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'cause when you worry your face will frown and that will bring everybody down — cameron.

Ven 12 Aoû 2016 - 12:26
tu chancelles et tangues le corps euphorique et pourtant dévasté ; il y a sur ta peau opaline maintes et maintes bandages il y a des pansements encore teintés de sang il y a ta silhouette si frêle qui n'est plus aussi habile il y a pourtant sur tes lèvres ce si joli
((sourire))
cette joie qui fait battre ton coeur à l'idée de le revoir de découvrir et de savoir il y a il y a
((cameron))
ces quelques petites lettres qui rendent depuis quelques mois ta vie plus belle et palpitante - cameron cameron cameron tu pourrais chanter son nom au creux de son oreille tu voudrais lui montrer lui faire partager à quel point tu trouves le monde beau à quel point il resplendit de plus belle quand il est à tes côtés quand tu peux l'entendre rire et apercevoir une risette au coin de ses lèvres tu voudrais lui faire entendre ce boom boom boom irrégulier dans ta poitrine et sortir de ton ventre tous ces papillons - le rendre aussi heureux que tu l'es. et cameron ça chante sur ta voix et à chaque fois que tu l'appelles tu te sens un peu flotter quand vous vous échappez du monde et que vous partez tous les deux un peu beaucoup loin pour on ne sait combien de temps et tu as voulu encore mais seule cette fois voir le monde de tes orbes carmines oh seiko si seulement père n'avait pas été là à ton retour // tu te souviens
encore
des ///
l'alcool qui se répand sur le sol
le verre qui ///
et oh son
((poing))
sur ton corps
quand ce n'est pas une lame///
seiko seiko seiko tu pourrais pleurer tu pourrais perdre ton sourire tu pourrais être si si si si malheureuse et t'abaisser sur tes genoux pour pleurer faire vibrer tes cordes vocales en une mélodie désolante mais
jamais seiko ne sourit plus
jamais seiko ne sourit plus
il y a cette obsession de la simplicité chez toi qui te force à toujours voir le bon côté et quand tu te dis qu'aujourd'hui encore tu peux courir marcher vivre et respirer alors oh tous les maux de la veille sont oubliés ton
rire
tintinnabule
en mille éclats
tes pieds nus tout aussi bandés quand tu t'assois en retrait du park, à l'ombre, sifflotant un air aspirant et tu
attends
que ton bonheur
vienne à toi ;

((cameron))




© YAM
(( seiko & cameron ))
don't worry
be happy
420 mots.

Mar 16 Aoû 2016 - 14:01
Tu vibres, voles et ne voles pas, tu cours aux côtés des autres garçons, escalades les rampes à un bras, la planche calée sous ton aisselle, tu contemples la pente avant de te jeter, voici ton royaume, et les murmures autour de toi tu voudrais les entendre crier lorsque tu t’élances et cependant ne plus rien saisir de ce brouhaha masculin, orgueilleux, ourlé de défis et de vannes grossières. Sans protection aucune, les mains et les genoux dénudés, tu ne crains ni la chute ni les plaies et tomber te faire rire autant que cela te fait rager ; raison de plus pour réessayer, pour retenter non pas la chance mais tes compétences, et t’améliorer, encore, encore, parce que c’est l’unique objectif de la pratique – se vaincre soi-même.
Tu es un habitué du coin depuis tout petit déjà. Bien avant d’avoir posé le premier pied sur un skate, tu courais là observer les grands aller et venir sur ces courbes graisseuses, parier sur les figures des uns et des autres, admirer l’élan avec lequel ils prenaient leur envol, meute d’étourneaux sans ailes, et te convaincre que, dès l’instant où tu posséderais ton propre engin, tu les détrônerais tous dans cette conquête du ciel. Une ambition d’enfant. Le chemin est long, pavé d’embûches, mais le proverbe résonne toujours en toi – sept fois à terre, huit fois debout – et tu te relèves chaque fois, imperturbable, à l’assaut du ce mont du péril.

Tu ne l’as pas aperçue jusqu’à lors, absorbé que tu l’es par ta prochaine prouesse, ébloui par le soleil avec qui tu tentes de rivaliser ; tes congénères, en revanche, bavassent et piaffent en lorgnant dessus, commentent à tout va cette silhouette qui t’échappe encore. Ce sont eux qui te poussent à regarder à ton tour, pur réflexe mimétique, légèrement irrité par ce raffut auquel tu aimerais ne pas prêter attention. Oh. Là-bas, à l’ombre d’une haie. Une mésange au milieu des pigeons. Et tu la reconnais aussitôt, cette ossature chétive, ces contours délicats – elle t’observe peut-être, mais depuis combien de temps ? – et la colère te prend d’un coup à l’égard de tous ceux qui l’ont vue avant toi et qui jacassent de loin, farouches, en formulant des hypothèses.
D’un bond, tu quittes ton perchoir sous les piaillements grandissants des volatiles. Tu nous la présentes, Cam ? Jamais de la vie. Tu nous fais des cachotteries... Abruti. C’est pas bien d’pas partager ! Va crever. Tu ignores pourtant ce qui t’entraîne vers elle, vers elle qui a la nuit piégée dans sa chevelure, elle dont les iris sont deux blessures vives. Maintenant, cette décision te poursuivra toute ta vie – et ce n’est même pas la tienne.
Plus tu t’approches plus tu distingues ces rubans pâles sur sa peau, ces lambeaux de gaze autour de ses pieds, ces bandages tavelés de rouge sur ses bras. Elle ne les avait pas la dernière fois – certes, c’était il y a plusieurs semaines – et bientôt l’inquiétude se fraye un étroit passage à l’intérieur de ton thorax.
« T’as encore fugué ? » demandes-tu en guise de salut, nonchalant, alors que d’autres interrogations plus importantes se pressent dans un coin de ton crâne. Pourquoi, pourquoi, pourquoi, puis tu sens le regard des autres ados sur ta nuque et tout se bloque ; tu ne veux pas qu’ils puissent écouter, qu’ils puissent vous voir – toi avec une fille, la honte – et tu voudrais lui prendre le poignet pour l’emporter, pour qu’il n’y ait plus que vous, plus qu’un et un, sauf que tout est bloqué.
« Pourquoi t’es là ? »
Ce qui sonne tel un reproche n’en est pas un, en vérité ; ce n’est que l’expression maladroite d’une contrariété.
Jeu 18 Aoû 2016 - 12:20
tes fentes carmines capturent cette vision éphémère que tu voudrais pourtant éternelle alors qu'il s'envole et et et tu jurerais tu crois oui
aux ailes
que tu vois dans son dos et qui lancent ton cœur joyeusement ; il chavire au rythme des allers-retours sur la rampe - captivée, il
brille brille brille
si fort pour tes pauvres yeux habitués ces dernières semaines à la noirceur des murs de ta prison dorée et tu pourrais l'admirer oui à n'en point douter tu pourrais faire ça toute la journée et demain et pourquoi pas à jamais ((et même plus encore)) tu te sentirais presque vivre au travers de cette image même si oh non non seiko non tu ne t'aimes pas assez - que dis-je, tu n'as pas assez d'égo pour oser prétendre faire partie de cette image ; jamais. mais la magie s'arrête sur un bruit de mots que l'on murmure dans un souffle moqueur - l'incompréhension, la curiosité qui te ronge quand ton attention se porte sur le groupe non-loin qui t'observe sans que tu ne comprennes trop pourquoi - pendant une fraction de seconde, tu changes tes plans d'attente pour aller les voir et découvrir mais l'altermondialiste monopolise très vite toutes tes pensées à nouveau. il suffit qu'il ((s'avance)) que tu comprennes que son attention est portée sur toi pour que ton cœur explose et saigne un peu de joie et et et à la simple entente de sa voix tes yeux sont un feu d'artifice sanguinolent, tes lèvres formant une risette festive et candide - tu ris légèrement ; heureuse. encore. toujours, évidemment. ta voix ricoche sereine comme toujours et tu ne sens plus la douleur dans ton corps, complètement obnubilée par l'instant présent. sa question agrandit ton sourire alors que tu te remets sur pieds, face à lui, le bout de tes doigts venant s'égarer sur sa joue en un frôlement léger - tu te rassures de le toucher ; il ne s'est pas envolé sur le bord de ces rampes, tu ne rêves pas. tes yeux s'adoucissent - tu retires ta main, mirage de chaleur contre sa peau - tu remets une mèche derrière ton oreille, elle aussi un peu abîmée. pour quelle raison pourrais-je bien venir, je me le demande. oh mais tu as toutes les raisons du monde seiko - voir le monde, découvrir, entendre sa voix, apprécier le regard qu'il appose sur ta personne qui ne le mérite pas, peut-être espérer un sourire un jour de sa part, ressentir l'excitation de la fuite de votre bulle votre monde à vous deux quand vous claquez tout pour un moment et et et l'espoir un peu de se sentir appréciée dans ce monde - douce fabulation qui te plait tant. mais tu ne saurais retranscrire tout ça, tous ces mots qui s'emmêlent dans ta gorge à la seconde, les papillons dans ton ventre qui s'agitent à nouveau et ton sourire que tu ne peux arrêter alors tu te contentes de le regarder dans les yeux pour dans un murmure résumer au plus simple comme tu peux avec tes jolis mots maladroits parce que tu es là. et que je voulais te voir. c'est si facile dit comme ça.




© YAM
(( seiko & cameron ))
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560 mots.

Jeu 18 Aoû 2016 - 20:27
Tu es là et elle rit, insouciante, comme un affront à ton humeur, comme un pied de nez à ce qui t’agace, parce qu’elle elle se fout du reste de l’univers, elle ne voit que ce qui lui importe – toi – et c’est suffisant pour qu’elle laisse échapper sa joie en un clair ruisseau qui dévale l’espace entre vous et vient trébucher sur tes tempes, un rire d’oiselet, couronné de quelques mots scintillants. D’ordinaire, les gens qui fuguent se remarquent à leur échine voûtée, à la crainte tapie dans leurs prunelles, au chagrin qui ponctue chacun de leurs pas ; ils fuient ce qu’ils ne supportent pas, le malheur et les tourments, mais toujours se traînent cette angoisse qui ne les lâche plus, la détresse collée aux basques. Pas elle. Sitôt dehors, la voici qui jette ses horreurs, qui abandonne ses affres comme une actrice son costume, et elle tombe dans le monde avec cette naïveté et cette malice qui sont si dangereuses, si dangereuses pour les autres, pour elle, pour toi. Elle ne semble pas s’en rendre compte. Savoir qu’elle attire l’œil et la main, la convoitise et le vice. Elle cherche, diront certains face à ses délicatesses, séduits par le froufrous de ses jupons, elle en joue. Et c’est peut-être vrai. Sauf que toi, tu ne distingues qu’une gamine derrière son minois asian, ne décèles qu’une enfance brimée en pleine efflorescence – une hirondelle qui n’a jamais connu le printemps.
Et c’est bien cet effet que tu sens sur ta joue à ce moment, le bruissement d’une aile que tu voudrais chasser par réflexe, un geste du poignet pour éloigner ce contact, mais tu te contentes de reculer un peu, pas assez, peut-être ne remarquera-t-elle pas que tu rougis si tu t’énerves – en serais-tu seulement capable ? Elle s’amuse et toi tu grondes, grommelles dans ta barbe inexistante, un « arrête ça » tardif et à moitié gobé, devines cette raison avant qu’elle ne la prononce, avant qu’elle ne t’enfonce davantage dans cette gêne qu’elle seule provoque chez toi ; trop pure, trop brute pour tes murailles d’apprenti soldat. Comment peut-elle ? Elle ne se doute même pas.

Tu aimerais la questionner encore, la pousser à se trahir, à demeurer muette, contrite, et qu’elle cesse ses allusions dépourvues de fard – on ne dit pas ces choses-là. Pourtant tu redoutes l’innocente contre-attaque, la réplique tendre qui te laissera plus confus encore, parce qu’elle a cet insidieux pouvoir qui te force à biaiser, à dévier, modifiant ta trajectoire pour retrouver un terrain plus sûr, loin de ces sables mouvants que l’on appelle sentiments. Revenir vers cette plaine chaotique, plus solide sous tes pieds, qui est ton lot quotidien. Et pour le coup, les persiflages de tes camarades t’offrent une opportunité inattendue.
« Viens, on se casse. »
Tranché net. Tu lui agrippes l’avant-bras afin de l’entraîner vers un coin plus tranquille, là où les autres voyeurs s’imagineront probablement que tu concluras dans le foin quand tes intentions ne s’y prêtent guère, puis tu les salues de toute la hauteur de ton majeur tandis que tu quittes la scène, sévère, ta poigne étrangement douce autour de ses chairs. Les bandages. Tu ne les as pas oubliés. Ils font barrage entre vos peaux, t'empêchent de serrer, contrastent avec l’enthousiasme qui lui recouvre le visage. Mais tu marches vite, d’une foulée exigeante, lui présentant ton dos pendant que vous vous réfugiez à l'abri des indiscrétions, trop occupé pour lui poser la question qui t'incendie la gorge. Tu peux t'estimer chanceux qu'elle ne t'ait pas sauté au cou devant tout le monde. Cependant tu ne peux lui expliquer ton comportement, mettre des mots là-dessus, sur ce truc, parce que tu l'ignores et préfères ne pas y réfléchir – les justifications sont choses d'adultes. Personne ne comprendrait, de toute manière. Belle excuse. Pas si fausse, d'ailleurs.
« C'est malin, rouspètes-tu, maintenant ils vont croire qu'on sort ensemble. Gé-nial. » Tu finis malgré tout par ralentir, et le ton s'adoucit à mesure que tu lui jettes de brefs coups d'œil par-dessus l'épaule. « Pourquoi t'as pas mis de chaussures ? Ça va te faire mal de marcher sans. »
Sérieusement, à quoi pensait-elle ?
Jeu 18 Aoû 2016 - 22:28
tu admires les si si si belles couleurs qui ((fleurissent)) sur ses joues sa peau un peu
douce
que tu aimes toucher du bout des doigts et ce champ de
coquelicots
que tu admires sur son épiderme teinte par le soleil et pourtant toujours légèrement opaline tu rêves rêves rêves d'en ((cueillir)) les pétales et d'en faire le plus rouge des bouquets - en teindre tes doigts et pourquoi pas même tes joues - tu voudrais lui être assortie, comprendre la raison de cette si jolie couleur - ses yeux qui esquivent ta silhouette et fuient tes mots si si si doux au creux de ses oreilles ((tu ne t'en rends pas compte)) mais tu les trouves si beaux à dire alors tu ne peux t'en empêcher même s'il te demande - ou t'ordonne tu ne sais trop - d'arrêter. tu ne peux que sourire pour mieux ((éparpiller)) ton esprit indiscipliné au son des sonorités lointaines à votre égard - tu salues d'un geste de la main les êtres qui sont hors de votre portée avant de te faire
((entraînée))
et ton coeur oh s'envole vole vole vole si haut à ses simples mots qui te rendent folle - oui, partons ; allons là où il n'y a plus que nous et et et vivons un peu puisque c'est tout ce que nous demandons oh seiko - tu es amoureuse de cette ((liberté)) qu'il te fait frôler du bout des doigts et tu pourrais être triste ((encore toujours)) de ce dos tourné que tu ne peux rattraper mais il est si si si délicieusement délicat - la sensation de ses ((doigts)) sur ta peau qui fait s'envoler les papillons au creux de ton ventre ; pépites dorées dans tes yeux qui dansent. et malgré ce que tu oserais avec peut-être un brin de prétention appeler tendresse il y a toujours cet arrière-goût de ((douleur)) qui lancine ton corps à chaque pas que vous dansez mais tu en fais
abstraction
pour mieux savourer l'instant ((impudente)) et un peu plus de ((rouge)) s'éparpillant sur le haut de ton bras ///
trop rapide pour toi
tu sens un peu votre différence et et et il y a un peu d'ombre sur ton visage parce que tu aimerais faire tout ce qu'il peut faire mais oh tant pis seiko tu n'es que toi-même ((et ce n'est pas suffisant)) pourtant voilà que ses mots incendient tes yeux le coeur qui ((bat)) oh fort fort fort si fort tu as peur qu'il ne sorte de ton corps alors que ton sourire revient sur tes lèvres. il ralentit et tes pieds manquent de s'emmêler, t'évitant tout juste de rencontrer son épaule de ton visage alors tu ris ris ris - tu t'amuses, fondant de bonheur sous ses regards vagues alors que tu ne saurais détourner le tien de sa silhouette. moi j'aimerais bien. sortir avec toi, j'entends. et c'est vrai vrai si vrai même s'il n'y a rien ça voudrait dire que l'on s'aime, non ? parce que tu as encore du mal avec tous ces mots un peu trop courants pour la petite princesse que tu es c'est beau de s'aimer. même si c'est triste et douloureux et que ça n'a pas de sens. aucun non des sentiments sans queue ni tête et oh pouvoir s'oublier dans l'existence de l'autre ((tu ne rêves pas d'amour)) non non puisque tu aimes déjà et tu le sais - tu aimes tout et n'attends rien en retour ((tu ne le mérites pas après tout)) mais tu trouves ça si si si beau alors tu espères qu'un jour ((un peu)) peut-être il saura ((t'apprécier)) ne serait-ce qu'un peu - petit poussin qu'il traîne ((boulet)) à ses pieds. et tu souris souris souris risette si tendre sur tes lèvres sanglantes à ses mots l'inquiétude qu'il tente vainement de cacher tu dégages ton poignet de ses ((doigts)) pour mieux venir les retrouver des tiens entrelacement dont l'on ne peut se dépêtrer - tu forces un peu l'arrêt de votre marche la respiration bien rapide alors que ton coeur bat follement - un éclat de douleur dans tes yeux qui se fait discret sous toutes les blessures qui te noient et pourtant tu continues de sourire
encore et toujours
parce que la joie surpasse la douleur et tu ris ris ris doucement en serrant sa main de la tienne - tendre à en crever j'ai l'habitude, tu sais. tu n'habilles tes pieds que rarement mais tu finis surtout par lâcher, plus calme et assagie ça laisse plus de temps avant qu'il ne remarque que je ne suis plus là, quand je laisse mes chaussures à leur place. tes traits s'adoucissent, soudainement plus adulte alors que tu reprends ton souffle, laissant ta tête s'apposer sur l'épaule du roux, yeux clos laisse moi reprendre mon souffle quelques secondes, s'il-te-plaît. et profiter un peu de sa présence, tant qu'on y est.




© YAM
(( seiko & cameron ))
don't worry
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871 mots.

Ven 19 Aoû 2016 - 13:52
Elle a le don. Le don de t’embrouiller, de te confondre, de faire trébucher ton myocarde comme si elle le frôlait du bout de l’ongle, et pour toute réaction tu renâcles, piaffes et t’ébroues dans cette vaine volonté de l’écarter. Loin de toi le papillon, l’oiselle, et cependant c’est toi qui lui as saisis le bras, c’est toi le responsable de votre proximité, de vos heurts – tu aurais dû l’ignorer la toute première fois, lorsque tu ne connaissais pas encore le son enfantin de sa voix ni l’odeur de feutrine dans ses cheveux, mais c’est trop tard à présent. Et elle rit, encore, toujours, évidemment, puisqu’il lui importe peu de te bousculer, de t’avouer que oui, sortir avec toi serait agréable, t’aimer serait appréciable, et s’il ne faisait pas si chaud tu en aurais frémi. Pourquoi désire-t-elle t’aimer, toi, quand votre histoire ne serait qu’une stupide tragédie ? Comment oserait-elle te confier son âme quand tout ce qui attend les amoureux, ce sont les cris et les sanglots ? C’est idiot, aimer. Une ineptie. Un leurre pour ceux qui ne savent rester seuls ; un désastre pour les idéalistes ; une guerre pour les passionnés. Et la facture se règle sur toute la vie. La beauté devrait-elle forcément se payer à ce prix ? Autant ne pas s’y risquer – les dettes, très peu pour toi. Puis qu’est-ce qu’elle en sait, elle qui n’a quitté son palais qu’à de trop rares occasions, qui ne connaît du monde que l’éclat apparent de sa lumière ? Sur quel passé se juche-t-elle pour piétiner ainsi ce verbe galvaudé ? Tant d’éléments t’échappent et tu n’en fais rien, te renfermant davantage dans une rancœur échaudée.
« Laisse tomber. Ça n’en vaut pas la peine... »
Car qu’est-ce qui la vaudrait, au fond ? Les peines, les douleurs, tu as l’habitude toi aussi – comme elle qui va nu pieds par tous les chemins – alors tant pis, il n’y a rien à récupérer une fois que le sol est raclé, rien à chérir sous la peau des choses, là où se cache parfois la poussière des étoiles. Vous êtes perdus et il ne demeure dans votre sillage qu’un rouleau de gaze et une paire de chaussures soigneusement rangée, de fragiles astuces pour ne pas se faire rattraper. Sauf que tôt ou tard, vous serez cueillis, fauchés, par vous-mêmes ou par autrui, peu importe. Adieu le souffle du vent, adieu la liberté. Il ne restera qu’une tache tiède au creux de la paume, à l’endroit où vous vous étiez rejoints, où tu lui avais permis de glisser sa main, par erreur, par mégarde.

Vous vous êtes arrêtés à l’écart, dans l’angle mort des yeux curieux, avant qu’elle ne quémande un instant de repos – frêle brindille brutalisée durant ta fuite. Néanmoins, avec ses doigts mêlés aux tiens à droite et ta planche sous le bras à gauche, ce n’est pas comme si tu avais la possibilité de t’esquiver. Quelques secondes, a-t-elle précisé. Ce n’est pas la fin du monde, tu peux les lui accorder. Bon prince de pacotille. Ça te fait bizarre, ce contact qui n’est pas un coup, ce toucher inoffensif ; c’est perturbant ; jamais personne ne t’a traité de la sorte, puisque ce n’est certainement pas Sidney qui aurait fait montre d’une telle douceur. Immobile, tu comptes les miettes de temps qui s’égrènent jusqu’à la séparation, la délivrance, renifles les effluves qui flottent autour de ses cheveux, soyeux les effluves et brillants les cheveux, une marée noire qui dégringole le long de ton épaule et dans laquelle d’autres garçons égareraient bien leurs phalanges. Contre ta hanche, tes doigts prisonniers s’agitent lentement.
« C’est bon, les quelques secondes sont écoulées. »
Pas que tu la chasses, mais presque. La connaissant, elle serait capable de le faire exprès. De feindre la fatigue juste pour t’accrocher encore un chouïa. Sauf qu’en vérité, tu perçois du coin de l’œil l’un de ses bandages qui se fait la malle, un morceau blanc qui se détache des autres et dévoile, dans l’embrasure, une large tache violine. Suspect. L’interstice capte ton regard, le fronce, le trouble. Ces fleurs rougeâtres sur son épiderme, d’où peuvent-elles provenir ? Tu coinces ton skate entre les jambes et, d’un geste nerveux, approches tes mains de la blessure. « Hé, t’as quoi, là ? » Oh, tu n’as pas besoin qu’elle te réponde ; tu l’imagines très bien, trop bien, même, et te recules pour jauger de l’étendue du mal. Ce pour quoi une colère froide se met à infuser dans tes veines. Ce pour quoi ta colonne se glace et tes nerfs s’enflamment. Elle qui riait sans rien exposer de ses plaies secrètes, qui souriait à mille lieues du malheur. « C’est pour ça que tu...? T’en as partout ?! » Risible, oui. Dans l’histoire pourtant, c’est toi le plus ridicule.
Ven 19 Aoû 2016 - 15:54
tu en tremblerais presque ((d'extase)) mais ça serait trop violent pour l'endorphine qui remonte tes veines et se propage dans ton corps à vive allure à son contact - les effluves de son odeur le dessin de ses clavicules sous le tissus la sensation de son épiderme contre tes si tristes doigts et et et tu voudrais plus encore - enfouir ton visage au creux de son cou pour y écouter pulser son cœur encore plus fort au creux de sa carotide sentir ses mèches rousses qui rebiquent venir chatouiller ton visage et se mêler à la suie qui règne sur ton crâne à toi ; toutes ces demandes trop égoïstes que tu gardes pour toi parce qu'il t'accorde déjà tant en ces petites secondes qui te paraissent doucereusement longues et pourtant d'une infinité si petite que tu en es meurtrie ; tu passerais des heures ainsi, à te faner contre lui - si ce n'est toute ta vie. et tes mots que tu pensais si innocents inodores et sans importance
((l'éloignent))
un peu de toi, le referment dans sa cage rouillée dont il ferme lui même le cadenas et oh c'est si dur de le voir faire ça, tu ne comprends pas toi - alors tu attends pieds joints devant cette séparation en attendant qu'il la réouvre - tu attendras le temps qu'il faut et tu es prête à mourir devant oui, si c'est ce que ça demandait pour le savoir en dehors de son îlot de solitude que tu cherches inconsciemment à envahir. et ses ((doigts)) encore qui s'agitent contre les tiens - l'impatience que tu connais si bien de se séparer de toi - ses paroles qui fendent ton cœur en deux sans qu'il ne s'en doute mais tu obtempères sans aucun raffut, te dissociant à contrecoeur de cette ombre que vous formez et qui te donne l'illusion de ne former plus qu'un - douce douce douce folie dans laquelle tu voudrais bien couler. son intérêt semble ailleurs - déplacé de ton regard quand bien-même le fuit-il si souvent d'un air bougon le voilà concentré sur autre chose ; qui n'est autre que ton bras qu'il prend de sa grippe sous une pluie d'interrogations. ah. tu ne bouges pas, docile alors qu'il fait un devis entier sur ton corps esquinté.
et tu souris.
tu retires ton bras de ses griffes, refermant d'un geste bien trop mécanique le bandage sur ta peau qui n'est plus si opaline que ça. tes lèvres sont douces et il n'y a plus ces paillettes d'enfant dans tes yeux ; tu te fais grande, tu te fais lointaine - tu l'as toujours été, c'est ce que tu es vraiment, au fond ((toujours un sourire)) sur tes lèvres carmines et tes orbes qui sont toujours heureuses et ne laissent rien deviner de cette douleur. partout, comme tu dis. ce n'est pas aussi profond que ça en a l'air alors ce n'est pas très douloureux, cette fois-ci. mais seiko c'est comme cela depuis si longtemps qu'au fond ça pourrait l'être que tu ne sentirais pas la différence - trop habituée à ressentir la douleur te prendre et t'étouffer ton corps a fini par s'y faire et s'endurcir. tu esquisses une risette en t'éloignant un peu de son emprise, chancelante peut-être mais toujours si légère on dirait que tu vas t'envoler au prochain coup de vent. tu rigoles, tes joues rosies par le bonheur alors que tu tournes légèrement sur toi-même, profitant de la brise qui caresse ta nuque, t'arrêtant pour mieux le regarder dans les yeux j'ai l'habitude, ne t'en fais pas. ces quelques mots si simples si banals qu'ils en deviennent terrifiants - parce que tu ne devrais pas l'avoir, seiko, tu devrais n'être qu'un ramassis de bonheur - et tu clignes des yeux, sceptique alors que tu sondes son être, tout ce que tu lis en lui pour mieux demander, ingénue et terriblement sincère qu'est-ce qui ne va pas, cameron ? tu as l'air énervé. soucieuse, un peu perdue peut-être ? parce que tu ne comprends pas, incapable de songer un seul instant que cette colère soit justifiée ou que tu en sois en partie la raison - parce que tu n'es qu'une princesse, seiko - une jolie poupée de porcelaine, que tu devrais être ignorante et non pas souffrante et qu'au final, tu es loin d'être aussi pure qu'il ne le pense.




© YAM
(( seiko & cameron ))
don't worry
be happy
784 mots.

Ven 19 Aoû 2016 - 21:14
Cette fureur lancinante qui enfle et qui enfle, qui gonfle à l'intérieur de ta poitrine, tu ne la connais que trop bien. Elle niche entre tes côtes, couve sous les interstices entre tes os, d'abord parasite puis locataire de tes artères, et pour un oui ou pour un non, une broutille ou l'essentiel, elle rapplique à cent vingt battements minute, se précipite pour t'emporter dans sa valse ravageuse. Danseuse enfiévrée. Tous les prétextes sont bons pour une dose d'ire, un rail de rage – mais cette fois-ci c'est différent. C'est différent parce que cela ne te concerne pas, tu n'as rien à voir dans cette affaire, et cependant tu la prends au corps comme si elle était tienne, comme si elle t'appartenait en propre. Personne ne t'a touché, pourtant. Ce n'est pas toi qui reçus ces coups, ce n'est pas toi qui subis cette cataracte, et cependant la scène prend forme devant tes yeux, les silhouettes se façonnent à l'arrière de ton crâne ; sur les murs noircis d'une bâtisse inconnue, plongée dans l'encre de ses cyprès taillés, le jour à travers les hautes fenêtres dessine un duo d'ombres en lutte – elle et lui. Elle qui se tait et lui qui ne se nomme pas, une timide selkie contre le Léviathan, et la bataille perdue d'avance se déroule au rythme de la houle qui s'abat sur l'enfant. Les vagues se brisent sur les récifs, sur sa peau nue, elles labourent ses chairs vulnérables et tirent ses cheveux d'algues pour la maintenir prisonnière des flots, triste créature malmenée par le ressac. Tu entends les claquements des nageoires, le grondement du monstre qui, sitôt repu de ses tempêtes, rassasié de violence, abandonne sur le rivage la fillette meurtrie. Seule dans le jour à travers les hautes fenêtres. Blessée dans l'encre des cyprès taillés. Car les murs noircis de cette bâtisse inconnue n'ont pas suffi à la protéger.
Alors oui, tu bous, t'énerves, remarques qu'elle se dérobe à tes regards, qu'elle essaie de minimiser les événements. Qu'importe que ce ne soit pas profond, que ce ne soit pas aussi douloureux que les autres fois ; le seul fait qu'il y en ait eu d'autres accroît ta colère et rien, rien ne saurait l'apaiser sinon de trouver le responsable et de lui exploser la face à coups de brique. Elle pourra bien sourire, l'hirondelle, elle pourra bien flotter dans la brise, volter dans la douceur de juillet, onduler dans la légèreté de ses jupes, toi tu n'entends que le crépitement des sévices, pareil à ces averses qui se sont tant de fois abattues sur ses épaules silencieuses. Elle ne t'a jamais rien dit – tu n'as jamais rien deviné non plus. Comment l'aurais-tu découvert, sinon à la faveur d'une telle rencontre ? Et tu t'en veux, ce qui est sans doute le pire, comme si ce n'était pas déjà assez d'être aveugle et ignorant, tu t'en veux à présent d'être impuissant, lucide mais incapable. Tes poings se serrent, tes lèvres se pincent. Arrête de sourire. Arrête tout de suite. Ce n'est pas juste.

Tu voudrais la secouer, lui crier dessus jusqu'à la faire pleurer. Ce serait tellement plus simple si elle pleurait, si elle n'avait pas cette joie cousue au visage, cette insouciance dans ses prunelles ; tu te sentirais moins con peut-être, tu n'aurais qu'à lui ordonner d'arrêter ou la prendre dans tes bras le temps qu'elle se calme. Voilà. Sauf qu'elle t'observe tandis que ses mots claquent à la frontière de ton esprit – j'ai l'habitude, ne t'en fais pas – et tout ton être hurle, trop tard, trop tard, impossible. Arrête de te soucier des autres quand c'est toi que l'on maltraite.
« J'ai l'air énervé, moi ? Ha, tu plaisantes ?! J'ai la haine, oui ! Comment tu peux laisser faire ça, comment tu peux réagir comme ça ? J'en ai rien à foutre que ça t'fasse pas mal ou que t'aies l'habitude, c'est pas normal ! Personne n'a le droit de lever la main sur toi, personne, t'entends !? »
Tu trembles sur tes appuis, vibres d'horreur et de dégoût ; partout, tout le temps, elle a enduré ces assauts, considérant probablement cela comme ordinaire, un lot quotidien dont elle n'a pas à se défaire parce que c'est ainsi que cela se passe et que ce serait étrange de vouloir y échapper. Si tu tenais le coupable, tu lui ferais cracher ses dents une par une. Si tu avais ta batte, tu l'attacherais à un arbre avant de lui exploser les articulations l'une après l'autre, piñata géante dégobillant ses boyaux. Tu te sens l'envie de détruire le monde entier.
« Qui c'est ? Dis-moi qui c'est, que je le fracasse. J'vais le faire payer, j'te jure, j'vais l'éclater jusqu'à c'qu'il rampe. »
Oh, quel dommage que personne n'ait pensé à te dire que tes élans de chevalerie sont aussi brutaux que raffinés. Mais à distinguer l'éclat noir dans ton œil, ce n'est sans doute guère le moment ; la moindre remarque et tu déchireras l'importun.
Sam 20 Aoû 2016 - 1:40
et tu ne peux seiko non tu ne peux guère comprendre cette haine dans son regard cette flamme dévastatrice qui semble prête à raser le monde tu peux simplement le trouver si ((beau)) et tu aurais peur de brûler tes doigts en touchant sa peau - tes yeux brillent d'une lueur nouvelle - admiration oh tu fonds seiko t'émerveilles de ce côté que tu lui ignorais, qui était resté dans l'ombre et qui, surtout, t'es maintenant destiné. tu t'en sens presque honorée - un peu désemparée peut-être de telles paroles qui te laissent interdite - tes pupilles se rétractent légèrement sous la surprise alors que tes lèvres s'entrechoquent un tantinet, tes orbes carmines ne quittant son visage et et et oh seiko
tu ris
tu ris si fort oui
ça n'a rien de vile - c'est si doux terriblement insouciant et oh peut-être quelque peu angélique - un grelot au milieu de rues un oiseau qui chante parmi le tintamarre de la ville et et et tu n'as jamais rit comme ça face à lui - face à personne, tes yeux qui s'embuent, ta silhouette qui se courbe alors que tu tiens tes côtes ; il te faut un temps avant d'essuyer les quelques perles aux coins de tes yeux, reprenant une fois encore ton souffle saturé. tu pensais de vous deux être l'éclat de lumière et d'innocence - oui tu y as cru mais oh il dépasse toujours tes attentes et renverses sans plus de manière tout ce que tu penses établi ; tu souris, peut-être plus douce encore qu'auparavant. c'est joli, cameron. tu parles comme si les choses allaient changer. comme s'il y avait encore de l'espoir. comme s'il y avait un futur qui n'a jamais existé. celui qu'on a tué à ta naissance, en même temps que maman ((dont tu ne sais pas même le nom)) ; tu n'envisages pas d'y croire - on t'a appris tant de choses seiko, mais pas ça, c'est hors de ta portée ((tout simplement)) tu t'es confinée à ton existence dont tu n'espères aucun lendemain
peut-être crèveras-tu ce soir
peut-être crèveras-tu dans deux ans
qui sait ce qu'il t'attend, combien de temps il te reste - et c'est ce qui rend ton monde si magique ; mais il ne fait que l'effleurer du bout des doigts, se percuter à la limite de vos existences trop différentes - et la tienne si sombre que tu éteins de ton propre éclat. pourtant tu n'as rien à cacher - et ton regard se fait amusé alors que quelques doigts se portent à tes lèvres étirées en ce rictus trop distant et pourtant loin du malheur oh, te le dire ? je n'en ai que faire. après tout, pourquoi pas. tu serais bien le premier ahah ! tout comme il est le premier à se soucier de ton état affolant de ta silhouette criblée de pansements qui n'ont rien à faire là il s'appelle yoshinao. tu t'approches de lui, féline, toujours souriante et plus calme que jamais alors que tu attends sa réaction avec une pointe d'impatience, peut-être - l'attente de voir ses espoirs de refaire le monde par terre. il s'agit de mon père. biologiquement parlant, j'entends. tu ris doucement, détournant ton visage vers l'horizon à ta droite. mais je suppose que j'occupe plus un rôle d'outil ? oh, il n'en est pas loin lui non plus me diras-tu. vous êtes tous un peu abîmés, dans ta famille
il t'a tordue, seiko ;

((et ça te rend un peu plus humaine))




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Sam 20 Aoû 2016 - 14:35
Tu t'emportes et elle se moque ; ton visage se froisse de colère quand le sien se fend d'hilarité, et tu la regardes sans comprendre, une brisure d'étonnement dans l'œil. Elle rit à s'en fêler la gorge, poumons grands ouverts et corps replié, à demi-démente, le rire fou d'une folle qui s'amuse de ton attitude. D'un coup, un plein océan vous sépare, elle sur une rive, toi sur l'autre – nous resterons des étrangers – sans que tu saches comment enrayer la machinerie de sa joie, la mécanique euphorique s'échappant de sa bouche rouge, écarlate à l'intérieur, d'un pourpre noir. Tu tombes des nues. Pour un peu, tu baisserais les bras de dépit, haussant les épaules face à cette absurde réaction, mais elle lâche une phrase et revoilà le torrent qui t'entraîne et te fait chavirer.
Non, non, ce n'est pas joli, il n'y a rien de joli là-dedans, et bien sûr que si les choses vont changer, elles doivent changer, c'est un ordre, un impératif, le monde ne peut demeurer tel quel : détraqué. Tu y crois, toi, Cameron, tu crois que que l'on peut modifier l'univers pour peu que l'on s'en donne les moyens, et tant pis si ce n'est pas l'univers tout entier, si c'est le nôtre c'est déjà beaucoup. Tu n'es pas optimiste, comment le pourrais-tu, néanmoins tu sais que chacun est perfectible, que nous ne sommes tous que des grains de sable polis par chaque instant et qu'à chaque seconde, il nous est permis de jaillir de nos ornières, de rompre l'engrenage, de nous mouvoir hors de nos frontières. Oh, cela demande du courage, évidemment, car d'aucuns proclameront que c'est là une hérésie, une utopie, rêve de gosse sans entraves et sans avenir ; vas-y, change les choses Cameron, puisque tu es si fort, montre l'exemple ! Détruis la misère, renverse les pouvoirs, annihile la violence ! Si seulement tu en étais capable, toi qui ne sais que mordre et contester. Alors tu enrages et elle, elle sourit encore, mutine, prête à t'exposer le nom de son bourreau comme l'on termine une devinette, malicieuse.

Cette fois-ci, être le premier n'est pas un privilège. Ce n'est que la marque du mystère qui l'enveloppe, du silence dans lequel elle s'est enterrée et dont, par désintérêt, tu n'as pas essayé de retourner les tranchées. Depuis ce jour où vous vous étiez rencontrés, les formalités n'avaient jamais été de rigueur ; c'est à peine si vous connaissiez l'âge de l'autre, son prénom tout au plus, et cela vous suffisait – davantage aurait été superflu. Sauf que là maintenant, peut-être pour une seule et unique fois, tu souhaitais apprendre quelque chose d'elle, saisir un brin d'herbe de son labyrinthe, arracher un morceau à sa carapace et l'écraser sous ta semelle. Yoshinao. Grave ce nom sur les parois de ton crâne, tapisse-en ton encéphale couleur ecchymose. À partir d'aujourd'hui, il sera ton ennemi – même s'il ignore ton existence, même si pour lui tu n'es qu'un insecte que sa botte manquera de piétiner, tu l'obligeras à s'agenouiller pour demander pardon. Tu n'es pas au bout des tes surprises, pourtant.
Ce Yoshinao. Il aurait pu être un ami de la famille, un lointain cousin, un copain d'enfance peut-être. Cela ne l'aurait pas plus excusé, certes, mais ç'aurait toujours été plus facile à digérer que son statut de père. Le mot t'étrangle, coince dans ton larynx. « Ton père ?! » répètes-tu, incrédule. Entre ceux qui abandonnent leur progéniture et ceux qui la battent, il faut croire que cette espèce ne se compose que d'enflures. Qu'il n'en est pas un pour rattraper l'autre. Des outils ? À peine. Rien que des bêches rouillées, bonnes à ensemencer à tout va pour qu'à la récolte, il n'y ait plus personne capable d'assumer – des lâches, des pleutres irresponsables. Au moins partagez-vous cette malédiction des géniteurs. Mais à choisir, tu préfères encore ne pas les connaître.
« C'est pas une raison ! C'est pas parce qu'il t'a donné la vie que tu la lui dois ! Si t'es rien pour lui, pourquoi tu restes, pourquoi tu t'laisses faire ?! » Parce que c'est sans doute contre cela que tu t'insurges le plus – son indifférence face à cette réalité. Sa neutralité. Comme si c'était aussi banal que manger ou dormir ; une portion inextricable de son environnement. Se lever, s'habiller, être tabassée. Routine huilée. De rage, tu shootes dans une canette qui traînait par là, l'envoyant buter contre un petit muret, t'excites en pestant : « Et tu f'ras quoi si un jour, il te cogne jusqu'à ce que tu t'relèves plus ? Tu f'ras quoi ? Tu peux pas retourner là-bas. Ce bâtard... » Tu aboies comme tu es, Cameron, vaillant clébard, les poings sur tes hanches, planté devant la noiraude, ivre d'une justice que tu serais seul à réclamer. Qu'espères-tu prouver ainsi ? Elle rit. Elle ne peut s'en empêcher. Ce qui t'indigne n'est qu'une bagatelle à ses yeux, ses iris si rouges quand tu t'approches d'elle de cette manière, la révolte au bord des lèvres. « Je lui ferai regretter ce qu'il a fait. T'entends ? J'lui ferai passer l'envie de recommencer. »
Bien sûr. On y croit, petit fauve.
Sam 20 Aoû 2016 - 15:39
ton rictus s'agrandit - tu n'es pas fière de sa réaction non disons plutôt satisfaite ; pis encore, il est toujours au-delà de tout ce que tu attends et tu le trouves oh seiko
terriblement beau
quand dans ses yeux brille la haine que tu essaies pourtant de chasser de son être - mais savoir que c'est ta condition qui produit ça change la donne et peut-être ((peut-être oui)) que tu tombes légèrement amoureuse de cette braise dans ses yeux - il te fascine si si si fort oh tu ne t'en lasses jamais ; tu ne regrettes pas tes mots tu ne regrettes pas de l'avoir abordé et suivi sur un coup de tête et peut-être même ne regrettes-tu pas ces quatorze années de silence pour vivre ce simple moment ; ton coeur bat d'euphorie - extatique. tu es un peu chamboulée sans que ça se lise dans ton regard - toi toujours si indéchiffrable toujours sur un nuage tu as pourtant du mal à te contenir à ne pas déverser sur son être toute la tendresse dont tu voudrais l'étreindre et les mots ((si doux)) que tu voudrais glisser au creux de son oreille ; mais tu n'as pas ce privilège et tu ne l'auras pas - il te chassera toujours ((mais c'est pas grave)) ça te va. tout te va, tant qu'il est simplement là. l'indignation qui parcourt ses mots est d'une splendeur et d'une absurdité folles dont tu te berces avec plaisir - oh ça serait beau si ton simple sens moral suffisait à briser tout ceci ; bien sûr que tu ne lui dois rien, bien sûr qu'il n'a aucun droit sur toi et bien sûr qu'il serait censé de se relever contre lui pourquoi je ne le ferais pas ? parce que ce n'est pas juste ? pas éthiquement correct ? oh, cameron. tu ris encore ((toujours)) de cette pureté étrange chez lui qui contraste avec cette distorsion malsaine au creux du rouge de tes yeux admettons que par je ne sais quel miracle j'échappe à son emprise. et après ? et après, oui ? après que ferais-tu ? vivre ? vivre mais pour quoi faire ? à quoi bon ? et ça se lit dans tes yeux trop trop trop éreintés érodés par tes sourires honnêtes et pourtant détraqués - tu n'as aucune raison d'avancer, seiko - aucun futur aucun rêve aucune ambition aucune envie ; une bouffée de fumée éphémère qui attend de se consumer sans chercher à se débattre. tu le toises, si grand face à toi que tu en relèves ton minois - qu'est-ce que tu feras ? je mourrais. c'est aussi simple que ça - toujours ainsi que ça a fonctionné ; tes yeux se plissent, s'attendrissent doucereusement c'est comme je te l'ai dit : je ne suis guère plus qu'un outil ; quand je serais trop rouillée, il se débarrassera de moi. tu n'es ni la première ni la dernière de ce genre et tu le sais depuis que tu es enfant - là où d'autres courraient au rythme des marchés et des rires tu comptais les jours passés sans en attendre un autre derrière ; tu n'as jamais rien attendu de ton existence que tu sais frêle et inconstante. tu laisses tes doigts se glisser sur sa joue dans un rire, te rapprochant encore de lui sans le quitter des yeux avant de retirer tes phalanges, te contentant d'être et c'était déjà beaucoup pour toi. si je venais à disparaître, est-ce que tu serais triste ? tu te recules, brisant toute proximité pour retourner de l'autre côté de ce fossé qui vous sépare. un temps oui, en admettant que j'importe pour toi - pour le deuil. et puis les souvenirs te feront accuser et blâmer jusqu'à trouver une justification qui te semble raisonnable ; et tu m'oublieras. au final, je ne suis que quelques jours sur toutes les années que tu as vécues et que tu vivras - l'humain est ainsi fait ; alors ce n'est pas triste de mourir. et tu es oh si tristement sincère, seiko - et tellement loin de tes jolis mots de princesse insouciante ((celle qu'il connaît)) et qui n'est rien d'autre que ta surface.




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Sam 20 Aoû 2016 - 18:58

Dieu que tu détestes quand elle prend cet air royal, ces manies princières. Dieu que tu détestes cette lueur d'intelligence sur le bout de sa langue, si c'est pour se montrer têtue, imbécile et appliquée. Elle ferait mieux de se taire, de ravaler ces ternes principes qu'elle semble se plaire à t'envoyer en pleine tête, pichenettes amères corrodant tes dires, alors qu'elle te présente ton propre reflet, un miroir morose et délavé. Et ta haine reflue, s'amuit devant la cruelle évidence ; vous vous ressemblez plus que tu ne voudras bien l'avouer. Après ? C'est quoi, après ? Qu'est-ce que contiennent ces deux syllabes, qu'est-ce qu'elles dissimulent d'aussi terrifiant pour que tu te refuses à les prononcer, pour que tu te retiennes ne serait-ce que de leur donner un sens ? Tu as beau te pavaner, la liberté au poing et l'indépendance aux chevilles, tu n'en restes pas moins prisonnier de ton présent, inapte à considérer l'avenir. Comment pourrais-tu lui répondre puisque toi-même ignores ce que le futur signifie ? C'est là l'ombre de ton existence, le monstre sous ton lit – et elle, elle le tire par les pieds pour l'exhiber sous ton nez, regarde ce qui t'attend, regarde quel aspect ça a, le lendemain. Pour elle, la mort. Et pour toi, l'ennui.
Ce qui, en fin de compte, revient au même.
Nonobstant tout en toi se rebiffe, se débat et s'oppose à cette vérité. Tout hurle au mensonge, à la rébellion, à – oh, ces doigts sur ta joue – et tu oublies la suite à la seconde où elle se remet à rire. À la seconde où elle pose sa question. Une minuscule aiguille, enfoncée au milieu de ton thorax. Tu n'arrives pas à imaginer. Ce serait facile, pourtant, ce n'est pas comme si vous vous voyiez souvent. Puis elle a déjà l'air si loin, l'espace d'un battement, là-bas debout sur l'horizon ; elle attend sûrement ta réponse, mais la devance tandis que tes paupières se plissent, que ton front s'abaisse sous le poids de tes pensées. Est-ce que tu serais triste. À quand remonte la dernière fois où tu l'as été, d'ailleurs ? T'en rappelles-tu seulement, ou bien as-tu supprimé ces embarrassants souvenirs de ta mémoire ? Devant toi, l'impasse érige ses infranchissables barrières, t'abandonnant au pied du mur. La regretterais-tu, la demoiselle aux cheveux nocturnes ? L'oublierais-tu, l'oiselle aux yeux coquelicot ? Tant que tu n'en feras pas l'expérience, tu ne sauras pas.

« Qu'est-ce que ça change ? » Ta voix est rauque. Maussade. Tu te sens méprisé sans en définir l'origine, amoindri dans ta personne. Yoshinao a disparu de ton esprit, remplacé par ton propre orgueil bafoué, et tu ne hais plus rien que toi-même de ne pas réussir à modifier sa perception, de la laisser s'enliser dans ce qu'elle croit être le réel ; peut-être qu'elle a raison, en plus. Peut-être que ta rage est vaine, que tu n'es que cet idiot contant une histoire pleine de bruit et de fureur, et qu'il n'existe pas de direction à tout cela, rien qu'une brume inextinguible où les âmes sombrent les unes après les autres. À l'intérieur, quelque chose se crispe. « T'accordes de l'importance aux autres en fonction du temps que tu passes avec eux, toi ? Qu'en est-il de ton père, alors ? » C'est sûr, en suivant ce raisonnement, elle devrait a-do-rer son paternel. Mais le cynisme dont tu fais montre n'est que l'illustration de ton dépit ; il n'y a là aucune attaque personnelle – ou peut-être que si, infime, à l'encontre de cette gamine qui prétend parler en ton nom et t'inventer des jugements. Qu'en sait-elle, de comment tu es fait, de la texture de tes organes ou de la couleur de tes sentiments ? Que sait-elle de ce que tu ressens ?
« Tu mens toute seule. Si la vie t'importait aussi peu, tu fuguerais pas tout le temps de chez toi ni t'inventerais des manières pour retarder ton retour. Pis tu t'foutrais bien de découvrir des trucs comme on l'a fait la dernière fois. T'as pas oublié quand tu t'es mise à danser avec le joueur de flûte. » Ah, l'épisode du joueur de flûte ou la rencontre impromptue avec la musique au détour d'une rue, du côté de Kingslaugh. Un vagabond armé d'un instrument, il n'en fallait pas plus pour que la puce l'écoute avec révérence et se propose de l'accompagner au milieu de la rue, ondoyant au gré des notes. Et le pire, dans tout cela, le pire, c'est qu'elle est encore là aujourd'hui, devant toi, parce qu'elle voulait te voir. Tu n'affabules pas – ce sont ses propres termes. « Si ça t'est égal, t'as qu'à rentrer, tiens. Puisqu'être enfermée dedans ou libre dehors, c'est pareil pour toi, et j'te manquerai pas. »
Un jour, Cameron, tu apprendras à t'exprimer convenablement. Un jour. Ce n'est pas demain la veille.
Sam 20 Aoû 2016 - 20:18
ça ne change rien - c'est exactement là la faille de son abcès que tu sembles avoir percé, déversant sur votre monde contrasté un voile trop sombre qui ne te plait guère ; tu aimes les variations, la saturation de sa chevelure et la pigmentation de son regard alors ce calque sinistre qui s'abat sur ses traits t'attriste ; mais tu gardes ton sourire. tu crains presque de le perdre - de lui donner raison là où il a tord et peut-être de trahir ce gouffre béant en toi où l'on devait mettre la confiance qui t'a été prise. ça ne change rien, non - que tu sois là ou pas, il avancera - tu lui pries une vie étincelante pleine de bonne fortune ; il n'a pas besoin de toi ((comme le reste du monde)) ça ne change rien qu'il soit triste parce que s'il l'est, tu ne seras même pas là pour le constater - tu sens un léger pincement serrer ton organe cloîtré au fond de ta poitrine à l'idée de quitter ses côtés ; quel dommage seiko de s'attacher au monde quand lui refuse de ne serait-ce que te regarder.
tu ne réagis guère à la pique qu'il te lance - elle te passe au dessus et tu ne te sens pas même visée ; indifférente tu as éteint un peu ta lumière comme en présence de ton père - un sourire un peu vide ((comme le reste de ton existence)) ; tu as aimé ton géniteur ((oh follement même)) tu as été dévouée pour mieux en devenir insensible. et et et et ses mots débaroulent dans tous les sens incongrus incohérents un peu sourds à la réalité autour de vous. tu le laisses déverser sa colère en quelques vers bien peu poétiques dont les lettres s'entrechoquent et les rimes se raccourcissent trop vite - tes orbes le fixent, dénuées de toute gaieté et d'émotion ; ton sourire s'est effacé pour laisser tes lèvres inexpressives mais il revient, plus chaleureux que jamais. je n'ai jamais nié aimer vivre. j'aimerais découvrir de quoi demain sera fait, ne t'y trompes pas. j'aimerais pouvoir écouter à nouveau le joueur de flûte au coin d'une rue et danser au rythme des notes. j'aimerais mettre à nu le monde qui nous entoure et en découvrir chaque recoin. j'aimerais rester enfant. mais ce ne sont que des envies, cameron. ce ne sont que mes fabulations égoïstes, une ou deux minuscules étoiles au milieu des nébuleuses. insignifiantes et facilement éteintes. des choses qui ne sont pas faites pour durer. c'est pourquoi tu profites, les consume sur l'instant quand elles se glissent dans ta tête dans la limite de ta morale floue. tu recolles le pont entre vous, venant soutenir son regard, éclairer son ombre de ton éclat un peu trop ((doré)) qui en devient aveuglant. j'aime ce monde. j'aime exister. j'aime la liberté. j'aime avoir le coeur qui bat, me sentir vivante même en étant invisible aux yeux des gens - frayer un chemin dans mon coeur pour tout le monde même si ça n'est pas réciproque. et je t'aime, toi. et si j'en venais à partir, si j'en venais à rentrer - je n'atteindrais pas le coin de cette ruelle que déjà tu me manquerais cameron. tes mots sont brutes, diamants pas encore taillés et tu les sors sors sors détachés pour qu'il les avale tous et les digère comme il le peut - ou les rejette s'il le veut. ta risette se fait un peu ((attristée)) peut-être, parce que tu n'attends rien en retour, tu n'oserais imaginer une place à ses côtés - tu n'es pas assez prétentieuse pour ça mais les syllabes s'enchaînent plus que tu ne le veux je ne regrette pas d'être venue te voir. de t'avoir rencontré. de te parler, là, en ce moment - et si demain tu venais à quitter ma vie, moi, je serais triste. tu glisses tes doigts sur son poignet - sens son pouls battre contre ses veines et tu n'oses point reproduire l'étreinte de vos doigts - fragile, un peu et peut-être que dans une rêverie trop folle où je pourrais envisager un lendemain, j'aimerais bien qu'il soit à tes côtés. que ça soit toi qui m'arraches à ma mort toute tracée. tu retires ta peau de la sienne, détournant ton regard de son être et tu te fais silencieuse, muette comme il l'eut rêvé de nombreuses fois sûrement - tu as jeté sur le sol, à ses pieds, tous tes petits trésors maladroits et il peut s'il le veut tirer dedans comme il l'a fait pour cette pauvre canette briser les battements de ton coeur d'adolescente qui ne comprend rien à la société et aux normes et au vrai sens des verbes qu'elle conjugue - il t'a entre ses mains ; mais ça te va.
tout te va, tant qu'il est là.




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Sam 20 Aoû 2016 - 23:54
Ça y est, tu l'as brutalisée sans plaisir, lui as filé deux ou trois torgnoles verbales et, désagréablement, tu as l'air éreinté de ces mots que tu ne pensais peut-être pas tous ; tu n'es pas parvenu à trouver ce qui gêne, la raison à cette exaspération que tu as retournée contre elle à défaut d'avoir quelqu'un d'autre face à toi, l'explication à cette étroitesse dans ta poitrine. Ton gosier est un canyon d'où tu as craché l'incompréhension qui t'asphyxiait, et désormais ce sont les remords qui t'étouffent devant son visage sourd, peu avant qu'un sourire ne revienne l'enflammer. À ta grande surprise.
Tu n'aimes pas ce qu'elle déclare, pourtant. Elle parle avec un phrasé d'adulte, une maturité éblouissante qui te donne l'impression qu'elle te regarde de haut alors qu'elle t'admire d'en bas, une solennité que tu ne peux guère atteindre car tu n'as pas été à l'école, toi, tu n'as qu'un nombre d'occurrences limitées à ton vocabulaire. Dis-le franchement, tu n'as pas de culture, Cam, tu as poussé comme une mauvaise herbe dans un fossé, à la dure, la rue t'a servi de cours élémentaire et, si tu peux te vanter d'y avoir survécu mieux que d'autres, cette friche intellectuelle se rappellera à toi dès que les circonstances te l'imposeront. C'est-à-dire, entre autres prétextes, maintenant. Tu n'es qu'un rustre à ses côtés, la princesse en cavale, tu es le roturier sans éducation qui prétend lui ouvrir l'accès à la connaissance quand elle possède une bibliothèque entière dans son château, et te voici remis à ta place en quelques points, un prénom et une résignation déçue. D'un revers de la main, avec la nonchalance d'une mèche rabattue derrière l'oreille, elle rejette ses envies et toi avec, ses caprices et ses lubies d'ailleurs, balaie ta harangue avec une aisance déconcertante.
Et d'un coup, le conditionnel se fait présent, l'énumération déroule ses joliesses à tes tympans ; le monde, la liberté, la vie. La sainte Trinité. Puis le caillot sur lequel tu butes, sur lequel ton myocarde s'écorche et te fait reculer en un sursaut. C'est sûr, tu as mal entendu. Ce ne serait pas possible autrement. Mais non, elle continue, rajoute à la brioche une couche de marmelade, une surface brillante et sucrée, goût fraise à n'en pas douter, qui affole ton cœur jusqu'à rosir tes joues.

Oh, tu voudrais qu'elle se taise, qu'elle cesse de t'infliger ça à toi qui ne maîtrises pas tes émotions, à toi dont la main tressaute au moment où elle en effleure l'articulation – pétales égarés dans la brise – et tu souhaiterais la repousser, l'éloigner – trop dangereuse – mais en dépit de ta volonté, ce qu'elle énonce là, avec ce naturel ravageur, eh bien, oui, cela te touche. Que tu le veuilles ou non, que tu en aies conscience ou pas, sa franchise perce tes barrières, s'insinue à l'intérieur de ta cage thoracique et nimbe ton organe d'une tendresse maladroite, bancale car inédite, effrayante. C'est la première fois que quelqu'un te dit cela. Et quand bien même tu essaierais de lui trouver des excuses, de lui inventer quelque bizarrerie comportementale, tu ne peux nier qu'elle s'est avancée sur un terrain que nul autre avant elle n'avait parcouru. Une approche qui te laisse muet, abasourdi par ce singulier discours.
Aussitôt, tu secoues la tête pour en chasser les arômes de fruits rouges et renforces tes remparts. Dehors, l'intruse. À l'avenir, il en faudra davantage pour espérer fendre l'armure ; elle t'a pris à revers, par surprise, tu n'as rien pu faire. La prochaine fois, parce que tu sais désormais de quoi elle est capable, tu seras prêt. « Tu racontes n'importe quoi » répliques-tu, troublé malgré toi, de toute la force de ton éloquence. Or, tu ne crains pas de la blesser un peu plus si c'est pour t'assurer qu'elle ne recommence pas. « J'suis pas ton chevalier et j'le serai jamais, compris ? » Puis, comme si cela ne suffisait pas, tu jettes ton skate au sol et grimpe dessus d'un bond pour disparaître en un éclair, le frottement des roues en guise de tonnerre. Sans un adieu. Sans rien d'autre que les pulsations de ton cœur qui n'en finissent pas de résonner à tes tempes, la honte dans ton sillage.

Tu t'es enfui comme un voleur, pire qu'un brigand même, à ras de terre. Cependant le vent que tu provoques ne t'apaise pas, il te cingle au visage que tu frottes dans ta manche dans l'espoir d'en effacer les rougeurs, rageusement, sauf qu'elles persistent encore lorsque tu reviens parmi la bande de jeunes. La rumeur ne s'est pas évanouie depuis votre départ, au contraire, elle a grossi avec les minutes jusqu'à devenir énorme, bouffie d'hypothèses et d'imaginaires virils, écœurants. Tous t'accueillent avec des yeux pareils à des billes, impatients d'écouter tes prouesses, si bien que ton air renfrogné et ta façon d'éluder les réponses les convainquent sans mal que tu n'es qu'une poule mouillée, un puceau dépourvu de courage, une tapette. À grand peine, tu te retiens d'en tabasser un ou deux, histoire d'évacuer ta rage, mais même ça tu n'en as pas le goût ; la vision de Seiko silencieuse, des bleus au corps et à l'âme, à des années-lumière de ce qu'elle est d'ordinaire avec toi, te poursuit jusque sur la rampe où tu t'élances de nouveau, furieux envers toi-même. Indifférent à ce qui se trame non loin. Aveugle à la décision qu'a soudain prise l'aîné de tes camarades de réussir là où tu as lamentablement échoué.
Dim 21 Aoû 2016 - 14:39
n'importe quoi. comme toujours, seiko - tu ne fais jamais sens ; on te le dit souvent sur un rictus un peu craintif, on le pense encore plus à tes mots acérés envers les adultes - mais ça n'est pas grave, on te pardonne tu n'es qu'une enfant ; ça te rappelle ta place, loin de lui un peu plus grand, d'une année entière de vécu que tu n'as pas ((à un espace-temps entier de tout ce qu'il a vu)) quand toi tu te contentes des descriptions dans tes livres pour imaginer le monde là où lui l'a déjà parcouru. et bien sûr qu'il n'est pas ton chevalier, bien sûr qu'il ne le sera jamais - parce que t'es pas une princesse seiko que tu préfères largement aborder tes haillons plutôt que les tissus précieux qui t'attendent chez toi gentiment pliés par tes soins - en douceur pour apprécier leur valeur ; dans ce monde tu n'es rien, tu n'aurais d'importance que dans un autre espace-temps et tu n'es pas même d'un sang royal pur et noble
mais il n'en sait rien
comme le reste du monde
et tu ne peux guère le dire - alors tu regardes les roues qui claquent sur le sol, sa silhouette qui s'éloigne et le peu de chaleur qui s'efface dans la paume de ta main. le regard éteint - le sourire présent ((mais mort)) et tu ne sais trop que faire - rentrer ? tu n'en as pas envie et à ta plus grande surprise rester ne t'émerveille guère ; tu trouves le monde un peu gris. tes yeux s'abaissent sur tes pieds alors que tu apposes ton dos contre un muret - tu n'as rien de mieux à faire de toute façon alors autant
attendre
même s'il ne reviendra pas et que tu le sais ; il a choisi de tirer pop comme ça dans tes maigres espoirs ((ça t'apprendra à en avoir)) mais c'était beau, de sentir ton coeur battre aussi vite que le sien que tu as senti ((même s'il n'en sait rien)) et de tes lèvres sortent quelques notes qui s'élèvent en douceur dans le ciel avant que ton intérêt ne soit piqué par les bruits de pas s'approchant. ton faciès se relève et tu observes la carrure masculine en face de toi ; à peine plus âgé que l'estonien, tu dirais. il y a ce sourire sur ses lèvres qui te rend curieuse - tu veux en savoir la raison alors que sa voix résonne à tes oreilles ; elle n'est pas si jolie que ça et ses mots sortent erronés et malhonnêtes. pourtant tu retrouves un peu ton éclat - parce qu'il a volé ton ennuie. alors tu écoutes ses interrogations indiscrètes, ne te détournes pas des noisettes qui lui servent d'yeux et oh avant que tu n'aies le temps de comprendre il se tient devant toi, ses doigts qui glissent sur ton bras et remonte sur ta joue - quelques mèches brunes s'effritant entre ses doigts ; il vient les embrasser et tu vois l'un de ces paons qui fait la cour que tu ne comprends guère - tu as vu les gens faire sans expérimenter alors tu ne sais ce qu'il attend de toi, quelles sont les réactions que tu devrais avoir ou le rejet que tu devrais montrer quand il se plie sur ta frêle silhouette pour voler un contact à tes lèvres des siennes - ton coeur loupe un battement et déraille quand ton poignet est englué au mur avec force par ses soins, des phalanges sur ta taille et quand il fait rentrer entre tes lippes si indiscrètes sa langue trop pendue - tu tentes ((en vain)) de repousser sa silhouette en appuyant sur son épaule, donnant de maigres coups de poing mais rien n'y fait et tu ne
sais
que faire
parce que rien de tout ne t'a été appris dans les livres, seiko.




© YAM
(( seiko & cameron ))
don't worry
be happy
695 mots.

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