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how to: begin, and try, and keep trying, and begin again if needed, ft. cameron & leon

Mar 25 Juin 2019 - 15:29
a lake of extravagant tenderness,
a howl of silence in the shadows
j'essaie -d'être calme
j'ai le sang qui tambourine dans mes oreilles
c'est comme s'il me disait : bonjour, est-ce qu'on pourrait aller plus vite ? est-ce que je peux faire un tunnel de notre cœur à notre cerveau, pour que tout soit plus rapide ?
et moi, j'essaie de lui dire, non, vois-tu, ça ne fonctionne pas comme ça
mais aussi, je dis : tu crois que ça marchera ?
et j'en suis là,
(j'aurais pu faire des comparaisons stupides
me perdre dans des mots qui de toutes manières ne restent pas dans mon cerveau
j'aurais pu, aussi, m'arrêter pour réfléchir
penser, mais je dois dire que souvent je n'y suis pas très doué
et mon sang, et mon cœur, et tout ce qui tremble,
et mon présent, cette ardeur derrière mon amble)
(animal, parce que trop inquiet)
à passer de personne en personne ; je n'aurais jamais cru qu'autant de gens pouvaient rentrer dans un bar, je croyais aussi qu'un bar c'était un poisson (ceux qui ont muté à cause de l'acidification des océans), et je croyais aussi que je connaissais le visage de leon mais
non
je me rappelle, et je me répète 1. un squelette aussi grand que le mien, 2. une peau de la couleur du vide de l'univers à la lumière des galaxies quand on le regarde au milieu du désert, 3. des habits de granit et une mouvance qui rime avec, 4. une langue pas dans sa poche et des rumeurs à la chaîne.
je n'aime pas avoir quatre points
(prenez un tabouret. asseyez-vous dessus. avec quatre pieds, on peut facilement le renverser de quatre côtés. avec trois pieds, c'est bien plus dur et, dans le pire des cas, il n'y a que trois côtés à défendre.)
vous êtes leon? non? -- dîtes, vous seriez leo- non, d'accord, et vous vous vous appelez leon? et je passe d'un humain à un autre, comme un papillon de nuit qui cherche l'alien qui lui servirait de lune (parce que les papillons de nuit ne font que voler vers la lune, mais voilà : nous avons créé bien trop de lunes pour eux, et peut-être que lui aussi me paraît être un dieu -de ces gens qui savent)
et, peut-être, aussi,
juste peut-être,
avec un petit peu de sûrement quand même,
j'ai des yeux qui brillent
dans ma petite réalité que certains ne peuvent plus toucher (couler)
Mer 26 Juin 2019 - 14:55
Qu’est-ce que tu faisais au Nouvel An ? À quoi pouvais-tu bien songer pendant qu’à l’autre bout de la ville, dans un immeuble où coulaient les petits fours et croustillait le champagne, une demi-centaine de personnes ne se doutaient pas qu’elles ne reverraient jamais la lumière du soleil ? Tu te souviens que ta sœur était avec toi, qu’elle avait tressé ses cheveux comme par futile coquetterie, que tu avais rapporté de chez Emily des pâtisseries et que vous étiez restés là, emmitouflés près de l’âtre dans la Cabane à grignoter des amandines – elle t’avait parlé d’une fille, tu lui avais parlé de Seiko ; elle avait souri, tu avais rougi – vous étiez heureux.
Et maintenant cette nuit-là s’est enfuie, elle est loin dans le passé désormais, une nuit de plus dans le panier des souvenirs, ordinaire, alors qu’elle a recouvert à jamais le monde de cette même demi-centaine de personnes. Une obscurité éternelle qui ne porte à ton cœur qu’un seul nom ; il t’a harponné de sa fulgurance, presque un axiome, évident à t’en faire mal dès que tu entendis la rumeur : Leon. Qui d’autre que cet xénomorphe aurait pu en connaître la nature ? Depuis la première – et la dernière – fois que tu l’as vu, ses paroles continuent de résonner dans ton cerveau, alors, s’il n’existe qu’une personne à Pallatine capable d’expliquer les raisons de cet effrayant phénomène, c’est de lui dont il s’agit.
Certes effrayant pour toi qui effleuras à plusieurs reprises les fêlures à la surface du secret de votre univers, mais visiblement pas aux yeux d’autres citoyens qui firent de ce lieu maudit un nid de divertissement dont l’affluence vire à l’obscène. Tu n’arrives pas à te sentir à l’aise ici, dans ce brouhaha curieux bouffi de oh, je ne m’imaginais pas ça comme ça, de et comment ils se lavent ? et de moi, si ça m’arrivait, je pourrais pas qui te file des envies de leur fermer la gueule à coups de lattes cloutées. Seul ton objectif parvient à calmer ces élans de violence : dénicher Leon.
Pourquoi, au fond ? Tu ne saurais dire. Juste, le fait qu’il ne t’ait pas menti une fois t’invite à reconduire ta confiance, de même que tu ne peux te satisfaire de l’ignorance – trop tard pour ça. Et où le trouve-t-on dans ce vacarme de corps, ce concert de silhouettes ? Il a dû s’échapper, il n’a pas l’air d’être créature à se baigner dans les foules pour le plaisir du sport ; un peu à l’instar de cette immense perche qui te barre le chemin soudain en t’appelant de ce nom auquel tu ne corresponds pas du tout. Il t’a surpris, quoiqu’il n’inspire guère de malveillance, et sur la défensive tu relâches un « nah » à la seconde même où, à travers le creux de son bras, tu distingues une ombre familière naviguant en périphérie du hall. Ton visage se clôt d’un coup, mode traque, regard sévère. Quand on parle du loup...

Ni une ni deux, tu t’écartes de l’étranger aux cheveux rouges afin de rattraper ta cible avant qu’elle ne disparaisse prétendument au cœur d’un insondable vortex. Pourtant, et peut-être parce que tu as décelé comme un éclat de détresse dans l’interrogation de celui-là, tu te tournes vers lui au moment de le dépasser pour lancer :
« Suis-moi, ‘faut pas l’perdre. »
Puis files en direction du maître des mystères dont les contours se sont déjà évaporés à l’angle d’un couloir. Malgré la nécessité de crier pour le retenir, tu te gardes d’attirer l’attention des autres sur votre destination : plus anonymes vous serez, mieux vous évoluerez à l’intérieur du bâtiment. Et il n’est pas dit que certains ne lui souhaitent pas du malheur.
Ven 28 Juin 2019 - 14:48
I lost my mind, and nobody believes me.
j'ai des sirènes dans la tête
je garde mon troisième œil fermé, parce que je ne veux pas les voir -je sais déjà qu'elles sont belles, et qu'on partage le même gène de prédateur, et que je n'ai rien à leur donner pour me faire libérer
j'ai l'esprit hermétique, enfermé, à ventiler le même oxygène périmé ; j'espère que ça atténuera le son, qu'on n'entendra pas trop les (a)larmes qui crient en-dedans et qui attendent pour s'emparer du monde
je crois que je serais prêt à lui mettre le feu
(et elles me soufflent milles idées, de leurs voix à cadence semi-automatique)
je crois que je serais prêt à
(briquet, explosifs, micro-ondes, fils électriques, allumette, chalumeau, feu d'artifice, loupe, toaster, silex)
mieux vaut ne pas savoir
(c'est si facile de faire une étincelle)
je sais que j'irais bien
je sais je sais je sais que c'est ce qu'il y a de mieux à faire
et que ceux qui ne me le souhaitent pas sont des gens qui ne me méritent pas
je sais que j'irai bien (à la fin)
je sais je sais je sais que j'aurais le cœur en morceaux pour quelques temps
et qu'ils se ressouderont plus tard, peut-être un peu mal, comme quand je me suis brisé la cheville
(il n'y a pas d'os dans un myocarde, hurlent les sirènes,
rien à craquer rien à reformer, juste des miettes à écraser)
je sais pourquoi elles sont là.
et elles m'entraînent un peu avec elle -j'aimerais lutter, mais je suis trop occuper
je ne questionne rien : je suis les espoirs qu'on veut bien me donner,
et je lui attrape la main sans demander,
et je me demande si c'est vraiment la vérité
parce qu'il y a tellement plus de choix dans les mensonges que dans la véracité
je ne me rappelle même pas de son visage; je ne vois que de dos la seule chose à laquelle je me rattrape
(j'aurais voulu être fort, j'avais cru que je pourrais l'être, mais dès que j'ai glissé hors de sa vue je me suis effondré / détesté / fané, et d'un coup je hais le soleil d'encore exister de briller de vouloir nous aveugler, comme une insulte, comme une autre frontière impalpable contre laquelle je lutte, comme pour me rappeler ma religion mes croyance mon culte : les mathématiques / la physique / la biologie, mais des lettres mélangées à quelques chiffres ne peuvent rien face à ce qui n'existent pas dans leurs référentiels / potentiels // parallèle // diesel / étincelle)
je ne le presse pas, non. c'est une hirondelle, j'en suis certain. de ceux qui parlent du printemps aussi vite qu'elles s'en vont quand elles changent de discours.
j'essaie de me concentrer
de chasser les sirènes
je leur dis : oui
je sais.
j'ai mal
Lun 8 Juil 2019 - 20:58
Tu es entouré de géants, de séquoias devant et derrière toi ; l'adulte que tu poursuis et celui que tu précèdes – si c'en est un, oui, c'en est ? il est si haut – et pourtant tu ne te sens pour une fois pas inférieur à eux, peut-être parce que tu es venu là par volonté, par détermination devrait-on dire, et quand tu traques ainsi ton objectif tu oublies que les autres te considèrent encore trop souvent comme un adolescent qui n'a pas à mettre le museau dans les affaires des grands. Ici c'est toi qui traces ta route sans avoir à endurer les jugements, tu sais que pour la plupart ils ne se doutent pas de ce que tu sais, de ce que Leon t'a déjà avoué et qui n'est toujours pas assez ; c'est comme s'il avait creusé dans tes sables arides pour en faire jaillir un petit puits, une source timide qui depuis ne s'est pas tarie. Elle a continué d'imbiber la roche alentour, d'inonder les minerais composant ta matière grise, avec ses mots tels autant de gouttes abreuvant les circonvolutions de ton cerveau, et si maintenant tu cours derrière sa silhouette sombre c'est parce que tu te sens assoiffé.
Peut-être que cette sécheresse dans ta gorge ne te quittera jamais tout à fait.
Peut-être que le garçon sur tes talons aussi a soif, si soif qu'il ne pense plus qu'à ce que pourra lui offrir l'alien pour l'étancher, l'apaiser ne serait-ce qu'un instant. Dans tes foulées n'ont pas la place les raisons de sa venue en ce bâtiment maudit par la chronologie, pas davantage que les questions qu'il s'impatiente de faire éclore aux oreilles de Leon ; il n'y a que la crainte de voir ce dernier disparaître avant que tu ne l'arrêtes, et c'est pourquoi tu presses le pas au moment de tourner à l'angle d'un couloir.
« Attends ! »
Tu ignores s'il t'a entendu – déjà son épaule s'est évanouie dans le plâtre d'une paroi. Plus loin, quelques mètres en avant, une porte claque, de celles où il est inscrit staff only et repoussant toute interdiction tu la franchis à ton tour, avec en guise de salut à la cantonade un :
« Leon ! »
qui aurait très bien pu s'adresser au vide comme à une foultitude d'autres faciès anonymes. Heureusement pour toi, il n'y a personne fors vous et lui, à croire qu'il s'est réfugié dans cette pièce se sachant suivi – bien que tu ne puisses supposer ses véritables intentions. Le hasard ou la nécessité, quelle importance, au fond ? Il est à portée de voix, c'est tout ce dont tu as besoin.
« J'-... On voudrait t'parler, s'il vous plaît ! »
Qu'il devine que tu y as mis toute la courtoisie et la politesse dont tu es capable ? Pas sûr. Mais enfin, c'est le maximum que tu peux te permettre, quand il te manque un soupçon de souffle et que la nervosité commande à ton phrasé. Au pire, le grand rouge à tes côtés pourra sans doute ajouter un pincée supplémentaire de déférence ?
Sam 27 Juil 2019 - 6:14
my head
is still
an animal
je leur dis : vous ne pouvez pas me faire plus mal
que ce que le monde m'a déjà fait
(je crois que ça calme les sirènes. qu'elles s'arrêtent, un instant.
je crois que les monstres savent sentir. qu'ils comprennent, probablement.
je crois que pour être si en colère, il y a besoin du contraire
(atteindre la stratosphère depuis la terre)
(devenir nos propres sorcières))
j'ai l'impression de courir des minutes entières
les rotules s'entrechoquent oh je les vois déjà tomber au prochain pied ancré dans le plancher
le souffle court -ce n'est pas la désoxygénation qui rend ma vision si floue, non.
je ne regarde pas où je vais, je n'ai qu'un feu follet (garçonnet de la forêt) pour engranger mon procès
il martèle chaque pas comme un juge
est-ce que je suis accusé ?
(peut-être de trop de naïveté)
(de crédulité / d'honnêteté / de loyauté / de sincérité / de fidélité)
et s'il s'arrête, moi je continue
il le faut
je franchis les distances, conquiert l'espace à défaut d'un temps qui n'existe plus,
une main accrochée au guide, l'autre qui agrippe le sage
je me contenterai du rôle de l'imbécile
leon j'ai tant de choses sur le visage. je ne saurais même pas les nommer, les compter, les individualiser. elles sont là, et tout autour, un écosystème fragile loin de l'extinction. c'est vous. ce n'est pas une question et ah mes doigts creusent dans sa peau, son vêtement, pour être certain que ce n'est pas un mirage. un rêve. une illusion.
un cauchemar.
qu'est-ce qu'il se passe ? je demande, mais je sais, au fond, qu'il n'y a qu'une seule réponse (rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme) et que les mondes sont fait pour naître et partir (comme nos propres soupirs). est-ce qu'on a trop joué avec le feu ? il est olympien pour une pallatine prométhéenne.
j'ai peur de ses yeux, des conséquences du feu, et beaucoup de choses entre deux.
Sam 27 Juil 2019 - 20:00

Leon a conscience que sa longue figure ne passe pas inaperçue. Tout trajet qu'il entreprend à Pallatine ces jours-ci s'allonge péniblement par l'effet de ces entrevues presque rituelles où des inconnus le saluent, l'interrogent sur son identité, lui demandent parfois une photographie (seule demande à laquelle il n'accède jamais) avant de s'éloigner, le visage bouffi d'admiration. L'étranger s'y est habitué : il double systématiquement son temps de trajet pour éviter l'impolitesse d'être en retard, et s'il sent qu'il pourrait s'en plaindre, il se rappelle à voix basse qu'il avait conscience de la possibilité d'une attention aussi envahissante lorsqu'il a signé son contrat, et ne peut donc s'en prendre qu'à lui-même.


Malgré son quart d'heure d'avance, Leon est pressé de commencer son inspection de l'immeuble Sharsfort. Ordre de ses supérieurs : il doit s'assurer que l'arrêt du temps a bien été supporté par tous les habitants qui y sont coincés. La mission ne doit pas être urgente, sans quoi les moyens déployés auraient été bien plus importants. À moins qu'il ne s'agisse d'un travail d'une importance cruciale exigeant la plus grande discrétion. Il n'est pas dans la nature de Leon de poser des questions : personne ne fait cela, chez lui. Tout le monde considère avoir reçu toutes les informations nécessaires, et lorsque ce n'est pas le cas, on se débrouille comme on peut.


Commencer par le bar Jo est stratégique : c'est là qu'il croisera le plus de monde, et en particulier le plus d'extérieurs, qui sont susceptibles de troubler sa mission. Leon s'est donné trois heures pour faire le tour de l'immeuble : a priori, ce devrait être suffisant. Le bar ne devrait pas poser d'autres problèmes : les habitants qui y sont descendus doivent sans doute être en forme, sauf ceux qui ont besoin d'une forte dose d'alcool, mais il ne repère personne de ce type dans la foule bigarré qui se pressait dans les lieux.


La mémoire des visages de Leon est bonne, mais cela fait des mois qu'il n'a pas revu le garçon aux cheveux roux qui l'abordera par la suite : ses yeux glissent sur lui sans le reconnaître, et en dehors de sa petite taille, il ne voit rien à signaler. Il le prend pour un extérieur et pose immédiatement son regard sur sa voisine. En revanche, il ne repère pas, dans un coin du bar, un autre garçon, plus grand et sans doute plus âgé, le rechercher avec insistance. Il se serait arrêté s'il avait su, car tel est son devoir.


Il revient vers le devant de la salle, vérifie les derniers arrivés avant de se rendre à l'arrière, où il espère inspecter ceux qui travaillent dans le bar. Il n'a pas la moindre idée de ce qu'il va y trouver : les bars n'existent pas dans le monde de Leon, du moins pas sous cette forme-ci. Il s'agit souvent d'un homme ou d'une femme qui gère seul(e) ses stocks de boisson pour un public bien plus réduit. Il espère qu'il n'y a pas de grand couloir derrière la porte.


Mais avant qu'il ait pu continuer plus en avant son inspection, il entend une voix l'appeler. Il faut quelques secondes à Leon pour se remémorer la frimousse juvénile du garçon, dont il ne sait le nom - l'a-t-il oublié ou ne l'a-t-il jamais entendu, il ne sait plus vraiment. Il hoche la tête pour montrer qu'il est d'accord pour leur parler. Leon avait prévu un contre-temps de ce genre dans son planning : il n'est donc ni en retard, ni contrarié.


Cependant, le garçon roux s'efface rapidement devant un autre, aux cheveux plus vifs encore, qui lui saisit la manche. Quelque chose d'artificiel émane de lui, comme si son humanité s'était construite sous la main d'un autre. Il a manifestement l'air inquiet : il ne regarde pas Leon dans les yeux, comme si les réponses qu'il y cherche s'y trouvaient. Leon a rarement été approché par des habitants aussi troublés : se pourrait-il qu'il s'agisse d'un de ces habitants dérangé par l'arrêt du temps ? Il est de son devoir de le rassurer.


« Du calme. » Il faut toujours commencer par là, prendre un ton rassurant, montrer que l'on dispose de confiance en soi et que tout se passera bien parce qu'il est là. « Tout va bien. Vous n'avez pas été punis. Vous n'y êtes pour rien. »


Car ce n'est pas vous qui avez joué avec le feu, non, c'est lui, ce sont les siens, et ceux qui sont venus avant eux. Pas les élus qui peuplent Pallatine sans comprendre ce qui se passe exactement. Les habitants de l'immeuble ont peut-être été des dommages collatéraux, mais pour tous les autres, tout ira bien. Leon le sait, et c'est parce qu'il le sait qu'il rayonne de confiance et de sincérité, qu'il met tout en œuvre pour rassurer une pauvre âme sensible.


Lun 29 Juil 2019 - 15:32
Tu t'es immobilisé parce que tu ne voulais pas le brusquer, parce que tu avais peur de le brusquer comme si tu t'épouvantais toi-même ou comme si tu craignais que, par contrariété, il ne te fige toi aussi dans les limbes de la temporalité. Cela aurait pu te plaire fut un temps, de demeurer perpétuellement enfant, mais tu n'es plus perdu maintenant que ta sœur a débloqué les horloges dans ton crâne et que tu apprends à accueillir la maturité qui vient, alors tu es devenu capable de t'effrayer d'une heure qui ne passe plus ou d'un corps immuable – et si quelqu'un est à même de t'infliger ce châtiment d'immortalité, tu penses que c'est Leon. N'est-il pas, après tout, le seul ici à connaître la vérité sur Pallatine ? Lui sait pourquoi la nuit s'est refermée pour toujours sur ces individus qui n'avaient rien demandé et qui sans remède regarderont vieillir leurs enfants depuis l'autre côté de l'écran.
Tu t'es immobilisé aussi parce que la présence du grand rouge dans ton sillage bloque les phrases que tu aurais voulu articuler, tes mots et tes genoux c'est pareil, les deux coincent et grincent alors que tu vois soudain ton compagnon bondir sur votre proie ; tu crois qu'il va t'entraîner, te forcer à bouger mais non il vous relie un deux trois et tu te demandes au fond ce que tu fous là.
Leon est le même que lorsque tu le rencontras à l'automne dernier, n'a rien égaré de son calme apparent ni de ses manières galactiques, lointaines, même quand cette entrevue revêt des airs d'agression. Toi l'intranquille et l'autre désemparé, il doit être habitué aux visages que vous lui exhibez – n'en semble pas surpris. Vous n'êtes pas les premiers et le royaume des cieux ne vous appartient pas non plus, mais avec la patience d'un ange il accepte de verser sur vos brûlures quelques gouttes d'une eau salvatrice.
« Pourquoi ? »
Tu as le sentiment que c'est là les seules questions que tu es en mesure de lui jeter. Le sentiment d'être un poussin idiot en quête de la becquée avec laquelle s'étouffer, trop indigeste. Parce que s'il n'existe pas un sens à tout cela, alors pourquoi ? Être coupables, même injustement jugés par un tribunal à l'autre bout de l'univers, aurait toujours eu plus de signification qu'un parce que. Vous êtes humains, vous ne pouvez vous en empêcher. Ce qui n'a pas de raison rend fou. Et tu n'as pas du tout envie de le devenir.
Mar 30 Juil 2019 - 16:25
my head
is still
an animal
il faut que je sois brave.
j'ai lu des péripéties des héros qui traversent des océans pendant dix ans des sauveurs d'humanité des comètes déviées et des pathogènes isolés.
j'ai regardé la fin du monde sur un écran et vous savez, ça m'a fait peur.
on m'a dit c'est pas réel et je n'ai pas compris.
tout ce qu'on touche avec son esprit a de vrai nos pensées.
peut-être que l'humanité cherche sa finalité
l'écrit, la filme, l'enregistre
et fait semblant de bien finir.
je relève les yeux.
je veux savoir s'il écrit des conclusions sincères.
ça veut dire qu'on aurait pu être puni. et mon cerveau a des engrenages non rouillés -il chauffe, essaie de s'extirper de la tourmente, de la buée, de la chaleur. j'ai l'impression de pouvoir m'évanouir à chaque seconde. c'est quoi, si c'est pas nous ? et j'ai les genoux qui tremblent comme ma tête j'ai envie de m'assoir sur le sol d'aller d'avant en arrière et d'arrêter de réfléchir, de chantonner une chanson, de penser aux monocytes qui deviennent macrophages qui phagocytent des pathogènes et stimulent des lymphocytes et produisent des anticorps des anticorps des anticorps
je m'accroche à sa manche comme au bout d'une falaise.
l'autre glisse -comme si j'étais prêt à lâcher.
non.
comment vous pouvez être sûr que ce n'est pas pallatine ? c'est quoi votre place dans tout ça ? vous ne pouvez rien faire pour ceux dans cet immeuble ? on ne peut rien faire ? il faut qu'ils sortent, vous savez. il faut qu'il sorte, je vous jure. il faut. on ne laisse personne derrière.
Jeu 15 Aoû 2019 - 12:43
On a beau être le plus informé du monde, il y a des questions auxquelles on ne sait pas répondre. Pourquoi en fait partie. Certes, on pourrait remarquer que le sens que l'on entend donner à cette question varie d'une personne à l'autre, que certains lui donnent une tonalité particulièrement métaphysique, tandis que d'autres veulent simplement entendre une raison qui leur paraisse valable. Mais c'est surtout la complexité de la réponse qu'il faudrait donner qui effraie Léon. Il ne sait pas exactement ce que veut le garçon roux, et même s'il le savait, Léon sait qu'il ne pourrait pas lui répondre correctement. Il ne prétend donc pas qu'il sait tout et prend un air qui se veut rassurant.

« Je ne peux pas dire exactement pourquoi, je ne le sais pas moi-même. Mais je sais que vous n'êtes pas responsables de ce qui arrive. »

Est-ce suffisant ? Bien sûr que non. Personne ne peut se satisfaire d'aussi peu. Mais Léon ne peut dire grand-chose de plus. Il ne veut déranger personne.
L'autre garçon est plus entreprenant : il multiplie les questions si vite que Léon craint d'oublier d'en répondre à une seule. L'angoisse se lit dans les mots, Léon a le cœur serré. Mais ses réponses sauront-elles lui apporter la paix ? Il en doute. Qu'il lui dise tout ou qu'il se taise, il sent que rien n'apaisera ses doutes. Il aurait envie de mentir pour de bon, mais il a trop de fois souffert de son prix pour oser encore le faire, même avec des inconnus.

« Non, vous vous trompez. Pour être puni, il faut que quelqu'un vous punisse, vous dise que vous avez mal agi et vous demande d'en assumer les conséquences. Mais vous n'avez rien fait de mal, et personne n'est là pour vous punir. Vous êtes les seuls à pouvoir vous faire du mal en vous inquiétant. Vous êtes les privilégiés, ceux qui ont quitté la Terre pour bénéficier d'une vie nouvelle à Pallatine - chez moi, on tuerait pour ce luxe. Les quelques dysfonctionnements que vous rencontrez sont mineurs, et ce sont nous qui les avons causés. »

Mais qu'avaient-ils fait de mal, sinon d'espérer une vie meilleure dans une autre dimension ? Ils voulaient la vie des transférés, tout simplement.

« L'immeuble a été figé pour rétablir un équilibre temporel : c'est pour cela que le reste de Pallatine n'est pas concerné. C'est une solution triste, mais nous n'avons pas eu le choix : il a fallu un sacrifice, et c'est sur cet immeuble qu'il est tombé. Même nous, nous ne pouvons rien faire. Ils finiront sans doute fous : alors, il faudra les tuer. Mais le problèmes des perturbations temporelles est ainsi réglé. »

Conscient de la rudesse de sa réponse, Léon ajoute.

« Mais rassurez-vous, ça ne pourra plus arriver : nous avons compris que l'excès de transférés déstabilise Pallatine et nous faisons réduire les arrivées. L'Institut effectue en ce moment-même une liste de denrées et personnes qu'il vaut mieux éviter de transférer. C'est pour cela qu'il n'y aura plus de sacrifices. »

Il pourrait en ajouter, mais il préfère se taire : c'est déjà difficile à accepter.
Dim 13 Oct 2019 - 15:55
Leon ne sait pas. Et si même Leon ignore la réponse à cette question, alors personne ici n'en saura davantage. Il n'est pas affaire de mécanique ou de cuisine, on ne répare pas le temps comme une carrosserie ou un pot d'échappement, et quand bien même un soufflé s'effondre sur lui-même il reste bon à avaler pour un estomac affamé – là, ça te prend juste à la gorge, ça t'asphyxie, nul ne peut t'offrir les informations que tu réclames pour apaiser ton âme et tu restes debout, les poumons enfumés l'œsophage obstrué, tu te fiches de ne pas être responsable parce que tu ne te sentais pas coupable de quoi que ce soit – et Léon t'avait déjà sous-entendu qu'il existait au-dessus de vos têtes des instances dont tu méconnaissais tout et tellement éloignées de vos existences qu'il était inutile d'espérer en tirer le moindre intérêt. Elles ne semblaient pas hostiles. Ne semblaient pas vicieuses. Mais aujourd'hui tu ne peux t'empêcher de les juger, toi l'irresponsable, le lombric, toi qui ne te tiens même pas sur le banc des accusés et encore moins sur celui des plaignants ; toi t'es juste ici parce que tu sais des choses, jamais assez, tu sais seulement qu'il faut te méfier. Et qu'il ne sert à rien pour la souris de se méfier du dragon.
Des deux, ce n'est pas toi qui souffres le plus, pourtant. Les mots du grand rouge, c'est une cascade de sang qui jaillit de son cœur. C'est plein de larmes et de douleur, ce sont des piolets de crainte enfoncés dans les ventricules, et lui qui escalade à mains nues cette falaise d'incertitude qui pulse pulse pulse – tu peux le sentir à travers vos doigts qui s'étreignent toujours, dans le feu de l'interrogation tu n'as rien lâché – avant qu'il ne reçoive une réponse aussi sage que possible. C'est bizarre, d'entendre cela sur la langue d'un alien : qu'on est forcément puni par quelqu'un. S'il connaissait ta vie, est-ce qu'il te dirait aussi que tu n'as pas été puni, châtié simplement d'exister ? Parce que, souvent, c'est ce que tu as pensé.
Puis ce nous qui tombe, encore, qui chute de nulle part, de quelque firmament ou voûte céleste trop lointaine. Un nous responsable, coupable, et cependant à la limite de l'insouciance – qui ira dire aux habitants de l'immeuble qu'ils sont un « dysfonctionnement mineur » ? Leon a peut-être raison : à force de se prendre pour le centre du monde, on oublie trop vite qu'on n'est rien que des rats dans un navire anonyme. Et que la vie d'une poignée de privilégiés ne préoccupent guère les intelligences d'un millier de condamnés, sinon pour s'emparer des richesses qu'ils possèdent. L'humanité est ainsi faite. Alors pourquoi cette envie de vomir qui t'enserre le gosier quand tu apprends ce qui attend les « sacrifiés » ? Tu avais deviné qu'il n'y aurait pas d'issue bénéfique à cette histoire ; qu'à défaut d'accepter leur sort, les habitants coincés finiraient par s'entre-tuer ou par se suicider. Tu n'avais pas songé que ce serait un |i]devoir[/i] provenant de l'extérieur que d'abréger leur unique jour. Non. Après tout ce n'est pas pour cela que tu ravales acide ta nausée. C'est parce que tu sais, maintenant, et que tu sens sans pouvoir y mettre de signification que ce savoir-là te rend responsable. Tu aurais pu t'en sortir si tu avais été seul avec Leon, si ses aveux relevaient du secret. Sauf qu'avec la perche écarlate à tes côtés, tu deviens un témoin. Une preuve. Un appui.
Tu t'arraches brusquement à l'emprise d'Hiraeth à la seconde où tu remarques que tu enfonces tes ongles dans sa chair. Le désarroi a rajouté vingt ans à ton visage blême et tes poings serrés blanchissent à leur tour.
« Si c'est d'votre faute, pourquoi z'êtes pas v'nus ici plus tôt, avec les transferts ? Pourquoi vous avez attendu jusqu'à c'que c'soit la merde et qu'y faille péter l'temps pour réparer ? Et qu'est-ce qui vous dit ça arriv'ra plus juste parce qu'vous avez réduit le passage ? T'as dit qu'vous aviez pas l'choix... d'où vous pourriez décider maint'nant ?! »

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