-20%
Le deal à ne pas rater :
Ecran PC GIGABYTE 28″ LED M28U 4K ( IPS, 1 ms, 144 Hz, FreeSync ...
399 € 499 €
Voir le deal

long is the night. (elisabeth)

Lun 2 Mai 2016 - 11:39
Elisabeth

Elisabeth Hastings

feat Integra Hellsing | Hellsing

Caractère

Elisabeth

Histoire

Elle était apparue devant sa porte un beau matin d'hiver. Les vitres étaient devenues opaques à cause du gel que le foyer ne parvenait tout à fait à repousser. Les mains bleuâtres, sa figure crispée, elle semblait sur le point de trépasser de froid. Un petit mot l'accompagnait, d'une écriture presque enfantine et brouillonne. Elle s'appelle Elisabeth disait le papier. Prends soin d'elle, c'est ta fille. Aucune autre indication sur le feuillet, pas même le nom de la mère qui l'abandonnait. Tout ceci le contrariait. Elle aurait dû être remise à l'hospice, dans la tour d'abandon, comme tous les enfants non-désirés. Ce qu'il envisageait de faire, lorsqu'elle se serait réchauffée.
Il avait longuement douté qu'elle puisse être de lui : il ne pouvait même pas dire avec quelle femme il avait pu concevoir Elisabeth. Mais n'avait jamais été totalement convaincu du contraire. Dès le premier regard porté sur elle, il avait compris qu'il était bien son père. Il se voyait tant dans son visage poupon qu'il s'identifiait facilement à elle. Ne supportait pas non plus de la laisser pleurer dans son coin, comme si ses cris d'enfant savaient faire éclore la douceur cachée dans son être. Il s'était dit tant de fois qu'il allait l'abandonner, qu'elle n'était pas à lui, et qu'il se séparerait d'elle lorsque le temps serait assez clément pour éviter au bébé de geler sur place.
Quelle hypocrisie. En fin de compte, il s'était attaché à la petite, s'était habitué à sa présence près de son foyer et ne s'imaginait plus vivre sans elle. Elle était cette petite présence fragile qui réclamait ses soins comme d'autres exigent le sein de leur mère. Celle qui calmait ses angoisses et lui faisait sentir pleinement humain.
Elle était à lui. Sa fille.
Et à personne d'autre.
 
L'enfance d'Elisabeth n'avait pas été exactement heureuse, mais jamais elle ne s'était plainte de quoi que ce soit.
Le père d'Elisabeth ne roulait pas sur l'or et habitant une petite maison dans un quartier mal famé. Il faisait ce qu'il pouvait pour empêcher la baraque de couler, mais cela ne la rendait pas plus confortable pour autant. Seul le foyer était chauffé : les chambres étaient froides, et les points d'eau à l'extérieur de la maison. Le garde-manger contenait toujours quelque chose, mais il n'était pas rempli pour autant. Le père devait se lever tôt pour aller travailler dur, et rentrait tard le soir en ayant dépensé une partie de son argent journalier. Avoir un enfant à sa charge ne le rendait pas forcément plus responsable. Elisabeth avait peur de le perdre de façon stupide, égorgé dans la rue après s'être écroulé d'ivresse, victime de mendiants désireux de lui voler ses maigres économies. Ou bien noyé en tombant accidentellement dans la Tamise.
Lorsqu'elle était jeune, Elisabeth avait peur de la nuit. Lorsque son père commençait à souffler les bougies et à lui ordonner d'un ton dur se mettre au lit, elle rejoignait en tremblotant les planches de bois grinçantes où elle dormait. Les draps étaient rêches à force d'avoir servi, et son père ne connaissait aucun moyen de les adoucir. Il ne s'entendait pas particulièrement bien avec le voisinage et ne confiait pas son linge aux lavandières, préférant les laver lui-même, au péril de la vie des vêtements. Le tissu rugueux frottait la peau que la chemise de nuit de la fillette ne recouvrait pas, si bien qu'elle se figurait que la couverture était une sorte de monstre invisible qui attendait l'obscurité la plus totale pour la dévorer. Le quartier où ils résidaient était plutôt calme, mais la nuit était parfois troublée de sons un peu étranges qu'Elisabeth trouvait familiers. Des bouteilles en verre se brisaient parfois sur les pavés, un homme ivre pensait faire du charme à une demoiselle, des personnes louches se déplaçaient, leurs pieds créant un martèlement régulier sur le sol inégal, des rats malveillants investissaient les déchets laissés par les humains... ce n'était pas vraiment un endroit pour élever une petite fille, mais c'était bien là qu'étaient obligées de vivre les personnes les plus pauvres de Londres. Elisabeth se concentrait sur ces sons familiers jusqu'à la fatigue la gagne et que le sommeil s'empare d'elle.
Le matin, elle devait se rendre à l'école de la paroisse. Elle y retrouvait ses camarades avec qui elle savourait son innocence d'enfant et se livrait à divers jeux. Les filles se moquaient parfois d'elle, cette grande fille un peu maigre aux longs cheveux blancs filasses et aux petits yeux masculins qui vivait seule avec son père, mais elles ne l'écartaient pas de leur groupe pour autant. Elisabeth n'était pas une petite désagréable, loin de là. Elle compensait son manque de sourire par la passion avec laquelle elle agissait. Mais parfois, elle paraissait étrange. Et plus elle grandissait, moins les choses s'arrangeaient.
 
Lorsqu'elle sortait en ville, Elisabeth entendait bien les commères qui parlaient d'elle. Ces femmes d'âge moyen pensaient qu'en baissant la voix, la jeune fille les ignorerait, mais elles sous-estimaient l'acuité auditive d'une fille de cet âge. Elisabeth entendait tout, et pourtant, elle ne disait rien. Elle ne se sentait pas particulièrement touchée. Comme si leur sujet de conversation était une autre fille qu'elle ne connaissait pas.
« La pauvre, regarde-la, elle n'a que la peau sur les os.
- C'est normal, un homme seul, ça ne sait pas élever les fillettes. Il lui faudrait une maman, quelqu'un qui lui mijote de bons petits plats, qui s'occupe d'elle quand elle est malade, plutôt que de l'envoyer au marché se geler les pieds.
- C'est vrai qu'elle tousse beaucoup. Elle a eu une pneumonie l'hiver dernier. Un miracle qu'elle s'en soit sortie...
- Mais le père ! Il ne pourrait pas faire plus attention à elle ? Il n'est jamais là à la maison, toujours à traîner dans les coupes-gorges, à gaspiller son argent en paris douteux.
- Au moins, il ne la bat pas, c'est déjà ça. Elle n'est déjà pas très belle, cette petite, alors si tu lui rajoutes quelques ecchymoses, je t'en parle même pas !
- Mais c'est peut-être ça le problème ! Elle est laide, personne ne voudra d'elle, et en plus, il n'a même pas de quoi lui payer un mari. Celle-là, elle va finir sur le trottoir.
- Si elle a de la chance ! Moi c'est dans le caniveau que je la vois finir... »
Tout cela ne la touchait pas. Elisabeth ne savait pas de quoi serait fait son avenir, mais il n'y avait ni trottoir ni caniveau pour elle. Ni même de solitude. Son père lui avait assuré à de maintes reprises qu'elle trouverait quelqu'un, bien que sa façon de faire fût un peu particulière : il lui disait qu'à défaut d'être belle, elle se devait d'être douée en tâches ménagères, car c'était cela que les hommes attendaient d'une épouse. Dès qu'elle était en âge de s'occuper d'une de ces tâches, il la lui réservait, pensant que cet arrangement lui serait bien plus utile que s'il la ménageait. Elisabeth s'en acquittait de bonne grâce avec beaucoup d'énergie : elle récurait les casseroles où elle avait fait cuire le ragoût, pendait le linge qu'elle avait nettoyé au lavoir pour qu'il soit bien sec lorsqu'elle le recoudrait, passait le balais au sol pour retirer la poussière avant que celle eût le temps de s'installer... lorsqu'elle avait fini, elle avait le droit de jouer, mais elle ne devait pas sortir trop loin de chez elle et devait être rentrée le soir. Elle n'avait pas le droit de s'approcher des garçons et des hommes adultes, ne devait rien voler au marché, et ne devait pas casser la propriété d'autrui.
Le soir, lorsque son père rentrait, il était parfois en meilleur état que les autres jours et prenait le temps de discuter avec elle. La soirée devenait une véritable veillée, comme les autres familles avaient l'habitude d'en organiser. Il lui caressait les cheveux et lui demandait de lui parler de sa journée, de lui donner les derniers ragots qui circulaient sur leur famille ou sur les autres, et lui montrait parfois un jeu qu'il venait d'inventer. Elisabeth se souviendrait toujours d'une discussion qu'ils avaient eue un soir. Elle n'avait jamais vu son père dans cet état, et pourtant, elle pensait bien le connaître. À l'évidence, elle avait raté quelque chose. La discussion avait commencée paisiblement. L'été était bien installé, mais la chaleur n'était pas trop suffocante dans la cour, où les hauts murs empêchaient les rayons du soleil d'atteindre le sol. Elisabeth était assise par terre, sa poupée préférée dans les bras, celle à qui il manquait un œil, mais qu'elle aimait quand même. Son père avait trouvé refuge sur le banc, dans le coin le plus sombre de la cour, et faisait semblant de lire son journal – mais Elisabeth n'était pas dupe, il n'y avait pas assez de lumière pour cela. Il faisait semblant de lire, mais passait en fait son temps à l'observer. Cela ne la dérangeait pas. Jusqu'au moment où il reposa le papier sur le banc et lui demanda ce à quoi rêvaient les jeunes filles. Sans hésiter, Elisabeth lui répondit qu'elles attendaient le prince charmant, comme dans les contes, pour échapper à ce bourbier. Une partie de sa réponse le laissa sceptique : il demanda si les jeunes filles tombaient amoureuses du prince charmant ou recherchaient uniquement l'argent et la noblesse en se mariant avec un jeune homme bien né. Elisabeth fit une moue contrariée en entendant parler d'amour : elle répondit qu'il n'en était pas question, sauf pour les plus cruches d'entre elles, et que pour sa part, seul l'argent l'intéressait. La conversation aurait pu en rester là, avec un père se demandant si c'était une bonne chose d'entendre de telles paroles sortir de la bouche de sa fille et une fille retournant à ses jeux en songeant à quel point son père était abruti de poser de telles questions. En fait, l'abruti, c'était elle : Elisabeth demanda s'il avait été question d'amour entre lui et sa mère.
Il devint pâle comme un linge, sa main gauche tremblant d'une colère mal contenue. Elisabeth comprit qu'elle avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas, sans savoir quoi exactement. Elle voyait que son père était dans un état second, prêt à commettre un meurtre, et n'insista pas : elle alla se coucher sans qu'il ait besoin de le lui dire. Il était de toute façon déjà tard.
 
Elisabeth se doutait que son père était un homme violent : il ne lui faisait jamais de mal, et évitait de blesser quiconque en sa présence, mais elle voyait les signes. Il avait parfois les mains rouges de sang, quand il ne s'était pas pris un coup lui-même. Lorsque les voisines ne parlaient pas d'elle, c'était de son père qu'elles médisaient, le traitant de tous les noms, le jugeant irresponsable, et relataient à voix basse les prétendus exploits de cet homme qu'elles méprisaient. Elisabeth se sentait aussi peu concernée par ces ragots que ceux à son sujet, mais elle ne pouvait s'empêcher de lancer un regard mauvais à ces femmes qui ne connaissaient rien à la vie. Tant pis si elle avait l'air effrontée, mal élevée ou un peu effrayante : elle aimait son père et ne laisserait personne dire du mal de lui. Personne.
Elisabeth ne croyait pas forcément à ce qu'elle disait, mais elle devait reconnaître qu'il y avait un fond de vérité : son père, parfois, lui faisait peur. Il y avait une lueur dans ses yeux qu'elle était incapable d'interpréter, mais elle pouvait dire tout ce que ce n'était pas. Ni de la peur, ni de la compassion, ni de l'amour, ni de l'ambition... c'était juste une lueur dérangeante, si fugitive qu'elle croyait toujours l'avoir rêvée, car elle disparaissait dès qu'il se rendait compte que sa fille l'observait. Personne d'autre qu'elle ne semblait d'ailleurs l'avoir remarquée : tout le monde considérait son père comme un homme mal élevé, un peu ivrogne, mais rien de plus.
Ah, si. Ils aimaient beaucoup médire de lui, mais ils avaient besoin de lui. Elisabeth avait peu à peu fini par comprendre cet étrange paradoxe. Son père ne leur paraissait pas fréquentable et les rendait soupçonneux, mais de toute la paroisse, il était le seul à avoir des connaissances en médecine un tant soit peu valables. Elisabeth ignorait d'où il les tenait, mais elles étaient réelles et reconnues. Ceux qui n'avaient de quoi se payer un médecin venaient parfois le voir ou exigeaient sa présence pour qu'il leur donne un remède. Il ne demandait pas beaucoup en paiement et pouvait faire des miracles. Cet argent ainsi gagné partait souvent dans un joli morceau de viande dont Elisabeth avait le droit d'en prendre une bouchée. Il ne lui achetait jamais de nouvelle robe avec. Elisabeth aimait bien le goût de la viande, qui changeait tant de celui du lard bien gras et des légumes, mais elle avait le sens des priorités et estimait qu'il était tout aussi important d'être bien couverte lorsque le temps se rafraîchissait. Son père était un peu déraisonnable sur les bords, mais c'était un homme : ils n'étaient pas faits pour gérer les dépenses domestiques. Il aurait pu gérer un domaine ou un cabinet de médecine, mais pas s'occuper des repas de la semaine. Elisabeth avait donc l'impression de le compléter.
 
À l'âge de treize ans, la vie d'Elisabeth avait basculé de façon totalement imprévue : sa vue s'était mise à baisser. Cela faisait peut-être un an ou deux que sa vue de loin devenait imparfaite, mais la jeune fille supportait cette épreuve du mieux qu'elle le pouvait. Ne pas voir jusqu'au bout de la rue n'était pas forcément très grave, du moment qu'elle savait où elle mettait les pieds. Le désagrément étant mineur, elle ne s'en préoccupait pas vraiment. Elle s'habituerait à avoir un champ de vision plus réduit.
Elisabeth voyait de moins en moins bien, et son père commençait à le remarquer. Elle devenait parfois maladroite, mais elle refusait d'avouer que c'était dû à ses yeux défaillants. Il la testa à plusieurs occasions avant de rendre lui-même le verdict :
« Elisabeth, il te faut des lunettes. »
Non. Le cœur d'Elisabeth s'était serré. Non, non, non. Pas de lunettes, pas maintenant. Pas alors qu'elle commençait à ressembler à une femme, que son corps était plus disgracieux que jamais, que l'on se moquait déjà assez de son apparence ! Que dirait-on d'elle, avec deux prisons de verre pour ses yeux bleus ? Les quolibets ne cesseraient jamais, et tout deviendrait pire ! Plus personne ne l'aimerait, personne, à part son père qui se réjouirait de l'affront fait à sa fille. Elle devait le faire savoir à son père, qu'il comprenne que ce n'était pas envisageable.
« Tu comprends pas, Betty. Les lunettes, c'est pas pour faire joli, c'est pour bien voir. Tu veux quand même pas te prendre les pieds sur un chat que t'auras pas vu, quand même ? »
Elle avait pleuré des jours et des jours, révoltée contre la faiblesse de son corps et l'injustice de la vie qui l'obligeait à se défigurer pour toujours. Son père ne disait rien, attendant qu'elle sorte de sa crise d'adolescente pour aborder plus calmement le sujet avec elle. Cette réaction le rassurait autant qu'elle le contrariait : c'était la première fois qu'Elisabeth se comportait de façon égoïste et puérile, et il aurait eu l'impression qu'il lui manquait quelque chose si elle ne s'était pas au moins une fois rebellée de la sorte. Il espérait tout de même que la crise ne durerait pas trop longtemps, car ce comportement avait fini par l'agacer. Le hasard avait bien fait les choses : les larmes d'Elisabeth s’étaient taries juste avant le moment où il avait décidé de la secouer un peu pour prendre une décision.
Elle avait le regard déterminé, malgré ses yeux rougis et sa bouche qui contenait ses cris de rage. Elle semblait vaguement lui en vouloir, mais il sentait bien que la majeure partie de sa colère était dirigé contre elle-même. Il avait envie d'attiser ce sentiment pour qu'il devienne sa force et qu'elle ne laisse personne lui dicter sa conduite. Envie stupide. Pourquoi lui donner les armes nécessaires pour défier l'autorité de son père ? Tout irait mieux pour elle si était docile, c'était la seule qualité qu'elle pouvait avoir à défaut de la beauté et d'une dot bien fournie. Mieux valait se réjouir parce qu'elle cédait. Même si elle n'en donnait pas l'air lorsqu'elle lui annonça sa décision : l'emmener acheter ces foutues lunettes. Elle semblait lui donner un ordre plutôt que de se ranger à son avis, mais tant pis. Elle devenait raisonnable, enfin.
Sa fille.
Qui ne saurait jamais où viendrait l'argent pour lui payer ces premières binocles.
 
Elisabeth n'avait quitté Londres qu'une seule fois, au cours de l'été 1888. Le plus beau moment de sa courte vie, avant l'enfer de la fin de l'année. Cette année, une lointaine cousine de son père, qui habitait à la campagne et qui avait fait la rencontre d'Elisabeth par hasard dans la rue, l'invita à venir prendre un bol d'air frais chez elle, loin de l'air pollué de Londres. Avec l'accord de son père, Elisabeth avait pris le train pour la première fois de sa vie, impressionnée par la vitesse de propulsion de la locomotive à vapeur, bien plus rapide que les carrioles qui passaient dans le quartier et les quelques automobiles que possédaient certains habitants parmi les plus aisés.
Elisabeth n'était pas stupide au point d'être étonnée par la campagne : elle en avait vu des gravures, et même une ou deux photographies, elle savait de quoi elle parlait. Elle savait à quoi cela ressemblait, avait conscience que la plupart des Anglais y habitaient encore en majorité, et elle avait même pris connaissance de ce qu'on y faisait. Elle se considérait donc comme parfaitement renseignée sur le sujet. Elle prit un air blasé pendant tout son séjour, afin de montrer à tous ces paysans qu'elle venait peut-être de la ville, elle n'était pas fragile pour autant. Alors qu'en réalité, elle ne cessait de s'étonner de jour en jour de nombreux petits détails qui lui rappelaient qu'elle n'était pas chez elle.
L'odeur du fumier, par exemple. À l'époque où les engrais industriels ne recouvraient pas les champs, les paysans avaient d'autres méthodes pour essayer d'améliorer le rendement de leurs terres. Le fumier puait, tout simplement. On sentait vaguement l'herbe derrière cette puanteur de plantes décomposées. Pourtant, les habitants n'avaient pas l'air de trouver l'odeur désagréable, et ceux qui s'étaient déjà rendus en ville trouvaient que l'atmosphère était beaucoup plus respirable chez eux. Elisabeth s'était éloignée des champs pour se rapprocher des plaines où broutaient les vaches. Quelle surprise de constater que les animaux avaient eux aussi une très forte odeur, sans parler de la bouse qu'elles laissaient traîner un peu partout. Si encore les animaux n'étaient que dans les champs ! La séparation entre leur espace et celui réservé aux êtres humains était parfois trop flou. Elisabeth se faisait régulièrement piquer les jambes par les poules qu'elle n'avait pas vues, devait parfois attendre que le cochon du père Stingle décide de bouger pour emprunter une porte qu'il bloquait, sans compter les lapins qui parfois s'enfuyaient de leur cage quand un enfant oubliait de refermer leur clapier.
Le séjour n'était pas si catastrophique que cela. L'air était indéniablement plus pur qu'à Londres. La toux d'Elisabeth se calma, ses joues gagnèrent une jolie couleur rosâtre, et la consommation plus régulière de viande l'aida à gagner un ou deux kilos. Sa cousine lui fit remarquer qu'elle était beaucoup plus jolie ainsi, et qu'elle allait bientôt pouvoir remplir correctement ses robes, pour l'heure un peu trop plates à cause du manque de formes de la jeune fille. Elle proposa d'ailleurs à Elisabeth de résider de façon permanente chez elle, mais celle-ci refusa, n'ayant pas envie d'abandonner son père dans leur petite maison. Le pauvre homme avait été très triste de la laisser partir pour le mois d'août et espérait bien retrouver très rapidement son cher trésor.
À la fin du mois, Elisabeth repartit chez elle, plus belle que jamais. Son père eut un choc en la voyant, comme s'il avait du mal à la reconnaître. Passé le premier instant de stupeur, il lui caressa la joue en lui chuchotant qu'elle était une vraie femme, désormais. Une lueur de fierté brillait dans ses yeux, et puis... autre chose. L'écho d'une douleur lointaine qui ne s'était jamais totalement évanouie.
 
À la mi-septembre, deux corps déjà avaient été découverts, affreusement mutilés. Deux jeunes femmes de petite vertu qui avaient eu le malheur de croiser le chemin de celui qu'il ne fallait pas. Un corps, c'était déjà bien inquiétant, mais un deuxième corps, voilà qui devenait sérieux. On commençait déjà à évoquer la piste d'un tueur en série. D'autres allaient même jusqu'à dire qu'il s'agissait de l'œuvre d'un démon envoyé par le diable en personne pour purger la ville de ses éléments indésirables. Elisabeth n'écoutait pas ces derniers, qui passaient pour des illuminés, mais était très attentive à toutes les rumeurs qui circulaient. Si certains habitants ressentaient un peu de malaise à l'idée d'être victimes de ce mystérieux tueur, d'autres ne s'en inquiétaient pas vraiment, prétextant que le tueur ne semblait s'intéresser qu'aux prostituées. Par prudence, certaines voisines d'Elisabeth lui conseillèrent de ne pas sortir le soir et d'éviter de parler aux inconnus. Son père, lorsqu'il en entendit parler, approuva leur initiative. Il pensa même à demander à l'un de ses voisins, un immigré appelé Kosminski, de l'accompagner lorsqu'elle devait se rendre quelque part à la nuit tombée. L'homme n'était pas très bavard avec Elisabeth, ce qui convenait parfaitement à la jeune fille, qui pouvait avoir l'impression d'être toute seule, tout en se sentant en sécurité. Elle savait que personne n'oserait s'en prendre à elle avec un tel chaperon.
Elisabeth échappa aux meurtres, mais ce ne fut pas le cas de deux femmes plus âgées qui décédèrent à la fin du mois. L'une d'elle portait le même prénom qu'Elisabeth, à une lettre près, ce qui la marqua d'une façon ou d'une autre. Comme si une partie d'elle-même avait été agressée ce soir-là. Son père n'arrivait pas à la rassurer : malgré les circonstances troubles, il n'avait pas beaucoup plus de temps à lui consacrer, son temps entièrement consacré à ses occupations habituelles. Il tenta une méthode pour calmer ses angoisses qui se révéla sans succès.
Il lui parla de sa mère.
Et lui avoua la vérité à son sujet.
Qu'il ne connaissait pas cette femme et n'était pas certain de pouvoir la reconnaître aujourd'hui. Qu'Elisabeth était une erreur de jeunesse qu'il n'avait cependant jamais regrettée. Qu'il l'aimait de tout son cœur, et que le fait d'être son seul parent connu lui donnait le sentiment d'être important pour elle, et qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour la protéger. Il la regardait avec douceur, comme s'il voulait graver l'instant dans son cœur, qu'il avait peur qu'elle se détourne soudain de lui et décide de partir. Comme s'il avait déjà senti qu'elle allait s'envoler pour Pallatine.
Elisabeth le croyait, mais cela n'apaisait pas son âme. L'absence d'une mère se faisait sentir, et une part d'elle avait peur. Et si sa véritable mère tombait un jour entre les mains du tueur ? Les probabilités étaient assez faibles, bien sûr, mais pas impossibles. Combien de femmes étaient vulnérables au dehors ? Sa mère n'était sans doute pas respectable. Au lieu d'en ressentir de la honte, Elisabeth n'était que peur.
Elle ne voulait pas perdre quelqu'un qu'elle n'avait pas eu l'occasion de connaître.
 
Les meurtres se calmèrent quelques temps, et les appréhensions d'Elisabeth en même temps. Si sa mère était en vie dehors, elle était encore en sécurité. Son père pourrait partir à sa recherche, la ramener à la maison, pour qu'ils forment une famille heureuse. Les voisines cesseraient leurs médisances, les autres jeunes filles ne se moqueraient plus d'elle. Elle savait que son raisonnement n'était pas très fiable, qu'il devait y avoir bon nombre d'incohérences, mais cela n'avait pas d'importance. Seul l'espoir lui permettait d'avancer sans crainte.
Ni elle ni sa mère ne deviendraient des victimes.
 
Mi-novembre. Un nouveau meurtre, toujours aussi barbare que les précédents. Ce soir-là, Elisabeth était rentrée plus tard, sans Kosminski qui était occupé. Son père également était absent de la soirée. Lorsqu'elle avait découvert que le tueur s'était introduit dans la chambre de sa dernière victime, elle avait perdu tout sentiment de sécurité. Elle avait beau savoir que les jeunes filles comme elle n'étaient pas visées, il était difficile de ne pas se sentir un tant soit peu concernée. Pas lorsqu'un monstre rôdait dans les parages.


Voilà quelques mois qu'Elisabeth résidait chez Peter. Depuis sa sortie de l'Institut, en fait. Peter, ce beau jeune homme de quatre ans son aîné, lui avait expliqué qu'il était celui qui l'avait fait transférée. Il n'avait pas dit grand chose de plus, mais lui avait fait entendre qu'il en savait bien plus sur elle que ce qu'il disait. Et peut-être même que ce qu'elle-même savait sur elle.
S'habituer à la technologie aurait pu être traumatisant si Elisabeth n'avait pas découvert le plaisir de porter des lunettes fines, élégantes, et surtout totalement adaptées à sa vision. Sans grosse monture pour lui écraser le nez, elle voulait bien croire que Pallatine était bien plus agréable que ce qu'elle pensait. Elle savait que certains coins étaient moins sûrs que d'autres, mais le quartier où résidait Peter ne ressemblait pas à ceux-là. Tout y était propre, spacieux, et calme. Le grand standing, en quelque sorte. En plus, elle avait le droit à tout ce qu'elle désirait. Peter ne s'était pas contenté de lui prêter son appartement : il lui avait également ouvert son compte en banque, lui avait payé des études de médecine avant qu'elle abandonne, les trouvant trop difficiles pour elle, et depuis quelques temps, sentant qu'elle s'acclimatait à sa nouvelle, il commençait même à lui faire la cour. Une expérience totalement nouvelle pour Elisabeth, qui n'était pas habituée à pareille traitement. Elle ne savait pas ce qu'il pouvait bien lui trouver, alors qu'il avait tout pour lui, mais elle avait fini par comprendre que Peter n'était pas ce genre d'homme. Il voyait la beauté intérieure des gens avant leur apparence physique, se moquait d'être riche ou pauvre. Il pouvait risquer sa vie pour quelqu'un d'autre.
Il avait cependant fallu un peu de temps pour qu'Elisabeth comprenne tout cela sur Peter. Sa réaction initiale avait la méfiance, une méfiance très forte qu'elle réservait à toutes les personnes qui l'approchaient. Tant qu'elle ne connaissait pas leurs véritables intentions, elle refusait de leur laisser avoir une quelconque emprise sur elle. Pourtant, ces rejets n'avaient jamais dérangé Peter. Il était aussi patient que compréhensif. Il avait fallu être sûre qu'il ne lui cachait rien pour qu'elle accepte enfin de lui faire confiance... et de le marier, enfin.
Quel beau jour que celui-là. Elle était devenue une opportuniste à part entière. Mais d'autres comptaient autant pour Elisabeth. Comme le jour de leur rencontre, ou celui où elle avait attrapé son premier prisonnier – cela faisait désormais dix ans qu'elle avait lancé son projet de prison, et elle ne le regrettait pas. Sa vie était parfois difficile, mais c'était ainsi qu'Elisabeth voulait vivre. Elle voulait être débarrassée de la peur des criminels et était prête à les traquer elle-même, puisque l'Institut ne semblait rien vouloir faire à leur sujet.
 
Le mariage, la vie de couple avec Peter, la prison : rien de tout cela n'était dû au hasard. Ni Elisabeth ni Peter ne s'étaient pas lancés dans cette vie uniquement par amour. Il y avait derrière tout un calcul qu'ils assumaient parfaitement. C'était le fondement de leur relation, pourquoi en auraient-ils eu honte ?
Au fond, tous deux étaient différents. Elisabeth détestait les comportements déviants et voulait les punir. Peter, lui, c'était tout l'inverse. Il adorait ces affaires sordides qui défrayaient la chronique, les guettait avec une avidité presque déplacée. Lui aussi voulait voir des criminels derrière les barreaux. Il voulait les voir de près. Les étudier, les comprendre, dévoiler les noirs secrets de leur âme. C'était le petit frisson qu'il s'octroyait dans sa petite vie bien rangée, le seul, en fait, car il n'était pas du genre à mettre sa vie en danger inutilement. Cet aspect de sa personnalité avait d'abord dérange Elisabeth, avant que celle-ci comprenne que ce n'était pas dangereux. C'était également la façon dont Peter se protégeait contre les pulsions qui poussaient à commettre l'irréparable et qui, elle en était convaincue, touchaient toute l'humanité.
Oui, le transfert d'Elisabeth était un plan formidable qu'il avait préparé depuis son adolescence pour mettre du piment dans sa vie. Un plan qui avait commencé lorsqu'il avait commencé à étudier l'affaire Jack l'Éventreur, en se servant de technologies venues du futur de la Terre et des possibilités exceptionnelles que le transfert à Pallatine offrait. Ce qu'il avait découvert bravait la raison. L'identité de Jack, la vraie, pas celle que les pseudos-chercheurs du début XXIe siècle croyaient avoir trouvé en se basant sur leurs biens maigres preuves. Il avait son nom, son vrai nom, savait tout de lui, de sa naissance à sa mort, et surtout, de la raison pour laquelle il avait commis les crimes.
Il avait eu le choix. Il pouvait stopper les meurtres ou les laisser continuer. Il avait fait le premier choix, incapable de laisser d'autres innocentes se faire trucider. C'était l'acte le plus généreux que Peter avait fait de sa vie, et probablement celui dont il se vanterait le moins. Il avait sauvé plusieurs femmes de la mort, et personne n'en saurait jamais rien.
Mais avait-il besoin d'une récompense, lorsque le trophée qu'il gagnait en prenant cette décision se trouvait être la fille du meurtrier ?

Suite à quelques pressions subies de la part de personnes mal inspirées, je me suis finalement décidée à créer mon troisième compte avec quelques heures d'avance. Comme le nom est assez classique, je me suis dit que la plupart des gens ne peuvent pas me reconnaître, c'est donc bien Naga qui se cache derrière Elisabeth. C'est bien, de piquer le nom de très vieux personnages historiques sans importance, non ? Enfin, j'ai juste changé une lettre pour faire genre je ne copie pas.
Merci pour votre aide, en tout cas. ♥

Lun 2 Mai 2016 - 12:21
Rebienvenue Elisabeth, bon courage pour ta fiche!
En plus les opportunistes vont être content d'avoir quelqu'un de si actif Malicieux
Lun 2 Mai 2016 - 12:40
Naga, t'ai-je dit à quel point je t'aime, maintenant que tu as fait une oppo ? MalicieuxNon je ne fayote pas promis Malicieux

Et quelle bonne idée de faire une prison privée 8D

Rebienvenue Cœur Cœur Cœur

Je te proposerai bien Yayoi pour compléter la team Psycho-Pass mais mon jugement peut ou non être biaisé
Après, c'est avec plaisir que je t'aiderai à trouver une jolie bouille Cœur
Lun 2 Mai 2016 - 12:46
En vrai je suis tellement jalouse de ton idée, tu n'as même pas idée. Malicieux
La relation avec le mari, j'ai trop hâte de voir, ça fait tellement XIXe siècle en fait. Malicieux
Rebienvenue. long is the night. (elisabeth) 2038183076
Lun 2 Mai 2016 - 13:15
Bienvenue à ce personnage blblbl ♥
Amour sur toi >w< !
J'adore chercher des bases mais depuis le tel c'est casse-pieds /bus/
(3600 messages allez 8D)
Lun 2 Mai 2016 - 13:27
Re-bienvenue chez toi 8D
Liz' est vraiment un perso super cool.
Puis l'idée de la prison quoi ♥♥
Je me dis à l'instant que cela serait vraiment super cool qu'Alex et elle se rencontrent c:
(Oui, après déjà un rp avec Naga, mon cerveau part en cacahouète sur le fait d'en faire un maintenant avec elle 8DD)
Lun 2 Mai 2016 - 14:06
Merci tout le monde. I love you

Wilhelm → Tu sais que j'adore Yayoi, mais ça ne va pas si je ne joue qu'avec elle. Pleure Il faut varier ses avatars.
Sneug → Une relation qui fait XIXe, c'est un compliment ça ? Mort de rire
Ozo → Ne te force pas à chercher, hein. Mais si une idée te vient, je serais ravie de l'entendre.
Alexander → Ton cerveau est gravement endommagé, oui. Sceptique Mais merci merci. ♥️
Lun 2 Mai 2016 - 18:11
une oppo je dis oui Agonise
je chercherais des avatars aussi ♥️ (même si les persos féminins c'est clairement pas ma spécialité)
Lun 2 Mai 2016 - 19:26
Merci. ♥️
Sinon, je viens de me décider pour un avatar, merci à vous pour vos propositions. Brille
Lun 2 Mai 2016 - 21:01
naga avec une opportuniste c'est trop beau Tombe
j'ai hâte de voir la suite Brille
et pis je dis rebienvenue même si c'est chez toi !
Lun 2 Mai 2016 - 21:26
OPPO OPPO OPPO <3<3
elisabeth est classe aussi, en plus avec l'avatar ça le fait troooop.
(la prison j'aime omg)
enfin re-bienvenue à ta maison
long is the night. (elisabeth) 1847149846
Dim 8 Mai 2016 - 21:01
Merci les enfants, vous êtes mignons.
Et oui, JE VOUS REJOINS ENFIN. Cœur
(même si mon cœur appartiendra toujours aux verts)
Lun 9 Mai 2016 - 19:38
Toi, tu me tues avec tes personnages tellement originaux. Comme si faire un demi-inuit ne te suffisait pas. Ton histoire est absolument parfaite. On sent que tu connais le XIXe siècle, tu recrées un peu l'ambiance de l'époque, tu te joues des mentalités et c'est super classe. Sans compter que tu ménages parfaitement le suspense sur l'identité du père, c'était bien joué. Des Elisabeth, on n'en voit pas souvent. Cœur

Elisabeth Hastings

a reçu son permis de séjour à Pallatine

icon 100*100

Ce permis de séjour vous donne le droit de résider à Pallatine, de trouver un emploi et d'appartenir à une diaspora. Il atteste que vous êtes apte à vivre par vos propres moyens en ville. Nous vous rappelons que ce permis est obligatoire pour toutes vos démarches administratives auprès de l'Institut.

Si vous trouvez cette carte, merci de la déposer à l'Institut.

Informations à fournir dans les plus brefs délais.

- Votre adresse
- Votre nom de code
- Votre profil chronosrep.net
Facultatifs :
- Vos textes libres
- Vos recherches de rp

Sachez que :
- Votre avatar est automatiquement ajouté au bottin lorsque vous êtes validé(e), mais pensez à vérifier tout de même que l'ajout a bien été réalisé.
- Vous devez en revanche recenser votre nom de code dans le sujet adéquat.
- Vous n'avez pas de fiche de lien à proprement parler : vous pouvez ajouter tous vos liens dans votre profil, champ relations. Pour faire une demande, c'est par MP, dans les petites annonces ou via les réseaux sociaux.

Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum