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two pounds shy of a bomb | Hart

Ven 4 Jan 2019 - 21:19
Fébrile, une main gantée s'appuie sur la façade d'un bâtiment indistinct ; ne laisse pour seule trace dans la ruelle fuligineuse que son cliquetis parasite, et si quelconque passant il y avait, il pourrait voir sa silhouette pencher lourdement, gravité manquant le happer. Ses pas l'emportent le long du dédale des parties, le tiraillent inéluctablement dans les petites heures obscurcies par le ciel aux nuances terreuses de Serrbelt, étoilé de particules, immondes et bistres. Le fracas sourd de son sang battant à ses tempes l'empêche de s'entendre (ses pas hésitants et pesants en lieu et place de leur habituel amorti silencieux le bruit irritant des mécanismes enrayés des servos contrariés), roulis fangeux endiguant toute tentative de lucidité.

Ses souvenirs immédiats se défilent comme avec rancœur, vrombissent gauchement en se heurtant, sans immédiatement réussir à former un tout assimilable. Les impressions lui reviennent, achoppées, enchevêtrées en un lacis filandreux ; l'entrepôt déjà empêtré dans la froideur humide saisonnière, le béton sale sous ses semelles, une enfilade de portes donnant sur des pièces inoccupées, jusqu'à tomber sur la bonne. Le canon d'une arme pointé sur sa cible, un cri perçant, ses pupilles s'étrécissant jusqu'à la douleur, cherchant follement issue ou protection, l'explosion, la déflagration le dégorgeant contre l'une des parois malgré sa mise à couvert, et le monde se renversant de manière infâme lors du choc.

Cellule à cellule, son corps se débarrasse du gel, ses impressions reviennent, quoiqu'encore brouillées — bras impacté flanc à vif et engourdi sang coagulé mâchoire cotonneuse masque heureusement toujours en place — alors qu'il atteint les quartiers plus densément peuplés, s'y traîne au rythme d'enjambées qui reprennent peu à peu leur sûreté mécanique, à défaut d'aisance transhumaine ; se maintenant toujours à l'abri des ombres, que les néons crayeux ne parviennent à percer dans les nervures du tracé des ruelles de Kingslaugh. D'une manière ou d'une autre, il a atteint la bonne porte. Ne reste qu'à espérer que l'intéressé soit encore ou déjà réveillé ; à l'intercom, sa propre voix résonne, distante, code 3, Hart.

(Ils n'ont pas de code 3.)


sparklinghero 04/12/2018  “Objectif before the end of the year pls”
  well
Mar 8 Jan 2019 - 0:53


Un tressaillement brusque, un frisson surprenant te remonte désagréablement le long de tes vertèbres pour interrompre le fil de ta pensée et de ton travail manuel –chez toi, cela ramène un cliquetis d’outre-tombe quand s’entrechoquent tes extensions métalliques, seul parmi les sons prouvant que tu n’as pas encore rendu l’âme dans ton repaire glacé pour de potentiels clients. Le froid a calmement repris ses quartiers depuis quelques nuits, insidieux pour celui qui laisse dépasser une once de chair libre hors d’une courtepointe et décourageant pour quelque quidam venu réclamer l’aumône d’un bon soin aux heures mortes. Le gel aurait pu presque te manquer en cette portion d’espace-temps beaucoup trop continentale, comme un fantôme des fêtes oubliées penché en permanence au dessus de ta vie, mais tu en es surtout à regretter les températures plus clémentes de tes journées de sommeil aux veilles mornes et transies. Un seul égaré est venu te solliciter depuis trois nuits, à croire que les rixes se font rares en saison hivernale, et son mal –un coup de couteau profond, mais suffisamment loin d’une artère, si même les assaillants ne visent plus c’est la mort de ton commerce- n’a pris que deux heures à effacer, sans même ajouter de fragrance aseptisée ou ferreuse à ton antre déjà bien teintée de remords et de douleur. Une heure de plus, et l’eau-de-vie se frayera sans mal un chemin vers tes entrailles pour te maintenir alerte et éveillé (même si la bouteille au liquide beaucoup trop clair est déjà bien en vue sur le coin du plan de travail.)

Sous ta dextre de chair et de cals agile, un simulacre de fer à souder glisse lentement pour redonner de la profondeur à des sillons sombres dans le métal cramoisi poli par le temps à l’intérieur de ton avant-bras. A défaut de patients, tu t’es attelé à une tâche longtemps repoussée sous l’unique lumière blafarde de tes pénates : graver encore et encore ces runes d’un monde que tu ne veux pas oublier, de ce dialecte ironiquement protecteur dans cet artefact aussi adulé que honni, teinté dans la masse d’un rouge augurant le tragique malgré les nombreuses rayures laissées par le temps et les hommes. Les rainures entre les pièces laissent l’aperçu des entrelacs de fils, nerfs artificiels qui te laissent une sensation bien trop réelle de brûlure à chaque passage de la pointe incandescente sans même que tu bronches. C’est la sonnette qui te fait sursauter, cette fois, manquant de te faire riper sur le mauvais bord. Enfin une raison de rester debout, en espérant sans l’ombre d’un remord et d’un air plutôt absent que la tâche nécessite un long effort.

La voix qui retentit dans un écho grisaillant te ramène directement à terre –tu n’y répond même pas de vive voix, tu n’en a pas besoin. Tu ouvres directement le battant pour confronter le propriétaire de ce timbre d’outre-tombe bien connu, prêt à le jauger d’un œil avant de le juger. C’est l’exception, et c’est bien de coutume, entre vous, sans vraiment savoir quand a pu commencer cette relation d'hommes et de machines, de mécanicien d'hybride à fraternité faussée de chimères égarées. L’odeur du sang t’agrippe à la gorge sitôt le linteau franchi, acide, trop fraîche et différente de celle qu’il promène habituellement –celle des victimes, non le sien, pas ce haut-le-cœur huileux qui l'a suivi à la trace dans le couloir. Malgré un tressaillement presque imperceptible de mâchoire, sa démarche le trahit plus que les lambeaux sombres à son flanc ou la traînée brûlante de son sillage quand tu t’efface pour le laisser entrer en refermant sans un bruit derrière vous. Vous n’avez pas de code 3. Mais sa simple présence entre tes murs, l’heure, le pressentiment, tout porte à croire qu’il vient de l’établir, ce nouveau code ; sans piper un avertissement, prêt à le retenir ou le soutenir, tu guides le cyborg vers ta table d'examen en te permettant à son regard de ne hausser qu'un sourcil presque dédaigneux. Avant d'attraper nonchalamment la bouteille solitaire au passage (et sûrement ses petites sœurs un peu plus tard), pour la faire passer à plus nécessiteux. Ou prendre de l'avance, le temps qu'il se remette les idées en place pour mieux expliquer son cas dans un language brouillon. « Ca va encore coûter un bras à Al. » Ton préambule, ou ton augure cynique. Better not bleed on my damn floor. Les habitudes ont la vie dure.


Mar 15 Oct 2019 - 10:01
Le bruit de l'ouverture de la porte parvient vaguement à ses sens et un soupir résigné manque lui échapper, retenu seulement par la sensation pâteuse qui alourdit sa mâchoire (tuméfiée, eût-elle encore été de chair (eût-il la conscience de formuler la comparaison)). Si, à l'extérieur, l'incessante pollution lumineuse des quartiers industriels pouvait être blâmée pour les contours brouillés et nerveux des ruelles (l'agglomérat fuligineux entre ses poumons sa respiration sifflant désagréablement à chaque pointe de douleur les néons criards résonnant sourdement au bord de sa rétine), plus rien dans l'antre du mécanicien n'excuse l'agencement hasardeux de la pièce.

Les bords de sa vision tressautent au ralenti et tous axes se tordent et se confondent l'espace d'un instant désagréablement vertigineux ; à quelques heures du lever d'un jour falot, et l'espace et le temps semblent tous deux avoir dédaigné leur manteau d'immuabilité. Le mécanisme de verrouillage de ses jambes se relâche, et la gravité reprend la normale. Il entre. Suit Hart jusqu'à la table d'examen, s'y appuie d'une main, l'air bien trop stable pour sa condition, mais le mensonge par omission est autant imbriqué en lui que le métal dans ses os ; ses pieds restent fichés au sol (pas prêt, pour une multitude de raisons, même s'il refuse ne serait-ce que de se l'admettre (d'y penser (de passer ses doigts de métal dans le labyrinthe non euclidien et étriqué)), et les regards critiques de l'autre cyborg passent inaperçus.

(il n'y a ni sangles ruinées d'hémoglobine ni voix aux accents trop semblables au sien passant au-dessus de lui ni ordres monocordes en écho oscillant d'incompréhensible à strident contre ses tympans déjà percés — oreille interne en panique déjà inondée par nausée se déversant de sa douleur (les trois dimensions n'ont plus aucune importance ni raison d'être))

(il s’assoit.)

Refusant l'offre de la bouteille d'un bref hochement de tête qui continue de faire palpiter la chaleur à ses tempes, ses mots peinent à trouver leur sarcasme, suivent un rythme (se réfugient dans la sûreté du mécanisme) trop précis, trop stable, l'inébranlable est bancal — comme s'ils devenaient finalement l'effort de trop, alors même que sa parole se délie plus qu'à l'accoutumé — reflet à retardement du sang ayant ruisselé le long de son flanc, peut-être, ça lui coûtera d'abord le mien. Un grommellement trop rauque contre le lisse de la peau artificielle masquant sa mâchoire, il n'avait qu'à rester à l'organique, comme tout le monde, et une grimace désagréable retenant tout juste une inhalation sifflante, alors qu'il continue de presser le pan de sa veste tactique contre le bas de ses côtes, ou préférer investir dans des informateurs dignes de ce nom. Éternelle résidente du fond de son regard, la rage elle-même peine à se concentrer, alors que son bras valide quitte enfin son flanc, tiraille sa manche, tentant de se défaire du matériau renforcé, prêt à laisser le suédois évaluer l'étendue des dégâts — se donne quelque chose à faire alors qu'il se prépare à détailler les circonstances du heurt — direct et sans manières ; comme à leur habitude.

La mort est fatiguée, ce soir.
Mar 12 Nov 2019 - 1:07


Sans piper un mot autre qu’un sarcasme vain, tu t’es effacé aussi efficacement que nécessaire pour mieux le suivre comme une ombre sitôt le battant franchi. Un pied passé par delà ton seuil moins accueillant que la gueule des Enfers, et comme tous les moribonds qui l’ont précédé en te payant un tribut sonnant pour leurs vies, le silence est de mise pour mieux te laisser œuvrer. Ainsi, tu ne dis rien, c’est habituel, mais ce patient particulier n’a pas besoin de plus ample communication de ta part en général ; surtout durant cette aube spécifique et glacée. Il se meut plus erratiquement qu’à son habitude, moins droit, plus saccadé, subtilement moins stentor et décidé pour franchir un chemin qu’il a déjà pu emprunter avec une régularité rigoureusement mécanique dans ton antre pour quelques mineures révisions. Ton œil glisse sur le cyborg, enregistre d’une œillade froide le  tremblement qu’il dissimule, le geste peu souple  puis le son bas et écorché de rouages déréglés –fi de câble démonté ou de vis mal serrée, c’est bien plus qui est ébranlé cette fois- tout, jusqu’à cette poix de sang et d’huile caractéristique que tu peux humer, presque écœurante dans son sillage dans qui n’augure pas une nuit tranquille. L’humeur n’est point à la routine alcoolisée. Il a beau tenter de retenir la conséquence de l’évènement récent comme sa vie à son flanc écorché, celle-ci goutte admirablement sur le sol de manière éloquente.

Plutôt que docilement s’installer pour faciliter ton travail, Kolya marque un temps, deux de trop en refusant ton offre, et c’est un de ces signes avant-coureurs qui te font froncer les sourcils et poser la bouteille sans perdre un instant pour rassembler ton nécessaire rapidement. Soldat bientôt à terre. « Sale temps pour les traîtres. » Le ton est presque léger, de ce russe beaucoup trop accentué de cimes boréales qu’il te connaît. Ton dédain doit se contenir pour ne laisser qu’une façade lisse et efficace, plus propice à cette empathie dont tu manques souvent cruellement pour ce qui ressemble le plus à un camarade actuellement en peine. Un instant pour désinfecter tes outils de travail, moins d’un autre pour que tu te rapproche de lui en traînant un chariot bringuebalant du nécessaire basique –il s’est remis en mouvement, mais il traîne un regard fade et perdu. Perdant ? Pas encore hagard. Pas qu’il soit des plus expansifs, aussi bien verbalement, mais tu connais sa réticence à cet environnement médical, à tes méthodes parfois semblables à ceux qui ont pu le rendre ainsi. Vous connaissez tous les deux ses réactions dans ces cas précis, vous connaissez vos traumatismes réciproques. Tu ne veux pas spécialement d’une autre de ces nuits.
L’urgence est là devant toi, peu absolue plus qu’écorchée sur les bords, de chair et de mécaniques abîmées que tes manières rudes fourmillent et te démangent de sommer de se presser, d’arracher, de repousser les barrières textiles pour en endiguer l’ichor qui suinte. Mais non. Patience. Maîtrise. Il défait ses entraves, ses protections, dévoile le crime et te revoilà en l’instant chirurgical et rapide pour ne pas le brusquer dans sa logorrhée soudainement trop fournie. Sans même hésiter pourtant, une seringue a le temps de briller dans le rouge de ta main avec un flacon clair en profitant de cette distraction, avant d’être laissée à portée de son regard pendant que tu l’examine de plus près. « Mais rien ne vaut la bonne mécanique, tout le monde sait ça. » Un claquement de doigts métallique pour attirer son attention dessus sans pour autant croiser son regard, ton nez se souvient très bien de sa réaction à chaud  quand tu as voulu le piquer sans précédent avertissement. Un craquement désagréable. Sa main souillée à peine retirée dévoile un champ de bataille entre épiderme et suie, sûrement bardé d’indésirables éléments et coagulant à peine. Sous une dextre de chair pour l’ausculter rapidement tu guettes ses réactions malgré une léthargie naissante (se détache une ou deux côtes sûrement fêlées –ce sifflement quand il inspire- et beaucoup d’ecchymoses en préparation. A minima.)

Un temps. « Qu’est-ce qui a fait ça ? » Le contexte et l’identité ne t’importent pas le moins du monde, mais une explication sommaire histoire d’envisager les dégâts n’est pas un luxe : une traînée cramoisie sur sa tempe te donne une idée du choc. Il a un certain nombre de coupures à refermer, de sang à nettoyer, d’articulations à vérifier. Il n’a pas encore remarqué l’état de son bras, et tu te prends à croiser les doigts pour ne pas lui faire subir une dépose de l’un de ses bras. Ce sera le cas. « Buckle up, buddy. » A bien y repenser, lui proposer une bouteille était une bonne introduction, et ton regard vers l’anesthésiant liquide est des plus équivoques.


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