Sierra Hamilton
SHE WILL OPEN HER MOUTH AND THE ROOM WILL EXPLODE IN BLOOD.
Quand elle a rencontré les ténèbres, elle ne voyait rien.
Que le néant que tout le monde rencontre — un tout fait de rien. Les yeux aveugles, les mains tendues, le cri absorbé, digéré, crevé avant même d’avoir pu sortir de sa gorge. Sierra trop petite, Sierra trop chétive, devant cet océan de vide, dans lequel ses petits pieds battaient comme pour remonter à la surface, alors sanglante de vérité.
Si elle fendait ce désert ébène, elle découvrirait tout en haut un oasis d’hémoglobine dont elle ne pourrait pas se sustenter. Car c’est le sien qui coule là, celui de ceux qui l’ont porté, de ceux qu’elle n’entendra plus, qu’elle ne pourra plus toucher.
A la surface, au dessus de sa tête, c’est une banquise de verre qu’elle ne peut pas fendre et sur laquelle gisent encore les cadavres de ses géniteurs. Leur sang a recouvert toute la plaque — si elle pouvait voir, elle verrait dans ces souterrains macabres des miroitements cramoisis qui se dessineraient sur les courbes de son corps encore juvénile.
Elle pourrait se vanter d’avoir trouver de l’aide dans un moment si perdu, d’avoir échappé à l’assaut et à fuir, fuir.
Mais une gamine de trois ans ne tire aucune fierté dans la survie — elle veut seulement leurs deux mains chaudes dans chacune des siennes.
Dans les ténèbres, on ne voit rien.
Mais à l’inverse de celles qu’offre la mort, on peut s’y laisser couler ou bien tenter de s’édifier. Et c’est là qu’elle a vu, dans un coin, la lumière fendre au travers d’une fenêtre poussiéreuse, pour laisser passer un rayon jusqu’à un sol tendre et ferme. Dans le dojo de Reba, celle qui fut là quand ils s’endormirent, il n’y avait rien d’autre que des corps martyrisés et des âmes qui en redemandaient.
Dans le dojo de Reba, Sierra a cessé d’exister. Elle s’est laissée couler dans les ténèbres, et a laissé Chanel franchir un voile derrière lequel elle n’a pas encore sa place.
Reba l’a aidé à balayer, sur son passage, les reflets cramoisis qui venaient d’en haut, qui la poursuivaient, pour ne laisser derrière elle qu’une odeur d’antiseptique, de neuf, de propre.
Sierra n’est pas morte — elle n’a tout simplement pas existé. Elle patiente dans un monde de souvenirs et de rancoeur venimeux, dans son palace de ténèbres où elle est parvenue à construire une fenêtre.
Sierra n’est pas morte — elle est spectatrice d’une vie chimérique, et la cellule mère d’un personnage apocryphe.
Des ténèbres, Chanel a réussi à en naître. Produit de deux envies : celle de survivre et celle de punir. Deux pulsions dont la première tend constamment vers l’autre. Car Sierra sa créatrice périrait sans cette promesse de vendetta, sans ce talion qu’elle s’est promis de réaliser.
Sans cela, Sierra disparaîtrait. Sierra coulerait. Sierra serait digérée.
Quelques fois, Chanel s’approche du voile et contemple Sierra. Elles n’ont pas les mêmes attitudes, pas la même expression. Mais elles sont soeurs — alliées de dessein et soeurs d’exécution. L’une n’est rien sans l’autre et l’autre ne serait plus rien sans l’une.
Mais c’est Sierra qui domine. Elle est maître de sa propre liberté et se l’est forgée toute seule, par la force des choses, par sa force à elle. Elle rit de tous ces petits moutons de diaspora putréfiées, des énièmes esclaves ignares, des pions dérisoires qui se prennent tous pour des rois.
Alors elle siphonne Chanel ; elle déchargera ses batteries jusqu’à ce qu’elle tombe, déformera sa carcasse, puis elle apparaîtra.
Et en attendant, les bras sont tordus vers l’arrière et les poignets noués si fort qu’ils pourraient fusionner. Mais la nuque est droite et le regard défiant.
Il ne faut pas plus de quelques secondes pour que les phalanges se plient et qu’elles se heurtent avec violence sur sa joue droite déjà ensanglantée.
Dans la nuit encore, même en haut, le sang n’est plus rouge et brille à peine, se confondant avec le bitume sombre et revêtant la couleur du pétrole.
Le visage encore jeune de Chanel est tuméfié : c'est elle la chair à canon, la vitre qu'on tente de briser mais qui résiste. Elle laisse fleurir un sourire luisant à la lumière de la lune vers la petite bande qui la toise, et la pointe de ses cheveux roses flirtent avec la commissure de ses lèvres rouges. Deux gémissements lui échappent lorsque l’autre finit enfin sa besogne, le poing fatigué. Elle crache et relève la tête, le menton pointé vers son bourreau.
Elle sourit encore, comme si elle n’avait pas mal. Chanel ne peut pas avoir mal — elle n’existe pas. Elle est génie d’apparence, actrice de talent. Ses épaules se haussent et des regards s’écarquillent car elle ose encore parler.
Tirer c’est bien. Mais savoir viser, c’est mieux.
Le molosse grogne et fronce les sourcils, alors Chanel ricane.
Pour un gangster, il n’a jamais fait preuve de la moindre lueur d’intelligence. Chanel a le don de s’attirer des ennuis, de s’insurger contre ceux qui ne faut pas. Elle a en elle la fougue d’une enfant qui n’a pas le droit d’être là, et qui demeure quand même à la même place.
Continue comme ça, Chanel. Et tu vas avoir de gros ennuis.
Il y a des murmures approbateurs derrière lui, une clique de trois ou quatre paires de bras qui se contentent de regarder.
Ou peut-être bien que c’est moi, qui vous en créerai.
Cette fois, c’est Sierra qui parle.
Et la tête de Chanel heurte le bitume.
mel, premier compte.
NON JE DÉCONNE. j'aime bien dire de la merde, manger de la merde, faire de la merde, dessiner de la merde, écrire de la merde, euh, écouter de la merde en boucle, geeker de la merde, bref, je suis merde, je dis beaucoup merde, voilà
merde