Elle joue avec une mèche de cheveux en attendant que sa mère n'est finit de s'occuper de la paperasse de la petite. Elle rejoindrait d'ici peu l'école de l'Institut et saura dans quelques jours si elle est digne de rester dans la ville.
La journée se termine sans qu'elle ne puisse penser à cette enfant. C'est lorsqu'elle s'apprête à sortir du bureau de sa mère qu'elle la croise par hasard, accompagnée du subordonné (dont elle ne connaîtra jamais le nom). S'arrêtant d'abord devant elle, elle lui afficha un large sourire avant de presser l'homme qui la suivait vers elle. Elle lui adresse des mots qu'elle ne saurait traduire et fait face à une Amaryllis paniquée qui ne sait quoi lui répondre.
« Je t'ai vu dans la salle ce matin. Toi aussi tu es une voyageuse ? » annonce une voix masculine.
Elle relève le nez vers le subordonné qui avait eu la bonté de lui transmettre ce que la petite lui disait. Elle lui sourit aussi gentiment en se mettant à sa hauteur.
« Non, moi, je travaille ici... bientôt. »
Machinalement, elle essaye de lui faire comprendre en mimant avec ses mains, ce que l'enfant semble trouver à la fois drôle et ridicule. Le subordonné reste près d'elles, communiquant sans beaucoup d'attention ce que l'une dit à l'autre. Elle en profite alors pour en savoir plus sur elle. Pourquoi avait-elle décidé de les suivre ici ? Comment se passait sa vie ? Si elle n'était pas triste de quitter sa famille et ses amis ? Si elle n'avait pas peur d'être là ? Toutes ces questions qu'elle se posait depuis qu'elle l'avait aperçu dans la salle et qu'elle n'avait cessait de ruminer toute la journée.
C'est comme ça qu'elle a pu tout apprendre sur sa vie. Comment elle avait vécu la rébellion du Canada du Sud. Comment son père était mort en combattant pour son pays. Comment sa mère, sans argent, était obligé de se prostituée, ramenant chaque soir un nouvel homme et se levant chaque matin couverte de coups et de bleus. Comment elle avait du s'occuper seule de sa petite sœur né d'un père inconnu qui est finalement morte d'un virus sévissant à cette époque. Comment sa mère avait été finalement emportée par une MST. Comment elle a finit dans un orphelinat bondé d'enfants de soldats. Comment elle avait traversé ces épreuves en à peine huit années de vie sans jamais désespérer qu'un jour meilleur arriverait.
Elle a ainsi discuté avec elle pendant plusieurs heures, sans que le subordonné ne râle jamais. Peut-être que lui aussi avait énormément d'admiration pour cette petite qui avait survécu à un monde en guerre. Dire qu'après tout ça, elle était encore capable de tenir debout et de lever haut la tête vers l'avenir. Parfois, en l'écoutant, elle aurait voulu pleurer, mais elle se retenait à chaque fois par respect pour elle. Lorsque, pressée par sa mère, elle dû finalement se forcer à la quitter, elle lui dit simplement :
« J'espère que tu auras la vie que tu mérites ici. »
L'enfant lui sourit de toutes ses dents et lui fit des grands signes tant qu'elle resta dans son champ de vision. Le monde de l'après quatrième grande guerre était décidément impitoyable, même avec les enfants. Elle ne l'aura pas recroisé de tout le reste de sa semaine auprès de sa mère. Elle était même venu à la fin de son séjour pour jeter un coup d’œil au niveau de l'école, mais ne l'avait reconnue nul part.
« Adelana ? Oh, on a dû la renvoyer chez elle », lui avait répondu sa mère le soir même à table.
« La... Renvoyer ? »
Réséda ne détache même pas les yeux de son journal, sirotant son thé noir avec un calme olympien qui arrache à Amaryllis une grimace d'énervement.
« Elle avait des bonnes raisons de rester ici, mais je pense qu'elle ne comprenait pas bien ce que ça impliquait. Elle était encore fort jeune après tout. »
La jeune femme juge l'adulte d'un regard noir. Elle essayait de la prendre pour une imbécile. Elle. Sa propre fille. Dont elle avait toujours fait les louanges de la connaissance et de l'intelligence. Mais elle n'était pas dupe. Elle savait très bien qu'il était impossible de renvoyer quelqu'un à sa vie d'avant une fois qu'il avait mit les pieds à Pallatine. Quoiqu'il est pu advenir de cette enfant, elle savait quelque part qu'elle n'aurait pas ici la vie heureuse qu'elle lui avait souhaitée.
Ce soir là, elle quitta la table sans rien avaler, sous le regard d'incompréhension de ses parents. Pour eux, ce genre de cas était légion après tout.
05 septembre, il y a 6 ans
« Eh bien rouquine, t'auras prit ton temps ! Dahlia avait 18 ans qu'elle est rentrée, elle. »
Affichant un sourire forcé et rageur, elle réajuste correctement sa veste et son chignons alors que le jeune homme se rapprochait d'elle. Elle le juge du coin de l'oeil : bizarrement, l'uniforme lui saillait plutôt bien, mais ne collait pas du tout avec son visage d'adolescent. Elle ne l'avait pas vu pendant presque quatre années. Quand il est rentré dans la section sécurité de l'Institut, il a cessé de passer jouer aux échecs avec elle à la maison. Il s'est fait plus discret aussi, sûrement sous la pression de sa famille. De temps à autre, ils s'échangeaient des mails, mais rien de bien folichon. Elle avait des nouvelles de son environnement et de ce qu'il faisait de ses journées. Il lui parlait de ses parents, de ses collèges et de toutes les aventures épiques qu'il pouvait parfois vivre. Elle lui parlait de ses cours, de ses cours et aussi des cours qu'elle avait.
Finalement, elle lui claque une pichenette sur la joue.
« Tu dis ça, mais t'avais 22 ans toi. Donc, je suis légitimement arrivée plus tôt que toi. »
Riant joyeusement en voyant qu'il ne trouvait rien à redire face à cet argument, elle finit par pénétrer dans l'enceinte de l'Institut Svensson. Elle était souvent venue ici, et pourtant, cette fois là lui semblait différente. Elle y entrait en tant que membre. Bien qu'ayant premièrement choisit de suivre les pas de sa mère, son expérience d'insertion il y a six ans de ça l'avait convaincu de rejoindre la section recherche et développement. Elle savait qu'elle aurait été incapable de supporter un autre cas comme celui de la jeune Adelana et qu'elle aurait fait pénétré en ces lieux n'importe quel pauvre chaton égaré.
Ces parents étaient là pour l'accueillir, au même titre que son aïeul, ainsi qu'Ilyes, qui était passé entre sa visite au poste de responsable de sa section. Poste qu'il se disputait avec son père et qu'il avait réussi à lui voler. Niallán Campbell ne lui en tint pas rigueur et leur relation resta amicale, mais il ne pouvait prétendre qu'il ne vivait pas mal le fait qu'un gamin comme lui lui prenne cette place qu'il convoitait tant. Ilyes qui était d'ailleurs bien déçu de ne plus avoir de légitimité à surnommer Amaryllis « La Gloutonne ». Autant, lorsqu'elle affichait encore un surpoids notable, cela restait drôle, mais elle avait tant donné dans ses études qu'elle avait l'habitude de sauter parfois deux repas par jour. Ainsi, les kilos qu'elle avait en trop ont bien vite disparu.
En fait, on pouvait se le dire, Amaryllis Campbell était devenu une belle femme. Droite et sûre d'elle, elle imposait même le respect à ses aînés. Elle avait acquis (ou peut-être était-ce inné) une capacité à parler et à diriger sans aucun problème. On avait presque naturellement envie de la suivre. Et pourtant, jamais elle n'aurait osé aller contre un ordre ou une demande de l'un de ses supérieurs, quand bien même elle ne voulait pas le faire. Grâce à sa présence dans l'Institut, elle a pu se permettre de se rapprocher aussi un peu plus de son grand-père, qu'elle n'avait rencontré jusque là qu'à de très rares occasions. Il faut dire que le poste qu'il occupait ne lui permettait plus réellement de vivre avec sa famille. Veuf depuis déjà de nombreuses années, il s'était voué corps et âme à l'institution où il tenait la place de Vice-Directeur. Et Amaryllis l'admirait pour ça.
Sa présent ici lui permit aussi de renouer les liens avec Élias. Maintenant qu'elle en avait finit avec les bouquins et les cahiers, elle pouvait voir chaque jour celui qui avait toujours été son meilleur ami, même contre les demandes de leurs familles. Les Campbell et les Walker étant visiblement en éternelle concurrences pour les meilleures rangs de l'Institut, il était vu d'un mauvais œil qu'ils soient aussi proches. Rien ne leur était bien sûr interdit. Ils étaient tous les deux des adultes respectables et, ayant passé une majeur partie de leur vie ensemble, il n'était pas imaginable de chercher à les séparer. Mais en un sens, cela les amusaient presque de devoir ainsi cacher leur amitié.
Chaque mardi, ils avaient décidés de manger ensemble dans une salle éloignée, pour pouvoir discuter de leur semaine à l'abri des regards. Chaque mardi, juste après leur repas, ils se laissaient aller à leurs éternelles petites compétitions d'échec. Amaryllis les avait toutes gagnée avec une large avant depuis sa première victoire, à ses 7 ans. Celle compétition ci fut quelque peu différente. Les règles étaient restées les mêmes, le premier à vingt victoire l'emportait. C'est le déroulement qui fut différent. Jusqu'ici, ils avaient joués trente-huit parties.
Résultat de la compétition : Élias 19 – 19 Amaryllis.
Ce mardi là, c'était leur match décisif. Après plus de quatre années de séparation, ils allaient savoir lequel des deux avaient finalement le dessus sur l'autre. Ce mardi là cependant, elle arriva plus tard qu'à l'habitude. Quand elle passa la porte, lui avait déjà finit de manger.
« T'es en retard, rouquine ! T'aurais au moins pu prévenir. Moi qui avait une super nouvelle à t'annoncer ! »
Le visage neutre, cherchant à masquer un dépit malgré tout visible, elle vient s'asseoir sur la chaise d'en face et sort mollement son plat préparé de son sac.
« Eh beh. C'est pas la joie toi, j'ai l'impression. Attends, je vais t'en annoncer une qui va te remonter le moral ! Sache ma chère Campbell que tu as l'honneur d'être la première à adresser la parole à Monsieur Le Chef De Brigade Walker ! »
« Mon père est malade. »
« Eh ? »
Perdant soudainement son sourire rieur pour faire place à une mou troublée, il toise d'autant plus le visage de sa camarade pour tenter d'y déceler une vague d'humour. Avalant sans grand intérêt une bouchée de son plat, elle laisse planer le doute pendant un instant.
« Mon père est malade », répète-t-elle presque ennuyée.
« Malade genre... La grippe ? »
Un rire résigné vient étirer le coin de ses lèvres.
« Non. Plutôt malade genre... Tumeur au cerveau. »
« Eeh... ? Mais... Il peut guérir ? »
Le silence qu'elle utilise pour lui répondre lui suffit. Il s'enfonce dans sa chaise, pitoyable, à regarder le plafond. Seul dans la salle résonne le bruit de mastication molle de la jeune femme. Ils restent ainsi pendant plusieurs dizaines de minutes, sans s'adresser la parole. La viande qu'elle mange n'a aucun goût et l'eau qu'elle boit semble lui brûler la gorge. Elle avait apprit ça juste avant sa pause. Son père avait fait une crise d'épilepsie dans son bureau et avait été trouvé par l'un de ses collèges. Il semblerait qu'il savait depuis longtemps que quelque chose n'allait pas, mais il ne voulait prévenir personne de peur de perdre sa place dans l'Institut. C'était Ilyes qui l'avait prévenu.
Elle n'avait pas encore eu le temps d'aller le voir, ni même de discuter avec sa mère à ce propos. Le Vice-Directeur leur a apparemment laissé l'autorisation exceptionnelle de pouvoir partir pour le reste de la journée afin d'aller au côté de son père. Mais on était mardi, et elle s'était dit que peut-être lui arriverait à la rassurer avant qu'elle ne se rende à l'hôpital. Elle avait fait un bien mauvais choix cette fois là. Ne finissant pas son plat, elle décide de le ranger et se lève de sa chaise. Toujours sans un mot, elle se rend vers la porte et attrape la poignée.
« Ah ! Ama', att... »
« Félicitation... Pour votre promotion, monsieur Walker. »
Elle ferme la porte derrière elle.
Dans la lignée des horribles nouvelles, on apprend qu'il est trop tard pour sauver Niallán Campbell, qu'il ne lui reste tout au plus que trois ans à vivre. Aussi, on apprend que l'on aurait retrouvé la trace d'une certaine Dahlia Takahashi.
Celle ci semblerait avoir rejoint la diaspora des Iwasaki-Rengo.
30 juillet, il y a 4 ans
C'est drôle comme parfois, le destin peut décider de vous narguer. Parfois, tout avance tranquille, comme sur un long fleuve. La vie s'écoule. Les jours passent et se ressemblent. Rien de passionnant n'arrive, mais rien de grave non plus. Les semaines s'enchaînent alors qu'un léger sourire éclaire chaque jour votre visage. Puis, un beau jour, un tragédie arrive. Quelque chose d'assez marquant pour que vous ne l'oubliez jamais, mais d'assez faible pour que vous puissiez vous en relever facilement.
Après avoir boité quelque temps, il est possible de faire comme si ce jour n'était jamais arrivé, et vous pouvez continuer à flotter doucement sur votre fleuve. Et, quand vous pensez que rien ne pourra nous barrer la route, un large mur se créer face à vous. Un mur bien plus dur et bien plus douloureux que ce que vous aviez déjà vécu. Et, bien évidemment, comme tout empire toujours en même temps, ce n'est pas un mais trois murs insurmontables qui vous bloque. A vous maintenant de vous débrouiller pour passer au dessus.
Voilà trois jours qu'il a rendu son dernier souffle. A cet endroit, de nombreuses personnes sont en deuil. Elles pleurent, elles crient, elles gémissent. Et pourtant, aucune journée n'avait été aussi chaude et lumineuse que cette d'aujourd'hui. Partout autour d'eux, les oiseaux chantaient et communiquaient gaiement leur joie d'être sous un tel soleil. Tout semblait briller, et tout semblait respirer la bonheur de vivre. C'était alors un décès que l'on célébrait. Tenant fermement la main de sa mère, elle regardait dignement le cercueil de son géniteur que l'on rendait à la Terre.
L'instant était aux pleurs. Néanmoins, elle avait été incapable jusque là de verser la moindre larme. Elle n'aurait su dire pourquoi. Elle avait toujours été très attachée à son père, et apprendre qu'il était gravement malade avait pour elle été un choc. Mais rien. Pas le moindre filet d'eau roulant le long de ses joues. Pas le moindre sanglot. Non. Peut-être même au dessus de la tristesse qu'elle pouvait ressentir, c'était le dégoût qui avait la place. Un sentiment d'échec qu'elle éprouvait vis-à-vis de son père. Un sentiment d'amertume.
Peu avant sa mort, on lui avait annoncé que ce serait elle qui aurait accès au rang de chef d'équipe. Ayant travaillé sous ses directives pendant presque deux ans et côtoyer tous ses subordonnés, elle était la plus à même de rependre les recherches qu'il avait commencé et de diriger son groupe. Bien sûr qu'elle aurait pu se réjouir d'une telle nouvelle. Amaryllis Campbell, 24 ans, chef d'une équipe entière de la section recherche et développement de l'Institut Svensson. Oui, cela aurait pu être parfait.
Parfait. Si lui n'était pas passé Responsable de la section sécurité au même moment.
Face à ce cercueil. Noyée dans cette foule. Assourdie par les supplications de tristesse. Elle ne peut s'enlever cette idée de la tête. Des roses blanches sont distribuées aux personnes pour qu'elles puissent dire un dernier mot au défunt avant qu'on ne le recouvre de terre, à la demande de sa mère. Un à un, ils viennent prendre une fleur et la jettent dans le trou, murmurant un message d'adieu à cet homme qu'ils avaient connu. Amaryllis et sa mère sont les dernières. Elle laisse tomber la fleur mais ne dire rien. Elle se contente juste de laisser résonner en elle cette frustration qui la tiraille depuis tout ce temps.
« Papa. Ta mort aura été inutile. »
La vie à l'Institut avait difficilement reprit son cours. On notait surtout l'absence de la veuve, Réséda Campbell, toujours déchirée par la disparition de son époux. La fille, elle, répondait toujours fidèle au poste. Elle ne semblait pas autant atteinte que sa mère, mais l'on sentait depuis qu'elle avait reprit la place de son père qu'une aura froide et distance l'entourait. Elle ne parlait à personne et ne communiquer à ses subordonnés que le strict minimum. Un voile sombre avait teint ses iris bleus clairs pourtant toujours si brillant.
« Amaryllis. Toutes mes condoléances. »
Presque une semaine que l'enterrement avait eu lieu, et c'était la première fois depuis lors qu'elle entendait sa voix. Monsieur n'avait même pas prit la peine de venir souhaiter ses condoléances à la famille le jour même. Peut-être était-il trop occupé à sa nouvelle fonction ? Elle lève vers lui des yeux pleins de mépris, regard qu'il soutient comme un défi qu'on lui lancerait. A 29 ans maintenant, il n'avait plus rien du gamin gringalet qu'elle avait toujours connu. Sa carrure s'était épaissie et, bien qu'il arborait toujours cet visage enfantin, semblait beaucoup plus intimidant qu'il ne l'avait jamais été. Elle finit par lâcher son regard noisette et passe devant lui sans lui adresser la parole.
« Eh bien. On t'a pas apprit à respecter tes supérieurs, Campbell ? »
Elle se stoppe net. Elle qui avait toujours été habituée à entendre cette phrase sous un ton moqueur, cette fois là, elle résonnait à ses oreilles comme le son horrible d'un lien qui se déchire. Elle soupire longuement, tentant de maîtriser un incontrôlable tremblement, et se retourne vers l'homme à la chevelure bien plus rousse que la sienne et s'incline doucement.
« Mes excuses, Monsieur Walker. »
Elle se redresse presque aussitôt et se dirige en hâtant le pas vers son bureau. Elle ferme à clef en pénétrant dans la pièce et laisse son dos glisser contre la parois glacé de la porte.
« Papa... Ta mort aura définitivement été inutile. », ne peut-elle s'empêcher de penser.
Bonjour ou bonsoir ! Mon p'tit nom à moi, c'est Charly ! Plus communément nommée Akamae sur les Internets. J'ai bientôt 20 printemps (yep, j'me fais vieille).
Je sais pas trop trop quoi dire en vrai 8D Genre, j'suis en 2e année de psycho (si, si, je pèse, t'as vu). J'aime Gaïa (ma chat), Sirius et Mikaël (mes PC) et Jean-Roger (mon frigo). J'aime manger et dormir, et jouer à Pokémon pendant les cours de neuro'. J'aime lire, écrire, dessiner, peindre, sculpter, filmer, nager, courir, danser, voler, fumer, violer, paraphraser (vous pouvez arrêter à dessiner). J'aime les renards, les pandas roux et les chouettes chevêches. J'adore les sushiiis. J'aime les années 70 / 80 (les vraies bonnes musiques).
Si j'avais un super pouvoir, ce serait la télékinésie. Si j'étais un arbre, je serai un sapin. Si j'étais un fruit, je serai une fraise. Si j'étais un personnage, je serai Jack Sparrow. Si j'étais une musique, je serai Hangover (la version cool d'Alestorm par contre). Si j'étais un animal, je serai un panda roux (parce que c'mon animal totem wsh). Si j'étais un animal imaginaire, je serai une licorne (parce que Charly... Tu vois). Si j'étais un smiley, je serai °^°.
Je fais du RP depuis... Depuis 6 ans maintenant, comme le temps passe vite .w. J'écris rarement à la première personne, et plus généralement à la deuxième ou troisième personne, en fonction là de la personnalité du personnage. J'aime les pavés (ça doit être mon sang de portugaise qui fait surface). J'suis un peu nulle pour faire des vava' mais c'pas grave, j'le vis bien .w.