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Comment perdre le respect en une seconde. (Naga) [TERMINÉ]

Dim 22 Mai 2016 - 20:48

Seung Joo

Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Malheureusement, l'être humain aime juger les autres. Et il suffit d'un rien pour que l'opinion qu'il se fait sur un individu bascule d'un moment à l'autre. Vous êtes prévenus. La lecture de ce qui va suivre pourrait avoir de graves conséquences psychologiques sur vous. Et sur votre conception du respect, évidemment. Il est toujours temps de refermer cette page et de vous adonner à la lecture d'un texte bien plus enrichissant, et de plus d'intérêt. Vraiment, ne jouez pas bête à ce jeu.
Si vous êtes toujours là, alors vous allez découvrir un des plus grands secrets de Seung Joo.
Une nuit, alors que le croupier rejoignait son appartement pour s'accorder quelques heures de sommeil bien mérité, il fit une rencontre tout à fait inattendue. Il fut captivé par la brillance d'une fourrure douce, à moitié masquée sous une couche de poussière des rues, par un regard noir et étincelant, par enfin la vulnérabilité d'une petite masse gisant abdnonnée dans un coupe-gorge, vulnérable face aux malfrats qui y rôdent. Seung Joo n'avait pas pu résisté. Il l'avait pris dans ses bras, l'avait doucement rassurée en la tenant contre son cœur, et l'avait ramené chez lui. Il l'avait soigneusement lavée, avait fondu devant la beauté de ses poils blancs et roses. Et depuis, elle était ce secret qu'il ne s'avouait pas vraiment, mais qu'il adorait conserver pour lui.
Elle avait trouvé la place d'honneur sur son lit, mais quand il était seul, Seung Joo aimait la promener dans toutes les pièces de son appartement.
Il lui parlait en coréen ; il avait décidé qu'elle le comprenait, et de toute façon, le sourire qu'elle lui adressait dès qu'il s'exprimait suffisait à lui réchauffer le cœur.
Aujourd'hui, profitant d'un après-midi libre avant une grosse soirée, et ayant terminé ses derniers tirages de monnaie un peu plus d'une heure auparavant, le croupier s'est posé dans un coin, la tenant délicatement dans ses bras, pour lui lire une histoire. La lecture est une activité à laquelle il s'adonne beaucoup moins, mais qu'il n'abandonne pas tout à fait ; il reste à jamais amoureux des belles lettres et de leurs sens multiples. Plongé dans sa lecture, Seung Joo sursaute en entendant la sonnerie de sa porte. Qui donc peut venir le déranger en cet instant de paradis ? Les seules personnes qui disposent de son adresse sont ceux à qui il doit obéissance, ou celui à qui il offrirait volontiers son temps libre. Il la pose sur le guéridon de l'entrée, se disant que celui-ci se trouvera de toute façon dans l'angle mort pour tout nouvel arrivant, et qu'il ne pourra donc pas poser les yeux sur son précieux trésor. Seung Joo va alors la porte et demande :
« Oui ? »
Son sourire s'efface. C'est Naga qui se tient sur le seuil de sa porte, visiblement prêt à en découdre, pour le plus grand malheur du Coréen. Celui-ci affecte cependant de ne rien savoir et demande en toute innocence :
« Que me veux-tu, Umiaktorvik ? »
Lun 23 Mai 2016 - 17:40
La pièce sautait en l'air avant de retomber dans sa paume. Plusieurs fois. Chaque retombée était plus violente que la précédente, à mesure que sa colère augmentait. Il allait finir par blesser quelqu'un en la laissant échapper. Cela n'avait pas d'importance. Lui était déjà blessé. Dans son orgueil. Sa confiance trahie par une personne à qui il ne se fiait pas vraiment, mais sur qui il aurait aimé pouvoir compter pour ce qu'il lui demandait. Il avait pourtant payé, cela lui donnait le droit au service qu'il réclamait. La pièce claqua dans sa paume. L'échange n'avait pas été équitable. L'autre s'était payé sa tête et avait rompu les termes du marché. Il allait donc payer.
La pièce resta dans la paume quelques instants. Quelle ironie de vouloir faire payer Seung Joo pour une histoire d'argent, justement.

« Désolé, monsieur, cette pièce est fausse.
- Je vous demande pardon ? »
Haussement d'épaules désabusé de la part du croupier. Son jugement d'expert avait été établi que la pièce que Naga lui tendait était fausse, et il estimait ne pas avoir besoin de se répéter. Son envie était d'éloigner le client fraudeur dès qu'il en aurait l'occasion, sans faire usage de violence pour éviter les scandales. Naga, de son côté, ne comprenait pas comment la pièce pouvait être fausse. Elle lui avait été donnée par Seung Joo Hwang, ce petit Coréen qui lui fournissait les jetons dont il avait besoin pour jouer gratuitement au casino où il travaillait. Il s'agissait bien entendu d'une fraude qui, jusque là, avait convenu aux deux partis. Du moins, jusqu'à ce que Naga se rendît compte qu'il avait une fausse pièce en sa possession. Quelque chose lui disait que ce n'était pas la première fois que cela arrivait, mais qu'il n'avait pas forcément remarqué la supercherie plus tôt.
« Monsieur, si vous n'avez que des faux, je vais vous demander de partir... et de ne plus revenir à l'avenir. »
La rage. Naga avait repris la pièce et s'était éloigné en maugréant. Il allait retrouver Seung Joo Hwang et lui faire payer très chèrement sa trahison.
Et le voilà dans la rue, à lancer cette pièce en air, vers l'endroit où Seung Joo était censé vivre.


L'adresse avait été donnée par un collègue de Seung Joo persuadé que Naga était un bon ami du Coréen. Ami n'avait jamais été le terme qui convenait à leur relation, et il était évident, désormais, qu'ils ne pourraient jamais plus prétendre être en de si bons termes. Naga n'était pas persuadé de vouloir continuer leurs accords, bien qu'il eût du mal à y renoncer. Il adorait les casinos, tout simplement. Il faisait partie de ces gens persuadés qu'il pourrait y gagner subitement une fortune si la chance voulait bien lui sourire. Bien entendu, cela n'était jamais arrivé. Trop prudent pour investir son propre argent, la combine avec le Coréen s'était révélée parfaite... jusqu'à ce soir. Il en avait été quitte pour une humiliation, cette fois-ci, mais qui pouvait prévoir les conséquences à long terme que leur collaboration pouvait causer ? Si Seung Joo ne montrait pas patte blanche et ne s'engageait pas à ne pas le tromper à l'avenir, Naga ne donnait pas cher de lui.
Non. Il n'était pas un tueur et n'allait pas le démembrer pour ce seul affront. Mais il pouvait faire de sa vie un enfer s'il le désirait. Et peut-être lui faire saigner son joli visage de défiguré.

La porte se dressait devant lui. Il voulait la frapper. Il se contenta de sonner, un air dangereux sur le visage.
Quelques secondes plus tard, une petite tête brune apparut dans l’entrebâillement. L'innocence de son sourire et de son œil unique donnait l'impression que Seung Joo Hwang était l'homme le moins dangereux du quartier. Trop petit pour être une menace, sans doute. Naga n'en était pas aussi sûr. Alors que le Coréen lui demandait d'un ton détaché la raison de sa présence, Naga saisit brutalement le T-shirt de Seung Joo avant de le pousser vers l'intérieur, jusqu'à ce que le dos du Coréen rencontrât un mur. Naga consentit alors à le lâcher. Il montra la pièce qu'il avait soigneusement conservée et la balança au visage de Seung Joo.

« Ça, Hwang. Tu peux m'expliquer ce que c'est ? »
Lun 23 Mai 2016 - 18:35

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
C'est avec un mélange d'innocence feinte et de trouble mal caché que Seung Joo se tient entre Naga et son appartement. Occupant tout l'espace entre l'encadrement et la porte, il pense le message très clair. Umiaktorvik n'est pas le bienvenu sur son territoire. Son antre de solitude, son cloître de Coréen. Bien sûr, il n'est habituellement pas si possessif ; mais habituellement, il n'est pas en danger de mort. Voyant son trépas imminent, le croupier juge bon de ne pas ouvrir trop grand sa porte. Cependant, son adversaire a un avantage. Tout d'abord, c'est triste à dire, mais il est plus grand. Ensuite, si Seung Joo est doué au corps à corps, il sous-estime l'Inuit qui a fait de la boxe à Chicago. Deux combattants, dont l'un ne prend pas la pleine mesure de l'autre. Il n'est donc nullement étonnant que Seung Joo se retrouve à valser au rythme imposé par Naga, et à s'écraser contre le mur. Elle, avec sa fourrure de rose et de neige, l'observe alors de ses grands yeux doux, ne semblant nullement désirer réagir. Seung Joo ne le regarde pas. Son œil valide est fixé droit sur Umiaktorvik, s'efforçant de mimer la surprise. Toutefois, il n'y arrive guère. Il n'y a nulle surprise, le Coréen s'y attendait depuis un moment ; et s'il s'étonne de ne pas avoir été démasqué plus tôt, il est presque déçu que l'instant fatidique soit arrivé. Pourquoi à ce moment précis, qui plus est ?
Il ne détourne pas son regard du pécheur, sachant pertinemment ce que vient de lui balancer Naga.
« Oui, eh bien ? C'est un jeton, Umiaktorvik, que voudrais-tu que ce soit d'autre ? »
Le venin et le mépris qui teintent sa voix brisent les dernières illusions d'innocence que son visage angélique pourrait entretenir. Seung Joo n'est pas gentil. Seung Joo n'est pas bon. C'est un homme qui fait ce qu'il a à faire, et qui n'a nullement peur de se salir les mains. Mentir ne lui pose aucun problème. La tromperie lui est presque naturelle. Ah, comme il s'est fait avoir, le Naga. Quelle idée, en même temps, de le croire sur paroles. Seung Joo n'est nullement lié à sa parole. Il ne se permettra jamais de transgresser une promesse faite à un autre membre de l'Iwasaki, mais cette immunité s'arrête aux gens de son groupe. Quant aux autres... eh bien, la violence naturelle de Seung Joo finit par se rappeler à lui, mais sous d'autres formes. Seung Joo n'est pas un arnaqueur ; il alimente simplement le doute. Il crée des fausses pièces à foison, il finance des deals un peu trop importants pour que l'on se permette d'être gêné par une pénurie d'argent. Son métier même est mensonge. Mais bien sûr, on ne voit en lui que le croupier, adorable, sensuel, ingénu, sans doute trop licencieux pour son propre bien. Combien savent démêler le vrai du faux, en lui ? Comment le croire alors que Seung Joo même n'est qu'un personne destiné à cacher le monstre.
« Si c'est pour cela que tu es venu, tu perds ton temps. »
Toutefois, il ne prétend pas que la pièce est véritable, car elle ne l'est pas. Il le savait d'office. A présent, il est temps d'en payer le prix.
Et Seung Joo est prêt à se battre.
Il n'en attend plus que le prétexte.
Lun 23 Mai 2016 - 19:40
Après ce brusque accès de violence, Naga s'était calmé, croisant les bras contre la poitrine dans une posture résolument hostile et hautaine. Dire qu'il se sentait blessé par le comportement décevant de Seung Joo eût été excessif : cela signifierait qu'à un moment donné, Naga attendait de lui autre chose que le simple échange commercial auquel ils se livraient régulièrement, mais jamais cela n'avait été le cas. La seule erreur de Naga avait été de croire naïvement que le petit Coréen n'oserait pas le tromper. Il ne ressentait rien en voyant son corps frêle s'écraser contre le mur, pas la moindre pitié. Une intuition lui disait que Seung Joo avait pris bien des coups dans sa vie et ne se briserait pas si facilement. Il aurait pu le lancer plus fort, avec l'espoir de le voir au moins se plier, mais sa bonté naturelle l'en avait empêché. La fragilité du petit Seung Joo avait fait des merveilles. Lorsque Naga ressortirait de là, espérons-le entier, il n'aurait plus la moindre illusion à ce sujet et saurait à quel point son croupier était un monstre.
La voix avec laquelle il s'était adressée avec beaucoup de mépris à l'Inuit aurait suffi à briser n'importe quelle illusion que l'on aurait entretenu à son sujet. Seung Joo narguait Naga avec beaucoup de talent. Tout cela trahissait une habitude bien ancrée. Naga le savait désormais avec certitude : ce n'était pas la première fois que Seung Joo lui refilait un faux. Et il s'était probablement attendu à le voir arriver plus tôt, et devait rire sous cape de la lenteur de la réaction de Naga, et devait le considérer comme un simple d'esprit pour s'être laissé prendre à son piège. Encore un qui prenait Naga de haut, cela commençait à bien faire. Quand aurait-il droit à une amitié simple et claire où il serait à égalité avec l'autre ? Où il n'aurait pas besoin de ses poings pour se sortir d'une situation délicate où la personne connue l'aurait placé ?
Colère, colère, colère.
À vrai dire, Naga sentait que Seung Joo attendait un coup qui ne viendrait jamais. Le corps du petit Coréen semblait vibrer à la perspective d'un combat que Naga refusait de lui offrir. Il était pacifique, et n'aurait jamais rejoint les Altermondialistes s'il n'avait pas pensé que le dialogue et les négociations pouvaient régler toutes les situations. Si son instinct lui hurlait d'écraser la tête de Seung Joo contre le mur avant de l'enfoncer dans ses toilettes, qu'il espérait peu ragoûtants, sa raison lui disait qu'une attitude violente ne ferait que retourner son dealer de jetons contre lui. Ressortir amoché n'était pas dans les projets de Naga, et n'importe qui pouvait, avec un coup bien placé et inattendu, ajouter un peu de bleu et de noir à son si joli visage. De toute façon, Seung Joo faisait tout pour le provoquer. Mais il n'avait pas compris le fonctionnement interne de Naga.

Naga adorait prendre les gens de haut, de façon tout à fait amicale, bien sûr, et les pousser dans leurs derniers retranchements. Il n'était pas tendre avec eux, et l'on pouvait raisonnablement s'attendre à le voir, à un moment ou à un autre, commettre une erreur qui lui ferait prendre le mauvais rôle. En théorie, ce genre de personnes n'aurait eu aucune difficulté à maltraiter un petit Hwang pour lui faire regretter de s'être moqué de lui.
La provocation, en revanche, le laissait moyennement indifférent. Faire ce qu'on attendait de lui ? Pourquoi donc ? Naga était aussi cet homme un peu lâche qui préférait abandonner un sujet dès lors qu'il n'y trouvait plus d'intérêt. Sans la colère, il aurait très certainement laissé passer l'affaire pour cette fois-ci, et aurait fait très attention lors de la prochaine transaction. À présent qu'il était là, Naga pouvait encore se lasser et renoncer à accomplir sa vengeance. Ce n'était pas une provocation qui allait lui faire peur. Mais non, Naga ne réagissait pas ainsi. Il ne voulait pas abandonner. Il ne voulait pas non plus se battre, sachant qu'il entrerait dans le jeu de Seung Joo à l'instant même où il lèverait la main sur lui.

Il devait y avoir une autre solution.
Un sourire narquois envahit le visage de Naga. Puisqu'il ne pouvait emprunter aucune des deux voies les plus probables, pourquoi n'en profiterait-il pas pour s'amuser ? Cela lui arrivait si rarement qu'il était ravi de pouvoir exprimer son plein potentiel, pour une fois.

« Perdu, Hwang. C'est un faux jeton. Est-ce que tu comprends la différence ? »

La pièce se trouvait désormais à terre, marquant une ligne invisible séparant les deux adversaires. Naga sentait que toute la tension s'accumulait dans cet espace d'air qui le séparait de Seung Joo et s'en réjouissait. De la tension, c'était exactement ce qu'il voulait, du drame également. Il trouverait bien le moyen de faire regretter au petit Coréen ses actions irréfléchies.

« La différence, c'est qu'un faux n'est pas accepté au casino. Ça veut aussi dire que tu t'es foutu de ma gueule, et que tu vas désormais en subir les conséquences. Charmant, non ? »

La remarque fut ponctué 'un sourire charmeur destiné à illustrer son état d'esprit. Concrètement, Naga essayait de faire croire à Seung Joo qu'il allait se servir de ses poings pour lui faire passer un sale quart d'heure. Alors qu'il ignorait encore totalement la façon dont il allait véritablement s'en prendre à lui. Mais bien, ce n'était qu'un détail n'est-ce pas ?
Lun 23 Mai 2016 - 21:02

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Dans l'expectative, Seung Joo prête une attention accrue aux réactions corporelles de Naga. Sa posture est un peu trop détendue à son goût, comme s'il ne le prenait pas assez au sérieux. Il est vrai que, pris de court, il n'a pas su réagir correctement, et son absence de riposte est sans doute décevante pour qui désire se battre. Seung Joo est persuadé que tel est le désir de l'Inuit. Sinon, pourquoi l'aurait-il violemment plaqué contre le mur (un geste qui, au passage, n'a rien de romantique, c'est de la violence gratuite et c'est nul) en lui jetant l'objet du délit à la figure ? Telle est la seule issue qu'entrevoit le Coréen ; et si une partie de lui craint encore cette voie de sortie, son cœur s'en réjouit. De la baston. Quoi de mieux que de sentir le visage de son adversaire s'écraser sous l'effet de son poing ? que d'entendre le hurlement torturé des os qui se brisent ? Seung Joo refuse de l'admettre ; mais Trauma le sait, lui. Trauma n'attend que cela, il frappe à la porte, il menace de ressurgir.
Avec sarcasme, Naga l'informe que le jeton est faux. Bravo, Sherlock ; cela dit, il n'apprend rien à Seung Joo. Il le savait déjà. Ils étaient tous faux, les jetons. Mais en quoi est-ce un problème, puisqu'apparemment, jusqu'ici il a pu s'en servir à sa guise, sans que personne n'y trouve rien à redire ? Le Coréen comprend, la question est rhétorique. Mais tout de même. Pourquoi venir l'embêter chez lui pour une telle broutille ?
« Oui, bon, et alors ? Ça arrive. Je suis faussaire, parfois ça m'arrive de me tromper et de confondre les vrais et les faux. Tu ne vas pas en faire tout un plat pour un misérable faux jeton. »
Cette tentative d'apaiser la situation n'est qu'une feinte ; en vérité, Seung Joo n'a nullement envie de voir le calme revenir entre eux deux. Il aimait bien leur relation auparavant, le calme qu'il pouvait y avoir lorsqu'ils discutaient ensemble ; ils n'étaient pas amis, mais ils le semblaient parfois, et c'était plutôt agréable. Tant pis pour lui : Seung Joo savait que cela ne pourrait tenir. Tout ce qui lui reste à faire, désormais, c'est de se débarrasser de l'Inuit. En attisant assez sa colère pour le faire sortir de chez lui à coups de poing.
« Je n'y peux rien si tu es assez bête pour aller chez mes collègues. Je suis croupier, je te l'aurai accepté, ce faux jeton. »
A vrai dire, le Coréen n'en sait strictement rien. Il sait qu'il risque d'avoir quelques problèmes si on apprend qu'il a mis de faux jetons en circulation, mais... bah, c'était surtout pour jouer un mauvais tour à Umiaktorvik. Et puis, maintenant, les choses sérieuses peuvent commencer. Seung Joo a sombré dans l'insulte, par conséquent, Naga serait en droit de prendre ombrage de celle-ci, et de réclamer justice. Oh, c'est tellement ce que souhaite Seung Joo. Un combat. Même si bien sûr cela ne serait sans doute pas aussi divertissant que de danser avec Knut, ce serait toujours assez pour relâcher la pression exercée sur ses nerfs.
Il veut lire, bordel.
Et la retrouver dans ses bras.
Mar 24 Mai 2016 - 22:58
Après avoir proféré quelques menaces, Naga était en droit d'attendre une réaction appropriée de la part de la victime. Voir Seung Joo tomber à genoux en pleurs n'était pas ce que Naga escomptait ; l'Inuit l'avait compris, le petit Coréen ne se laissait pas abattre pour si peu et avait besoin d'un peu plus pour éprouver de la peur. Ceci dit, une petite remarque sarcastique, un fugitif sourire moqueur, n'importe quoi prouvant que Seung Joo s'intéressait à la menace de Naga aurait été le bienvenu. Au lieu de cela, le petit Coréen tenta d'aplanir les choses en expliquant qu'il pouvait se tromper, bien qu'il traitât Naga d'idiot pour avoir utilisé les jetons en son absence. S'ils étaient vrais, Naga n'aurait jamais eu ce problème, mais puisque l'autre avouait si facilement qu'il était faussaire... eh bien, qu'y pouvait-on ? Il était évident qu'il n'en concevait aucune honte et qu'il n'allait éprouver aucune culpabilité.

« Je ne te demande pas de t'excuser, répliqua Naga d'un ton sec. Simplement de te rattraper. »

Les excuses, qu'est-ce qu'il en avait à faire, Naga ? Seung Joo avait déjà reconnu ses torts, et puisqu'il ne s'en repentait pas, vouloir absolument obtenir des excuses aurait été inutile. Le petit Coréen se serait très certainement montré hypocrite en s'exécutant, ce qui n'avait aucun intérêt. Cependant, Naga ne comptait pas laisser l'occasion de se venger d'une façon ou d'une autre. Il avait promis à Seung Joo qu'il le ferait payer, et ce type de menace faisait partie des promesses qu'il tenait volontiers. Et il sentait bien que le petit Coréen n'attendait que cela. Ses muscles s'étaient tendus comme s'il voulait se battre. Naga avait envie de le frapper pour lui faire passer cette idée saugrenue, mais cela aurait justement l'effet inverse : il aurait répliqué, et ils se seraient retrouvés à sa battre, sauf si Naga trouvait un moyen de calmer son humeur belliqueuse. Aucun intérêt.
Naga recula un peu, montrant clairement qu'il ne partageait pas les mêmes intentions que son camarade, et déclara sur un ton extrêmement hautain :

« Je suis civilisé. Je ne vais pas te rouer de coups, cela ne se ferait pas. En revanche... je vais chercher de quoi obtenir compensation. »

Son intention était de retourner tout l'appartement de Seung Joo afin de le mettre en désordre, et au final d'emporter avec lui un objet de valeur moyenne pour marquer le coup. Cette mesure servirait d'avertissement : Naga n'avait pas envie de couper les ponts avec le petit Coréen, mais il devait lui faire comprendre que la fois prochaine, s'il y en avait une, il se montrerait bien plus violent. C'était la meilleure des solutions. Aussitôt après avoir fait cette déclaration, Naga se retourna pour mettre son projet à exécution... et se retrouva nez à nez avec une fourrure blanche et rose.
L'importance de ce moment mérite que nous sautions une ligne.

Nous avons sauté une ligne.
Tout comme le cœur de Seung Joo lorsqu'il l'avait découverte dans la rue, le cœur de Naga se mit à fondre à son tour. Elle était adorablement mignonne, les deux petites perles lui servant d'yeux avaient attrapé le regard de l'Inuit et le fixaient avec densité. Un seul coup d'œil au cœur pailleté cousu sur la poitrine suffit à tout comprendre. Bien sûr, Naga était subjugué par la force sublime du petit ourson rose et blanc... mais bon sang, vous saviez le prix de ces petites bêtes ? Une petite fortune. Et ce Hwang avait cet ourson chez lui, bien exposé dans la porte d'entrée... Naga en était vert de jalousie.

« Hwang. Ta peluche. Je la veux. »

Son désir s'exprima par ces paroles prononcées d'une voix blanche. En cet instant, les murs avaient disparu, les objets aussi, et la pièce fallacieuse semblait presque avoir perdu de son importance. Tout ce qui comptait, en cet instant, était d'obtenir cette pièce de collection, non pour la revendre, mais pour le plaisir de la posséder. Principe ô combien contraire à la doctrine altermondialiste, mais qu'importe. Ils n'avaient pas sous les yeux la splendeur de la peluche.
Jeu 26 Mai 2016 - 18:54

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Il n'y a pas grand-chose qui intéresse Seung Joo. La baston. La lecture. Ça dépend des moments, ça dépend de son humeur. Ça dépend de la personne qu'il pense être à l'instant présent. Et pour le coup, Seung Joo sait qu'il est en plein flottement, un peu entre les deux. C'est l'effet de la colère. La colère est dévastratrice, chez lui ; quand il enrage, il perd aisément pied, et se laisse entraîner par ses pulsions. Il a déjà fait le coup, avec Wilhelm. Trauma n'est jamais que lui-même, quand il refuse de s'imposer de stupides limites.
Mais pour quoi s'énerve-t-il, au juste ?
Il est coupable, c'est un fait ; mais il n'apprécie vraiment pas que l'on vienne le trouver chez lui, alors qu'il est tranquillement en train de se reposer, pour lui balancer des accusations terribles (mais vraies) à la figure. Merci, mais le Coréen n'a pas besoin qu'on lui balance ses quatre vérités. Sans doute déteste-t-il être mis devant le fait accompli. Il ne supporte pas qu'on lui dise : « tiens, regarde, voilà le genre d'homme que tu es ». Il le sait bien. C'est parce qu'il le sait qu'il fuit, encore et toujours. Il n'a donc pas la moindre envie de se rattraper, quoiqu'en dise Naga. Cependant, il se force à lâcher d'une voix moqueuse :
« Et que puis-je faire pour te plaire, Umiaktorvik ? »
Il est presque déçu que Naga n'ait guère envie de le rouer de coups. Dommage, car il aurait une belle surprise. Toutefois, la part de lui ayant gardé le contrôle est sans doute soulagée de constater qu'il ne risque pas de se perdre dans l'ivresse d'un ballet de poings. Il se sent déchiré, Seung Joo ; et peut-être devine-t-il que la suite ne va pas lui plaire.
Parce qu'elle était là.

Elle, c'est cette peluche à laquelle il ne cesse de penser depuis le départ. Le partenaire de ses nuits enchantées, le compagnon de ses jours de douceur. Il ne retombe pas en enfance quand il sert son ourson dans les bras, Seung Joo : il n'a jamais été très nounours, sans doute parce que, enfant, ses pensées étaient préoccupées par bien d'autres choses que les jouets d'enfants. Mais elle. Elle a la beauté d'un matin rosi par le lever du soleil, et la tendresse des draps chauds dans lesquels on se couche à la nuit tombée. Elle est trop importante pour lui, cette peluche, c'est son exception, sa pointe de bienveillance dans un monde trop noir, trop dur. Jamais Seung Joo ne s'en séparera. Elle lui est apparue tel un signe du ciel, elle l'a appelé, c'est son destin (oui, le destin, j'insiste) que d'être à ses côtés. Et non de reposer entre les bras d'un vanupieds inuit incapable de faire la différence entre le vrai et le faux.
Seung Joo comble la distance entre son ours et lui, et le sert furieusement dans ses bras, lançant un regard courroucé à Naga.
« Je t'emmerde, Umiaktorvik. »
Il peut prendre cela pour un non.
Ven 27 Mai 2016 - 20:06
Le silence n'est pas l'absence de sons. Le silence est ce moment où votre cerveau refuse d'enregistrer les sons qui vous entourent pour vous permettre d'apprécier le moment présent. Le retour au bruit n'est pas violent : ce qui vous choque plutôt, c'est d'avoir été coupé de la réalité pendant quelques secondes et de percevoir les différences entre avant et après. C'était ce qui venait d'arriver à Naga. L'instant d'avant, il contemplait le nounours rosé trônant dans l'entrée, ses adorables petits poils synthétiques qui connotaient la douceur enfantine, et il se disait qu'il voulait bien l'avoir. Il ne voulait pas spécialement malmener l'attachement affectif de Seung Joo pour ce petit être de tissu, traitez-le de manipulateur si vous le désirez, ce n'était pas ce qu'il avait en tête. Il ne voulait pas s'approprier la propriété d'autrui, juste... s'approprier ce qu'il désirait de tout son être en cet instant précis. L'instant d'après, il voyait ledit Seung Joo serrer amoureusement la peluche en lui exprimant le fond de sa pensée. C'était cette parole violente, prononcée avec force mépris, qui avait heurté la sensibilité de Naga au point de le faire revenir sur Terre. Il avait oublié qu'il ne pouvait prendre ce qu'il voulait, que des règles existaient pour régir les rapports entre êtres humains, et que le peu de respect que le petit Coréen avait pour elles ne voulait pas dire que Naga pouvait se permettre de se comporter de la sorte. Œil pour œil, dent pour dent, mais avec modération.
Il y avait quelque chose d'étrange dans la vision d'un Seung Joo brusquement retombé en enfance. Son hostilité n'avait fait que se renforcer en même temps que sa jalousie possessive. Au moment même où il lui montrait le plus de faiblesse, il était sur la défensive, petit loupiot prêt à montrer les crocs si le grand ours venait lui réclamer. Vous voyez le rapport de force, cela ne peut pas bien se finir pour l'un des deux. Naga était légèrement déstabilisé. Cette vision pathétique ne valait-elle pas, d'une certaine façon, un paiement tout à fait satisfaisant ? Une petite photo prise à ce moment pouvait ruiner la réputation de Seung Joo plus sûrement que s'il révélait le trafic auquel il se livrait. Personne ne pourrait vanter sa virilité en le voyant avec un nounours en partie rose.

Mais non.
Cela ne se pouvait.
C'eut été briser en mille morceaux le désir que Naga sentait pour cette peluche. Les désirs, Naga s'en méfiait bien entendu, car les siens avaient le don de détruire les objets – et personnes- fragiles qui l'entouraient. Il ne voulait plus entrer dans ce rapport néfaste qui le minait de l'intérieur. Mais celui-là ne blesserait personne, sauf peut-être Seung Joo, qui aurait le malheur de perdre sa peluche – ce petit salaud ne méritait qu'on le prît en pitié. Il méritait cette perte. Naga ne le prendrait pas en considération.
C'eut été se trahir soi-même, en apportant le blâme sur une pratique qu'il jalousait. Il voulait apporter de l'amour à l'objet avec autant de passion que le petit Coréen. Naga ignorait s'il en était capable, et il y avait fort à parier qu'il ne l'était pas. Son désir serait probablement déçu dès qu'il tiendrait la peluche entre ses mains, car il n'était pas capable de s'enflammer comme son ennemi. Mais s'il pensait cela, il avait déjà perdu.
Ressaisis-toi.

Naga ignora le regard meurtrier de Seung Joo pour le toiser de toute sa taille. Il avait pratiquement vingt centimètres de plus que lui, cela le mettait en joie. Il n'avait rien contre les hommes petits, ne désirait pas se moquer d'eux, par charité, mais en cet instant, ces presque-vingt centimètres lui conférait une autorité dont il ne se croyait pas doté. Il baissa la tête pour se rapprocher du visage du petit Coréen et lui rappeler ce rapport de force :

« Je ne t'ai pas demandé ton avis. »

Sa main s'avança d'elle-même vers l'objet de son désir, effleurant du bout des doigts la peluche avant de se poser sur sa douce surface. Naga sentait son moelleux délicat sous sa paume et résista à l'envie de la caresser. Il était prêt à resserrer sa prise dès qu'il le faudrait, mais tant que Seung Joo serait attaché à son bien, il préférait ne pas essayer de l'arracher. Il ne se pardonnerait sans doute pas si des poils tombait par terre, même si Naga se sentait capable de désirer encore un objet abîmé.

« Lâche. »

Ses yeux étaient froids. Son ton était froid. Naga avait mis toute l'autorité qu'il possédait dans ce simple mot, afin de le rendre performatif. Il voulait voir les muscles de Seung Joo perdre leur prise sur le nounours pour laisser Naga s'en emparer si facilement. Il voulait voir la peur et la résignation dans les yeux du petit Coréen lorsqu'il comprendrait qu'il n'avait d'autre choix que de céder.
Il voulait cela, et tellement plus, Naga. Mais cela suffirait pour le moment.
Mar 31 Mai 2016 - 18:37

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Seung Joo ne songe pas un seul instant que son geste peut être interprété comme puéril ou ridicule. Y a-t-il du mal à aimer un doudou destiné à apporter bonheur et amour à un être qui est souvent enfant, mais pas uniquement ? Eh bien, non. Seung Joo n'est pas particulièrement par les nounours. Juste par celui-ci. C'est dire à quel point celui-ci est irremplaçable. S'il le donnait à Naga, il ne pourrait pas en trouver un autre. Sans doute est-ce vrai de toute peluche aimée, d'ailleurs. Mais dans le cas du Coréen, c'est encore pire. Il ne pourra jamais s'attacher à un autre nounours de toute sa vie. Il n'y a qu'elle. Elle et sa douce fourrure rose.
Est-ce que Naga peut le comprendre ?
Sans doute ne la désire-t-il que pour embêter Seung Joo. Oui, ce serait là un excellent trophée à s'approprier ; ne serait-ce pas comme de s'emparer du cœur du croupier, tout simplement ? L'Inuit aurait de quoi s'en vanter. Voilà une raison supplémentaire pour Seung Joo de ne surtout pas céder. D'affirmer haut et fort que cette peluche est à lui, et à nul autre. C'est essentiel.
Ce qu'il défend, par conséquent, ce n'est pas seulement son droit de propriété sur une malheureuse peluche. C'est son droit à l'amour, tout simplement. Son droit à se trouver un asile dans le creux de ses bras. Son droit à être libre, peut-être. Naga a beau essayé de l'impressionner, de le dominer de toute sa taille, le Coréen lui renvoie un regard noir, nullement affecté par sa tentative de lui faire peur.
« Et je ne te demande pas le tien. Elle est à moi. »
Alors que les doigts de Naga s'aventurent dans son pelage de neige, Seung Joo se surprend à resserrer sa prise. Il pourrait dire à Naga tout ce qu'elle représente à ses yeux, tout le mal qu'il lui ferait en la lui arrachant. Au lieu de cela, il choisit l'attaque, et entreprend d'exprimer clairement le fond de sa pensée :
« Pourquoi tu la veux, d'abord ? Elle n'a aucune valeur financière. Elle n'a de valeur que celle que je lui donne. Si tu veux des vrais jetons, sers-toi. Si c'est de l'argent que tu veux, vas-y. Mais pas elle. Compris, vieux schnock ? »
A vrai dire, cette dernière expression, un peu maladroite, Seung Joo ne sait peut-être pas entièrement ce qu'elle veut dire. Il l'a entendue une fois, et depuis il l'a récupérée comme une insulte. Il sait juste que ce que veut dire vieux. Et de toute façon, Naga est plus âgé que lui - pas de beaucoup, mais suffisamment - alors même qu'il est né bien après lui. C'est marrant, les miracles de Pallatine, non ? Pas quand ces miracles menacent de lui prendre l'un des deux êtres auxquels il tient le plus en ce bas monde.
Sam 4 Juin 2016 - 15:11
L'heure n'était pas aux amabilités, mais à ce combat pour l'instant potentiel qui planait au dessus des deux protagonistes. Chacun, aux mouvements de l'autre, s'était préparé à une confrontation. Seung Joo s'était recroquevillé sur sa peluche, qu'il protégerait de son corps si Naga se décidait à attaquer. L'Inuit, de son côté, s'était fait plus froid qu'un iceberg. Tant d'aspects de sa personnalité que les autres ne comprenaient pas ! Naga pouvait être ce jeune homme charmant, prêt à tout pour défendre une cause qui n'était pas la sienne. Il pouvait être cette ordure qui n'avait que faire des autres et ne recherchait que son plaisir personnel. Il pouvait être enfin ce bloc de glace que rien n'ébranle, pas même la fâcheuse tendance qu'il avait d'abandonner lorsque la lassitude se faisait sentir. On dit que la passion enflamme, mais non, Naga savait que c'était faux : elle vous clarifiait l'esprit et vous donnait le sang froid nécessaire pour affronter vos ennemis.
La peluche se dérobait sous ses doigts tandis que Seung Joo, étrangement, semblait encore être en train de négocier. Il ne comprenait pas que les motivations pour lesquelles Naga désirait s'approprier ce bien était en fait exactement les mêmes que les siennes. Naga non plus refusait de prêter de telles intentions à Seung Joo. Il préférait le qualifier d'enfant, de personnage émotionnellement fragile, plutôt que d'admettre que, lui aussi, avait été touché par le nounours, qu'il avait besoin de la douceur qu'il lui procurait parce que personne d'autre ne lui en offrirait. Naga aussi en avait besoin. Il n'avait trouvé aucune personne pour combler ce besoin qui dévorait son cœur. Son colocataire, Hafiz, était gentil, mais trop doux, trop soumis, pour être cet ami ou ce parent dont Naga avait besoin. Alexander avait le caractère nécessaire pour lui tenir tête, mais son étrangeté mettait Naga mal à l'aise. Cassandra était plus proche de ce qu'il attendait, et il l'en remerciait. Mais cette amitié franche et sincère qui unissait deux êtres humains au point de tout partager ? Ce père ou cette mère qui a toujours un œil sur vous et vous soutient lorsque vous êtes au fond du trou ? Tout cela, Naga l'avait perdu, et cela lui manquait. Il se sentait seul, si seul, qu'il avait besoin d'un réconfort que seule une peluche pouvait en partie pallier.

« Tu ne devrais pas m'appeler vieux schnock, alors que c'est à cause des gens aussi petits que toi qu'on se moque des Asiatiques. Tu n'as pas honte d'être un cliché ambulant ? »

Naga n'avait pas pu s'en empêcher : en temps normal, il aurait pu faire un effort pour rester poli, mais ce petit Coréen faisait tout pour éveiller sa colère et méritait les propos ironiques qu'il lui tenait. Du point de vue de Naga, d'ailleurs, ce qu'il lui avait dit rester très gentil. Ça l'amusait, de traiter Seung Joo de raciste parce qu'il faisait tout pour être identifié comme un Coréen. Naga était pourtant attaché à la culture inupiat, mais ne passait pas son temps à crier haut et fort qu'il en était un en arborant des traits ou des habitudes typiques de ce monde.

« Je me moque de la valeur financière de ta peluche. Tout ce que je veux, c'est une réparation, et je ne fais plus confiance à tes jetons et ton argent. J'ai trouvé ce que je veux, tu ne peux plus me faire changer d'avis. Alors, qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ? Te battre ? Si c'est le cas, pose ta peluche, je t'en voudrai à mort si tu l'abîmes. Tu sais, tu ne mérites pas son amour, alors que moi... alors que moi... »

Foutue voix qui se brisait juste au moment où Naga allait enfin avouer ses sentiments pour le nounours ! Pourquoi faisait-il preuve d'une telle sensibilité au moment critique ? Sa fierté, sans doute, avait pris le dessus, pour l'empêcher de se ridiculiser devant le petit Coréen. L'idée était en elle-même ridicule, car le ridicule ne tue pas. S'il avait tout, peut-être Seung Joo serait-il touché par son histoire. La solitude de celui qui est entouré en permanence, la détresse à se sentir détesté alors que les autres n'étaient pas inquiétés, le poids d'une réputation que l'on se traînait... Naga était fort, indifférent, refusant de montrer toute faiblesse, mais pour un ours blanc et rose, il était prêt à faire quelques sacrifices.

« Donne-la moi, je t'en prie. »

Et une minuscule larme perlait au coin de son œil gris.
Dim 5 Juin 2016 - 11:23

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Seung Joo sent qu'il pourrait aisément devenir plus violent que Trauma à ce stade. Cela l'étonne lui-même. Il ne pensait pas pouvoir s'attacher à quelque chose de façon aussi profonde. Bien sûr, il y a Knut. Il l'aime. Mais il le déteste. Et c'est là toute la complexité de leur relation : peut-être rejette-t-il tout l'amour qu'il peut avoir sur le natif en emplissant son cœur de haine. C'est une question de contrepoids. Toutefois, avec cette peluche, il ne saurait être question d'un tel arrangement. Il l'aime de tout son cœur. Et rien d'autre. Naga ne peut-il donc pas le comprendre ? N'a-t-il donc jamais remarqué que la santé mentale du Coréen n'est sans doute pas la plus exemplaire, et que par conséquent, il vaut mieux agir avec précaution avec lui ? Ne sait-il donc pas que les enfants sont fragiles et ont besoin d'un support matériel dans lequel enfermer leur amour et leurs craintes ? Car Seung Joo est encore enfant, il n'a que vingt-trois ans, et l'âme d'un jeune qui ne sait pas encore ce qu'il va faire de son avenir. Qui, tel un gamin, fuit plutôt que d'assumer ses responsabilités. Sauf que Seung Joo n'est pas comme Naga, il n'a plus sa famille pour le soutenir, mais il a toujours quelqu'un pour lui venir en aide, une forme de figure paternelle là où il ne pensait pas en trouver une. Et des amis, il en a aussi. Min Seo. Bae Ming. Et d'autres encore. Au final, il n'est sans doute pas aussi seul que l'Inuit. Juste bien plus brisé que lui.
« Oh, vraiment, désolé d'être né dans les années 1930 alors que visiblement, on était encore plus petits qu'à ton époque. Franchement, tu fais pitié Umiaktorvik, tout ramener à ma taille, c'est bas. »
Il commence à en avoir un peu assez de toutes ces personnes qui lui disent « oh, tu es petit, Seung Joo ». Oui, c'est bon, il a compris, il a une taille de fille, et alors ? Ce n'est pas la taille qui compte, d'abord, c'est ce qu'on fait qui détermine si oui ou non, on est un danger. Il ne comprend pourquoi tout le monde semble vouloir savoir combien il mesure, ou tenter de le rabaisser. Il est fier de sa taille, vous savez ? Au moins, lui peut plus facilement passer inaperçu que les grands dadais comme Naga. (En vérité, son vrai problème c'est son œil crevé, alors forcément, la taille, en comparaison... c'est vraiment dérisoire.)
Ce à quoi il ne s'attendait pas, en revanche, c'est que l'inuit manque de fondre en larmes en affirmant son amour plus fort pour la peluche. Seung Joo reste un instant interdit. Bien que toujours en colère, il se sent désarçonné par cette soudaine effusion. Se pourrait-il que le Naga... soit en fait quelqu'un de bien ? Seung Joo repose la peluche sur le guéridon du hall et s'approche de Naga, le regardant droit dans les yeux.
« Alors que toi, tu as honte d'admettre que tu aimes une peluche ? Alors écoute-moi, Umiaktorvik. Moi, je l'aime. Ce nounours est toute ma vie. C'est mon bien le plus précieux, mon meilleur ami, mon confident. Alors je ne le donnerai jamais à quelqu'un qui n'est pas capable de l'affirmer haut et fort. Trouve-toi une autre forme de compensation si tu ne veux pas de mon argent. »
Sa voix, glacée, reflète tout le mépris qu'il peut avoir pour un garçon qui croit vraiment que le fait d'aimer une peluche blanche et rose peut être un crime contre sa virilité. Eh bien non. Et si quelqu'un l'affirme, Seung Joo ira lui péter les rotules. Ça suffit les conneries.
Dim 5 Juin 2016 - 14:32
Les supplications n'étaient pas dans la nature de Naga. Il avait appris à écouter son cœur, mais pas à l'ouvrir aux autres. Certaines personnes pouvaient laisser s'écouler tout ce qui traînait en elles, faiblesses blessures et rancœurs comme une vague libératrice, mais Naga en était incapable. Les paroles d'un hypocrite étaient toujours en décalage avec ses pensées. Même lorsqu'il essayait de retranscrire son intériorité avec le plus de justesse possible, sans masque, sans filtre pour déformer le message original, Naga n'y parvenait pas. Une part de lui se retenait toujours de se livrer totalement. Ses larmes brillaient aux coins de l'œil, mais elles ne couleraient pas – son cœur était trop sec, trop froid, elles gelaient déjà avant même d'être venues totalement à la vie. Ses phrases étaient trop calculées – la spontanéité n'était jamais complète, Naga avait déjà envisagé l'accueil de sa réponse, même s'il pouvait se tromper.
C'est parce que je suis incapable de me montrer aussi honnête que je devrais. Même quand j'essaie de l'être, je me cache derrière de faux-semblants. Il ne faut pas s'étonner que Hwang ne me comprenne pas... Naga, une fois de plus, acceptait l'idée qu'il était en faute et qu'il devait faire quelque chose pour rectifier son comportement. Mais vous savez comment cela finirait. Naga s'en voudrait, mais il serait incapable de rendre réel son pardon. Naga pourrait dire des tonnes de choses pour essayer de calmer la situation, ou pour attendre Seung Joo d'un repentir aussi touchant que sincère. Mais il fallait toujours qu'il choisisse la pire solution, celle de rester sur ses positions et de ne pas faire un part en avant, par exemple.

« Je n'y suis pour rien si ta taille est basse. » rétorqua Naga en haussant les épaules.

La provocation était tellement plus simple que l'excuse ou la lamentation. À l'origine, les deux personnages ne parlaient pas la même langue. Le petit Coréen avait dû apprendre la langue maternelle de Naga pour s'adresser à lui et à toutes les personnes vivant à Pallatine. On pensait dans sa langue, d'après les structures mentales qu'elle créait : cela devait être la raison pour laquelle ils ne se comprenaient pas. Et lorsqu'on ne se comprenait pas par les mots, seule la violence restait.
Naga avait perdu. Seung Joo ne ressentait plus le besoin de faire barrage de son corps : il avait trouvé le moyen de vaincre Naga en l'attaquant sur le domaine des sentiments, le seul où l'Inuit ne pouvait le suivre. Seung Joo avait peut-être l'innocence nécessaire pour révéler le fond de son cœur, mais Naga en était de toute façon incapable. Puisque ce dernier ne pouvait expliquer qu'il pouvait aimer la peluche à son tour, Seung Joo concluait qu'il était celui qui convenait le mieux au nounours. Sûr de lui, il reposa le trophée tant convoité sur le guéridon, sachant pertinemment que Naga ne pourrait jamais l'atteindre.
Le cœur de Naga gelait de plus en plus vite. Il se sentait privé d'une chaleur dont il avait cruellement besoin. Pourquoi ceux qui avaient la parole auraient le droit à plus d'amour que lui ? Comment faisaient les muets ? Pourquoi les paroles de Seung Joo auraient-elles plus de valeur que les sentiments de Naga ?

« Ce n'est pas de la honte... » affirma Naga d'une voix plus grave et assurée.

C'était de la pudeur, tout simplement. Et il était grand temps de la jeter aux orties s'il voulait obtenir la peluche.
Brusquement, Naga attira Seung Joo contre lui et lui caressa la tête, un geste et délicat qui avait quelque chose de désespéré. Comme si Naga cherchait l'ancre de son bateau sans parvenir à la retrouver. Sous sa main, les cheveux de Seung Joo avait une douceur toute féminine, mais loin d'être aussi agréable que la peluche que Naga désirait. On sentait le crâne sous les cheveux. C'était désagréable.
Puis, quelques secondes, il ajouta, d'un voix légèrement moqueuse :

« Tu vois, ce n'est pas de la honte. Je ne saurais pas en éprouver, petit Seung Joo. »

Naga n'éprouva aucun regret lorsque, fatigué de ce contact qu'il aurait préféré éviter, il balança le petit Coréen sur le côté, loin du guéridon. Puisqu'il fallait ruser, il acceptait de le faire. Il pourrait regretter plus tard la lâcheté de ses méthodes, mais bon sang, c'était lui qui avait été blessé en premier lieu, on ne pouvait s'attendre à le voir réagir de façon raisonné. Débarrassé du poids encombrant de Seung Joo, Naga prit une longue inspiration. Il revenait à la vie, à présent. Il ne lui restait plus qu'à récupérer son bien et à s'enfuir de ce taudis irrespirable.
D'elle-même, sa main se leva et se tendit vers le nounours blanc et rose. S'avança lentement vers l'objet de ses désirs.
Mar 7 Juin 2016 - 20:54

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
A ce stade, Seung Joo est quasiment prêt à en découdre.
Il n'a plus besoin que d'un prétexte pour se glisser dans la peau de son autre, quand bien même il n'en porte ni le masque ni la perruque. Ce moment constitue la première fois, au cours de son existence, où il est prêt à faire le lien entre les deux facettes de son âme. Où il est prêt à emprunter la force de Trauma pour défendre ce qui lui est cher. Car oui, son nounours lui est cher. C'est probablement ce qui lui tient le plus à cœur, ce qu'il a le plus envie de défendre. Plus encore que sa propre existence, qu'il pourrait volontiers abandonner à Knut si tant est que celui-ci ait bien la force de la lui ravir. Naga peut ainsi s'en féliciter. Car jamais nul, avant lui, n'avait réussi à produire un tel effet.
Seung Joo se sent en effet menacé.
Et ce qu'il y a de plus drôle, c'est que ce n'est nullement sa propre personne qui est visée, mais son cœur.
Le centre même de son âme.
Le Coréen a posé la peluche pour une unique raison. Pour ne pas l'abîmer si jamais ils en viennent aux mains. Ils pourraient en venir aux mains. Ils en viendront probablement aux mains. A ce stade, ce n'est plus qu'une question de temps. Encore quelques minutes. Encore quelques secondes. Il l'ignore. Mais chaque battement de son cœur, chaque inspiration marque la lente ascension vers cette violence nouvellement acceptée. Le hall est petit - non pas comme lui -, un peu exigu, mais ne contient pas vraiment de meuble. Un guéridon, un porte-manteau, un meuble à chaussures. Et un nounours trônant sur le guéridon, dardant un regard faussement doux sur les deux hommes qui emplissent le reste de l'espace vide. Non, ce n'est nullement un endroit fait pour se battre. Uniquement pour enlever ses chaussures lorsqu'on vient de l'extérieur, et poser son manteau.
Seung Joo ne ressent pas l'euphorie de la victoire. Il devine que Naga n'abandonnera pas. Il le sent. Aussi s'étonne-t-il d'abord de la réaction de l'Inuit. Ce n'est pas de la honte. Non ? Mais pourquoi diable le prend-t-il dans ses bras ? La façon dont Naga l'attire contre lui, dont il caresse ses cheveux, désarçonne le Coréen. Tout à coup, il devient brusquement conscient du pêcheur. De la chaleur qu'il dégage. De la sensation piquante mais suave de ses cheveux blancs effleurant son visage, comme s'il baladait un pinceau sur sa figure ronde. En cet instant, Seung Joo se rend compte qu'il a affaire à un être humain, à un homme. Et le contact lui plaît.
Ses envies d'en découvre reviennent en force quand Naga le rejette violemment.
Le dos de Seung Joo heurte le mur ; toutefois, l'impact n'est pas suffisant pour le désorienter. En un instant, le Coréen ébahi, surpris, envoûté, reprend le contrôle sur ses émotions. Et s'il y a une chose dont Naga devrait se souvenir, c'est que le croupier est avant tout un bagarreur. Habitué à réagir en vitesse, le jeune homme évalue la situation dans laquelle il se trouve : Naga, à même pas un mètre de lui, la main tendue vers l'objet de son désir. Non. Il ne saurait l'accepter. Alors Seung Joo fait la première chose qui lui vient à l'esprit. Il balance sa jambe en avant, pour faucher celles de Naga.
Cela le déséquilibre, mais ce n'est pas suffisant pour faire tomber l'altermondialiste, car Seung Joo a mal évalué son coup. Toutefois, ce dernier remplit malgré tout son but : une seconde de surprise, qui désoriente Naga, et laisse à Seung Joo la possibilité de repartir à l'assaut. Il se jette sur lui, le fait tomber et bloque ses jambes.
« Salaud. » : lance-t-il d'une voix glacée.
Puis, avec la détermination insensée de Trauma, il envoie son poing en direction du visage de Naga.
Mer 8 Juin 2016 - 20:25
Il y eut un choc net et violent, quelque part du côté de Seung Joo, le bruit d'un corps qui, pour la deuxième fois, heurtait un mur. Naga s'était habitué à ce son sourd. Il ne pensait pas un seul un instant que ce type d'impact pouvait blesser, voire tuer ; Naga avait tout simplement oublié qu'il avait, comme tout le monde, la capacité de faire du mal à autrui. Son attention n'était pas tournée vers le petit Coréen, qu'il avait écarté de ses pensées en même temps que de ses bras, mais de la peluche qu'il allait bientôt serrer dans ses bras. Le cœur battant à tout rompre, l'Inuit anticipait le toucher soyeux du nounours, qu'il ne connaissait désormais que trop bien. Avant même d'avoir mis effectivement la main sur son pelage, il avait l'impression d'en ressentir la sensation. Ce n'était pas naturel, tout cela. Naga ne comprenait pas la force d'attention de cet objet qui aurait dû être insignifiant. Ce comportement ne lui ressemblait pas. Mais au diable les convenances ! Naga étouffait depuis trop longtemps pour s'en soucier.
Le monde commença à se renverser brusquement ; une jambe venait faucher les siennes pour le faire tomber. Quel coup traître, vraiment, mais pouvait-il s'en plaindre, alors qu'il avait lui-même fait preuve de ruse pour se débarrasser de Seung Joo ? Naga n'était pas méchant au point de regretter de ne pas l'avoir mis hors d'état de nuire. Cela dit, s'il avait pu se donner au moins le temps de récupérer la peluche, il aurait sans doute pu quitter l'appartement dans la foulée et s'éloigner avec un Coréen sur ses talons. Naga ignorait la vitesse de celui-ci, mais espérait que ses petites jambes seraient un handicap. À force de faire des allers-retours Pallatine-Ocane, Naga n'était peut-être pas devenu plus rapide, mais son endurance s'était amélioré : la course-poursuite dveait être gérable. Malheureusement, ce scénario ne se réaliserait jamais. Naga réussit, il ne sut comment, à rester sur ses pieds, mais son équilibre était perdu. Pendant les quelques secondes où son corps se balancerait, incertain, Seung Joo avait largement la possibilité de le mettre au sol. Si cela arrivait, Naga était perdu.
Le pire arriva, et en moins de temps qu'il n'en faut pour décrire le geste, Naga se retrouva au sol - son corps, cette fois-ci, fut celui qui émit ce son sourd qui ne le gênait plus. Seung Joo savait ce qu'il faisait : il avait pris soin de bloquer les jambes pour l'empêcher de s'en servir, mais il n'avait pas empêché Naga de se servir de ses bras, sans doute parce qu'il désirait recevoir des coups en retour. Le poing du petit Coréen, commença sa descente vers le visage de Naga, accompagné d'un « salaud » tremblant de rage. Esquiver. Il pouvait esquiver, cela ne lui demanderait pas beaucoup d'efforts. Seung Joo avait assez de pratique pour lui faire du mal. Cela ne s'annonçait pas joli à voir.
Le poing s'écrasa enfin contre le visage de Naga, qui ferma automatiquement les yeux au moment du choc. Il sentit le coup, porté avec une certaine violence, vriller son crâne, grimaça, mais ne se permit pas de laisser échapper le moindre cri - sa fierté en dépendait. Naga aurait pu arrêter ce poing, et les suivants, mais il ne tenait pas à riposter et donc, ne voulait pas stopper Seung Joo. Qu'il se déchaîne donc sur l'Inuit. Naga était loin d'être fragile : il n'avait peut-être pas l'habitude se battre, mais il savait réceptionner les coups et les supporter. Ce n'était pas les petits poings du Coréen qui allaient le faire pleurer.
Il était si petit, Seung Joo, que Naga ne se sentait pas capable de riposter. Son apparence avait quelque chose d'enfantin, de féminin, de délicat qui inspirait la pitié. Il donnait l'impression que son visage se briserait à la moindre violence. Et pourtant, il se déchaînait, là, il était un océan de haine, mais même cette vérité ne parvenait pas à briser la certitude que Naga devait résister à l'envie de riposter.
Il avait gagné, d'une certaine manière. C'était la toute première fois que cela lui arrivait, et après avoir vu pendant si longtemps la défaite se faufiler à grands pas, Naga s'étonnait presque de ce dénouement. Les provocations et la retenue de Naga avaient fait de lui quelqu'un d'indigne du nounours. Mais qu'en était-il de Seung Joo, qui laissait exprimer toute sa haine à travers ses poings ? Ce n'était pas non plus digne de la douceur suprême. Naga pouvait le laisser frapper, désormais : son sentiment de victoire l'aidait à se détendre et à accepter le déluge qui allait bientôt pleuvoir sur lui.
Naga avait gagné parce qu'ils avaient tous les deux perdus.
Ven 17 Juin 2016 - 18:34

Seung Joo

 Il ne faut pas nécessairement qu’un ours soit neuf, ni qu’il soit beau. Il faut qu’il soit là.
Seung Joo s'attendait presque à ce que Naga se dérobe à ses coups, qu'il esquive avec l'habilité d'un boxeur ses poings vengeurs. En fait non. Naga ne se soustrait pas à l'attaque, au contraire, il l'accueille avec un stoïcisme qui témoigne d'une certaine habitude. Le Coréen peut comprendre que son ami l'Inuit n'est pas un de ces gros durs qui font les fiers avant le combat mais qui, une fois celui-ci commencé, s'effondrent en pleurs aux moindres bobos. Non, Naga est comme lui. Un vrai. Quelqu'un qui connaît le sens réel d'une bonne baston. Et si Seung Joo n'avait pas déjà Knut, sans doute son intérêt pour Naga s'éveillerait en cet instant. Mais tel n'est pas son destin. Car il y a un second problème, bien plus grave.
Naga ne semble guère vouloir répliquer.
A la façon dont il fige son corps, crispant ses muscles et fermant les yeux, plus pour se retenir que pour atténuer un choc qui irait plutôt en s'aggravant par une telle posture, il est manifeste qu'il n'a aucune envie de se battre. Et, alors que Seung Joo lève le poing en l'air pour l'abattre une seconde fois, il s'immobilise subitement, observant longuement Naga. Avec ses cheveux blancs et ses airs américains, on oublie parfois l'étincelle d'exotisme qui anime ses traits. Seung Joo se laisse bercer par cette surprise quelques secondes. Doit-il continuer ? S'il le fait, il risque d'abîmer ce visage de demi-inuit, quelque chose de rare à Pallatine - comme s'il allait briser un joyau coûteux. Trauma le ferait, bien sûr. Trauma n'a pas de limites. Mais il est encore lui-même, il est encore Seung, le petit Coréen qui n'a pas le cœur mauvais, car il peut se laisser attendrir par une peluche.
Sa main retombe à ses côtés.
Seung Joo retient un cri de frustration. Si Naga ne hurle pas, lui non plus. Au lieu de cela, il l'agrippe par le col sans la moindre délicatesse et lance d'une voix tendue.
« Ouvre les yeux et dis-moi pourquoi tu ne veux pas te battre. »
Il est persuadé que c'est à cause de lui. De la finesse de ses traits. De la petitesse de sa taille. De l'handicap de son œil crevé. Il en a marre, Seung Joo. Marre de ces gens qui critiquent sa virilité sur ces seuls critères, sans jamais s'intéresser à rien d'autre. Marre de ceux qui le voient comme fragiles, sans avoir conscience que la seule fragilité en lui, c'est son indécision à s'assumer. Marre d'être vu comme un garçon faible, qu'il ne faut pas frapper, presque à l'égal d'une femme.
Surtout de la part de quelqu'un comme Naga.
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