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gilded whalebones; toshizō

Sam 26 Aoû 2017 - 1:26
GILDED WHALEBONES  
 Inconsciemment, elle porte le dos de son pouce au ras de ses cils, tentant de se débarrasser d’une poussière, en vain ; peau rêche contre sclère asséchée. Agacée, ses sourcils se froncent, son œil irrité toujours foutument incapable de verser une larme salvatrice. Elle grimace, fusille du regard la pièce traîtresse qu’elle a passé une bonne partie de sa fin d’après-midi à polir à la perfection, la spécificité de la tâche la poussant à préférer se réserver cette étape de la fabrication. (Il va sans dire qu’en tout autre cas, elle aurait été largement satisfaite de laisser un autre s’en occuper.) Coulant un coup d’œil toujours vaguement rougi vers le panneau d’horlogerie jouxtant la porte, elle en passe le pas, rejoins ses employés dans les espaces plus ouverts où ils s’affairent toujours, les balaie du regard afin de jauger leurs avancements respectifs ; les hèle.

 « On finit trente minutes plus tôt, vous pouvez ranger dès maintenant ! »

 Annonce faite, elle s’avance parmi les stations de travail, considère l’ouvrage de chacun, apporte parfois une remarque, sous forme de questions pour ceux qu’elle sait être les plus susceptibles. Prend le temps d’examiner de plus près le travail de la dernière engagée, revient avec elle sur la nouvelle tâche qu’elle s’est d’abord vue confier sous tutelle d’un artisan plus ancien, avant de s’y atteler seule, lui expose d’avance la suite des opérations, avant de finalement commenter plus avant ses efforts (complimenter, puisqu’il y a lieu). Son tour fait, tous les employés ayant quitté les lieux après avoir pris congé, elle retourne à son propre poste, s’empresse de nettoyer son espace de travail ; la journée n’est pas encore tout à fait finie.

 Non, une fois les lieux remis en état, et chaque chose à sa place, lui reste encore à attendre, pour, ah, une dizaine de minutes, lui indique son portable, une fois sorti de sa poche — elle exige de tout un chacun la même ponctualité que celle à laquelle elle se tient, et si l’heure convenue n’est pour elle pas idéale, elle ne s’en pique cependant pas. Tous ont des horaires à respecter, elle comprise — et si l’impatience la tenaille, c’est parce que l’entretien téléphonique précédant l’entrevue n’a fait mention du projet que dans de vagues détails : une pièce de mobilier particulière, et apparemment, pas en fabrication à Pallatine, du moins, nulle part où son client daignerait passer commande. On verrait.
Dim 10 Sep 2017 - 22:00
Cela doit être au maximum la troisième fois que tu arpentes les rues de Saint-Juré ; rien de très étonnant à cela. Cela doit faire un peu plus d’un an que tu es arrivé ici à Pallatine après tout ; quelques mois à peine après que tu aies commencé à travailler pour l’Institut après cette si difficile phase d’acclimatation. Cela semblait logique, pour toi. Maintenir l’ordre est ce que tu sais faire de mieux, alors autant chercher un emploi dans cette branche.  Tu aurais pu aller ailleurs cependant, tu le sais ; mais bizarrement, tu voulais rester proche de cette institution, rêvant de pouvoir obtenir des informations rapidement sur des transferts dans l’autre direction ; de Pallatine à ton époque d’origine. Peut-être n’est-ce pas très honnête, plutôt intéressé même et tu le sais, tu le conçois même, mais tu estimes que c’est une situation exceptionnel. Tu as la nostalgie de ton époque, de ses us et de ses coutumes, de ses technologies qui apparaissent tellement désuètes aujourdh’ui. Technologies que tu as essayé d’amener au maximum dans ton logement.( Et tu grimaces en te rappelant la difficulté à trouver un logement qui te convenait.)

Et c’est bien pour cela que tu es aujourdh’ui  à Saint-Juré à une heure aussi tardive ( mais tu ne peux guère décider de tes heures de travail hélas), cherchant l’atelier de Ýrr Amundsen. On a évoqué son nom devant toi à l’Institut, te la décrivant comme une ancienne de la section sécurité (un bon point pour elle) reconvertie dans l'ébénisterie d’art, et particulièrement compétente - peut-être assez pour ce que tu avais en tête. C’est pour cela que tu l’as contactée par téléphone (quelle horreur que cette chose) pour convenir d’un rendez-vous, afin de parler plus en détail de ta possible future commande. Cette pièce essentielle de la maison japonaise qu’est le kotatsu - adaptée à ton logement, bien entendue. Tu aurais pu la faire réaliser par un artisan d’Osatoka..mais non. Tu sais que tu te fais détester, haïr, mépriser par l’Iwasaki-rengô ; hors ce quartier est sous leur coupe. Pas question d’y mettre les pieds plus que nécessaire. Tu y vas déjà pour certains produits de consommation courante, comme du vrai thé japonais ; c’est suffisant. Et beaucoup trop d’un côté.

Tu finis par arriver à destination -sans trop de mal. L’atelier, lorsque tu arrives, est presque vide à l’exception d’une femme, vers laquelle tu te diriges naturellement. La première chose qui te frappe ; c’est sa taille, car elle te toise de plus d’une tête. Encore une chose à laquelle tu as du mal à t’habituer. Ensuite, ce sont ses cicatrices ; et le guerrier en toi se demande d’où elles proviennent. A-t-elle un passif comme le tien, cette ébéniste ? Va savoir. En tout cas, elle t’inspire le respect.

«Excusez-moi.»  Ton anglais est encore malhabile, ton accent japonais prononcé, mais tu parles un peu plus lentement pour essayer de te faire comprendre malgré tout - il faut bien communiquer. «Je cherche madame Ýrr Amundsen.»  (Nom que tu essayes de ne pas trop écorcher. Des fois que cette femme soit celle que tu cherches, justement...Et tu te maudis presque de rajouter ce madame, application bête des suffixes honorifiques japonais ; tu ne peux pas t'en empêcher cependant.)

Un bref instant de pause.

«Je suis...»  Et ta langue manque de fourcher, trop habitué que tu es à te présenter à la japonaise, le nom avant le prénom. «Toshizō Hijikata. Nous avons décidé d’un rendez-vous par téléphone.»

Et tu grimaces intérieurement, limité que tu te sens à cause de ton vocabulaire qui te paraît si faible et maladroit.
Ven 29 Sep 2017 - 16:06
GILDED WHALEBONES  
 Profitant des quelques minutes de répit, elle s’étire, sent les muscles de son dos crispés par une demi-journée de mouvements répétitifs protester, grincer les uns contre les autres, pendant qu’elle examine et scrute une dernière fois les postes de travail, sans ciller, attentive à tout dérangement incongru. (Et cette larme qui arrive enfin, lui arrachant un bougonnement, pendant qu’elle retourne vers le fond du bâtiment, éteignant au passage les lumières de cette zone — une pensée parasite se faufile jusqu’à son conscient : souvenir des jours succédant à son arrivée en cet autre monde, où il avait fallu s’habituer aux commandes manuelles de début XXIème, comme autant d’infimes moyens de l’arracher à son époque, de l’attacher à Pallatine.) Se dirigeant vers l’entrée, son regard balaie les ateliers, satisfait : de leur état, de ce qu’elle en a fait, depuis que les Opportunistes lui avaient laissé la vieille bâtisse majoritairement désertée depuis une demi-douzaine d’années — faute d’occupants stables —, en périphérie du quartier historique de Saint-Juré, lorsque ses projets avaient pris suffisamment d’ampleur et d’importance pour qu’on lui accorde des locaux plus vastes. (Fière, aussi, surtout, de son équipe.)

 Lorsque des bruits de pas retentissent près de l’accès principal, précédant de peu l’ouverture de la porte, elle n’a que le temps de constater qu’il est effectivement l’heure convenue, allant accueillir son visiteur lorsque celui-ci passe le pas. L’accent qu’elle avait déjà entendu lors de leur conversation ne semble ni plus ni moins prononcé en personne ; sans pour autant la gêner : celui du japonais a au moins l’avantage de détacher ses syllabes, si bien qu’une fois suffisamment entendu, il devient aisé de s’y habituer et passer outre. Quelque part, pour elle, qui un jour a été tout aussi étrangère à la langue que lui, mieux vaut cela qu’un accent natif particulier, associé à un parler trop rapide. Elle-même n’a jamais cherché à se départir entièrement de son accent, ne le cherchera d'ailleurs pas.

 Ce que l’anglais ne permet pas de formalité (pas plus que sa propre langue, de toute manière) dans le phrasé transperce dans son ton, tandis qu’elle lui tend une poignée de main franche, sourire poli floutant ses lèvres. « Vous l’avez en face de vous. Ravie de vous rencontrer, monsieur Hijikata. »

 Certainement incapable d’infléchir correctement le nom, ne pouvant se permettre que d’espérer ne pas l’avoir saigné à blanc plutôt qu’écorché. (Là où l’hésitation de l’homme n’aurait pas suffi à l’assurer de lequel des deux était son nom de famille, un de ses ex-collègues et amis avait paillé au doute en l’en informant quelques jours plus tôt.)

 « Suivez-moi, je vous prie, nous serons plus à l’aise au bureau pour discuter de votre commande. » Et de l’entraîner par la porte latérale accédant au logement attenant, au rez-de-chaussée duquel se situait archives et offices, jusqu’à son propre poste ; couleurs neutres, bureau de sa fabrication, chaises confortables inspirées d’une époque depuis longtemps révolue, stylos plume avoisinant sa tablette, à destination de ceux qui préféraient le papier aux écrans. D’un ample geste de la main, elle l’invite à s’asseoir, prend elle-même place, maintient le contact visuel, aquiline. « Bien. Il était question d’un meuble particulier, lors de notre appel ? »
Dim 8 Oct 2017 - 14:41
Quelques secondes passent - et déjà tu es furieux contre toi-même, parce que tu crains de n’avoir pas réussi à te faire comprendre. Tu te détestes, toi, ton accent japonais si lourd, tu détestes l’anglais dont tu as encore du mal à saisir les règles de grammaire, sa prononciation défiant toute logique, son vocabulaire, tu détestes Osatoka parce qu’il n’y a que là où tu peux t’exprimer normalement, tu détestes l’état de dépendance presque infantile où tu te trouves, tu détestes Pallatine enfin. Tu ne détestes pas ton interlocutrice cependant ; ce n’est pas sa faute si tu parles un anglais plus que mauvais.

Mais tu te figes lorsqu’elle tend sa main vers toi ; encore une habitude occidentale à laquelle tu ne t’habitues pas. Tu réponds à son salut néanmoins, mais ton serrement de main, bref, est empreint d’une certaine gaucherie. Preuve, s’il en était, que ce n’est pas quelque chose de fréquent à l’époque où tu es né.

«Enchanté de vous connaître de même, madame Amundsen.» réponds-tu en t’inclinant à la japonaise. Cette légère distance, respectueuse, polie, c’est ce dont tu as besoin. C’est ce qui te rassure d’un certain côté, alors que cela perturberait sans doute d’autres occidentaux ; tu l’as déjà vu dans le cadre de ton travail. De la même façon que ton refus catégorique d’être appelé par ton prénom. Tu ne peux pas. C’est inconcevable même ; cela suggère une proximité qui serait artificielle, car tu n’es pas proche de tes collègues. Tu ne peux pas t’en sentir proche, et la barrière de la langue n’explique pas tout.

«Très bien.» , acquiesces-tu, et tu la suis. Dieu merci, tu n’as pas besoin de trottiner stupidement pour te maintenir à sa hauteur ; chose que tu te trouves affreusement humiliante. Comme si tu n’avais pas conscience de ne pas être très grand ici.

Vous arrivez finalement dans son bureau ; un lieu meublé avec sobriété et bon goût. L’un allant avec l’autre pour toi.

«En effet.»  commences-tu, en ouvrant ta sacoche pour en sortir quelques feuilles agrafées. «Il s’agit d’un meuble traditionnel japonais appelé kotatsu (Et tu es presque heureux de pouvoir prononcer un mot de ta langue natale.) «C’est une sorte de table basse à laquelle est fixée un appareil de chauffage. On met ensuite une grande couverture, puis un autre support en bois.»  Tu lui tends ensuite le paquet de feuilles. «J’ai apporté une documentation plus détaillée ; j’espère qu’elle vous sera utile.»  

Après quoi tu t’arrêtes de parler momentanément ; vaincu par l’anglais. Tu es incapable de soutenir une conversation technique et tu le sais. Au moins cette documentation sur ce qu’est un kotatsu est complète, tu t’en es assuré ;  et à la fin, tu t’es permis de rajouter quelques indications, notamment sur les dimensions que tu souhaiterais.

Tu espères néanmoins qu'elle se jugera capable de le réaliser ; bizarrement,  Ýrr Amundsen t'inspire plus confiance que les autres artisans que tu pourrais trouver à Osatoka.
Mer 27 Déc 2017 - 21:03
GILDED WHALEBONES  
  Pour la première fois depuis le début de leur entretien, et l’espace insignifiant d’un mot, son interlocuteur perd enfin de sa tension, de sa frustration ; les phonèmes s’insèrent enfin dans les interstices prévues à leur effet, lissent le mot en un tout. Nul besoin de grâces sociales – dont elle s’admet volontiers ne pas être particulièrement pourvue – pour saisir la brève inflexion d’aisance. L’attention qu’elle prête à son discours est tout professionnel, et reflète sa concentration sans faille : tout projet intéressant de nouveauté ou de technique ne mérite jamais moins d’elle.

  C’est avec une lueur de curiosité maîtrisée – néanmoins indéniable – au fond de ses iris sombres qu’Ýrr accepte les documents remis par le Japonais, non sans avoir brièvement hoché la tête en signe de remerciement lors de leur passation ; digne, mais toujours d’une politesse de convenance. Dans un coin de sa tête, la machinerie se remet déjà en marche, les questions relatives aux détails techniques abondent déjà, fusent, ordonnées, trouvent leurs réponses à peine la prochaine page tournée : Hijikata a été soigneux dans son travail de documentation, a justement envisagé la potentialité de disparité entre ses techniques occidentales contemporaines, et celles utilisées dans la fabrication de l’œuvre authentique japonaise dont il est question. Satisfaite, elle abaisse à nouveau les feuillets, parcourt du regard les indications supplémentaires de bas de page.

  « Le mal du pays, ah, laisse-t-elle échapper, ébauche de sourire moins doux qu’amer en contrepoint : à Pallatine, c’est autant d’un lieu que d’une époque dont ses naufragés ont la nostalgie, et il semblerait que son vis-à-vis, pas moins que tout autre, n’échappe à la règle. Elle relève la tête, expression perdant de sa gravité, ton avenant, professionnelle à nouveau : c’est parfaitement réalisable, d’autant plus avec le niveau de détail apporté par votre documentation. »

  Ici plus qu’ailleurs, elle ne se satisfait de rien de moins que du souci de la perfection, qu’il s’agisse du matériau, de la découpe, ou des finitions.

  « Bien entendu, étant donné le caractère unique de votre demande, nous ne disposons d’aucune réelle référence. Cependant, je vous invite à examiner nos pièces encore visibles en atelier, si vous le souhaitez. » L’opposition entre un chef de brigade de l’Institut et le quartier d’Osatoka, contrôlé par l’Iwasaki-Rengō, a beau être évidente, elle ne souffrirait de voir le travail de son équipe n’être qu’un second choix : elle sait ce que chacun d’eux vaut, et aucun d’eux ne s’est retrouvé dans la restauration ni l’ébénisterie d’art par hasard, bien que la plupart partagent, à son instar, l’appréciation d’un travail honnête, simple et bien fait.
Sam 6 Jan 2018 - 22:19
Tu observes ton interlocutrice avec beaucoup d’attention, alors qu’elle feuillette le paquet de feuilles agrafées que tu lui as tendu. Elle a l’air curieuse à cause de  ce meuble qu’elle ne doit pas connaître ;  mais intéressée pourtant. Tu pourrais presque dire qu’elle a l’air satisfaite de la documentation, qui semble assez compréhensible. Forcément. Tu as cherché, tu as demandé l’aide de personnes bilingues anglais-japonais à l’Institut pour que tout soit parfait et surtout exploitable. Parce que tu as déjà vu des traductions anglaises de sites écrits en nippon et le résultat t’a donné des sueurs froides. Ne s’improvise pas expert en traduction qui veut.

«En quelque sorte»  admets-tu. «A mon époque, on creusait une fosse en dessous de la table pour y glisser ses jambes, mais dans mon logement c’est..impossible.  Alors je m’adapte.»  Euphémisme.  Tu es néanmoins certain qu’Amundsen-san réussira à produire ce que tu demandes ; tu le sens.«Je suis soulagé d’entendre ces mots.» avoues-tu, et tu sens une part de tension quitter tes épaules. Tu ne regrettes pas le moins du monde d’avoir suivi le conseil de tes collègues et d’être allée voir ton vis-à-vis. Elle est professionnelle, précise et efficace : c’est ce que tu souhaites.

«C’est avec plaisir que j’accepte votre proposition.»  déclares-tu. Tu es curieux  de voir la qualité de ses réalisations. Le bois est un matériau noble après tout, et il requiert une certaine habileté pour le travailler. Mais tu lui fais confiance - ne serait-ce que pour son travail. Sur un plan personnel aussi. Il  y a quelque chose chez elle, de rigoureux et d’exigeant qui te plaît beaucoup.
Dim 25 Fév 2018 - 22:54
GILDED WHALEBONES  
  Elle laisse échapper un « ah » de constatation pure, mais de compréhension, également, première marche vers la compassion, qui demeure cependant encore infranchie ; cependant son regard s'adoucit — se fond en demi-teinte lorsqu'elle relève les yeux vers son client lorsque son propos se précise, s'explique et s'explicite, laisse transparaître ce mal du temps crassement universel. « Vous n'êtes probablement pas le seul à avoir rencontré ce problème. » À avoir voulu se réaccaparer une part de son environnement d'origine, pour enfin se sentir à nouveau chez soi, de quelque manière que ce soit. Elle imagine mal les familles nippones de Pallatine, notamment les plus récentes, avoir toutes renoncé à la réintroduction au sein de leurs foyers respectifs de ce qui lui semble, avec la description d'Hijikata, être une pièce centrale de confort, de vie, même. « Il doit également être possible de trouver quelqu'un capable de s'occuper du chauffage ? » Détail qui la concerne tout de même, étant donné qu'il serait bon qu'il soit réglé avant que ses équipes ne se lancent dans la construction du cadre.

  D'un geste de la main, elle l'invite à se lever et la suivre, d'abord en direction des hangars, à l'arrière des ateliers proprement dits, là où, une fois terminés, les productions viennent attendre d'être empaquetées et récupérées, à l'abri d'un des gestes malencontreux auxquels les lieux de travail à proprement parler sont si propices. C'est vers des panneaux décoratifs peints du XVIème français qu'elle le dirige ; en fin de phase de séchage, bientôt prêts à partir — une commande de restauration du musée. « Ce type de projets représente notre occupation de base. C'est aussi pour ce genre de choses que nous avons pu— exister. »

  (Qu'elle avait réellement pu s'édifier une vie, après avoir fait partie des brigades de l'Institut par défaut, à son sortir de la période d'acclimatation. À l'époque, elle aurait été la dernière à avoir imaginé pouvoir retrouver une occupation qu'elle aimait foncièrement grâce à une simple remarque à propos de la restauration d'un meuble abîmé suite à une altercation entre jeunes membres de diasporas rivales dans un des musés Opportunistes du quartier de Saint-Juré.)

  Elle se doute bien que ce n'est pas ce qui intéresse le plus Hijikata ; ressent toutefois le besoin de faire un état objectif de l'activité des lieux, et de ses moyens – suffisants pour réaliser le projet du chef de brigade –, avant de regagner les ateliers par l'entrée principale, où des pièces de mobilier plus similaires à sa commande figurent toujours. (Dont le job de ponçage qui lui avait laissé l'impression de s'être allègrement rincé les yeux au sable.) Cependant, en tournant le coin des hangars, un cliquetis étouffé se fait entendre contre les dalles de l'entrée, accompagné d'un geignement bref, auquel la commande instinctive d'Ýrr coupe court— la chienne, diligemment assise à côté de la porte. Froncement de sourcil, ton contrit, expressions involontaires de sa frustration et de sa gêne d'avoir réussi à oublier de fermer la fichue porte de l’appartement à clef. « Toutes mes excuses, elle vient vérifier ce qu'il se passe lorsque tous les employés sont partis. » Et, ajout après coup, semblant se souvenir qu'un dogue bâtard n'était probablement pas la plus avenante des options en termes de canidés : « Vous n'avez rien à craindre, elle est parfaitement dressée. » Et effectivement, la fichue bestiole, bien trop intelligente pour son propre bien, se contente de s'allonger après leur passage afin de reprendre sa pseudo-garde, puisque désormais rassérénée quant au sort de sa propriétaire.

  Une fois la porte refermée derrière eux, reprenant de sa contenance, décroisant les bras, elle désigne une commode aux lignes traditionnelles européennes, incroyablement datées, à ses yeux : « un fini assez semblable à ce que vous indiquiez. » Puisque l'idée originelle était bien de laisser Hijikata se faire une idée quant à la compétence de ses équipes.


hh:
Ven 2 Mar 2018 - 12:40
Tu te redresses sur la chaise, ton dos davantage en contact avec le dossier. Question de maintien. Toujours droit, toujours austère. N’est pas un guerrier qui veut, les marques d’une vie militaire (enfin surtout les dernières années) se font sentir. Même si..comment était-ce déjà ? On a déjà utilisé le mot “coincé” en ta  présence pour désigner un autre membre de l’Institut au maintien aussi raide que le tien ; tu t’es vaguement senti insulté même si tu n’en as rien laissé paraître.  Ne pas vouloir avoir de problèmes de dos est la base. Et tu te dois d’inspirer le respect ; une bonne attitude en est le commencement. «Sûrement.»  reconnais-tu à la remarque d’Amundsen-san. «L’immigration japonaise à Pallatine est assez importante.»  Tu regrettes vaguement d’un côté  de n’être pas vraiment avec eux ; ton intégration aurait été beaucoup plus simple. Mais tu ne pouvais pas. Tu ne pouvais pas tremper dans les trafics de l’Iwasaki-rengô, fermant les yeux sur leurs perditions, leurs violences, leurs trafics. Alors tu as fait un choix, et tu as choisi une autre vie. Après tout,  tu as toujours choisi la voie la plus difficile. Ta spécialité.  Mais cela, tu ne le regrettes pas ; pas même alors que tu te bats contre l’anglais, contre certains automatismes japonais qui te reviennent, contre...contre tout.  Tu as choisi la voie qui te semblait la plus honorable. Car au fond pourquoi choisir la simplicité si c’est pour se mentir à soi-même et se haïr un peu plus chaque jour ?

«Bien entendu : j’avais déjà repéré quelques artisans. J’attendais simplement de vous avoir vue pour prendre une décision.»  Et bien voilà. Une phrase correcte, qui ne surprendrait pas d’un natif ; et tu te sens presque fier. Enfin vous vous levez, et vous commencez à faire le tour de l’atelier. Vous vous attardez sur des panneaux peints,  et tu observes. Tu regardes partout, tout ce qui est exposé, et tu apprends ce qu’il te faut savoir. Tu admires en silence l’oeuvre de restauration. «Je vois.»  déclares-tu. Tu n’ajoutes rien de plus, parce que tu ne sais pas quoi ajouter. L’expression de ton visage est celle de la plus complète attention, mais tu ne laisses rien transparaître de ce que tu penses.  Qu’elle ne croie pas néanmoins que ton a-priori est négatif. Tu ressens le souci du détail dans chaque action accomplie sur l’objet.

Tu continues à la suivre, continuant à observer ton environnement avec la plus grande attention. Tu ne vois que du travail de qualité, fait avec amour et passion - et surtout rigueur. Pas un meuble de travers, un morceau de bois mal taillé, mal poncé ou dont les défauts seraient apparents. Non. Tu vois une recherche de perfection - et tu approuves. Tu vois le résultat d’un travail d’équipe unie - et tu approuves encore plus. Et tu sais que ta décision est prise ; qu’il faudrait une vraie catastrophe pour que tu changes d’avis.

Mais un visiteur imprévu arrive. Un visiteur poilu à quatre pattes. Un grand chien, une belle bête, dois-tu admettre. Sans la moindre dose d’agressivité, qui se contente d’observer Amundsen-san avant de s’allonger sur le sol.  Tu l’admires, lui aussi ; tu aimes ces animaux. Peut-être, dans un avenir plus ou moins proche, prendras-tu un tel compagnon, mais pour le moment ta vie est un peu trop erratique pour que tu puisses envisager d’imposer un tel chambardement à un animal.  Tu n’as même pas eu le temps de déballer certains cartons, c’est dire...

«Cela se voit.» , commentes-tu, avant d’ajouter. «Comme votre lien fort.»  TU ne sais pas si elle l’a depuis longtemps, mais il est évident que la chienne est très attachée à sa maîtresse. Tu n’en as pas peur : non. Un loup de Mibu n’a pas peur d’un chien, certainement pas ; mais la situation te fait sourire intérieurement, car certains vous traitaient de chiens du shogun. Souvenirs, pas si vieux en réalité. Si récents même..

Puis elle referme la porte et vous dirige vers une commode, que tu examines avec la plus grande attention, de nouveau. Te laissant aller à faire courir le bout de tes doigts sur le plateau pendant quelques brèves secondes, appréciant la texture du bois. Matériau noble s’il en était. Matériau vivant, qu’il faut traiter avec le plus grand respect. Matériau que tu aimes - car il te rappelle ton foyer. Les maisons traditionnelles japonaises sont en grande partie faites en bois après tout…

Finalement tu te retournes vers Amundsen-san, et tu tends gauchement ta main en signe d’accord, comme tu as vu les Occidentaux le faire.

«Vous m’avez convaincu. Votre travail et celui de votre équipe est d’une réelle qualité. Je vous fais entièrement confiance pour la réalisation du kotatsu.»
Dim 8 Avr 2018 - 14:56
GILDED WHALEBONES  
  Rendant la poignée de main d'Hijikata, tout est franc à son propos — après tout, la joie claire n'a jamais fait partie des émotions qu'elle ait un jour voulu dissimuler — prenant toutefois garde à, cette fois, ne pas lui broyer les phalanges. Et si son sourire reste suffisamment professionnel, il y a à son propos cette espèce de fierté humble ; puisqu'elle n'en est pas l'objet principal, non : son équipe toute entière, plutôt — d'autant plus ravie que le Japonais les mentionne, eux. Leur travail acharné, leur rigueur, leur entraide, les artisans les plus anciens n'hésitant pour la plupart pas à consacrer de leur temps à aider les employés les plus récents. (Et quelque part, cette transmission de savoirs lui est familière, la ramène à une époque future où son propre apprentissage portait sur un métier en voie de disparition, sur une matière en cours de désuétude.)

  « Ravie de vous l'entendre dire. Nous ne vous décevrons pas. » Et est-ce réellement de l'orgueil si les faits corroborent son assurance ? À nouveau, elle l'invite à le suivre, les guidant de retour vers le bureau, le dogue trottant à ses talons, pour mieux se laisser tomber à l'entrée de l'autre bâtiment. Elle lui décoche un bref regard vaguement ébahi, hoche négativement la tête. Irrécupérable. Reprenant place, et laissant Hijikata faire de même, elle en profite pour rapidement scanner sa documentation, glissant à nouveau l'exemplaire papier vers lui une fois la numérisation finie. « C'était une bonne idée d'avoir déjà contacté un chauffagiste. Dites-moi si vous préférez servir d'intermédiaire ou si vous préférez nous mettre en relation ? Auquel cas, je confirmerai de toute manière avec vous avant de commencer quoi que ce soit. » Déjà, les documents sont placés dans un nouveau sous-dossier, selon l'organisation habituelle commanditaire privé objet nom numéro de dossier.

  Indiquant d'une inclinaison de tête la direction de l'extérieur, elle poursuit, bien moins solennelle, quoiqu'aussi pensive. « C'est un animal secouru par l'une des brigades lors d'une incursion en territoire gangster, à vrai dire. Certains préfèrent les combats de chiens aux paris hippiques. Elle avait environ trois mois, était en piteux état, et l'ancien collègue qui l'avait récupérée pensait apparemment qu'être son propre patron signifiait avoir du temps libre. » Son ton laisse à peine transparaître son cynisme bon enfant. Bien entendu, faible qu'elle était, n'avait pas bougonné longtemps avant d'accepter la petite créature, os un peu trop apparents, problèmes de peaux et très potentiellement littéral regard de chien battu compris. Sa lèvre s'ourle d'amertume. « La cruauté de certains me dépasse. » (Comme ça avait été le cas au Venezuela, au Soudan ou aux frontières chinoises, une énième fois brouillées de sang, avides — ses doigts pausent sur le clavier avant qu'elle ne s'égare.)
Lun 5 Nov 2018 - 22:12
Tu sens l’entente entre vous - la confiance, toi que ta commande sera exécutée dans les règles de l’art, elle...Que tu ne seras pas un mauvais payeur ? Que tu n’hésiteras pas à revenir dans son atelier si tu as besoin d’un autre meuble en bois ? Un des deux. Plus tu parles avec Amunsen-san, plus tu en viens à la respecter. Pas seulement en tant que professionnelle, mais en tant que personne.  Tu sens de l’honnêteté, de la passion pour son travail, un refus du bla-bla pour aller directement à l’essentiel ; et cela te plaît. Rien ne t’agace plus que les gens qui cachent leurs propos sous une tonne d’artifices ou une couche épaisse d’obséquiosité. Ce n’est pas le cas ici. Politesse sobre, confiance en la qualité de leur travail, et résultats que tu peux voir et à ton niveau juger excellents, c’est ce qu’il faut. Yrr Amundsen ne prétend pas, elle ne ment pas pour te soutirer ton argent. Tu l’aurais senti. Après avoir passé des années à côtoyer des commerçants, tu es capable de percevoir ce genre de choses. DOmmage pour eux, tant mieux pour toi.

Accompagné par le chien dont tu admires la fidélité, tu la suis d’ailleurs vers son bureau pour régler les détails de la commande. Paperasserie aimée des administrations actuelles..Les milliards de feuilles volantes laissent partiellement place aux mystères de l’informatique mais rien n’a changé. Rituel ridicule et ancestral, chronophage et pourtant nécessaire. Tu admires néanmoins le scanner dont elle se sert pour faire tu ne sais quoi avec ta documentation papier. La..mettre sur son ordinateur, peut-être. Ce que peut faire l’informatique te surprendra toujours.

«Je m’occuperai de vous mettre en..relation ? dès que j’aurai contacté le chauffagiste.»  Tu butes encore sur certaines expressions. De ce que tu sembles comprendre, mettre en relation, dans ce contexte, veut dire mettre en contact. C’est ce que tu veux. Amundsen-san  et le chauffagiste doivent travailler ensemble sur ce projet, sinon le résultat sera médiocre voire inexistant. Et tu aurais dépensé de l’argent pour rien ; cela il en est hors de question. «Vous devriez avoir des nouvelles rapidement.» Une quinzaine de jours, peut-être. Selon tes horaires de travail qui ne sont pas toujours régulières ; mais cela, Amundsen-san peut le comprendre, elle qui a travaillé au même endroit que toi.

Mais voilà qu’elle te raconte l’histoire du chien - de la chienne-, et tu sens tes traits se contracter. Martyriser ainsi un pauvre animal pour son propre plaisir,c’est inacceptable, c’est inadmissible. Surtout pour des combats de chien, souvent d’une violence extrême.

«Vous avez fait preuve de beaucoup de bonté envers cette chienne.» prononces-tu doucement, une note d’approbation dans la voix. «Vous lui avez apporté une belle vie, et c’est tout à votre honneur.»  Rien d’étonnant à ce que l’animal soit aussi proche d’Amundsen-san.Note à toi-même, éradiquer les réseaux de combat de chien serait d’une extrême utilité. «A qui le dites-vous”», approuves-tu ensuite. Des images pas si vieilles de combat te reviennent à l’esprit. Sabre, armes à feu, canons, tout cela se mélange dans ton esprit. Et toi-même n’a pas été l’homme le plus tendre du monde. Dirigeant exigeant et impitoyable, prêt à te salir les mains  si cela signifiait pouvoir protéger Kondo-san et son rêve.

A cet instant tu comprends une chose. Amundsen-san et toi, vous n’êtes au fond pas si différents. Anciens combattants, marqués par les conflits. Mais contrairement à elle, tu as le conflit dans le sang, tu continues à te battre -toujours.Jusqu’au bout. Jusqu’à la fin.

Samurai.
Dim 6 Jan 2019 - 23:34
GILDED WHALEBONES  
  À son assurance, bien qu'hésitante dans le phrasé, elle rend une moue avenante ; franche, honnête, et comme souvent, à l'image générale de sa personne. Lui comme elle connaissent bien le degré d'occupation et les horaires des brigadiers de l'Institut ; et font certainement tous deux partie de ceux qui ne sauraient connaître le repos sans que la tâche immédiate ne soit terminée, le danger immédiat traité. D'un geste de la main, elle balaie l'incertitude. Ici aussi, tout bruisse toujours d'activité, et d'autres commandes nécessitent d'être terminées en priorité ; notamment les projets de restauration commandités par les musées de la ville, raison même pour laquelle elle doit à sa diaspora l'opportunité de vivre de son artisanat.

  Amabile, presque imperceptible, l'expression d'Ýrr s'empreint d'aménité ; avec comme une tournure lointaine, réminiscente d'un passé encore discernable parmi les volutes confuses du temps. « C'était tout réciproque. » ; en devaient autant l'une que l'autre. Quoiqu'assombris à nouveau à l'approbation d'Hijikata, c'est la détermination commune qui durcit à présent ses traits, assortis d'un sourire pincé : certains cercles gangsters ont de mauvais jours devant eux, et elle s'autorise à en tirer une joie froide. Ah.

  « Bien ; » avenante, à nouveau, l'instant passé : « tout est donc en ordre de mon côté, et j'attendrai de vos nouvelles avant de vous proposer une esquisse de projet et le montant correspondant. » Le jour tarde, l'accord est conclu, et c'est toujours avec la même dignité empreinte de respect mutuel qu'elle raccompagne Hijikata, et que leurs salutations sont échangées, avant qu'enfin la journée de labeur ne se termine, cerbère bâtarde à nouveau flanquée à son pied.

  (Quant à elle, les zones dévastées jusqu'à en devenir irreconnaissables, les traces d'histoire à jamais effacées, les vrombissements de pales n'emplissent pas sa psyché en une mixtion bouillonnante, prêt à décanter tous ses souvenirs en un distillat aride, désolé. Oh, non, simplement : il y a toujours à ses côtés un camarade souillé de poussière écarlate et scintillant d'éclats d'obus, main dans la main avec un enfant qui n'aura jamais plus su pleurer ; compagnons et piliers immuables de son implacable fermeté.)
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