Dim 24 Juil 2016 - 20:02
conf-érence
sujet comm-un #1
alois vs les adultes
Le bain de sang arriva à sa fin et, progressivement, les choses retournèrent à la normale — si l'on peut qualifier cette situation de "normale" — si l'on ignore les corps toujours éparpillés sur le sol, les blessés ... les larmes. Les volets de fer se levèrent et la foule se dispersa peu à peu. D'aucuns se ruaient vers la sortie, guidés par un instinct de survie animal. D'autres n'avaient pas encore retrouvé l'usage de leurs jambes, invalides ou en état de choc ; voire les deux. Alois faisait partie de la 2ème catégorie. Il n'avait pas bougé d'un cil depuis la chute de son voisin. Il était comme paralysé. Par la peur. Par toutes ces émotions qui le submergeaient et, surtout, son incapacité à les gérer. Cette situation à laquelle il n'était tout simplement pas préparé. Comment réagir face à la mort, en particulier lorsqu'on a que douze ans ? La réponse, il ne la connaissait pas. Alors le blondinet s'était renfermé sur lui-même. Sourd et aveugle, isolé dans une bulle d'air, une bulle de rien ; comme si son cerveau voulait le protéger de tout ça, comme si le choc venait de déclencher un signal d'alarme, une sorte de mécanisme d'auto-défense. Coupé du présent, la suite des événements ne le toucha pas. Tout ça, ce n'était qu'une vaste mise en scène, un murmure lointain et étouffé. Un mauvais film qui se jouait en arrière plan. Il ne réagit même pas quand wilhelm l'appela par son prénom. Ni même lorsqu'il effleura son bras, puis sa chevelure, pour finalement le serrer contre sa poitrine. Il ne disait rien. Pas un mot. C'en devenait presque effrayant ... la parole chez alois, c'est comme la lumière de ton frigo. Tu la vois toujours allumée. Tu sais qu'une fois la porte fermée, elle est éteinte, mais t'es jamais là pour le constater. Et si jamais tu la vois, ça veut dire qu'il y a une couille dans le potage, que ta porte ferme plus, toussa. Qu'il est temps de sortir la bouffe du frigo avant qu'elle pourrisse ... voilà ce qu'évoquait le silence d'alois. Un bonhomme brisé. Au bout de longues minutes, il finit par retrouver ses esprits. Quand il eut conscience de la présence de l'autrichien, ses grands yeux marrons se levèrent vers lui, des yeux humides, et une voix faible murmura : « c'est ... c'est fini ? »