Réponse intéressante, songe Seung Joo, et qui le concerne également. Aller vers les autres ? c'est une destination mystérieuse et compliquée. Visiblement, cela gêne Naga. Et comme son interlocuteur n'est pas très doué non plus... « Je ne sais pas non plus. Pendant longtemps, le monde s'est divisé entre ennemis et alliés potentiels. Maintenant... » Il laisse traîner sa voix. Il fait cette confidence dans l'espoir que, peut-être, Naga se sentira plus à l'aise avec lui. Car il est sûr d'une chose : il n'a guère envie que leur inimitié se poursuive.
Naga n'arrivait pas à dire s'il pouvait totalement faire confiance à Hwang. Il en avait sacrément envie. Fut un temps, il s'était assez proche de lui - avant que celui-ci ne le trahisse, et puis qu'il lui casse le bras. Mais Hwang avait perdu de son caractère combatif, et lui avait offert le cadeau idéal de réconciliation - Naga avait envie que tout redevienne comme avant. Il aurait dû faire preuve de davantage de prudence, mais voilà bien quelque chose dont il se sentait incapable. Alors il laissa ce soupçon d'amertume qui lui restait encore, et qui mettrait un peu de temps avant de disparaître, répondre à sa place :
« Tu sais, une partie de tes ennemis, c'est peut-être toi qui te les es faits. Je veux dire... » Naga marqua une pause, avant de laisser exploser toute sa rancune. « Comment tu peux tromper les gens comme tu le fais ? Leur mentir ? Leur faire croire qu'ils peuvent t'accorder leur confiance alors qu'ils ne sont pour toi que des outils ?! »
Il n'était pas tant en colère que ça - depuis le temps, il avait fini par digérer, et puis, Hwang lui inspirait un peu de pitié. Mais son ego était trop fort pour être réprimé, et il lui fallait parler, sous peine de devoir mentir.
Le coup est un peu dur pour Seung Joo. Okay, il est d'accord, il s'est sans doute fait un paquet d'ennemis une fois arrivé à Pallatine, il ne le démentira pas. Mais ce dont l'accuse Naga, il ne le digère pas. Son regard s'assombrit. « Pardon ? Quelle confiance ? Je ne l'ai jamais demandée. » Seung Joo ne ment pas. Il n'aurait jamais exigé cela de quelqu'un qu'il ne connaît pas bien. Il a bien des défauts, mais n'est pas manipulateur à ce point.
C'est un peu choqué que Naga apprit que la confiance ne faisait pas partie des garanties que Hwang offrait à ceux avec qui il traite - comme si la confiance était un sentiment luxueux dont il ne fallait se servir qu'avec parcimonie.
« C'est peut-être pour ça... que ça se passe mal. » conclut Naga, l'air songeur et les bras croisés.
Ce ne devrait pas être à lui de combler les manques de l'éducation de Hwang. Son attitude n'était même pas quelque chose de fascinant - non, les gens qui grandissaient dans des mondes de violence n'éveillaient pas son intérêt. Et pourtant, il fallait le faire, et malgré lui, Naga sentait qu'il ne pouvait ignorer le Coréen désespéré.
« Je veux dire... la confiance, c'est un peu la base des relations humaines. Si tu ne peux pas faire confiance à ce que l'autre te dit... comment tu peux construire une relation saine avec lui ? »
Seung Joo est songeur, lui aussi. Il se demande surtout depuis quand leur relation implique une telle forme de confiance. Mais d'un autre côté, ce que lui dit Naga a du sens. Alors pourquoi ne s'en est-il jamais rendu compte ? Parce qu'ils n'ont pas vécu dans le même monde ? Depuis quand Seung Joo a-t-il perdu sa foi dans l'humanité ? « C'est vrai, admet-il. Mais je ne pensais pas être capable de créer une relation avec quelqu'un, en fait... » Il se détourne, un peu gêné de son aveu.
Naga eut au moins la satisfaction de constater que Hwang ne lui donnait pas tort. Qu'un être comme lui, violent et solitaire, pût confirmer la validité de sa thèse rassura Naga quant au fait qu'il ne faisait pas totalement fausse route. Mais le moment n'était pas idéal pour se pencher sur sa petite personne, car Hwang exprimait son désarroi avec une gêne inattendue. Naga comprenait plus ou moins ce qu'il ressentait :
« Je crois qu'on a tous cette chose habituelle et qui va de soi pour tout le monde, et que pourtant on n'arrive pas à faire. Moi... » Il hésita, mais il n'avait rien à perdre. « Je crois que je suis incapable de ne pas blesser les autres. »
La honte de Hwang ne se reflétait pas dans les yeux de Naga, ce qui n'empêchait pas ce dernier de sentir en permanence la morsure de la culpabilité lui dérober ses chairs. Probablement cette permanence était-elle la raison pour laquelle il semblait faire preuve d'un certain détachement devant son propre aveu.
