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.Somewhat damaged. [Lorelei]

Lun 30 Jan 2017 - 22:56
C'était splendide.
La stupeur qui étincelle dans les regards, le sillage opalin du projectile, la naissance d'une étoile, d'un soleil aux couleurs du désastre, dans l'iridescente vitrine. Un simple geste, mécanique de l'épaule, et depuis les hauteurs des toits tu avais largué le danger à bout de bras, mauvais tour et bon lancer, à destination du bar en-dessous, de l'autre côté de la rue, sans aucune desserte de prévue. Droit. Abrupt. Un crash fabuleux, le flirt euphorique d'une large fenêtre toute rutilante de néons et d'une bouteille pauvresse de bière à demi-vide, le genre d'histoire d'amour conte de fées que l'on ne lit que dans les romans, avec pour célébrer l'union inouïe l'explosion du verre mêlés aux éclats de voix. La nuit était belle, glaciale, d'un clair de lune étouffé par les réverbères, et malgré la saison les voies longeant les établissement du quartier de Kolt fleurissaient d'hommes et de femmes venus se réchauffer à la chaleur des bars.
Tu apprécies cette atmosphère festive autant qu'elle te contrarie. Pour cette énergie cosmopolite qu'elle véhicule, pour ce foisonnement rythmé, ce brassage continu des mélodies et des vocables recrachés par intermittence dès que l'une ou l'autre porte s'ouvre, se referme, avale ou vomit des silhouettes plus ou moins stables, plus ou moins avinées, et tu te plais d'ordinaire à parier seul sur le nombre de consommations ingurgitées par la gamine hilare en train de wolowoler sur ses talons, soutenue par un ami qui n'en sera peut-être bientôt plus tout à fait un. Souvent tu te postes là-haut, l'encre du ciel pour couverture, guettant les jeux de bagatelle qui illumineront tes mornes soirées, les deux coudes posés sur le bastingage d'une terrasse bétonnée, jusqu'au moment où tu te décides à briser la glace. À secouer cette foule éclectique, cette houle alcoolique à soulever. Et à fuir, preste, sous la menace du lynchage.

Le nom de ta victime ne t'intéresse guère. Qu'il s'agisse du Mondocane, du Lemno's Club ou de la tanière de Cheshire, peu importe tant que le vacarme est là, libéré d'un coup unique avec le fracas de l'explosion et, à sa suite, les exclamations rageuses des employés des lieux qui, trop tard, n'aperçoivent pas ton ombre disparaître à contre-nuit entre les cheminées. Ceux-là, cette fois-ci, ne t'auront pas. En revanche, ce n'est peut-être pas le cas des gaillards que tu croises en redescendant de ton perchoir. Le type corbac. Oiseaux de proie. Becs acérés, rémiges crasseuses et glottes criardes, dont les tiraillements éraillés râpent à tes tympans. Le rire écorché contre leurs dents, ils t'observent toucher terre en s'échangeant des œillades fauve, les serres grippées autour de leur breuvage à l'arrière-goût rance, puis s'avancent dans ta direction ; tu es encore à dépoussiérer tes genoux qu'ils se penchent au-dessus de toi – harpies à la musculature virile – de sorte que tu devines qu'il te faut sur-le-champ déguerpir. Ou souffrir. Sans doute pour rien, d'ailleurs. Tu n'es pas de ceux qui se promènent dans le coin les poches relevées d'où dépassent d'épaisses liasses, ni de celles qui minaudent en quête d'un mâle à plumer – tu n'irais même pas les bousculer ou tourner en ridicule leur démarche cagnarde, façon cowboys à l'entrée du saloon, afin d'éviter de les échauder. Malheureusement pour toi, tu es ce soir seul à penser au confort de ton voisin et, à leur manière de t'apostropher en te traitant de gamin, soulignant le fait que tu ne devrais pas traîner en un tel endroit – tu pourrais, disons, y faire de regrettables rencontres –, tu supposes que les remercier pour leur bienveillance ou insulter leurs mères revient au même. Kif-kif. Alors, quitte à choisir, t'as insulté leurs mères. Pour le plaisir.

Maintenant tu cours. Tu cours comme si tu avais le Diable aux trousses, et en un sens il y a du vrai dans ce parallèle, tu cours sans chercher à te retourner, jamais, en nul instant, puisque tu les entends qui te suivent de près, trop près, cavalcade bovine scotchée à tes semelles, et la ville autour a perdu la netteté de ses contours, elle fond, véloce, dans l'obscurité et la fumée de ton haleine, s'égare davantage à chaque foulée, se confond peu à peu parmi les noirceurs de décembre. Devant toi, les gens sont lents à s'écarter, t'obligeant parfois à te cogner contre de lourdes hanches, à percuter un coude oublié ou à pousser un cul ou deux, non sans récolter jurons et contrariétés. Une vétille à l'aune de ce qui t'attend si tu t'arrêtes ou même si tu ralentis, car les quatre lascars qui te collent aux jarrets ne semblent pas prêts à pardonner ton mot de travers. Mot que tu n'hésites pas à laisser fleurir de nouveau chaque fois qu'ils te mettent au défi. Tu as beau avoir le souffle plus court que ta taille, rien ne t'empêchera de les emmerder. Et tant pis si ensuite, ils te le font regretter.
C'est drôle.
Tu ne sais juste plus trop si ça l'est toujours.
Mar 31 Jan 2017 - 8:39
Run

ft. Cameron
On dit que l'arrondissement des bars est le plus dangereux de tout Pallatine. Alors c'est tout naturellement que Lorelei s'y retrouve la nuit tombée. Parce qu'elle ne cherche évidemment pas les ennuis, et parce que bien sûr les coins dangereux de la ville ne lui rappellent pas son Bronx natif dont l'absence fait un trou dans sa poitrine, en des soirées comme celles-ci. Pas du tout. Fuck, I miss the old times. Ces soirées dans les bars à être le cauchemar de l'établissement. Et les autres, plus calmes, comme celui où avait failli se prendre une chaise dans la gueule parce qu'elle n'avait pas aimé ce qu'insinuait un mec tout à fait random envers sa copine du temps.

Ils s'étaient fait mettre dehors avant de détruire plus de mobilier et ils s'étaient battus (avaient continué), et elle se souvient encore de cette fierté, cet orgueil mêlé de colère qui avait gonflé sa poitrine quand elle lui avait craché du sang à la gueule après l'avoir mis à terre. D'un bon crochet du droit, si elle se souvient bien. Et ce la gueule pleine de sang à cause de la blessure à son sourcil. C'est encore une des altercations dont elle est le plus fière de sa victoire. (Sa copine, Taylor, une infirmière, avait été beaucoup moins fière. Surtout quand elle n'avait pas pu la convaincre d'aller à la clinique et qu'elle avait dû la recoudre elle-même.)

Fuck. Avec le recul, jamais cette fille n'aurait dû se mêler à la même foule que Lorelei. 'Hope she found someone better. Puis elle serre les dents, soudainement agacée. What a mopey fuck y'are. Get the fuck over yourself. Elle secoue la tête, comme si ça allait l'aider à chasser les souvenirs qui l'assaillent.

Ça ne fonctionne pas, bien sûr. Mais ce qui fonctionne, c'est la tête rousse qui passe en trombe à côté d'elle, qu'elle reconnaît immédiatement comme un jeune Altermondialiste. Qu'elle évite comme la peste, d'ailleurs, parce qu'elle jurerait que c'est une réincarnation d'elle, quand elle avait son âge. Et que, franchement, elle n'a pas besoin de plus de nostalgie. Alors elle se prépare à l'ignorer, comme elle le fait toujours, et ce jusqu'à ce qu'un groupe de gaillards la bouscule à sa poursuite. « Hey! Fuckin'. Assholes! » Oh. Wait. Ils sont après le jeune? Oh goddam- Fuck it!

Elle s'élance à leur poursuite à travers la foule à coup de multiples jurons. Et heureusement qu'elle est rapide, parce qu'elle les perd presque - mais pas encore. Et Lorelei jure, parce que putain, ce serait vraiment plus facile de faire une course poursuite s'il n'y avait pas autant de monde dans les motherfucking rues. Heureusement, elle est plus fine que les gaillards (et ils frayent un chemin pour elle, eux et Smallrelei), et elle les rattrape de plus en plus. « Prenez-vous en à quelqu'un d'votre taille, assholes! »
ϟ NANA


Spoiler:
Mar 31 Jan 2017 - 21:23
Depuis qu'Ange a disparu, tu as multiplié par deux ton temps gâché dans les rues de Pallatine – plus de couvre-feu, plus de colocataire prêt à sermonner ton absence, plus d'impératifs horaires régulés par les repas. Et à la place, pour combler le vide, la sensation toujours prégnante d'une trahison. Tu n'as pas réussi à digérer, depuis cet été ; alors tu traînes dehors sans te soucier de celui qui ne t'attend plus, tu zones, flânes et collectionnes des rencontres douteuses, le genre à te mettre trois têtes de plus ou à te courser sans se lasser dans tout le quartier parce qu'elles n'apprécient pas tes démonstrations d'insolence. Tu as une bonne endurance, Cameron, une nécessité vitale par ici, mais la volée de charognards qui s'excite dans ton dos n'en démord pas pour autant – elle ne cessera de te pourchasser que lorsqu'il ne restera de toi qu'un amas spongieux sur le pavé. Pas besoin de leur poser la question pour s'en convaincre. L'expérience suffit. C'est l'une des raisons pour lesquelles être capable de courir vite et longtemps est essentiel. Même si tu sais pertinemment que tes jambes demeurent trop courtes pour semer les foulées de tes poursuivants, et qu'il te faudra faire preuve d'un soupçon d'ingéniosité pour parvenir à esquiver leur empoignade. Manque de chance, tout ce qui pourrait te servir à ralentir leur élan – un cageot à renverser derrière toi, une rambarde à sauter, une patrouille de sécurité – ne daigne pas se présenter sur ta route, si bien que tu es forcé, au mieux, de slalomer entre les badauds.
Certains d'entre eux ont d'ailleurs la gouaille fleurie, à l'instar de cette nana que votre convoi infernal s'est permis de percuter, mais tu l'as depuis longtemps dépassée quand la réminiscence se rappelle à toi, cet accent écorché, cette verve fumeuse, ça te parle, d'où, tu ne te souviens pas, un roulis de rocaille sur le bout de la langue. Une incandescence, en provenance directe de par-dessus ton épaule, qui racle et clame l'injustice – le sous-entendu que tu es petit. Si tu ne craignais pas de te retrouver nez à nez avec une armoire à glace bourrue et agressive, tu te serais retourné pour connaître l'auteur de cette méprisante allusion. Néanmoins, c'est probablement la seule voix de tout le pâté de maisons à prendre ta défense, alors ce serait ingrat de ta part de le lui reprocher ; tu ne peux pas, de toute manière. Tes prédateurs eux-mêmes n'en font que peu de cas, quoique l'un semble lui accorder de l'attention et s'arrête à cette intention.

Tu regrettes ta décision à la seconde même où tu bifurques, quittant l'avenue bondée au profit d'une ruelle exiguë qui débouche sur une cour close, cernée par trois murs et un grillage – fais comme un rat. Ne réfléchis pas. Grimpe. Accroche-toi à ce que tu peux, sourd aux gémissements de la ferraille que tes phalanges agrippent, aux pliures grinçantes du métal aux griffures rouillées ; par-delà cette trame torsadée, ils ne pourront plus te suivre. Tu t'autoriseras un repos. Une respiration, erratique, juste avant de repartir te cacher à l'intérieur de ton terrier jusqu'à la nuit prochaine. Sauf que tu ne t'es pas élevé de ta propre hauteur qu'une pointe s'enfonce soudain dans ta paume, t'impose un bref arrêt. La douleur transperce tes nerfs en un aiguille de foudre et tu grimaces en devinant la tiédeur poisse qui sourd aussitôt de la plaie ; l'instant d'après, cinq crochets s'emparent de ton vêtement pour t'arracher à ton juchoir et te jeter ensuite sur le sol au milieu des huées, une plainte amère serrées entre tes mâchoires. Te voilà gauche et veule, à demi-étranglé par le col tiré de ton sweat, inapte à anticiper les vingt secondes qu'il te reste de conscience avant extinction des feux. Cela ne devrait guère durer bien longtemps – ils se lassent toujours dès que ça ne bouge plus. L'amas spongieux sur le pavé.
« T'as cru qu't'allais nous fausser compagnie ? »
La poigne te secoue par la capuche. Tu aimerais répondre, mais tu discernes mal leurs gueules vicelardes mordues de pénombre. Perçois juste les remugles de leur haleine, et c'est suffisant pour te sentir mal. Nauséeux. Ou bien est-ce le futur coup de pied logé dans tes intestins qui remonte déjà à ton cerveau.
« Tu fais moins l'fier maint'nant, hein ? Retire c'que t'as dit ou on t'fracasse. »
Mets-toi en boule, relève les genoux contre le ventre, protège ton crâne avec tes bras – technique de survie opérationnelle dans trois, deux... Tu grognes. Craches un :
« Ta mère la... »
Zéro.
Mer 1 Fév 2017 - 1:27
Run

ft. Cameron
Et le poursuite se poursuit. Elle les suit pas à pas, se rapprochant doucement, jamais assez pour pouvoir en clock un, par contre. Alors elle continue de courir, et ce jusqu'à ce que tout le monde bifurque et qu'elle manque de se manger une personne dans la gueule alors qu'elle s'arrête pour tourner à leur suite. Elle voit le gamin qui tente d'escalader pour échapper et ses poursuivants, et eux qui l'agrippent et le jette par terre. Et voilà que, si elle n'était pas là, Smallrelei se prendrait moult coups dans la gueule. Mais heureusement, Lorelei est là, à coup de sucker punch derrière la tête de celui qui le tiens par la capuche.

« Don't y'fuckin' forget 'bout me! » Il s'écrase par terre par la force du coup qui l'a sans doute mis KO pour le moment. Les coups derrière la tête ont tendance à faire ça. Malheureusement, Lorelei n'aura pas le loisir d'en distribuer d'autres, alors que ses copains se tournent vers elle. À défaut d'une balle dans le genou (elle n'a pas sorti son glock), elle leur décoche un sourire d'une confiance dégoulinante. Not so fun when you're the one gettin' hit, eh? L'adrénaline coule le long de ses veines alors qu'elle esquive un coup, puis un autre, et qu'elle s'en prends un troisième dans l'estomac. Oof.

Le quatre contre deux, c'est plus ou moins. Mais quelque chose pousse Lorelei à continuer le combat sans tirer son arme. Peut-être que c'est l'extase quand elle réussi à faire atterrir un coup, ou quand elle en esquive, ou même quand elle se prends un poing sur la gueule. Juste parce qu'elle se relève quand même. Peut-être qu'elle aime juste le défi. La potentielle infinie fierté de gagner un quatre contre deux. Can't stop won't fuckin' stop. Elle se mange un crochet, la douleur se répercute dans son crâne.

Elle se faufile hors de la prise qu'on tente de resserrer sur elle, se retourne et va écraser P E A C E contre la mâchoire d'un des gaillards. « 'That all ya got?! » Juste pour les énerver un peu plus. Ce sourire confiant toujours étalé sur son visage. Ooh, this is fun. Même si ça risque de mal tourner, et assez bientôt vu comme ils sont désavantagés, elle et Smallrelei, d'un en nombre, de deux en carrure. Mais ce n'est pas grave, de toute façon. Elle a encore le glock à sa ceinture.
ϟ NANA
Jeu 2 Fév 2017 - 21:37
Tout le monde pensera que tu les as bien cherchées, tes emmerdes. Qu'elles n'ont attendu qu'un signe de ta part pour se vautrer sur toi, que tu les provoques comme les nuisibles la peste, que c'est tant mieux si, en retour, tu reçois la souffrance que tu t'es fait un plaisir malsain de déclencher. C'est faux, pourtant. Personne ne trouverait de joie dans la lapidation, pas même le dernier des jean-foutre, et toi le nabot, le morveux, l'avorton, pas plus qu'un autre tu n'apprécies de sentir tes os trembler sous les frappes martelées de tes adversaires, d'entendre tes fibres vibrer de douleur et ton épiderme se fendre ou bleuir sous les coups. Alors tu te recroquevilles tant que tu peux, cloporte nocturne, sans une plainte et sans une larme, de roc soudain entre ces vautours, pour y attendre la fin du grésil. Mais c'est qu'il n'existe guère de début à l'averse, juste un craquement de tonnerre au-dessus de ta tête, que tu relèves avec curiosité. Qui osa repousser l'orage d'un seul cri ? La voix, à présent familière, percute ton oreille.Tu n'imaginais pas quiconque vous suivre, car le « chacun pour soi » est la règle commune à ces quartiers à la réputation écarlate. C'en est presque vexant, d'ailleurs, qu'une étrangère ait remarqué ta posture délicate et soit venue en renfort – quand bien même, à la voir esquiver et rendre les frappes, elle semblait juste guetter une occasion de se défouler.
Tu n'es bientôt plus qu'un fantôme sur le ring. Plus personne ne s'intéresse à toi, si bien que tu devrais en profiter pour te carapater définitivement. Laisser les grands s'amuser entre eux. Ni vu ni connu, tu te casses. Te tailles une échappée laide au son du grillage que tu recommences à escalader, veillant cette fois-ci à ne pas te transpercer l'autre paume. Ni au revoir, ni signe de gratitude, voilà bien ta marque de fabrique – c'est à se demander pourquoi tu ne ferais pas pickpocket professionnel, tiens. Une vocation gâchée. Dans ton dos, les bruits de la bagarre forment une harmonie familière. Tu as beau t'éloigner, tu devines la force des impacts aux grondements saccadés des hommes, à la crête acérée de leurs respirations, aux chuintements frottés des tissus. Tu te demandes si la fille s'en sortira seule – elle n'avait qu'à pas se jeter dans la gueule des requins-marteaux. Tu n'y retourneras pas, toi. Trop risqué. Tu n'appelleras personne non plus. De telles scènes sont légion par ici, et les légionnaires de l'Institut ont d'autres chiens à fouetter qu'une bande d'ivrognes contre une femme solitaire. Reste quoi ? Rien. Des lambeaux sur la langue, plusieurs spasmes électriques, des contusions par dizaines.
La lâcheté croûtée à tes semelles et ton instinct rassuré qui s'essouffle en douceur.  

Tu t'arrêtes. Jettes un coup d'œil par-dessus ton épaule, observes l'échauffourée à travers les carreaux sales du grillage au bas duquel tu as sauté quelques secondes auparavant. Devant toi, l'extrémité de la ruelle te ramène à une voie éclairée d'où jaillit un brouhaha continu et festif, à une lueur de brasier solaire, mauve, bleu, or et bruyante. Désagréable. Derrière, en revanche, s'agite la rue profonde, sa véritable nature urbaine, crasseuse, violente et envahie de ténèbres ; un pas supplémentaire et tu t'en extirperas au profit de la pleine lumière. Mais tu repenses à ce gars étrange qui t'a remercié un jour – pourquoi là, maintenant, pourquoi lui, c'était pourtant si simple d'oublier – et un éclair, dans cette foule illuminée d'un soir ordinaire, dans ce charivari de couleurs et de parfums, tout à coup te débecte. Ce n'est pas ton monde. Même pour y disparaître, tu n'y as aucune légitimité. Ça reste coincé dans ta gorge, un clou dans l'œsophage, et le fiel inonde ton cœur à la manière d'un chiendent vénéneux. Tu ne peux pas. Renâcles face à ces moisissures lumineuses sur ta cornée, te détournes finalement pour te laisser ravaler par la réconfortante obscurité.
Revenir en arrière est plus simple ; l'on a entassé près de la grille une benne et des cageots sur lesquels tu n'as qu'à te hisser afin de franchir de nouveau la muraille, cette arête métallique au sommet de laquelle tu t'immobilises une demi-seconde, juste le temps d'analyser la situation – une femme, cinq mecs dont un étendu à terre et un autre à quatre pattes, l'air de se tenir le bide en gémissant. Tous les valides semblent concentrer leur attention et leurs forces sur leur ennemie afin de la faire plier, parce qu'il va s'en dire qu'il y a un peu plus que des bleus et des bosses en jeu. L'orgueil est de la partie. Et curieusement, la combattante n'en semble pas dénuée le moins du monde. À la voir distribuer ses torgnoles, elle serait plutôt de celles à l'avoir haut placé et à le revendiquer, attisant presque ta sympathie. Dans le cas miraculeux où tu en posséderais une.
Tu as sauté. À l'arrache, à l'aveugle, pas tant, avec pour objectif d'atterrir sur l'un des gars – le plus proche de toi, le plus fluet, qui n'avait pas pris gare à ce que le danger pouvait surgir du ciel – les pieds en avant pile en-dessous de la nuque et vlan, vous voilà tous les deux à bouffer l'asphalte, lui par le menton – craquement visqueux, dégueulasse comme de marcher sur un moineau – et toi par les paumes puis les genoux en roulant pour te stabiliser vaille que vaille. Nulle grâce, nulle dextérité. Un chouïa plus à droite et tu t'éclatais les chevilles dans tes baskets miteuses, mais peu importe le possible ; te revoilà debout face à trois paires d'orbites plus ou moins stupéfaites tandis qu'une gaieté noire luit dans ton œil d'arachide.
Lun 6 Fév 2017 - 2:47
Run

ft. Cameron
Peut-être ses poings seraient-ils endoloris à force de coups, mais elle ne le ressent pas. C'est l'adrénaline qui coule dans ses veines, le plaisir qui amortit la douleur des coups qu'elle se prend, qui font encore écho dans son crâne. Elle se mord la langue en se mangeant quelques jointures, un claquement de dent fort désagréable, et se baisse juste à temps pour esquiver un autre coup. Elle attribue le fait qu'elle arrive à stand her ground d'un au fait qu'elle a juste ce talent, que la violence coule dans ses veines et sa résilience artificielle, bien plus mentale que physique - et de deux, aux frappes bien chancelantes de ses adversaires, attaques maladroites dues à l'alcool, sans aucun doute, qui coule dans leurs veines.

Elle ne se rend pas compte du départ de Smallrelei. Trop occupée par ce sourire qui fend son visage, ce plaisir sauvage du combat. Un knuckle sandwich par-ci, un pas de côté par là, se demandant combien de temps il faudra à ces gaillards pour l'attraper et retourner le flot de la bataille. Useless bunch o' fucknuts. « C'mon! Gimme som'thin' t'dodge! » Elle les nargue sans vergogne, d'une ouverture des bras, de cette arrogance, de ce plaisir qui la rend presque giddy. Puis elle sent les mains d'un des gaillards se refermer sur elle, tente de se défaire d'un coup d'épaule, et se prend un poing dans l'estomac alors que son attention n'y est pas.

Les bras se resserrent sur elle, et le poing de l'autre revient s'écraser dans son ventre. Elle se prend le coup, goûte le sang dans sa bouche, mais se contente de ce sourire arrogant, de celle qui ne connaît pas la peur. « There y'go. D'you finally figure out how t'hit? » Son sourire ne s'efface pas sous les jointures contre sa pommette, et elle corrige le mouvement naturel de son visage, le retourne pour pouvoir regarder son assaillant dans les yeux. Et, du coin de l’œil, remarquer Smallrelei qui vole (littéralement) à sa rescousse.

Oooh, that oughta hurt. Le craquement du menton du troisième gaillard contre l'asphalte fait un bruit assez désagréable, couvert partiellement par l'exclamation de Lorelei. « Atta boy! » Et elle se sert de la distraction pour envoyer sa tête vers l'arrière, son crâne contre le nez de son geôlier, qui laisse échapper un glapissement et la laisse s'échapper, elle. Elle s'élance vers l'avant, écrasant son épaule contre la poitrine de l'autre devant elle, et utilise son momentum pour établir une nouvelle distance entre eux.

Elle tourne la tête, crache du sang sur l'asphalte. Respiration haletante, essoufflée, une douleur perçante dans son estomac à chaque inspiration. We oughta end this quick. « Had enough?! » Défiante.
ϟ NANA
Mer 8 Fév 2017 - 14:59
Pourquoi t’es revenu. Pourquoi tu n’as pas joué le rat d’égouts comme tu sais si bien le faire, queue basse et rictus mauvais en travers de la gueule, la pupille vergogneuse qui louche vers ceux qui la traquent et, ni une ni deux, disparaître dans une embrasure de noirceur, l’éclat roux de ta chevelure trop vite dévoré par les ombres. C’était comme un appel. Une attirance insoupçonnée, griffue, qui t’avait ramené là d’où tu venais les crocs dehors, et tu n’avais pu y résister – l’intention du sauvetage ? À aucun moment. La nana se débrouillait d’ailleurs très bien sans toi ; on lui aurait donné une tribune entière qu’elle y aurait certainement foncé les poings levés, et va-t’en que je te cogne de çà de là, que je t’envoie mes godasses dans les burnes et mes coudes dans les dents, bestiale, belle, même, en son aura de violence. Fulgurante.
Tu la regardes après ta réception, relâchant un ricanement à cet air de déjà-vu qui te saute au visage lorsqu’elle envoie son crâne percuter le nez de son assaillant, séquence identique qui t’entraîne quelques mois en arrière, au parc, face à un blondinet un peu trop doux – à croire que vous avez davantage de points communs que ne le laissent penser en premier lieu ses manières de boxeuse et ses crachats familiers. Crachat écarlate qui gicle de sa bouche, droit sur le bitume. Oh, ça ne sent pas bon, cette histoire. À moins qu’elle ne se soit juste mordu la langue, mais tu n’y crois guère, les coups qu’elle vient d’encaisser n’ont pas l’allure de caresses et derrière ses provocations langagières, son corps doit probablement souffrir de ses assauts répétés ; ou bien elle bluffe ou bien elle s’illusionne. De toute manière, ce ne sont pas tes affaires. Tu as assez d’orgueil pour ne pas t’intéresser à celui des autres, mais peut-être pas suffisamment pour l’abandonner à son rôle de punching-ball pour abrutis éméchés. Puis tu as une revanche à prendre, toi aussi. Après tout, ils ont osé te mettre à terre.

Ta carrure minimaliste, à moins que ce ne soit une question d’âge ou de genre, a servi d’excuse à l’un des gus pour te prendre comme cible ; il songe sans doute qu’il craint moins de perdre ses incisives s’il te frappe toi, et c’est de loin sa plus stupide décision de la soirée, car dès lors qu’il lance sa main en quête de ton cou tu n’as qu’à te décaler d’un cran avant de saisir sa manche et, d’un croc-en-jambe, le faire chuter à son tour – si tu n’avais pu tirer parti de son début d’ivresse, il ne t’aurait peut-être pas accordé ce plaisir. Demeurent les deux colosses de part et d’autre de la fille, indécis sur la suite des opérations, hésitant vraisemblablement entre se jeter corps et pas âme dans la bataille ou battre en retraite tant qu’ils tiennent encore debout. À leurs côtés pourtant, il est évident que tes seize ans font pâle figure ; il serait par conséquent délicat de jouer les intrépides têtes-brûlées pour finir en carambar, d’autant que ce ne sont pas tes bras de réglisse qui parviendront à leur décrocher trente-six chandelles. Donc tu ruses. Et jappes à leur attention :
« Ya Toshi qui traîne dans l’coin, alors vous f’rez mieux d’dégager si vous voulez pas qu’il rapplique.
Toshi ? C’est quoi, ça, ton clebs ? »  
Celui-là ne croit pas à ta menace, à l’évidence. Tant pis pour lui. Imaginer Toshi en cabot, curieusement, te fait rire – au fond n’est-il pas si éloigné de la vérité.
« Toshi, Toshizō Hijikata ? »
Ah, le second semble déjà plus au courant. À cause de précédents démêlés avec le fameux chien d’attaque de l’Institut ? Ce serait fort envisageable, compte tenu de ses passe-temps crépusculaires au nombre desquels figurent sans doute le tabassage d’adolescents insolents. Cette fois-ci, le voyou a trouvé plus dangereux que lui. Tu acquiesces tandis que tu l’aperçois blêmir, cinquante nuances plus blanc qu’auparavant. Son angoisse interroge son complice sur la marche à suivre : courir ou ne pas courir ?
« On f’rait mieux d’partir, Stan. S’il nous chope, on est mal. »    
Grognement mécontent du dit Stan – il darde sur toi ses iris furieux, retenu dans son envie de te faire manger le béton par quelque hantise secrète. Si cela l’arrange de trouver une excuse autre que sa faiblesse pour se faire la laide, il n’en dira rien, et tu ne le devineras pas non plus ; l’essentiel est qu’ils lâchent l’affaire et déguerpissent, non sans vous lancer menaces de représailles et noms d'oiseaux seyant si bien à vos gueules de fauves. Alors tu les regardes s'enfuir, l'un derrière l'autre, en abandonnant ceux qui ne se sont pas relevés à temps, avant de jeter sur ta comparse un regard ambigu, de ceux qui laisseraient sous-entendre que tu lui sauterais dessus pour l'achever.
Ven 10 Fév 2017 - 1:20
Run

ft. Cameron
Elle esquisse un mouvement lorsqu'elle voit le bras qui se tend vers Smallrelei, geste qui se meurt dans ses os alors que le rouquin s'en débarrasse sans problème. Elle serre les dents, claque sa langue contre son palet. Elle a encore quelques coups en elle, encore une chance. Elle ne perdra pas, de toute façon. Qu'on lui brise tous les doigts, toutes les côtes. Elle continuera avec des os qui creusent dans ses poumons. Et tant qu'elle se tiendra debout. Même si, idéalement, aucunes de ces choses ne devraient se passer dans les prochaines minutes.

Toshi? Elle se contente d'observer la scène qui se déroule devant elle. C'est quelqu'un qui fait peur, clairement. Qui est réellement ici? Lorelei conserve un léger doute; peut-être que Smallrelei bluff. D'une façon ou d'une autre, ce n'est pas très important; la menace fonctionne, et les deux gaillards prennent leurs jambes à leur cou. Lorelei laisse échapper une longue inspiration, presque un soupir. Elle a un peu envie de leur courir après, de leur lancer un dernier sucker punch, une dernière insulte. Parce que ce n'est pas une victoire, ça. Pas réellement, pas totalement.

Elle claque la langue contre son palet à nouveau. Prends une inspiration, peu profonde, pour mitiger la douleur dans son estomac. Elle aurait bien préféré qu'ils fuient parce qu'ils avaient peur qu'elle leur pète les dents. Mais elle sait aussi, dans un coin de sa tête, que ce n'aurait probablement pas été le cas. 'Could've taken 'em. Son regard se pose sur ceux qui restent, étalés par terre, avec leur carrure bien trop massive, puis elle goûte le sang dans sa bouche à nouveau. 'Couldn't 've taken 'em.

Lorelei lève le visage, observe le ciel. Juste un instant, le temps de faire l'état de ses douleurs. Les poings assez amochés, le derrière de la tête qui résonne encore un peu, la mâchoire et la pommette douloureuses, qui feront probablement de beaux bleus; elle sent encore la marque de ses dents contre sa langue, et son estomac où bourdonne une douleur sourde.

Un sourire fend son visage en deux. « Ah, damn that was fun! » Elle serre et desserre les poings, courbe et décourbe les doigts, comme pour s'assurer que tout fonctionne toujours. Alors qu'elle se tourne vers Smallrelei, ce sourire toujours plaqué sur son visage. « Rien d'cassé? C'tait assez 'pressionnant, c'saut qu'tu nous a fait là. Ça va les ch'villes? » C'est bien pour lui qu'elle s'est mêlée de tout ça, alors autant savoir si elle a réussi à le garder intact.
ϟ NANA
Sam 11 Fév 2017 - 23:19
C'est calme, soudain. Le brouhaha des bars est loin, le charivari des néons ne parvient pas jusqu'à votre impasse et les quelques loques qui traînent encore au sol ne lâchent que des gémissements sourds entre leurs dents, assez geignards cependant pour te donner envie de leur filer des coups de pied – tu t'abstiens néanmoins, préférant garder toute ton attention rivée sur la fille aux commissures barbouillées de son propre sang, et dont les prunelles sombres étincellent sous la sale clarté du lampadaire. Est-ce qu'elle va te frapper à ton tour, embarquée par son élan ? Ce serait possible. Après tout, il t'est parfois arrivé de cogner tes potes lorsque, pris dans le feu de l'action, t'en oubliais qui étaient tes alliés. Ou peut-être était-ce une revanche dissimulée. Tu ne sais pas. C'est trop futile pour que tu t'y intéresses. Elle, par contre, éparpille tour à tour son attention sur les lascars inertes, les étoiles douloureuses derrière ses paupières et puis toi, toi qui croyais pouvoir te faufiler hors de son champ de vision avant qu'elle ne s'aperçoive de ta présence, et peut-être attendais-tu qu'elle te remarque, au fond, attendais d'exister à ses yeux exaltés.
C'est la première fois que tu rencontres une nana qui aime se battre comme toi. Se battre sans règle autre que les siennes, sans autre objectif que la victoire – que tu lui as malencontreusement volée en jouant la feinte –, sans autre excitation que celle qui meut ses nerfs et ses muscles lors de cette brusque rixe. Elle en sourit, en plus. Tu distingues l'éclat ivoire de ses incisives au creux de la plaie ouverte que dessine sa bouche. Drôle. Curieusement, ça l'est beaucoup moins pour toi dès qu'elle t'adresse la parole. Tu n'aimes pas la sympathie des étrangers, surtout quand elle émane de quelqu'un dont la respiration témoigne à l'évidence de la souffrance ressentie : qu'elle se préoccupe donc d'elle-même avant de te poser ce genre de questions embarrassantes pour ton amour-propre. Et quand bien même elle oserait glisser un compliment dans son souci, tu n'es pas dupe. Elle te voit comme un gamin. Un môme qu'elle avait le devoir moral de protéger. Un minus fragile. Tu oserais avouer ta blessure qu'elle te sortirait le mercurochrome et le pansement à motifs d'ananas. L'horreur.
« Ouais, ça va, t'occupes. »
Tu n'es pas hargneux dans ta réponse – gêné, peut-être, un soupçon. Ta main écorchée, celle que tu as plaquée dans ton dos pour en camoufler la condition, te lance en douceur. C'est moite, chaud dans ta paume. Le sang a cessé de couler et sèche en une fine croûte brunie que le moindre frottement estompe ou décolle. Elle morfle sûrement plus que toi, mais elle, elle ne laisse transparaître que la joie sur sa figure, la joie sauvage du félin satisfait.

Peut-être l'as-tu déjà vue quelque part. Dans quelles circonstances, mystère. Tu ignores si elle-même te connaît ou si elle a agi par pure spontanéité, attirée par le fumet de la bagarre plus que par un quelconque instinct d'entraide. Ne l'aurais-tu pas croisée du côté d'Hilde, des fois que ? Elle a cette tendance-là, sans que tu puisses expliquer ta clairvoyance. Tu le présumes plus que tu ne le comprends. Ce n'est pas comme si cela avait la moindre importance.
« Apprends-moi. »
Cash. Ni merci ni rien d'autre d'ailleurs. Même pas une requête. Un ordre. Tu viens de le décider, là tout de suite, avec brutalité. Qu'elle t'apprenne comment on frappe fort et vite, comment on met à terre les mecs qui te mettent trois têtes, comment on accuse les coups sans se départir de sa bestialité. Comment on règne sur sa force et impose sa puissance à ceux qui nous cherchent, comment on avance dénué de doute et de tremblement, quand les seules secousses qui nous étreignent sont causées par le rire et la fureur. Tu veux savoir tout ça. Tu veux qu'elle t'enseigne mieux que tu ne l'as déjà appris à sculpter la violence avec tes phalanges nues, à jeter de profondes ecchymoses sur les épidermes, à cesser de fuir face à plus nombreux et plus baraqués que toi. Tête haute. Pareil qu'à cette seconde, quand tu l'observes, l'admires presque, et que rien ne saurait détourner tes yeux de son visage.

Spoiler:
Mar 14 Fév 2017 - 7:46
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ft. Cameron
Safe 'n sound. Worth as fuck. Et la réponse de Smallrelei, qui lui demande de ne pas s'occuper de lui, qui nie, qui repousse toute blessure; Lorelei s'y retrouve sans mal. Elle a fait pareil, fait encore pareil et fera toujours pareil. C'est moins une question d'empêcher les gens de s'inquiéter (même s'il y a parfois de ça), et plus une question d'orgueil, ou tout simplement d'une sous-estimation profonde des blessures. Ce qu'elle fait beaucoup, faut pas croire. À coup de 'mais nooon, pas besoin de déranger nos bons docteurs' et de 'don't even worry 'bout it'. Que ce soit d'une blessure au visage qui pisse le sang ou d'un literal stab wound (la cicatrice sur son épaule, témoignant d'un ancien adage, 'don't bring fists to a knife fight', ou quelque chose comme ça).

« Good. » Donc, elle ne pousse pas. Même s'il a sa main derrière son dos comme un gosse timide. De toute manière, ce n'est pas comme si elle avait quel moyen que ce soit de l'aider ou de le guérir. Elle ne connaît pas beaucoup de médecins, et elle ne le pousserait pas jusqu'à une clinique. Ça ne servirait qu'à le rendre hargneux envers elle - elle ne veut pas ça. Bizarrement. Parce que maintenant qu'elle est impliquée - maintenant qu'elle a interagi avec lui, maintenant qu'il connaît son visage - elle ne peut plus réellement fuir. Elle ne le veut pas vraiment, non plus. Comme ce besoin viscéral d'empêcher Smallrelei de suivre son chemin qui s'est emparé de son ventre, plus puissant que celui de se protéger elle-même de ses souvenirs.

Apprends-moi. « Huh? » Elle le regarde un instant, telle un chien confus, head tilt en prime. « T'veux dire, quoi? À t'battre? » Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée. Ça l'empêcherait de se faire tabasser, au moins quelques fois, ou tout du moins ça limiterait les dommages, peut-être. De toute manière, apprendre à se défendre correctement, ce n'est jamais une mauvaise chose. Le seul problème, c'est que Lorelei n'a réellement aucune idée de comment apprendre cela. Pour elle, c'est venu avec l'expérience, à coup de phalanges dans la face et de pieds dans les côtes.

« Je, uh, okay. » Elle apprendra sur le tas? De toute manière elle a déjà dit oui. Il est trop tard pour reculer, maintenant. Et puis si elle peut lui apprendre - s'il peut la voir comme quelqu'un sur qui il peut compter, elle pourra plus facilement l'empêcher de faire les mêmes erreurs qu'elle. Le protéger. Et une pointe de nostalgie lui pousse sur le cœur, quand elle pense à ces fois, nombreuses, où elle se ramassait chez un de ses amis, plus vieux qu'elle, plus fort qu'elle; avec la gueule en sang et la douleur dans les pupilles. Et qu'on lui demandait 'qui t'as fait ça?' et que cette nuit là, ce soir là, c'était on ramasse les battes, on ramasse les potes et on va faire payer à ceux qu'ont battus la gamine.

Dammit. Elle aimerait bien être ça, pour Smallrelei. Même si il n'y a pas de potes. Même si elle est toute seule. Shut the fuck up. De toute manière, elle est une armée à elle toute seule. « Uh, attends. » Elle fouille dans ses poches, en sort son téléphone. « J'te donne mon numéro. T'm'appelle si t'as ever besoin d'qu'quechose. »
ϟ NANA
Ven 17 Fév 2017 - 15:41
Tu as manqué de tact, comme souvent, comme toujours en vérité, faisant fi des sentiments des autres au profit des tiens seuls, comme si rien n’avait de valeur que ton désir dévorant, ta faim de connaître, de pouvoir bien plus que tu ne peux déjà, comme si te taire risquait de t’asphyxier et que la retenue t’arrachait la peau. Tu n’as pas crié pourtant, ne t’es pas exclamé ainsi que tu es capable de le faire lorsque les circonstances l’exigent – de cette clameur jaillie des entrailles, implacable –, mais le ton persiste, dur, acide, et tu ne peux imaginer qu’elle te réponde par la négative sans protester aussitôt, sans libérer la violence qui couve entre tes côtes jusqu’à ce qu’elle cède, qu’elle fasse finalement volte-face et t’accepte.
C’est la stupéfaction qui réplique en premier lieu, étincelle furtive dans ses yeux tachés de nuit. Oui, à te battre, évidemment, quoi d’autre ? Cracher par terre ou recoudre tes fripes ? Ça, tu sais faire. Sauf que tu oublies peut-être que, pour qui ignore ton caractère, l’agressivité nichant à l’intérieur de tes os n’est pas lisible dans ta stature de gringalet et la maigreur de tes poignets dessert tes approches malgré tes authentiques compétences. Et puisque la fille ne s’est pas empressée de te rire au nez, tu l’autorises à douter une fraction de seconde sans te révolter contre les habituels préjugés.
D’autant qu’elle finit par lâcher un accord de principe qui t’étonne moins qu’il te réjouit, et ton âme bondit à cette approbation bancale, hésitante, que tu considères déjà comme définitive. Une joie primitive, farouche, tressaille au bord de tes lèvres, les étire en un sourire où germent tes dents tandis que tu sens tes semelles se rapprocher de la combattante – tu es prêt à débuter tout de suite nonobstant ta blessure, nonobstant tes mollets qu’innerve la fatigue de la course, dès qu’elle baissera le drapeau. Or, elle coupe court à ton enthousiasme et préfère t’arrêter pour des broutilles – son numéro ? Si tes copains étaient là, tu aurais sans doute eu droit à quelques sifflements impressionnés, coureur de jupons à ton insu, mais en leur absence l’allusion ne t’effleure guère ; tout juste hausses-tu les épaules avec la certitude que cette précaution sera inutile et qu’il est hors de question que tu l’appelles en qualité de nécessiteux, par intérêt et non par amitié, enfin, « amitié » étant un terme encore trop précoce, par cette infime affection que tu ne dédies d’ordinaire qu’aux gens qui ont su s’inscrire en toi.

« J’ai plus d’portable, j’l’ai pété. »
Ou plutôt, on te l’a pété, si tu te souviens bien. Le contexte est vague, dérisoire à ta mémoire – des mecs qui te les brisaient, ta batte sur leurs mâchoires, leurs genoux dans ton ventre et la plaie métallique fendue sur ta lippe. Les morceaux du circuit électronique dans ta poche et ton juron une fois la victoire acquise au prix de la fuite. Tu te rappelles avoir balancé les débris du cellulaire par-dessus une rambarde dominant le labyrinthe de Saint-Juré et t’être demandé à qui tu n’en avais pas encore réclamé un nouveau. En l’absence d’Ange, négocier auprès des Alters se révélait parfois plus complexe que tu ne l’aurais cru ; là où son utilité au sein de la diaspora lui offrait quelques entrées, ta réputation te fermait au contraire certaines portes. Tu aurais bien gratté d’anciens appareils quasi-obsolètes à tes potes, mais tu t’étais rendu compte entre temps que le silence-radio avait du bon – personne ne t’appelait jamais, de toute manière. Parce que personne n’en a rien à foutre de toi.
« Mais t’as qu’à m’le dire et j’retiendrai. »
Comme ça, de tête. Par ce cœur qui pulse étrangement sous ton sternum, allègre, impatient. Conquis par le caractère inédit de ce lien qu’à une seconde près, tu n’aurais jamais cru envisageable ; un cran de plus, une minute supplémentaire sur le toit des habitations, un soupçon de lâcheté en rab et tu ne l’aurais pas rencontrée ce soir, de même que ces trois mecs dont l’un commence à peine à se redresser, hagard. Tu l’observes s’agenouiller, une paume au sol, affirmer sa prise, dodeliner du crâne, en proie à un vertige douloureux. C’est qu’il ferait un bon cobaye pour tester ton nouvel apprentissage – mais la nana partagera-t-elle tes intentions ? Il paraît que, dans le meilleur des mondes possibles, on ne frappe pas les gens à terre. Il paraît. Mais si elle aussi foule au pied cette conviction, alors peut-être l’épouseras-tu.
« C’quoi ton nom ? »
Une telle curiosité de ta part envers un autre être humain, c’est presque inouï.
Dim 19 Fév 2017 - 7:39
Run

ft. Cameron
Elle hausse un sourcil lorsque Smallrelei lui annonce qu'il a pété son portable. Puis, un sourire amusé, un léger snicker. Heh. Typical. « Welp. » Le nombre de téléphones qu'elle a brisés, elle-même, lui est inconnu. Elle a arrêté de compter. Il y avait son premier, offert par ses parents, qui avait éclaté suite à une chute un peu trop dure, un saut un peu trop périlleux. Ses parents avaient étés moins en colère face à l'objet brisé, et plus face à son bras, cassé à deux endroits. Puis il y avait toujours les dommages collatéraux des bagarres, ou les vols, les vengeances. Quand elle avait commencer à dealer, par contre, elle y faisait beaucoup plus attention, à cette petite machine. Ses contacts, c'était maintenant son moyen de subsistance; du coup elle n'a plus jamais perdu ou brisé son téléphone.

Elle devra juste faire confiance à sa mémoire, il semblerait. Ce n'est pas plus mal, même si c'est très peu pratique s'il se retrouve dans un endroit sans accès à un téléphone. Dans le genre de situation où il pourrait avoir besoin d'elle. Enfin, elle ne va pas non plus refuser, maintenant. « Huit six sept, cinquante-trois zéro neuf. » On lui a déjà dit, dans un passé plus ou moins lointain, que son numéro de téléphone était aussi le nom d'une très vieille chanson, dans les années 1980. Elle avait trouvé ça hilarant, et était aller écouter la chanson. Mais il y a bien longtemps que plus personne n'appelle ce numéro pour demander Jenny, ce qu'elle a toujours trouvé un peu dommage.

« Lorelei. » Et elle lui tends la main pour qu'il la serre. « Et l'tiens? » Elle ne continuera pas à l'appeler Smallrelei toute sa vie. Enfin, si, elle continuera de l'appeler Smallrelei. Mais au moins elle connaîtra aussi son prénom. Ce qui est assez important. « À moins qu'tu veuilles qu'j't'appelle Smallrelei. » Ce qui, en réalité, est assez ironique, puisqu'il est aussi grand qu'elle. Et qu'il continuera probablement de grandir jusqu'à ce qu'il la dépasse. Mais même quand il sera un adulte, avec de la barbe et tout ça, elle l’appellera probablement encore Smallrelei. Parce que c'est ce qu'il est, et que de toute façon elle est têtue comme une mule.

Mais pour l'instant, elle se contente d'un sourire amusé, un peu narquois sur les bords.
ϟ NANA


Spoiler:
Dim 19 Fév 2017 - 14:29
Tu as ces chiffres qui s'affichent en néon sur les parois de ton crâne, constellations déstructurées aussi lumineuses que les enseignes criardes de Kolt, au point que tu te dis que c'est rassurant, un chouïa, drôle, d'avoir quelqu'un à joindre si tu es dans le besoin. L'impression t'avait quittée depuis longtemps, cet été, lorsque dans un silence assourdissant Ange avait claqué la porte de l'appartement, et depuis tu n'avais plus eu personne à placer dans la case « urgence » de ton instinct, comme si tu ne pouvais plus compter que sur toi-même dans les moments les plus graves. Tu savais qu'il en allait ainsi de tout temps – qu'en dépit des compagnies amicales, domestique, sororale que t'offrait ton entourage, il demeurait un vide que tu ne parvenais à combler, que tu ne voulais te résoudre à remplir – et que jamais tu n'aurais pensé à quémander de l'aide à quiconque. Pour sûr, cela te serait revenu dans la gueule à un moment ou à un autre – cané par overdose d'orgueil –, or tu n'en avais que faire ; tes années de rue avaient gravé en toi l'égoïsme des rescapés, l'individualisme des bêtes, de sorte que la simple pensée de t'en référer à un quidam pour t'extraire d'une mauvaise passe te semblait non pas grotesque, mais vain et irréel. Au fond, ce n'est pas que tu refuses le soutien d'autrui : tu es juste convaincu qu'il n'existe pas. À quoi bon crier pour que seul le vent te réponde ? Il n'y a que tes jambes et ta cervelle pour te mener où tu le désires, tes dents et tes poings pour te préserver du danger. Et le reste, foutaises.
Alors oui c'est réconfortant, curieux aussi, que soudain tu te prennes à envisager les choses différemment, que tu te surprennes à voir ton monde s'étoffer, à fleurir d'un être humain supplémentaire, sa trame décousue ourlée d'une maille aux couleurs de sa chevelure qui tisse un nom – Lorelei – éclatant à tes tympans. Si tu l'as déjà entendu parmi la diaspora, tu ne l'as encore relié à aucune silhouette. Manquement réparé. Quant à la paume qu'elle brandit sous ton nez, geste d'adulte, geste de familiarité, tu hésites un instant à t'en emparer. On dirait que vous vous apprêtez à conclure un contrat dont les clauses sont encore indéfinies, et cette idée ne t'emballe pas, voire te rebute au moins autant que le sobriquet ridicule dont elle menace de t'affubler. Aussitôt tu l'entends, aussitôt tu te braques, sans même chercher à comprendre les raisons du jeu de mots :
« Essaye même pas ! J't'interdis d'm'app'ler comme ça ! »
Puis t'approches d'elle d'un bond, assez près pour constater qu'en effet, vous avez bien la même taille, assez loin cependant pour sauvegarder une marge de manœuvre, des fois qu'elle voudrait t'ébouriffer la crinière en guise petite attention. Ton regard chute en direction de sa main toujours tendue, tu la jauges une seconde de plus, évalues les risques, dresses des conséquences, oui, non, en fait tu n'exécutes rien de tout ça, tu ne réfléchis pas et à ton tour claques tes doigts contre les siens, un check plus qu'une empoignade, plus appuyé néanmoins qu'un simple salut, marque le coup, marque la confiance. Et ta signature au bas de l'accord.
« J'm'appelle Cameron. Cam, s'tu préfères. »
Tu ne l'avises pas d'oublier d'éventuels surnoms originaux, les consonances hypocoristiques, les mignonneries ; elle doit s'être rendue compte que tu n'es pas du genre à apprécier les moqueries patronymiques. Quant à celui que te prêtent tes potes, eh bien, comme les circonstances l'indiquent, cela reste entre potes. Ce qu'elle n'est pas. Tu ne peux la considérer ainsi, pas encore tout du moins, faux prétexte d'âge peut-être, excuse douteuse, tu l'ignores, la sens en marge de ton cercle de connaissances et pourtant un pied dedans déjà, excentrique et bienvenue. Tu verras bien ce que cela donnera à l'avenir.

En attendant, tu t'imprègnes davantage de sa figure, de ces mille et trois détails qui en couturent l'anatomie, la robustesses de ses phalanges, l'angle fin de ses mâchoires, les lames plus pâles des cicatrices sur son visage, les arcs métallurgiques qui pointent au travers d'une marée noire recouvrant ses oreilles ; sur ses doigts, presque invisible dans la pénombre urbaine, se dessine une calligraphie cryptique. Savamment butch.
« On dirait qu't'as fait ça tout'ta vie. T'as là pour les combats d'sous-sol ? Y en a beaucoup dans l'coin, mais... Ces gens-là ne se porterait sans doute pas à la rescousse d'un mioche en difficulté. ...bah, c'pas important. J'suis sûr qu't'y aurais ta place. » Ou tout du moins s'y amuserait-elle peut-être. Ah oui, c'est un compliment – au cas où il aurait été indétectable.
« Alors on commence ? Vas-y, j'suis prêt ! »
Et l'heure tardive, les trois loques autour, les possibles occupations extérieures, la fatigue ? Des broutilles. Dans ton impétuosité, tu ravagerais sans peine tout obstacle dressé entre toi et ta leçon.

Spoiler:
Lun 20 Fév 2017 - 9:40
Run

ft. Cameron
Elle ne s'est pas pas attendu à la réaction de Smallrelei. Bien sûr, qu'elle savait qu'elle jouait avec le feu en disant ça. Mais. Ça la fait bien marrer, alors elle se l'est permit. Tout comme elle lève les mains en l'air, paumes vers lui, sourcils haussés, sourire amusé qui tire toujours au coin de ses lèvres et qu'elle ne tente pas vraiment de camoufler. « Aight, aight bud, compris. » Elle le connaît. Elle sait ce qui le fera tiquer, ce qui le fera réagir; comme ces choses qui la faisaient réagir, et qui la fond encore réagir, parfois. Ce qu'elle a apprit à prendre avec les années. Tout comme elle a apprit à prendre les lattes sur la gueule. C'est dans le mental, tout ça; toujours dans le mental.

« Nice t'meetcha, Cameron. » Sa poignée de main est étrangement familière, plus comme celles qu'elle partageaient, avant, avec les gens qui la comprenaient, qui étaient comme elle. Elle repousse la pensée d'un mouvement de la main métaphorique, dans un coin de sa tête. On dirait qu't'as fait ça toute ta vie. « C'est pas mal l'cas. » Une certaine fierté, qui se gonfle dans sa poitrine. Qui étouffe, un instant, la douleur dans son ventre; une guerrière elle l'a toujours été. Cherchant les embrouilles, se mêlant à des bagarres, avec une bonne cause ou pas. Un regard de travers était parfois tout ce qu'il fallait. Enfin, avant, quand elle était plus jeune, quand même; après, c'était des remarques déplacées sur sa copine ou une insulte qui ne lui plaît tout particulièrement pas.

« Uh, non. » Elle n'est pas la pour les combats de sous-sol; se serait mentir de dire qu'elle n'en a jamais entendu parlé, et encore plus mentir de dire qu'elle n'en a jamais eu envie, une de ces soirées, une de ces nuits où l'ennui était comme une cage, sans qu'elle ne puisse s'en défaire. Mais elle ne l'a jamais fait. Il y a quelque chose qui ne lui plaît pas dans le concept, sans vraiment qu'elle ne puisse mettre le doigt dessus. Peut-être est-ce la dignité qu'on ne parie jamais sur elle comme on parierais sur un animal de course. Peut-être est-ce que parce que son combat n'est pas un art, pas un moyen d'amuser une foule; qu'il y a quelque chose de plus sobre, plus sérieux, plus réel dans le sien.

Qu'elle refuse de se donner en spectacle. Que qui reçoit ses phalanges dans la mâchoire est son choix et son choix seulement. De cet égoïsme étrange, de choisir ses combats. « Eh, j'pense pas. J'suis plus, uh, j'sais pas. Mais en t'cas, pas gladiateur. » Pas totalement éloquente. Elle ne l'a jamais vraiment été, avec ses syllabes cousues les unes avec les autres dans un bordel absolu. Et elle prend un instant pour réfléchir, pour regarder Smallrelei alors qu'il se montre d'un enthousiasme certain, probablement trop intense considérant la douleur qui vrille toujours en Lorelei, à commencer ses leçons.

Mais il y a un certain orgueil, à ne pas avouer la faiblesse. Surtout pas devant lui. Et puis, ce n'est pas un peu de souffrance qui arrêtera Lorelei. Ça, jamais. Alors elle le regarde de haut en bas, comme l'étudiant. Le jaugeant. « Aight. T'sais, though, la résilience, ça s'apprend qu'd'une seule façon. Et d'te latter jusqu'à c'que t'ai appris la leçon, ça m'semble semi, comme pédagogie. C'est dans l'mental, tout ça. Faut qu'tu t'convainques qu'ça fait pas mal. 'Près, ça vient tout seul.  » Et c'est là que Lorelei réalise le défaut dans son plan: ce qu'elle fait, ça ne s'enseigne pas. Il n'y a pas de technique, pas de forme; c'est un poing sur la gueule, et puis basta. Que peut-elle lui apprendre qu'il ne sait pas déjà? Que le but, c'est de frapper avant que l'adversaire le face? Tout le monde sait ça.

Alors qu'est-ce qu'elle va faire? L'amener avec elle constamment, au cas où elle se retrouve à se battre, pour qu'il apprenne par l'exemple? Ça ne lui apprendra rien. Shit. Oh, mais elle ne montre pas son manque de confiance. Avec les épaules droites et le regard confiant, comme d'habitude.
ϟ NANA
Mar 21 Fév 2017 - 15:56
De la fougue, il y en a dans ta voix ; elle couve à l'abri de tes os, nidifie au creux de tes muscles – la raclée que tu aurais pu ramasser un quart d'heure auparavant ne l'efface en rien, au contraire ; elle a rappelé à ton mauvais souvenir combien tu es vulnérable face à plus querelleurs que toi – là où tu piailles et fulmines, piaffes et t'agites, d'autres abattent leur masse et t'écrasent de tout leur poids. Il faut que tu remédies à cela. Sinon, dans trois ans, moins, avant même ta majorité, tu ressembleras à ces ombres qui rôdent le long des trottoirs, effarouchées d'une étincelle, cernes violines et poignets tordus, dont les derniers cris ne sont que des plaintes éraillées. Ce que tu serais devenu à dix ans s'il n'y avait pas eu, pour t'arracher à ce destin des délaissés, la présence de Nergüi à tes côtés, pareille à un impératif de survie, l'ordre de ne pas lâcher, de ne pas renoncer, de mordre toujours plus fort. Peut-être la Lorelei a-t-elle connu un sort quelque peu similaire, frappe ou crève, et qu'elle en a réchappé. Si tel est réellement le cas, elle aurait le mérite d'être un espoir pour les gamins de ton espèce – l'idée d'une revanche sur la vie –, mais tu te défends de lui substituer trop d'idéalisme. En l'état, elle peut t'apprendre à te renforcer, à cesser de fuir la malévolence des zonards, cependant il est encore prématuré de lui bâtir le moindre piédestal. D'autant que, à l'entendre bafouiller pour expliquer sa situation, elle n'en partage pas non plus l'ambition. Tant mieux, en un sens. Tu aurais vite regretté ta demande si elle s'était montrée orgueilleuse. L'exigence, d'accord. L'arrogance, no thanks.
Plutôt que de répondre à ton engouement et de donner libre cours aux démangeaisons belliqueuses qui sont l'apanage des bagarreurs, ton nouveau professeur s'enfonce cependant dans un exercice d'élocution laborieuse, une harangue tirée de derrière les fagots, tailladée de partout par une langue râpeuse, à laquelle tu ne piges pas grand-chose. Sauf l'idée d'un déclic à se forger afin de débuter sur la voie du guerrier. Ou quelque chose dans ce style. Se convaincre que c'est indolore. Tu comprends le principe. Crains néanmoins de ne pas savoir le mettre en application. La souffrance, mine de rien, s'accouple à l'instinct pour permettre de survivre ; si tu ignorais la douleur, si tu ne réagissais pas aux chardons bleuis qu'elle libère aux efflorescences de tes nerfs, plus d'une fois tu aurais fini par bouffer la racine des pissenlits – cette seconde où le vertige amer qui poinçonne ton crâne et te somme de fuir. La taire suffira-t-elle donc à te rendre plus fort ? Ou bien plus inconscient ? Elle, elle n'a pas l'air d'y réfléchir plus que ça, et le fait qu'elle soit en vie pour en témoigner signifie que, sans doute, sa méthode marche. Ça ne coûte rien d'essayer, après tout. Sauf que pour expérimenter cette technique, il faudrait qu'elle lui latte la tronche ? Ouais, moyen, c'est clair.
Ils ont l'air de beaux crétins, maintenant.

« Compris, c'est pigé », réponds-tu finalement, puisque c'est toujours mieux de déclarer que tu as capté le pourquoi du comment avant qu'on ne croie, à cause de ton mutisme, que tu es stupide. C'est toutefois cet instant précis que l'un des trois hommes restés à terre choisit pour se remettre debout d'un mouvement plein de hargne, semblant s'extirper d'une glu où il pataugeait naguère à la manière d'une iule dans la cire – et encourage d'un même élan ses compagnons. Si les insultes qu'il cracha à l'encontre de Lorelei feraient mieux de ne pas figurer sur ce texte, bien qu'il est aisé d'en deviner la teneur, il convient de souligner son objectif pour le moins macabre, consistant notamment à :
« ...v'faire regretter d'vous être foutus d'notre gueule... » et en invitations à « ...allez chialer vos mères... »
Tu aurais bien ri, mais le cliquetis caractéristique des lames doubles, le bruit éclatant d'une bouteille dont on brise le cul et la mine patibulaire du trio, déterminé à mettre leur menace à exécution, t'en dissuadent. Tu pensais que les coups qu'ils avaient reçu de la part de ta sauveuse, de même que tes cabrioles aériennes, leur auraient fait passer l'envie de remettre le couvert, néanmoins ils ont sûrement été à la même école dont on vient de t'exposer la stratégie : cogner jusqu'à oublier le mal. Tu ne recules pas. Ne les snobes pas pour autant – les provoquer déclencherait leur brusque passage à l'acte. Et ton enseignement ayant à peine commencé, tu ne peux encore prétendre en avoir assimilé ne serait-ce que la base. Alors quoi ? Tu jettes un œil circonspect à ta collègue d'embrouilles, songeant que si elle envisage de s'offrir un second round, tu l'accompagneras. Or, étrangement, tu ne la sens pas tant que ça, cette nouvelle confrontation. Le déséquilibre luit entre vous à l'instar du tranchant d'une arme.
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