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.You were the better part of every bit of beating heart that I had. [Seiko]

Mer 31 Juil 2019 - 14:59
Il commençait tout juste à pleuvoir lorsqu’il a posé la poche plastique sur la table basse devant vous et en a sorti une bouteille de bière et deux paquets fumants de nouilles, l’un avec du bœuf, l’autre avec des légumes, indifférent au fait qu’il vous bouchait la vue sur le vieil écran cathodique où WarLord97 foutait des beignes à CraZinjaStar sur une mélodie en 8bits – t’as jamais compris pourquoi Kshamenk aimait ce jeu, mais à force de le transformer en parodie chaque fois que vous entamiez une partie, l’étendue de vos délires ne fit que croître et tu le trouvais génial tant il était mauvais –, mais cela ne vous gênait pas ; vous terminâtes le combat la vue à demi obstruée par la silhouette du grand brun, appuyant sur les touches de vos manettes tout en commentant le butin culinaire de ce dernier. Ce fut le blond qui dégaina le premier, tandis que l’appareil lançait le jingle de victoire en faveur de WarLord97 pour des raisons qui vous demeureront à jamais obscures :
« Em’, tu n’as rien pris pour Cam’ ? »

Tu as regardé avec une grimace les provisions étalées sous ton nez. En effet, si tu n’avais certes pas commandé de boisson, Emmet savait que tu avais prévu de manger avec eux, sous-entendu pas de partager, et lui avais demandé dans cette intention de t’acheter une portion de riz au poulet que tu lui aurais remboursée tôt ou tard. Tu ne l’imaginais pas refuser mesquinement : votre aîné n’avait que faire de la longueur de ton ardoise. Et qu’il ait pu oublier en un quart d’heure te déconcertait, car cela ne lui ressemblait pas non plus.
« Eh, séri-…
- ‘Faut que je t’dise. »
Il t’interrompit avec une telle sévérité que tu n’objectas rien davantage. Tu le sentais tendu d’un bout à l’autre de son corps, et en contrecoup ton poil se hérissa sur ton échine ; pas le temps de te remémorer toutes les merdes que tu avais pu faire depuis le début de la journée et qui expliqueraient son humeur, qu’il expulsa d’un souffle le déplaisir qui gonflait dans sa gorge.
« Quand je suis sorti du thaï tout à l’heure… Sur le palier d’à côté, il y avait cette fille et un gars, typés asiat’. » Pour n’importe qui d’autre que toi, cette information aurait été aussi insignifiante en plus d’être stupide. Pour n’importe qui d’autre. « Je l’ai pas vue de face, mais je sais pas pourquoi, elle m’a tout de suite rappelé, avec sa grande écharpe rouge… » Tu as bondi si fort que le meuble aurait éclaté sous tes genoux. Tu ne sentis même pas la douleur du coup. Pourtant il n’y avait rien de tangible dans cet aveu, rien de concret ou de définissable – même Emmet n’était pas sûr de qui il avait aperçu. Mais dans tes souvenirs les ruisseaux de sang dont on s’entoure le cou n’appartiennent qu’à une personne.
« Où tu l’as vue ? Où est-ce qu’elle allait ?! »
Incapable de contrôler ta voix, d’en réprimer les hauteurs. Celle de Kshamenk, en comparaison, est d’une affolante douceur :
« Ne lui donne pas de faux espoirs. Il n’y a aucune chance que ce soit elle… »
Le brun secoue la tête sans reculer. Il n’essaie pas de te duper malgré l’imperfection de sa déposition, devinant depuis longtemps déjà que, pour l’illusion d’une illusion, si tant est qu’elle te permette de la revoir, tu serais prêt à croire la plus incertaine des allusions. Il y a des personnes à Pallatine qui font transférer leurs proches ou d’autres versions d’eux pour les garder à leurs côtés ; tu mentirais si tu prétendais n’y avoir jamais songé, sauf que ton hirondelle est aussi native que toi – ses ersatz n’existent donc pas. Et il ne te reste rien d’elle.

Rien que ce doute qui vient de harponner ton myocarde, ce vacillement qui te dit cours ! qui te crie envole-toi ! toi qui n’as pas d’autres ailes que celles tranchées qu’on a jetées dans tes paumes – un moineau mutilé au fond d’une boîte à chaussures.
« Je mentirai pas sur ces choses-là, conteste Emmet en secouant la tête, j’ai cru les entendre parler des friches geeks, mais je suis pas sûr. »
Tu n’écoutes déjà plus ses hésitations ; les tiennes se sont éparpillées dans le fracas de tes semelles qui dégringolent les escaliers, trop vif pour que Kshamenk réussisse à t’arrêter, et dans ton absence il reste là bras trop tard tendu, avant de tirer un plomb noir d’iris dans le crâne de son ami.
« Pourquoi lui as-tu dit cela ? Elle ne reviendra pas. Il faut qu’il lâche l’affaire et toi tu l’entretiens dans l’idée qu’elle traîne encore dehors ! On voit que ce n’est pas toi qui lui remontes le moral ensuite.
- Il s’est persuadé qu’elle est morte parce que c’était plus simple à supporter pour lui. Mais tu vois bien qu’il ne se convainc pas lui-même. Et je mentais pas sur ce que j’ai vu.
- Non, tu as juste vu une nana random et tu sais que cela lui fera du mal si ce n’est pas elle !!
- Et si ça l’était ? T'imagines ? Juste cette fois-ci, si c'était elle et qu'il avait une chance ? Tu agirais pareil pour moi. »
La colère de Kshamenk tremble, oscille, faillit à son ardeur. Il ne hausse jamais le ton d’ordinaire, surtout pas contre Emmet. Mais ce n’est pas la confrontation d’avec ce dernier qui le perturbe, ni sa honte d’être sorti de ses gonds parce qu’il te sait blessé, non, c’est ce blizzard d’espérance qui tout à coup éteint l’inflammation de ses nerfs, juste cette fois-ci, si c’était possible, juste une fois encore, que tu arrêtes de te maudire ? Bien sûr qu'il aurait agi exactement pareil que toi s'il avait dû retrouver Emmet ; c'est son sourire abîmé qui le trahit.
« Laisse-le gérer ça tout seul. C’est pas ta petite sœur. Et s'il revient bredouille et qu'il lui faut un an de plus, deux, dix, pour se défaire de ses sentiments, il y arrivera. On y arrive tous. Allez, mange, ça va refroidir. »
Et Emmet pousse les nouilles aux légumes devant lui, gardant position assez longtemps pour que le blond lui prenne la main en voulant s’en saisir. S’il y a eu une barquette de riz au poulet dans son sac, il est probable qu’il l’ait d’abord mise de côté avant de vous rejoindre devant la télé.
Il avait juste anticipé.

Que tu cours comme un dératé
Que l'averse s’écarte sur ta route qu’elle éclabousse
Que tu cours détrempé la gorge anhydre les yeux sauvages
À la poursuite de ce fantôme au si joli nom peint à la lame de rasoir sur tes ventricules, tu cours jusqu’à la frontière de la civilisation, tu cours l’humanité à la traîne, la dépassant animal dans les flaques que tu survoles en manquant d’y déraper, la pluie ne veut pas cesser et toi de courir encore encore encore jusqu’à la limite de la zone désaffectée là où la loi n’ose pas mettre ses petits pieds soignés, un jet de couteau est si vite arrivé, et toi tu sais que par ici parfois Juniper vient s’entraîner à décoller, que dans les recoins délabrés des anciennes industries les jeunes désœuvrés piétinent les débris de leur tristesse, toi tu sais
Que tu cours et tant pis si tes poumons menacent de dégobiller
Que si une dernière fois il t’était offert de la rencontrer tu ferais durer ces retrouvailles jusqu’à la mort
Jusqu’à faire fleurir les pissenlits et les chrysanthèmes et les marguerites dans vos cheveux mêlés – et la pluie brouille ton regard qui fouille parmi les ruines urbaines désertées – pas d’âme qui vive sinon la tienne qui survit, torchon noyé sous la main de l’angoisse – et
T’as le cœur qui bute derrière tes dents, près de vomir, la tête en looping dans l’hyper-espace, les entrailles en nœud coulant ; atroce
Et tu cherches à l’affût de cette corde d’hémoglobine, ce hurlement de laine et d’incarnat, tu cherches la couleur qui en redonnera à ton univers – l’oiselle au bout de ta course, le chant écarlate
Dans le silence tonitruant de l’averse tu cries son nom
Presque vaincu
Presque convaincu qu’elle ne reviendra plus.
Jeu 1 Aoû 2019 - 14:58
C'est drôle de se dire qu'il n'y a pas si longtemps que ça
(après tout, un an et des poussières ce n'est pas grand chose ici-bas)
tu t'adonnais à danser sous la pluie qui perlait de tes longues mèches de suie, glissait sur ta peau opaline couverte de gazes et des blessures sur les échos de ton rire ; c'est drôle oui, de se dire que tu as su être un soleil quand le ciel était pourtant gris. Aujourd'hui tu te confonds à ses couleurs moroses et discrètes. Aujourd'hui tu es une goutte parmi tant d'autres, tu ne te démarques plus tant
(ne souris plus comme avant)
te demandes quand était la dernière fois que tu as éclaté de rire sincèrement
(et tu te demandes aussi)
si tu n'es pas devenue
(comme les adultes que tu méprisais tant)

Peut-être que c'était sa dernière victoire, en guise d'au revoir.
Peut-être qu'il a réussi au final, même en partant,
qu'il te fait un pied de nez six pieds sous terre,
et peut-être bien qu'il peut en être fier
s'il a réussi à avoir ton âme d'enfant.

Et c'est tout aussi drôle de le savoir bien enterré, jonché de racines dans sa jolie boîte gravée (il a toujours aimé l'ordre et que tout soit bien rangé) et pourtant omniprésent, toujours à te guetter (dans ton ombre, ton reflet) chaque recoin de ton encéphale où il pourrait se glisser. C'est ironique toi qui t'étais dit que la mort (la sienne, la tienne, peu importe) serait une délivrance et pourtant jamais sa présence n'a été si forte. Avant, au moins, la nuit venait te couvrir de ses bras, de ses couvertures protectrices et de ses fabulations, quelques échappatoires pour réconfort et une satiété dans son abandon - mais là, tes nuits sont ô si noires si sombres et pourtant si éveillées qu'elles ont laissé leur trace sous tes yeux couleur café (comme celui que tu bois tous les jours pour oublier que tu es incapable d'oublier)
Et peut-être que tu as un peu peur d'arriver à sombrer
De le voir venir se glisser jusque dans tes rêves,
D'entendre le serpent siffler jusque dans l'élysée.

Pourtant tes craintes ne se sentent pas, non, même quand tu es seule, adossée contre un mur un peu ébranlé (vous vous ressemblez) c'est un calme olympien qui se peint sur tes traits froids (sans aucun reste de l'été d'autrefois) une certaine quiétude, certains diront ; d'autres accuseront à défaut ou non l'adolescence et ses méfaits (comme le mégot que tu viens de piétiner ou l'odeur de tabac froid qui se plait à t'enlacer) mais tu ne saurais leur répondre quand tu n'en as toi-même aucune idée. Tu ne sais plus exactement quand est-ce que tu es allée te mettre à l'ombre pour au final t'y dissoudre et t'effacer, tu as conscience que même ton ombre semble avoir plus de personnalité - que si les gens que tu as connu (dans une autre vie, une dystopie) venaient à voir le brasier de tes yeux éteint et à sentir la lame cachée dans tes poches qui parfois tourne entre tes doigts, personne ne repenserait à la floraison du camélia (et après tout ils ont raison)
Car il n'y a plus de printemps ni de fleurs
Car après tout il n'y a que toi.

Il n'y a que Perséphone tapie dans ses enfers, qui erre et s'éloigne un peu, à l'orée de la solitude et de l'au-delà, insaisissable et pourtant immuable dans son intégrité, cette délirante impression qu'elle va s'envoler (comme l'écharpe qui vole au vent, quelques pétales prêts à s'arracher) car Perséphone n'a plus la foi de s'adonner à aimer les néants (qu'elle est un peu devenue, car des morts, elle ne sait plus combien elle en a eu). Il n'y a que Perséphone ; quelques regrets dans l'hiver et des fleurs qui ne connaîtront jamais le printemps.
Tes baskets se décollent difficilement du sol (tu sens un peu d'eau s'y engouffrer) s'avancent pour fuir encore un peu les rires et les échos de la zone désaffectée. Tu ne sais pas ce qu'Hadès fait, dans les locaux où il s'est rendu (il te tient loin de ses affaires tout en gardant la laisse bien tendue) pas que cela t'incommode non tu attends simplement les ordres et le travail, les sales choses que l'on te fait faire histoire d'avoir à graille, histoire de voir venir un jour nouveau (on ne laisse pas son animal de compagnie crever si facilement)
Tu t'éloignes et pourtant les échos t'avalent, t'harponnent comme on agrandit une plaie béante, quelques crochets pour chaque syllabe qui se décollent du silence alors que tes épaules se tendent (parce que personne ne hurle la Mort) personne ne chasse les fantômes (pas le tiens) sauf peut-être une voix que tu ne connais que trop bien et qui (tu le sais, tu l'as vu, l'as entendu) pleure sans larmes (ou du moins pas visibles, parce qu'il a beau le nier, il est déjà grand) ta disparition et l'enterrement que tu n'as jamais eu
(en même temps pas besoin de cercueil quand on n'a jamais vraiment vécu)

C'est le doute qui se creuse (et Perséphone n'est pas comme le soleil, elle n'est pas courageuse) t'as l'estomac qui se tord un peu quand tu vois l'orage arriver (elle n'est pas assez forte pour ne pas s'être retournée) s'il y a bien une chose qui n'a pas changé (c'est qu'à défaut de ne rien vouloir savoir) t'es toujours aussi curieuse (et elle s'en serait bien damnée) parce que
L'orage elle ne sait plus vraiment s'il est dans le ciel ou sa poitrine
Elle la pensait pourtant anesthésiée (peut-être qu'elle était la seule à avoir réussi à s'endormir)
Mais là elle la sent qui s'élance (et ça fait un peu mal) quand elle se met à partir
Parce qu'elle pensait qu'il n'y avait rien à relancer mais tout commence à revenir
(Elle sent comme un petit bourgeon grandir)
C'est drôle parce que tout a fané sans jamais vraiment commencer
(Mais elle se souvient aussi de quelques mots qui voulaient dire)
moi, j'aurais bien voulu t'aimer.
Alors sur ses lèvres simplement se perdent dans un souffle quelques lettres (et tout ton être)
Parce qu'en creusant sa tombe elle a finalement compris (qu'il n'y a que toi qu'elle tenait à chérir)

_ cameron ?
(je crois que j'ai vu fleurir sous la pluie un champ de belladones.)
Jeu 1 Aoû 2019 - 23:46
Où est-elle où est le Nord l'étoile polaire de ton ciel sans lumière où est ton Andromaque ta Cassiopée – où brille-t-elle, ta nova rouge au firmament d'été ? Tu vas finir par croire que ton aîné t'a bel et bien menti, qu'il ne cherchait qu'à t'éloigner de la planque pour profiter de Kshamenk et toi tu as foncé dans le piège tête première bête butée de sorte que tu te retrouves là transi d'orage, le tonnerre contre tes tympans et les éclairs sur ta rétine, à guetter l'écho de ta voix qui ne vient pas.
Seiko.
Même s'il existait un neutrino de chance qu'elle soit en effet là, que ce plan de l'existence détienne encore son corps en vie, rien ne te garantit qu'elle se montrera, qu'elle daignera t'accorder son attention. Après tout, si elle est partie, c'est que tu n'importais pas tant pour elle, que tu n'étais pas assez pour qu'elle restât à tes côtés ; il n'y a guère d'espoir que cet état de sentiments ait changé depuis plus d'un an. Il n'y a pas eu de lettre, pas d'annonce, rien pour te préparer au gouffre qui s'ouvrit sous tes pieds le jour où elle cessa de remplir son petit bout d'espace dans ton champ de vision, rien pour atténuer le néant qui s'empara de ta main à la place de la sienne.
Alors tu peux bien t'époumoner, tu peux vociférer aussi longtemps que tu le souhaites, te casser les cordes vocales sur ces deux syllabes, Seiko, et te crever les yeux sur le souvenir de son sourire ; ta solitude ne guérira pas.

Tu marches sur ce terrain vague dont la boue souille tes semelles, à peine indifférent à ce mec qui passe et te regarde mal – lui smashes en retour son mépris dans la gueule en dix fois pire –, l'idée de rentrer bredouille te file des envies de briser des murs avec ton crâne, toujours le même gâchis d'espérance, toujours cette flammèche qui refuse d'être soufflée par la raison
à mourir à petit feu des espoirs qu'elle ravive
pour une escarbille de rouille là si proche une étincelle d'hémoglobine, pour – elle
un coquelicot éclot sur le bitume
avec ta galaxie qui tout à coup se remet à tourner qui vrille si vite si fort si brusquement que tu rates l'orbite
serait-ce ?
Tu te pétrifies. Elle n'a pas l'écarlate des prunelles qui éclairaient tes nuits, l'encre de sa chevelure ne ruisselle plus jusqu'à ses reins qu'épousaient tes paumes, par conséquent tu la croirais un temps son fantôme géméllaire issu de quelque ignoble expérience – comprends qu'Emmet se soit laissé prendre à la similitude – et tu t'affliges un peu de ne plus la connaître suffisamment pour écarter tout risque d'être dupé par ce genre de reflet hé
c'est qu'elle ressemble tant à elle-même
sauf qu'elle est quelqu'un d'autre
et pas seulement à la surface
Malgré cette courbure dans la forme de ses paupières, la délicatesse de son port que l'on penserait fait pour gouverner et qui te rappelle, oh, ses manières de princesse aux jupons déchirés, c'est tellement
elle
elle qui t'appelle
s'il subsistait un doute sur son identité dans le châtain de ses iris, le timbre de sa voix achève de le balayer – et avec le fracas de l'averse sur l'asphalte – BANG fait ton myocarde en explosant au sol – car personne d'autre qu'elle n'articule ces sept lettres de cette manière, ne les prononce avec ce e plus accentué comme un petit gravillon sur la langue, personne, non, Ulysse t'est témoin, ne chante ton nom comme elle.

« S-Sei... C'est toi ? »
Que tu sois foudroyé sur-le-champ si tu te trompes. Que les dieux te réduisent en cendres.
Bien sûr que c'est elle.
Et si tu cries encore son nom sous la pluie tu ne l'entends déjà plus, gorge ouverte sur le silence, seules tes jambes se ruent vers elle avec tes côtes qui béent large pour accueillir sa présence. Ce doit lui faire bizarre de se faire percuter de plein fouet par une météorite, l'impact vous tranchant le souffle à tous les deux ; une seconde auparavant tu étais vide et maintenant tu l'étreins si puissamment qu'elle pourrait se fondre à l'intérieur de toi – se lovant avec le plus grand naturel dans la place qui n'a jamais cessé d'être sienne –, tu la serres tant et tant que la force vient à te manquer pour te soutenir toi-même, les rotules liquides et
tu ne pleures pas c'est la pluie qui sanglote
tu ne pleures pas elle est de nouveau dans tes bras
petit nœud de chaleur au creux de tes coudes quand tu chutes à genoux, l'entraînant avec toi un cran plus bas sans qu'elle essaye de résister, tes phalanges enfoncées dans le tissu de son pull et ton museau enfoui dans les plis de son col. Il y a d'innombrables choses que tu voudrais lui avouer, certaines auxquelles tu as pensé de longue date, d'autres qui se sont agglomérées au fil des jours, mais toutes se sont évaporées à la seconde où tu l'as reconnue alors te voilà muet ta peau parlant pour toi, à l'enlacer comme si on allait te l'arracher et tu jures que si n'importe qui se pointe pour te l'enlever tu abreuveras la terre avec pire que de l'eau, n'osant même plus t'en séparer pour la regarder dans les yeux de crainte qu'elle ne disparaisse plus loin encore.
« ...'pars pas. S'te plaît, 'pars plus... »
Tu ne sais pas quoi dire de mieux, c'est idiot, un ordre pour prime parole quelle bêtise – sur ta langue c'est une supplique, une prière à l'avenir – ne me la reprenez pas putain de merde ou quelque chose comme ça, elle est si tangible là sous tes doigts oh et tes vertèbres ne sont plus lourdes de ces mille ans d'attente si léger que tu pourrais t'envoler sauf que tu restes rivé au sol ancré dans la réalité où le cœur de Seiko palpite contre le tien
à l'endroit qui lui appartient
enfin.
Sam 3 Aoû 2019 - 16:08
(ah)
c'est malin, vraiment, de gâcher le travail accompli en un an - tous tes efforts pour disparaître, pour n'être plus qu'un mirage (il aurait suffit) juste de ne pas te retourner, de continuer d'avancer sans un regard sur ses yeux que tu te sais incapable d'affronter. T'es pas fière non, loin de là et même si tes intentions étaient louables tu sais aussi qu'il y n'y'aurait eu personne pour les énoncer, pour te rendre hommage. Si t'avais rejoins ton paternel, tu n'aurais été qu'un enfant sans histoire enterré (au milieu de remords et de regrets)
Et c'était sûrement mieux comme ça.
C'est malin parce que tu pouvais sentir le doute jusqu'ici, l'insécurité que tu ne sois en effet qu'un papillon égaré au milieu des ruines, prêt à reprendre son envol à tout instant (et c'est tout ce que tu aurais pu être) tout ce que tu aurais dû être.
Mais sans que tu n'aies le temps de comprendre (il se saisit de tes ailes) s'empare de ta silhouette qui recule d'un pas sous le choc de la collision, incapable de cacher la surprise dans tes yeux l'espace d'un instant - c'est l'orage qui te PERCUTE, le tonnerre qui gronde et te foudroie sur place pour ne plus se défaire de toi ; pour que tu l'aies dans la peau (à défaut de l'avoir déjà constamment en tête)
(ah)
Tu l'as imaginée, cette scène, tellement de fois qu'elle en est presque un souvenir. Tu as joué tellement de scénarios (peut-être que c'était pour ne pas oublier les intonations de sa voix) mais celui-là, non. Tu t'es dis tellement de choses (pas vraiment jolies, pour tout avouer) parce qu'après tout (comment pourrait-on te pardonner ?) Et tu te dis aussi que ça lui ressemble tant, c'en est presque effarant.
Cameron ne suit pas les ordres, les scénarios,
Cameron vit sa vie comme bon lui semble,
Tes tragédies lui importent peu
(et c'est sûrement pour ça qu'il te semble si beau)
Ses bras t'enserrent et tu ne cherches pas vraiment à t'en défaire (sans t'y agripper pour autant), ton être semblant se fondre à merveille dans le sien (et pourtant semble si lointain) et sur ses joues tu sembles peut-être percevoir la rosée du matin mais le tien reste opalin alors que vos genoux touchent le sol, qu'il s'ancre autant qu'il le puisse (et tu devrais avoir mal) mais on sait tous que tu es anormale et surtout que tu es
(fatiguée)
que tu n'as plus la force d'être triste, de pleurer
(ou d'être sauvée)
alors pour toute réponse à sa supplique (depuis quand en prononce-t-il) tu laisses ton poids se faire sentir contre lui, t'abandonnant à sa peau refroidie par le temps mais qui semble pourtant te brûler, yeux clos (et tu aimerais ne jamais les rouvrir). Tu te plais à égarer ton souffle contre son épiderme, à laisser tes mèches brunes glisser maladroitement contre lui et tu pourrais presque t'endormir (sentirais une brise de printemps revenir) quand tes doigts peinent mais s'accrochent à son haut, fébriles et incertains l'air de dire
(ne t'en fais pas
je vais peut-être encore m'envoler, c'est vrai
mais je n'irai jamais très loin)
Tu ne pourrais pas supporter de l'être, après tout ; tu préfères toujours être blottie dans ses bras mais tu t'en décolles quand une voix retentit, un jeune homme plus âgé que vous deux tout de même s'approchant sans agressivité.

_ perséphone, y'a hadès qui dit que c'est tout réglé tu peux reveniiii-oups, ok, t'es occupée, désolé je repasserai un sourire se dessine sur ses lèvres, tes pupilles s'étant braquées sur lui après t'être légèrement reculée de ton compère compte sur moi pour lui dire de pas vous déranger.

Tu l'observes partir, impassible alors que tu penses déjà à la tornade qui va arriver pour te séparer du roux, un simple soupire passant tes lèvres alors que tu ne te redresses sur tes deux pieds, ne prenant plus la peine d'épousseter tes vêtements (ils sont déjà dans un état terrifiant)

_ je suppose que tu veux parler, allons ailleurs avant qu'il n'arrive et qu'il fasse chier.

Peut-être semble-tu un brin contrariée (probablement pas pour les raisons qu'il s'imagine) alors que tes mains viennent trouver leur place habituelle dans les poches de ton sweater après avoir rajusté ton écharpe, tes pas prenant déjà un rythme stable, un simple regard par-dessus l'épaule en invitation et
au fond t'es un peu désolée
parce que tu n'as plus vraiment grand chose à dire - tes jolis mots, tes rêves et tes fabulations, t'as tout laissé aux coins de quelques rues, d'une tombe et peut-être d'une décadence juvénile qui t'était inévitable ; peut-être qu'il se rendra compte que tu n'es plus une jolie fleur que l'on a envie d'admirer (t'as des épines et tes pétales sont sûrement un peu abîmés par les flammes de ton briquet) peut-être qu'il n'aura plus tant envie de rester à tes côtés (peut-être qu'il sera déçu) et peut-être que ça serait mieux.





Comme ça il n'aurait pas à voir à quel point tu es tombée bas.
Jeu 8 Aoû 2019 - 18:22
Mensonge – rêve – un instant encore tu t'imagines que tout cela n'est qu'une illusion malgré cette chair que tu presses contre la tienne malgré le fait que tu étreins sa concrétude elle te semble toujours si lointaine mais qu'est-ce que tu espérais ? Qu'après tout ce temps elle ait préservé ses sentiments ? Qu'après un an elle éprouve pour toi une affection identique inviolée intacte ? Tu es stupide, Cameron, tu crois que le monde tourne selon tes désirs et tu tempêtes chaque fois que tu comprends que ce n'est pas le cas ; si Seiko ne te rend pas ton émoi si dans ses bras fins tu ne retrouves pas l'énergie de ton euphorie, l'explication en est simple. Et tu n'oses la formuler.
Elle est là pourtant, ce n'est pas le vent qui délicatesse ta peau, ce n'est pas la pluie qui effleure tendre parmi tes mèches, avec cette infime pression sur le tissu de ton sweat comme une souris réclamant ton attention. Trop vite toutefois elle s'écarte quand tu pourrais demeurer ainsi jusqu'au retour du soleil ; une interruption humaine au blanc milieu de vos retrouvailles que tu n'essaies même pas de définir – à l'orée de ta vision il n'est qu'un gêneur, un parasite qui déclame des absurdités pour t'enlever ton hirondelle avant de rebrousser chemin sans que tu saches si c'est son regard à elle ou la noirceur du tien le fusillant de derrière sa chevelure qui a eu raison de sa volonté. C'est ça, que personne ne vous dérange. Jusqu'à ce que Pallatine ne soit plus que cendres.
Mais qui sont-ils, cette Perséphone, cet Hadès dont les noms grincent étrangers à tes oreilles ? Pourquoi soudain un an devient-il, non pas une éternité, mais un infini entre vos deux êtres ?

Tu veux qu'elle te raconte tout et cependant qu'elle se taise, tu veux qu'elle n'omette aucun détail et qu'elle les garde tous pour elle, qu'elle déverse l'ensemble de ses aventures et tarisse ses péripéties. Que le silence frémisse dans les vibrations de sa voix. Qu'elle te submerge de mots et te laisse aride dans son mutisme pour ne plus dessiner des lettres qu'avec son épiderme par-dessus le tien – tu ne veux pas parler, tu veux juste l'écouter ou vous vouer au silence de la nuit. Lui demander pourquoi, comment, quoi, qui, d'où viennent ces cahots dans le fil de sa conversation – ton oiselle s'est enfuie et désormais tu dois composer avec sa nouvelle forme, cette créature différente de la mue qui s'effrite entre tes doigts à l'instant où elle se retire sans te tendre la main alors que fut un temps elle s'empressait de l'agripper lorsque vous étiez ensemble, et si tu avais su qu'un jour ce ne serait plus le cas tu l'aurais serrée plus fort plus souvent tu l'aurais retenue autant que tu aurais pu mais voilà Seiko ne te prend plus la main Seiko ne te regarde plus et tes yeux trébuchent sur ses épaules trop maigres, dégringolent jusqu'à ses genoux souillés par ta faute et ses godasses si laides à l'aune des souliers qu'elle arborait dans ta mémoire.
Perséphone ? Le nom racle sur ta langue. Perséphone a dévoré celle qu'elle était, elle est l'ogresse d'elle-même, et si tu la suis c'est par curiosité plus qu'envie, car en un battement de cils vous êtes si loin l'un de l'autre que tu doutes pouvoir vous relier de nouveau – ni vouloir. Ta gorge est d'une sécheresse de Sahara, pourtant sur le trajet tu patauges flic floc dans tes baskets.
Elle se faufile à l'écart des zones à découvert, se glissant sous un grillage afin d'atteindre une bâtisse sur deux étages, un ancien garage à vue d'œil, délaisse le rez-de-chaussée en ruines puis saute une marche sur deux – prêtes à rompre – dans l'escalier de service jusqu'à une pièce aux fenêtres brisées et au toit fissuré, mais dont le mobilier rustique indique qu'elle sert de dortoir de temps à autre. Pour elle, à en croire ce qu'elle t'a dit quelque minutes plus tôt. En une seconde, tu embrasses la pièce du regard, sa vétusté, son délabrement, et constates qu'à côté de ce taudis, même ta planque fait allure de palace. Tu t'introduis là-dedans comme sur le sentier d'une embuscade, te figes ensuite à la frange d'une vitre de manière à avoir un panorama planqué sur les arrivées de l'extérieur. Et soupires, inconfortable – non à cause de la misère ambiante, mais de cette fille que tu ne connais pas face à toi.  

« Alors... c'est ici qu'tu traînes..? » Ôte cette amertume à l'arrière de ta gorge. « Sei... ou quelle que soit la façon dont on t'appelle. » Desserre ces poings que tu broies à l'intérieur de tes poches. « Qui t'es, maintenant ? » Tu as conscience de ta raideur, de la gravité assombrissant tes prunelles, mais s'il faut que tu dises adieu à ta Seiko, tu ne veux pas le faire en souriant. Tu ne souhaites pas offrir ton sourire à son assassin – peut-être donc ne devrais-tu plus sourire du tout face à un miroir. Kshamenk aurait su trouver les bonnes paroles, lui. Il aurait su décrypter la peur logée dans ton cœur et la rendre audible, plutôt que tu ne dégobilles cette colère que tu ne penses pas. Puisqu'il n'y a plus que ça qui te ravage l'esprit en cet instant, l'horreur de cette vérité qui briserait ta voix si tu avais le malheur de la prononcer.
Seiko ne t'aime plus.
Seiko n'existe plus.
Et la plainte de l'orage ressemble au cri de ton âme.
Ven 9 Aoû 2019 - 0:10
Le chemin jusqu'au garage n'est qu'une ascension familière. Tu es encore capable de te remémorer la première fois où tes pas hasardeux t'ont amenée jusqu'ici, montant les marches qui grincent et amenant ta carcasse de chien errant mouillé à l'abri d'une forte averse - un peu comme celle qui s'acharne sur vous deux. Tu te souviens de l'état encore plus déplorable de l'endroit, de l'odeur de moisi qui y régnait et pourtant de cette sensation étrange de quiétude et de sérénité (du silence qui s'y imposait) celui-là même qui te manquait tant. C'est un endroit où peu de gens mettent les pieds, où tu n'acceptes personne capable de briser ta tranquillité (pourtant il est là) avec ses yeux tornades et sa voix qui grogne, prête à cacher un courroux mal étouffé (et tu ne saurais dire vers qui il est destiné). Inconscient de la confiance que tu lui accordes juste en lui ayant ouvert cet endroit. Sûrement es-tu en partie une des raisons de sa colère, pour t'être volatilisée. Sûrement pour avoir péri une fois de plus et pour ne plus être celle que tu eus été.
(et que tu ne seras plus jamais)
Tu le sens s'arrêter à la fenêtre (le verre claque à chaque courant d'air qui le traverse, laissant une brise pénétrer) alors que tu t'avances encore jusqu'à une malle bien fermée que tu t'occupes d'ouvrir sans trop t'éprendre de ses interrogations. Tu as le temps pour répondre, pas vrai ? Et ce n'est guère ta priorité en cet instant - non, chaque chose en son temps et à sa place, si bien que tu finis par sortir avec succès de la malle une serviette et un habit propre que tu laisses de côté sur une petite table abîmée, leur sortant tous deux des compères que tu apportes au roux en quelques pas.

_ avant toute chose, sèche toi et change toi. tu vas attraper la mort. même si on dit que les idiots ne tombent pas malades, ne prenons pas de risque.

Tu détournes à peine ta silhouette pour attraper ta serviette et essuyer tes mains, essorant un peu tes vêtements comme tu le peux, finissant par souffler.

_ ensuite, non. généralement j'squatte un des entrepôts abandonnés un peu plus loin mais je préfère venir ici pour éviter qu'il ne m'embête. et on m'appelle perséphone.

Ça sonne bizarre hein, sur ta langue asiatique. Pourtant s'il savait comme ça te va ironiquement bien. Tohru n'aurait pas pu choisir meilleur pseudonyme sans même le savoir (où peut-être est-il au courant) tu n'es sûre de rien, mais même s'il s'agit d'un quiproquos, tu préfères rester ignorante. Et tu pries pour qu'il le reste aussi. Pourtant, c'est plus fort que toi - malgré tout ce que tu cherches à renier, tout ce que tu cherches à enterrer, il faut bien que ça sorte.

_ mais si c'est toi, je préfère que tu m'appelles seiko. ou sei, hein.

Tu relèves tes yeux cafés sur lui, peut-être moins amère qu'on ne pourrait le penser. Juste éteinte. Un peu comme le soleil - peut-être que lui aussi il est fatigué.

_ je te demanderai pas de me pardonner pour avoir disparu sans rien dire. et si tu te demandes si je comptais un jour revenir de moi-même, j'suis pas capable de répondre. j'en sais rien. mais en l'état des choses, je te dirais que non.

On peut dire qu'en plus de tes vêtements d'antan tu as laissé au placard ta délicatesse. C'est un peu triste parce que tu aimerais que ça soit normal, que tu puisses lui dire (bonjour Cameron, ça fait longtemps et tu m'as manqué) mais tu sais que vous n'êtes pas vraiment là pour ça (et tu es peut-être la seule à le penser maintenant qu'il voit ce que tu es) et ça sûrement que ça t'effraie.

_ par contre je sais que si on revenait en arrière et que je devais recommencer, j'le ferais à nouveau. sans hésitation.

Et t'en es pas forcément fière, ça se lit dans ce regard que tu te plais à détourner sur le sol, quelques mèches humides se dégageant de ton épaule alors que tu joues avec le tissu entre tes mains.

_ enfin bon. maintenant tu m'as trouvée, alors y'a plus vraiment une raison de passer pour morte. à tes yeux, tout du moins. si tu veux le crier sur les toits, même si je vois pas pourquoi tu le ferais, je t'en empêcherai pas mais j'apprécierais si t'évitais.

Car après tout, changer de nom tu l'as pas fais juste pour le plaisir et le tragique de tes regrets, non. T'aurais aimé, peut-être. Ça aurait eu un charme presque poétique qui te serait bien allé. Mais la poésie, c'est comme les fanfreluches et la délicatesse;
ça fait longtemps que tu l'as abandonnée.
Sam 10 Aoû 2019 - 20:35
Une nouvelle fois le silence vient nicher entre vos corps, se délectant de la distance nourrie par tes propres restrictions, il vient et s'installe volumineux dans la pièce humide tandis que tu prends ton mal en mal et ton impatience en impatience avant que Seiko ne descelle les lèvres, curieux malgré toi des gestes qu'elle accomplit à la faveur de votre mutisme. Il y a si longtemps que tu ne l'as vue que, en dépit du trouble à l'intérieur de ton thorax, tu ne peux t'empêcher d'observer la manière qu'elle a de se mouvoir, son erre de reine déchue, sa négligence salie, et de lui retrouver une grâce que tu avais cru perdue. Certes, il y a une indéniable fatigue dans son attitude, une lourdeur qui tient autant au dépit qu'à l'asthénie, et à beaucoup d'autres choses sans doute que ton passé est capable d'esquisser pour les avoir endurées à son tour, il y a quelques années de cela. Pourtant, tu ne saurais lui ôter les dernières étincelles de beauté qu'elle possède naturellement, qui résistent à tous les outrages, à toutes les blessures, ce même éclat qu'aucune souillure ne peut tout à fait ternir et qu'elle ramène vers toi en même temps que de quoi te sécher – tu n'essaies pas d'effleurer ses doigts à l'instant où elle te tend la serviette. Ç'aurait été trop simple.
Facile comme l'insulte qu'elle te jette et qui égratigne ta joue. Tu ne l'avais pas méritée, celle-ci, ou peut-être, mais si elle ne souhaite pas te voir pourquoi ne t'a-t-elle pas dit de dégager pourquoi t'a-t-elle amené ici ? La pitié, à l'instar de la dentelle, ce n'est pas dans ses cordes ; qu'elle ne se force pas, tu peux déguerpir si elle le désire – ta couardise te remercierait. Et ton orgueil te prierait d'éclater un mur juste après. Les yeux baissés sur cette douceur incongrue dans tes paumes, hésitant sur la marche à suivre – t'ébrouer sans faire usage de la serviette, changer d'habit tout de suite, attendre le rhume ? –, tu l'écoutes à défaut de bouger, en proie à un vertige qui te laisse coi.  
C'est fou à quel point une évocation de l'esprit peut dévaster la chair de l'intérieur, faire mal physiquement, ce ne sont que des mots des vibrations soufflées une construction linguistique bourrée d'arbitres et de prédispositions, et à chacun d'eux tu sens tes côtes se resserrer davantage, ton myocarde se contracter encore d'un cran, tu ignores quand la sensation s'arrêtera ou si elle persistera jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à presser, rien à essorer, un pruneau entre les poumons, un grain de gros sel. C'est si douloureux que tu voudrais l'interrompre – te l'interdis –, mieux vaut qu'elle parle plutôt qu'elle soit morte, et tu trouves enfin une utilité à ce carré d'éponge ; en le frottant sur ton visage, il absorbe bien plus que les résidus pluvieux.

Il y a ce il dans ses phrases, un hic dans son discours, qui traîne son ombre parmi ses aveux. Tu n'as jamais été doué avec les mots, Cameron, car ils écorchent, ils mentent, ce n'est que du vent et le vent s'écoule entre les phalanges en se moquant ceux qui croient aux promesses, ils jouent à la roulette russe avec six balles dans le barillet, toujours perdant, toujours étalé sur le carreau dans une flaque de sang – les iris de Seiko. Bien sûr que tu ne peux lui pardonner. C'est si sensible pour toi, l'abandon, l'horreur à fleur d'épiderme, surtout exécuté à dessein, surtout assumé asséné ainsi. Seiko ne veut pas de toi. Tu pourras la nommer mille fois encore, elle ne reviendra pas.
Que tu t'arraches le cœur pour qu'il arrête de geler aigu derrière ton sternum. Que tu arrêtes de ressentir cette souffrance-là dont tu t'imagines que jamais tu ne te relèveras pas, car comment croire que l'on marchera de nouveau après nous avoir tranché les chevilles ?
Même quand elle évoque un retour en arrière, risible et pitoyable au fond de tes atermoiements, tu ris noir, à en vomir bilieux. À quoi cela sert-il de savoir qu'elle recommencerait, puisque l'occasion ne vous sera jamais donnée ? Avec une machine à remonter le temps ? Tu grinces des dents. Ce genre de conneries ne t'atteint pas : la vie, c'est ici et maintenant, et aucune autre dimension possible ne pourra te réconforter de celle qui te manque. Qu'un second Cameron puisse vivre heureux avec une autre Seiko ne te comble guère – à l'inverse, t'en crèverais de jalousie.
« Je ferai c'que j'veux. » Ta voix est rauque, ta langue étranglée. Quand tu daignes enfin couvrir ton crâne avec la serviette, tu puisses dans tes frictions un bris de solidité pour ajouter, sombre : « Mais j'ferai jamais rien qui t'plaise pas. » Tu es incapable de lui faire du mal. Peu importe celui qu'elle t'a fait. Peu importe qui elle est. Tu trouves ça injuste, et toutefois tu sais que c'est pour le mieux. Si tu as souffert à cause d'elle, tant pis pour toi ; tu t'es cru robuste, tu t'es cru roc, pierre, alors que tu n'étais que papier, et elle ne mérite pas que tu prennes ta revanche. D'ailleurs, il n'y a rien à venger. Tu es blessé. Tu es fatigué. Tu voudrais que Sidney te dise que les filles, c'est nul, que tu es un abruti, et ça ira mieux après.
Tu te retournes pour percuter le mur derrière toi d'un poing rageur. De toutes tes forces, de tout ton chagrin. Mais à peine l'éclair de douleur qui vrille dans ta main supplante-t-il celui qui tonne dans ta poitrine. Un putain de mal de chien. Tu te contrefiches de passer pour une brute ou un enragé ; ça oui, si tu devais, sans hésitation, tu recommencerais.
« C'comme ça, alors... » Tu n'oses même plus la regarder, d'abord, tes prunelles rivées sur les minuscules corolles d'hémoglobine qui ont éclos sur tes jointures et colonisé le ciment. « S'tu veux pas revenir... tu veux qu'je parte ? C'comme ça qu'on va s'quitter ? » Ton regard glisse par-dessus ton épaule, entraîne le reste de ton corps ; avec la serviette dans une main, tes nerfs enflammés dans la seconde et tes cheveux trempés, tu ressembles à ces boxeurs des rues, version miniature – ton père aurait apprécié la vue. Pourtant, c'est la tristesse qui commande tes gestes, et non la colère ; c'est elle qui serre tes mâchoires, qui fait trembler tes paroles, qui grippe tes os.
Et tu n'as nulle honte à te montrer pathétique.
« J't'ai cherchée partout, Sei. Dans toute la ville. Depuis le jour où t'es partie, j'ai pas arrêté. Alors s'tu veux pas d'moi, juste, dis-le tout d'suite, qu'on arrête. J'me fiche qu'ce soit pour rien, parce que j'sais qu't'es en vie et... – ton timbre craquelle, ta lèvre inférieure remue malgré toi, comment on arrête ce truc ? – … ça m'suffit. » Menteur. « Dis-moi d'partir s't'as pas envie d'me voir. J'me casse. J'arrêt'rai d'te chercher... » Ton poing abîmé te lance. Sauf que c'est du dedans que tu es écorché. Salement écorché. « ... mais j'pourrai pas arrêter de... » Oh, ça, non, tu n'arrives pas à le prononcer.
Et c'est ton échec qui mouille tes cils, ta défaite qui affole tes yeux écarquillés, à la seconde où tu prends conscience de ce que tu aurais voulu exprimer.
Ces cinq lettres incarnées devant toi.
Jeu 15 Aoû 2019 - 13:08
L'espace d'un instant, tu te demandes si c'est de famille. Passer en coup de vent dans la vie de quelqu'un, tout y chambouler, briser toutes règles établies pour mieux disparaître, se faire oublier (et venir tout arrêter). Peut-être que c'est gravé dans tes gênes, peut-être que ça ne pouvait être autrement. Après tout, c'est étonnamment familier comme schéma (pas vrai) pourquoi lui demande-tu (il n'est plus là). Tu n'aurais le culot pourtant de tout remettre sur la génétique (toutefois) tu te demandes oui s'il ne s'en était pas douté quand tu étais enfant (peut-être qu'il le lisait dans ce regard qu'il méprisait tant) peut-être que c'était pour ça oui qu'il voulait tant te réduire à néant, parce qu'il savait
que vous n'étiez pas si différents.
C'est si ironique - c'en est presque effarant. Toi qui pensais que vous n'aviez jamais rien partagé, ce n'est que maintenant que tu te rends compte que, comme lui, tu n'es pas aussi belle que ton reflet (celui que tu n'as jamais daigné regarder) et que les tares gravées sur ton derme coulent peut-être aussi dans ton sang, dans tes doigts. Car après tout, ce que tu peux être cruelle - tu es partie. Tu savais, pourtant - n'est-ce pas ? le mal que ça lui ferait. Tu l'avais senti, ça t'avait doucement effleuré (et puis percuté comme la chaleur de ses bras) quand il est venu te chercher déjà une fois, il y a de cela de si longs mois (ça te paraît être une éternité) une autre réalité.
Et pourtant c'est toi qui es partie, cette fois.
En toute connaissance de causes (sans lui donner tous les morceaux) et tu oses encore penser, pourtant, que ça serait bien de se tenir à ses côtés (un peu comme avant)
Et rien que d'y penser, tu trouves cette envie, ce besoin, si dégoûtants.
(que tu es avare, rien ne t'arrête)
Peut-être que lui le pourrait, s'il était capable de te rejeter fermement, de tourner les talons et de t'ignorer comme toi tu aurais sûrement dû le faire - mais voilà, il te le dit ; il ne fera rien qui ne te déplaise. Et tu voudrais hurler (arrête) donc d'être si gentil, si généreux (tu vois pas à quel point je te rends malheureux) à quel point tu le rends minable au point que ça voix ne se mette à trembler, à s'effriter entre tes doigts et tes mots, dépendant de ta simple volonté. Tu voudrais tellement lui dire toutes ces atrocités qui traversent ton occipital car après tout (les filles c'est nul, ça n'apporte rien à part des emmerdes) et tu te dis qu'il a probablement raison. Les filles comme toi, en tous cas, ne méritent rien - pas des gars comme ça et surtout pas lui. Tu voudrais le pousser hors de la cabane, en finir au plus vite mais une petite voix au fond de toi s'écrie, s'époumone
(ne pars pas
quoi que tu (me) fasses
rien ne me déplaira)

Son poing sur le mur te ramène à la réalité, t'arrache à tes sombres pensées dans un tressaillement à peine visible. Tu sais ce que ça fait, le manque de satisfaction que ça apporte même si ça semblait être une bonne idée (il suffit de faire attention aux quelques tâches brunes éparpillées contre quelques fondations, de tes écarts passés). Tu sais aussi pourtant que ta poitrine se serre car c'est un peu comme si c'était toi qui l'amochais (et tu as toujours autant de mal à le supporter) à embrasser la vue de sa carrure qui te semble soudainement si petite, si frêle et fragile, prête à s'effondrer (comme la tristesse dans son regard) peut-être que c'est ça, la pluie au dehors. C'comme ça qu'on va s'quitter ? Mais pourquoi tu voudrais seulement des retrouvailles - le monde est gris, c'est pas avec toi à ses côtés qu'il sera plus joli. Peut-être qu'il se teindra juste de nouveaux orages et peut-être que les fleurs faneront, peut-être qu'elles se couvriront de carmin (comme ces yeux qui étaient tiens). Les syllabes qu'il te décoche vrillent tes poumons, les tordent et serrent ta gorge sans retenue - mensonges. C'est des conneries - tu le sais, tu le sais si bien (parce que t'as été là, à cette place) à regarder de loin, à te dire qu'ainsi, c'était bien. Que ça suffisait (mais ça suffisait en rien) et tu ne le sais que trop bien. Tu le sens, prêt à craquer et si tu ne devines les dernières balles qu'il ne t'envoie pas, ne les comprend pas, ta voix ressort difficilement dans un craquement, le regard plissé, torturé de ce dilemme qui ne te ronge (tu ne comptes plus les fois où tu l'as appelé, où tu t'es retournée, sans qu'il ne soit là)

_ cameron.

Ça suffit, tu ne veux pas pleurer (pas devant lui) devant personne, même - tes larmes tu les gardes pour le silence et la solitude de la nuit. Tes yeux descendent sur tes chaussures dans une respiration tremblante alors que tu tentes de rattraper les battements de ton coeur amoché, prenant et posant ta serviette pour la poser sur tes cheveux bruns encore trempés, dos à lui. Tu cherches les mots, les bons et les mauvais, tous ceux que tu pourrais lui sortir mais rien ne va, rien ne convient (parce que tu ne sais plus ce que tu veux transmettre) alors que ça devrait être si simple - peut-être qu'il suffirait même juste d'aller prendre sa main et de la serrer en douceur pour lui faire comprendre que tu ne veux plus le lâcher, ne plus te tenir loin. Mais tu sais aussi que ce n'est plus ta place et que tu ne le mérites pas. Qu'il ne devrait plus y avoir de place pour toi. Tu te laisses emporter dans tes pensées, retirant ton haut pour enfiler celui plus sec qui recouvrira tes balafres, jouant ensuite avec ton briquet.

_ j'étais pas partie. j'étais juste là où tu pouvais pas me voir.

(Jamais très loin, toujours trop près)
C'est un aveu, un constat.
Pas une demande de paix, pas une accalmie ou une armistice.
Tu ne mérites aucun des trois.

_ je sais que tu me cherchais. je sais que je t'ai fais du mal. je t'ai vu, je l'ai entendu. je sais que je t'ai abandonné. et je suis pas revenue. je t'ai regardé de loin et j'aurais pu revenir à n'importe quel moment. mais je l'ai pas fait.

Ça fait tellement mal, de l'avouer, de l'entendre de vive voix
(la tienne, qui plus est)

_ tu devrais me haïr, je le mérite plus que de revenir à tes côtés.

Pourtant ta gorge ne se noue qu'un peu plus alors que tu remontes une main à tes yeux fermés, de peur que des larmes ne puissent te trahir et s'en échapper.

_ mais j'étais pas capable de t'oublier, j'étais pas foutue de disparaître pour de vrai même si c'est ce que tu aurais dû faire, égoïste j'avais j'ai toujours tellement envie de retourner vers toi - c'est tellement injuste de dire ça, je sais mais même inconsciemment je finissais toujours par traîner vers le monavier, j'voulais juste-

une cassure dans la voix, tout sort, c'est plus fort que toi hein (un an c'est long et c'est tellement lourd à porter) parce que toi tu voulais juste
le voir te sourire, entendre son rire, écouter sa voix chanter ton nom sous tous temps et conjugaisons, sentir sa main dans la tienne, les caresses dans le creux de tes reins pour jouer avec les mèches brunes qui n'y coulent plus, apercevoir son regard en coin qui veille toujours sur toi comme si tu allais disparaître d'un battement de coeur ou d'ailes et
tu laisses ta silhouette couler au sol, recroquevillée (tu n'es ni forte ni courageuse, ni brave ni téméraire) tu n'es qu'une enfant dans le monde des grands et tu es
(fatiguée)
si fatiguée
(tu as sûrement déjà abandonné)

_ tu m'as tellement manqué, j'suis désolée. j'suis tellement désolée.

Et c'est peut-être la seule supplique que tu arrives à sortir de ta voix étouffée qui se meurt dans l'orage qui gronde dehors, comme si ton pauvre cœur venait d'éclater.
Dim 25 Aoû 2019 - 18:52
Pourquoi devez-vous endosser sur vos épaules trop jeunes encore le rôle de tragédiens grecs, pourquoi votre sang ne charrie-t-il que chagrin et détresse alors que vous n'avez même pas l'âge des soucis d'adultes, pourquoi ne pouvez-vous donc pas vivre sans songer à ce qui vous échappe et que vous n'atteindrez jamais ? Tu regardes Seiko, le fin pétale que forme son dos - si loin malgré la proximité de vos anatomies – et ton nom qui éclate sur l'orchestre pluvieux t'épingle au silence ; si tu ne trouves davantage de mots, c'est à elle d'entamer son solo là où vous cherchez en vain les accords perdus de votre duo, et d'un mouvement telle une respiration avant un plongeon, étrangle la tienne en exposant le crépuscule peint sur ses omoplates. Une once de pudeur te forcerait à détourner le regard, toutefois tu te jettes sur la vision à l'instar d'un sculpteur face au clin d'oeil inespéré de sa muse, avide de graver sur ta rétine ce pan de peau éphémère, piétiné, moucheté de nébuleuses que jadis tu effleuras et dont les nuances s’étaient depuis estompées sur le canevas de ta mémoire.
C'est l’image de vos pères respectifs se confondant dans ces couleurs, celle-là qui fait scintiller tes larmes d'un éclat de rage en écho aux flammèches qu'invoque Perséphone du bout des doigts, avant que tu ne décides finalement de l’imiter en troquant ton vêtement trempé pour le sec qu'elle t'a tendu – parfum de boue et de fond de malle. Et elle te parle à la manière d'un fantôme ayant hanté tes rêves autant que ta réalité, spectre intangible dans ton angle mort ; elle avoue sa présence invisible et tu te sens soudain honteux en songeant à ce qu'elle a dû observer durant cette année écoulée. Était-elle là lorsque tu perdis le nord en même temps que sa trace, lorsque tu oublias comment on sourit sincèrement ? Lorsque tu te mentais si fort que tu croyais ne plus te souvenir de la façon dont s'articule la vérité ? Lorsque tu te battis contre Emmet pour une syllabe de travers à ton encontre, une fois que tu étais rentré de nouveau bredouille de tes recherches ? À l'entendre, sans doute. Et tu te sens honteux aussi de prétendre tenir à elle alors que tu fus impuissant à percevoir le bruissement de ses paupières papillonnant pour toi dans le secret de l'ombre – si tu l'avais deviné, aurais-tu réussi à la ramener dans la lumière ? Rien n'est moins sûr quand elle se démérite autant ; cependant au creux de ta gêne perce un bourgeon d’incrédulité à la seconde où s'avance trébuchante sa déclaration
Injuste
Si quelque chose l’est c'est seulement le règne des sentiments
Le poids de vos cœurs qui vous entraîne vers le fond
Tu ne voulais pas ça, pas la subir comme ça, coupable autant que toi de n'avoir pas compris comment apprivoiser le bonheur
Injuste
De la voir ainsi au sol à cause de ton existence, son plumage abîmé dans la poussière, sa colonne tordue par le désarroi qui te percute en retour et oui c'est injuste de te sentir rassuré parce qu'elle pense tu manques à ma vie c'est injuste cette étincelle à l'intérieur de ton thorax à l'instant où tu prends conscience de la réciprocité de votre tristesse – est-ce qu'elles s'annuleraient l'une l’autre si vous les confrontiez ? Est-ce que vous les fouleriez tous deux au pied si tu osais oh si tu oses faire un pas dans sa direction, que tu la relèves, si tu exprimes tes émotions ?
« Sei… », relâches-tu pour la prévenir de ton approche, d'une lenteur impromptue, impotente. Toi et tes airs de tigre, te voilà chaton devant sa fragilité, sa faiblesse si semblable à la tienne au moment où tu t'agenouilles derrière elle et où tu hésites, une, deux, trois fois avant de poser ta paume sur son crâne, ha, sa douce chevelure d'algues qui appelle tes phalanges, tu t'y noierais pareil à un marin s'abandonnant aux sirènes, y enfouierais ton museau de chiot jusqu’à y étouffer - Seiko murmure ta main qui la touche puis
« J'peux pas te haïr. » Ne te détourne pas de moi, s'il te plaît. « C'fini, maint’nant, j'suis là. T’es plus obligée d'te ret’nir. » Laisse-moi regarder ton visage. « T'as plus à être désolée ; arrête de t'infliger ça. » Viens dans mes bras. Mais c'est toi qui l'y jettes avant que ne pointe la moindre réplique, toi qui l'enlaces de nouveau, fugacement, une étreinte volée aux anges juste avant de vous imprimer un quart de volte qui chuchote un frôlement entre vos fronts.
La saveur incomparable de ce répit qui affole ton myocarde.
Tu ignores pourquoi tout à coup le monde tourbillonne tant sous ta cécité passagère – symptôme de vertige – et pourquoi cette chaleur subite sur ton épiderme. Tu te voudrais animal pour mieux frotter ton nez contre le sien ou respirer à même son cou, poète pour lui composer des odes, révolutionnaire pour abattre ses douleurs, or tu n'es aucun des trois, seulement toi, toi trop près, qui sèches la rosée déposée sur tes cils en essuyant la sienne d'une caresse fugitive, toi qui égares tes doigts dans ses cheveux d'encre pour y écrire son homélie, toi contre elle, tout contre, à tenter de vous panser :
« T'avais tes raisons… et j'aim'rais les écouter, quand tu t'sentiras d’me les dire. J'croyais, c'est con, je sais, j'croyais qu'tu rest'rais avec moi à la planque, qu't'y s'rais bien en attendant d'trouver mieux. » À en juger par l'état du local où vous êtes, elle a déniché pire. « J’imaginais… C'ma faute, j'aurais dû… » Et tous ces mots qui ne sortent pas ; tous ces regrets qui obstruent ton gosier et chahutent lorsque tu croises ses prunelles – l’ancienne couleur des groseilles. « … J'veux plus qu'on soit séparés aussi longtemps. Ça fait trop mal. »
Si tu devais résumer tout cela.
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